C’est à en perdre haleine qu’il avait couru passant de plages à territoire herbeux avant de rejoindre les roches plus rêches et leurs nids d’épines de pin. Terrain qui lui était tout à fait connu et familier tant il l’avait parcouru louveteau et depuis des années déjà. Pourtant, il n’avait nul temps de se montrer nostalgique ou de s’attarder sur les quelques rares peintures qui demeuraient sur certains arbres  encore ses œuvres. D’une démarche souple, il louvoyait entre les pics, esquivant sans mal les arrêtes menaçantes du terrain escarpées et le vertige de certaines pentes. Il était ici chez lui, et donc ne pouvait craindre la dureté du terrain.

Lorsqu’il aperçut les colonnes caractéristiques du temple au loin qu’il décéléra, tendant l’oreille aux alentours afin de s’assurer qu’il était bien seul à venir quérir audience. Nul bruit aux alentours, à cette heure, le castel était certainement encore endormi, il connaissait grandement les habitudes qui étaient les leurs par les nombreuses occasions qu’il avait eu de faire le mur pour aller pêcher ou vagabonder en forêt à la recherche de quelques spécimens floraux. Au abord du temple, il se fit discret, glissant comme une ombre derrière la statue de l’ours qui trônait fièrement dés l’entrée, annonçant sans doute possible  à quelle couleur appartenait ce temple. Comme une souris, il se glissa plus loin encore dans l’antre, jusqu’à sa fontaine qui de rouge illuminait la pièce de sa couleur écarlate.

Il ne venait pas réclamer un glowstick, sans doute le regrettait-il un peu en son cœur de ne rendre hommage à ses parents, mais il était suffisamment sage pour respecter les codes.

Là, au bord de la fontaine, le fil de feu Kalashnikov et de feu Bamboo déposa son colis et déplia le foulard rouge sang, dévoilant les trois dents qu’il protègeait. Sans grande clameur et sans grand éclat, le fil se fit plus discret que le père, pas de grande parade à la gloire de Aka, ni de statue difforme pour honorer sa puissance. Il était humble et c’est par tout son respect qu’il s’adressa à la statue de l’ours, à mi-voix.

« Oh Aka, Père de mon père. Vous devez être sans ignorer ce qui me guide jusqu’à vous aujourd’hui, plus qu’un autre jour. Il est important pour moi comme pour d’autres que je vous transmette ce présent et ce message. »

Il est certain qu’il ne l’ignorait pas, comme il ne pouvait ignorer les tourments et les doutes qui avaient habité le cœur de l’enfant, puis de l’adulte qui à présent s’adressait à lui. Il y avait deux messages à transmettre, deux messages qui se mêlaient et se rejoignant en somme.

« Bientôt, je n’appartiendrais plus à cette meute. Je suis peiné de n’avoir su porter votre couleur dans cette vie, mais fier d’avoir l’occasion de la porter dans cette autre vie qui s’offre à moi. »

Sur la roche froide, il pose une patte, de ses griffes, il montrait le foulard tout de rouge ensanglanté ainsi que les trois crocs étincelants de créatures marines qui se découpent dans l’obscurité. Plus bas, sur le ton de la confidence, son expression se fait plus sérieuse encore. Il ne sait pas où il doit commencer. L’offrande ou les explications, qu’est-ce qui méritait le plus d’être mis en avant cette nuit. Des explications peut-être. Il s’éclaircit la voix avant de reprendre à voix basse sur le ton de la confidence.

« Les -raeders- m’ont invités à les rejoindre et j’espère trouver ma place parmi eux. Ils m’ont raconté leur histoire. De tout temps, c’est le rouge qu’ils portent en triomphe, arborant fièrement le pavillon écarlate, chaque membre se trouve porteur d’un pan de tissus rouge sur lui, c’est ce qui les unis dans la bataille. Cette couleur, c’est à votre force qu’elle fait écho, depuis que la première pirate Paprika fut porteuse de votre glowstick. Si ce n’est le glowstick qu’ils ne peuvent porter, ils ne sont pas si différents de vos enfants. »

Le loup couleur vert d’eau recule, se dresse et pose son regard sur la statue. Là, il se redresse fièrement de ses yeux, il attendent le mouvement et de ses paroles, il n’arrête le flot.  

« Vous n’êtes pas sans ignorer l’affrontement qui s’annonce. Les pirates brûlent du désir de s’émanciper de la murène des abysses. Ils m’ont envoyé vous porter ce présent et vous demander humblement de l’aide en échange de  tout loyaux services que vous puissiez ordonner. Je sais que vous avez certainement déjà, tout ceux dont vous avez besoin ici et nous ne vous demandons pas de déroger de votre engagement envers les alphas etelkrus. Mais si à tout hasard votre grandeur voulait nous apporter son aide, ne serait ce qu’un souffle pour le combat qui s’annonce difficile, nous en serions infiniment reconnaissants et si nous en sortons victorieux, ce sera une victoire de plus pour votre gloire.»

