D'une fierté sans pareil [Libre]

Dans le flou. Tout était à peine détaillé. Le monde se divisait en tâche de couleurs plus ou moins sombres. Une sensation irréelle de lourdeur comprimait les muscles des pattes du jeune loup alors qu’il peinait à émerger. La soirée fut mouvementée après tout, le sol en témoignait bien plus que de raison. Un tapis de plumes, de duvet et de sang s’étalait à travers toute la grotte. Chasser l’aigle dans son nid, une mauvaise idée en soi mais une délicieuse récompense à la clé.

Robb se redressa et resta étalé sur son ventre étonnamment gonflé. Le soleil commençait à baigner les parois de la grotte qu’il squattait et le vent frais du matin s’engouffrait dans les plis de la roche. Les lieux n’étaient pas désagréables malgré le côté escarpé, et quelque part, le mâle blanchâtre projetait d’y élire domicile. Du moins un temps. Quelques jours plus tôt, la rumeur grandissait que les restes d’une ancienne meute se réunissait dans ce qui fut autrefois leur foyer. Le loup ne leur donnait pas grand crédit, cependant, son allégeance n’irait certainement pas à ceux là. Quel intérêt tirerait-il de ça ? Aucun.

Le solitaire finit enfin par se lever et pointa son museau couvert d’égratignures dehors. Les lacérations étaient minimes, pour certaines il ne manquait guère qu’une touffe de poils, pourtant elles semblaient aussi douloureuses que de vraies plaies à ses yeux. Il tâtonna l’une d’elles du bout de la patte et grimaça à peine le contact établi. Mission du jour, trouver un truc pour régler ça, ou bien quelqu’un même si la chose paraissait improbable. Robb s’étira brièvement et bailla de tout son soûl. Le chemin jusqu’au ruisseau lui semblait déjà si long qu’il pesta tout en empruntant la corniche :

« On a pas idée de vivre ici en fait ! »

Même si le peu d’âmes qu’il avait croisé étaient toutes des volatiles, un jugement se forma à l’attention des loups qui se réunissait céans. La lumière éblouissante de l’aube masquait ce qui lui arrivait en face.

Perdu dans une réflexion sans queue ni tête, la lumière aveuglante cachait au creux de ses rayons une montagne. Robb dû heurter la chose pour se rendre compte. Et lorsqu’il posa son regard, il découvrit l’innommable. La silhouette énorme, des muscles qui devaient bien faire deux fois les siens, des cornes au travers desquels il distinguait les éclats matinaux. Les lunettes glissèrent sur son museau dans une moue incrédule. La nature faisait ça aussi ? La louve semblait presque plus surprise que lui, mais apparemment pas par le même sujet. Un ours ? Les informations se mélangeait dans sa tête comme si le brouillard ne faisait que s’épaissir.

« Ah...euh… ouais ? De quoi ?»

Le blanc bredouille encore sous le choc sans être sûr de ce qu’il dit. Sa tête rejetée en arrière, le solitaire observa la truffe de la géante.

« C’est normal d’être si grand en fait ? »

Marmonna-t-il dans ses moustaches avant de se reprendre, d’afficher son plus beau sourire et de bomber le torse. Alors qu’il arrivait péniblement à la hauteur de ses coudes, le loup commença à faire ce pour quoi il était doué ; parler pour ne rien dire.

« B’jour ma bonne dame ! Je crois qu’en fait y a méprise, je tape pas les nounours ! Avec mon sublime corps, ce serait risquer de priver le monde d’une merveille ! »

Se mettant de côté, il désigna son corps d’un geste maniéré de la patte.

Pour le style. Il n’avait pas besoin de cela et tout en trottinant pour approcher la demoiselle, il s’affaira à répondre :

« Le style ? Franchement, j’ai pas besoin de ça pour être impressionnant ! »

Une assurance presque hors norme émanait de ses propos et le pire, c’est qu’il y croyait. Si bien qu’il affichait son sourire en coin à l’adresse de la louve cornue.

« Mais pour répondre, oui je me suis battu avec mon dîner de la veille. »

Fallait dire qu’ils étaient coriaces les bestiaux. Robb tourna le museau, de gauche et de droite pour observer alentour.

« D’ailleurs je cherchais de quoi raccommodé tout ça, genre un plan d’eau ou une herbe mystérieuse qui rendrait la chose plus supportable, voyez? »

Tout en restant à ses recherches visuelles, le loup blanc adressa un regard en coin interrogatif à la géante.

« Vous avez p't-être quelque chose ? »

Un ton faussement innocent mais il ne cracherait pas sur une simplification du problème. C’est que ça lui picotait bigrement la truffe et il avait encore à faire. Une autochtone était un bien maigre soucis, surtout qu’elle semblait préoccupée la donzelle.

Robb ne s’attarde pas sur les différentes expression de la colère de la grande louve, il ne comprend d’ailleurs pas bien ce qu’elle a mal prit. Pourquoi s’en faire alors ? Car elle finit par trifouiller son sac et en sort une chose qu’elle lui tend. Le museau du mâle s’avance vers l’étrange mixture, cela le rend d’autant plus perplexe. Mais la louve semble des plus sincères et il n’y trouve rien à redire. D’une patte, il tire les produits et de l’autre, posé sur son fessier, commence à se tartiner la truffe. Et tout ça ne manque pas de tirer des mimiques exagérées de douleur ainsi que quelques mots indélicats pour extérioriser.

« Ah putain ça pique surtout ! Enfin bon, ça passe assez vite je crois ? »

Il tortille son museau tout en louchant sur les plaques d’argiles. Il avait bel allure le beau solitaire, la gueule enduite d’un bout à l’autre. Cependant, il ne pouvait nier que le picotement s’était estompé. Un sourire et un rapide clin d’oeil à sa comparse pour dire de pas être chien.

« Merci m’dame la géante ! Ca fait rudement moins mal maintenant ! »

Toujours dire merci, surtout face à une dame disait papa. Encore qu’il n’avait surtout guère le coeur de se prendre une mandale dans la truffe par pareil montagne. Robb se relève et commence à tourner autour de la demoiselle pour en admirer toutes coutures. N’hésitant même pas à questionner :

« Mais en fait, z’êtes une géante ou bien ? Chui pas bin grand je sais mais vous, vous pétez un peu les scores non ? »

N’y tenant plus de se poser des questions, il en rebalança une direct sans attendre la réponse de la première :

« D’ailleurs j’ai ouïe dire qu’les solitaires tenait des ptites réunions par chez vous, y s’passe quoi de beau en vrai ? »

Il trottine et se remet devant elle tout en battant des cils dans une mou qu’il voulait un peu interrogative et enfantine à la fois.