Le loup s’incline, jusqu’à ce que son front touche la pierre. De guerrier il n’a rien, seule la foi demeure. Souvent il avait érigé des peintures et des bouquets à la gloire des Dieux ételkrus sans jamais en oublier, souvent ses pensées s’étaient envolées à la gloire de ceux qui leur prêtait leur pouvoir. Aujourd’hui, il espérait pouvoir être entendu afin de ne pas une nouvelle fois décevoir une famille.

Mais quelle que soit la réponse, il savait qu’il ne serait pas déçu d’avoir une dernière fois pu s’adresse au dieu rouge pour lui dire adieu.

Utilisation :

• Bénédiction d'Ao
  
• protection magique +1 End
  

Une voix rauque s’élève, le fils alors frémit, ne garde tête basse. Le museau, il redresse, observe la statue qui alors demeure immobile. Dans l’attente de ce qu’il advient. Lorsque plus menaçante encore se fait la voix,
précipitamment, il se redresse, lorgne la statue.
Les pierres tremblent, le temple semble s’éveiller dans la rage et la colère. Il frissonne le traite, ce n’était pas ce qui été attendu. De sourire, il n’a plus sur sa face. Les mots viennent à lui manquer maintenant, seulement maintenant.

Le jappement de l’enfant qu’il était, il étouffe. Libre, il désire être, donner une fin à cette vie, il envie. Est-ce dont ce que craignent les dieux ? Cette perte de contrôle sur le mortel ? N’est ce pas ce que le loup vert d’eau comprend dans ces paroles dont le ton monte plus vite que le battement de son propre cœur ?  

La colère en lui, il exulte, déterminer à en finir avec les insultes qui planent au dessus de sa tête.



N’était-ce pas ce qu’il avait toujours voulu sans jamais oser.
Affronter ses paires, se libérer de cette détresse qu’il avait toujours ressenti, de ce que ses parents avaient toujours voulu de lui ce qu’il n’était pas.  

Le museau se plisse, les crocs blancs comme l’albâtre, il montre. Peut-être qu’il était devenu fou, mais ce serait la dernière fois qu’il recevait pareil insultes. À l’évocation de sa fuite, il rétorque :


Le monstre se jeté sur lui.
Si c’est une danse qu’il veut, alors une danse, il aura.

Lui-aussi fait entendre sa voix par des grognements, lui aussi ses cris, il ne les retient plus. Parce que trop souvent il en a souffert, étouffé par une meute qui ne désire que combattre. Il se fait pour une fois combattant à son tour. Dans l’agilité, il cherche à triompher. Le respect et la force, il ne le cherchait plus, le respect, il n’en avait plus besoin pour exister et la force désormais, il abandonnait. D’un coup se fait frapper, d’un autre se tord, cognant contre le sol du temple. Déterminé se faisait le paria qui désormais reniait ses paires alors qu’il esquive la dernière frappe avant de se remettre sur ses pattes.

De nouvelles rayures, le corps se strie, tandis que valse encore le paria. Le sang s’écoule, poisseux, épais, entache le pelage d’émeraude, coule jusque dans ses yeux alors qu’il souffle de rage, plus que d’épuisement. Il n’en pense pas moins de ce dieu qui ne fait qu’insulter. De ce dieu qui ne comprend les messages. Stupide Dieu. Il crache. Ce n’est pas dans son habitude pourtant, la salive chaude, mélangé au sang, l’écœure. Il n’est pas l’un des tiens Aka.  Le combat, il ne le mène par plaisir.


Il lutte dans ce combat inégal presque perdu d’avance.  Des trois gueules, dont il évite l’assaut principal, il ne peut éviter la projection qui contre la pierre froide.  Vite, de nouveau, sur ses pattes, il se doit de redresser encore, pour affronter le prochain assaut.

Le pelage est hirsute, l’haleine se fait chaude teinté d’une odeur de fer. Il ne perd halène pourtant, court, danse encore. D’une esquive prodigieuse fait durer l’affrontement, rend les attaques vaines. S’il ne dit mot, il n’en pense pas moins, forte est la déception pour celui qui avait toujours cru les dieux omniscients.

Il entend l’orage qui gronde, mais cela ne fait que menacer, il ne tremble pas, pas pour ça, les muscles sont tendus, il ne ploient pas encore sous l'effort. Tant pour un simple mortel, tant pour l’indignité qu’il représente. Pour lui, tu n’es plus rien.

Plus le temps passe plus l'esprit se corrompt, s'émiette petit à petit, toute sa constitution.

S’il ne montre rien, il fatigue pour sûr, il n’est pas divin. Il se fait moins rapide, les trois paires de mâchoires claquent, déchire les chairs et arrachent les poils.

Il se tord, s’agite, griffe le cuir, mais ne se forme qu’égratignure. Une mâchoire claque dans le vide,  les autres autres par deux fois l’enserrent et le broient. Il sait la fin proche, mais n’abandonne pas. Tant il en a perdu la notion.

D'une ultime tentative se libère, roule un peu plus loin, son corps le porte à peine.