Rouge lande rouge l P.V. Yuurei

Il n’était pas rare de le voir traverser la lande, dans un sens, puis dans un autre, la gueule chargée de plantes lorsque cela était encore possible. Mais aujourd’hui, le gel tendait à tout emporter recouvrant tout de sa blancheur immaculée. Les pousses et les fleurs qu’il affectionnait se faisait alors d’une rareté qui ne le laissait pas indifférent. Déterminé, il était loin d’avoir abandonné l’idée de réaliser des compositions florales, même à l’entrée de l’hiver, même si les quelques nappes de brouillards et gels qui étaient tombés de bon matin avait instantanément figé dans l’hiver toute trace de végétation florissante.

Alors c’est à  une autre forme d’art qu’il s’attelait à son insu cette fois. Marchant en cercle truffe au sol, il avait fini par tracer au sol des formes variables, hasardeuses, difformes. Rien, rien que des racines bien trop tristes pour faire parti de ses compositions. La déception sur son visage était non dissimulée et il commençait à avoir froid le matin surtout depuis que Meshret avait mis en lambeau son kimono, il se voyait contraint à laisser le vent s’engouffrer dans sa fourrure.

Il était emprunt à ce désarroi et tournait déjà depuis un moment dans le coin lorsqu’il l’aperçu entre les quelques arbres. L’étrange loup sombre au pelage dépeint d’éclairs qui allaient et venaient tel des marbrures. Le loup émeraude se demanda alors … s’il avait fini sa composition ou bien s’il en avait commencé une autre, après tout peut-être que lui aussi cherchait des fleurs pour faire un bouquet pour Dairo. Après tout, c’était tout ce qu’il savait réellement sur lui, son amour inconditionnel pour Dairo et son goût prononcé pour les offrandes, cela ne l’aurait pas étonné que comme lui, il se trouve dépourvu par la disparition des fleurs.

Pour être certain, il s’avança vers lui, se posant non loin, l’accueillant d’un regard complice et d’un joyeux battement de queue. Mais lorsqu’il le vit de plus près, son pelage tacheté de rouge, il comprit, que ce n’était certainement pas les tulipes et les pétunias qu’il chassait dans la lande. Déception un peu, de courte durée, car cela ne l’empêchera pas d’aller à sa rencontre.

Surpris, il ouvrit de grand yeux lorsqu’il aperçut… l’herbe déteinte, la cordelette toute de couleur composée. Sa queue se mit à battre plus fort.

Ow comment tu as fais ça ? tu m’apprends ?! dis dis dis ! S’écaffa-t-il en criant alors même qu’il ne connaissait pas son nom.

Lui aussi, il voulait peindre ainsi, lui aussi, il voulait pouvoir extraire les pigments des fleurs… déjà il s’imaginait pouvoir peindre et repeindre toutes les fleurs de la landes, toutes celles qui avaient perdue de leur superbe avec l’arrivée de l’automne. Déjà il s’imaginait posséder les plus belles, les plus uniques. Superbe… Le voilà qui bave…

Il ne l’avait pas salué, l’accueillant dans sa surprise par une question et l’entraînant dans une conversation qu’il n’avait certainement pas désiré. Pour réparer son erreur à son tour, il glissa quelques paroles afin de remplir quelques instants de vide.

Bien le bonjour.    quelques paroles pleines d’enthousiasmes avant qu’il ne lui apporte la réponse à la question posée.

On aurait pu croire qu’une telle réponse ne l’aurait pas satisfait. qu’il se serait emporté, fâché, emmené par un élan de frustration, que sa queue battante et joyeuse plus tôt aurait cesse de se mouvoir pour s’immobilise, mais il n’en fut rien. Toujours, elle battait la mesure. Être qu’à un instant, elle avait ralenti son mouvement, le temps d’une écoute, mais son explication ayant pris la place de l’interrogation, elle se suffisait à elle-même.  

Ce n’est pas grave. c’était idiot de te demander ce genre de chose, d’autant plus si c’est le don offert par Dairo.

Il comprenait qu’il avait été idiot. Que ce n’était pas le genre de chose qu’il pouvait lui transmettre comme il le souhaitait. C’était bien trop personnel et unique. Alors il s’était fait un raison et été passé à autre chose à l’espace d’un instant.

Qu’est-ce que tu fais aujourd’hui ? Tu chasses de nouvelles offrandes pour Dairo ?  

Il pencha la tête, le dévisageant lui et ses motifs mouvant, s’approcha plus près pour mieux l’observer. Puis d’un coup, considérant qu’il en avait forcément entendu parler.

Tu es Ely, n’est-ce pas ?

Dans sa tête, l’encéphalogramme de la grenouille, tu pourrais faire un effort plus grand encore Ely car il n’y a pas grand-chose à comprendre, Sushi n’est ni fin, ni malin. Il est juste lui-même. Un jeune loup un peu à part comme toi qui se contente d’écouter les autres lorsqu’ils en ont besoin, de rendre service à la meute sans jamais refuser une tâche et sans jamais se montrer désagréable. Simplement gentil.

Je me doute que la meute est important pour les Dieux, donc pour Dairo aussi. Mais alors tout  ce que tu fais, tu le fais toujours pour et selon  ce que te dit Dairo ?  

À la fin de chaque parole, il esquisse un nouveau sourire. Parce qu’il aime sourire, il sait l’effet que cela peut avoir sur les gens qui l’entoure.  Il s’imaginait la petite voix de la déesse raisonnant sans arrêt dans la tête du loup au pelage sombre. Plissant les yeux, il s’approche plus près….

Mais alors tu l’entends tout le temps dans ta tête ?

Wow wow wow ça fait deux dons ça. À moins que tous les disciples soient connectés à leur dieux et qu’ils entendent tous ce qu’ils veulent… Une idée un peu perturbante pour le loup émeraude qui plissa un peu les yeux. Est-ce que moi aussi j’entendrais la voix de mon dieu tout le temps après avoir passer mon épreuve ? On m’a jamais parlé de cela.  

Mes parents auraient voulu que je sois disciple d’Aka, mon père était le prêtre du Dieu rouge, tu sais. Mais je ne sais si je serais digne d’être l’un des siens.

Un éclat de mélancolie qui s'étouffe par un enthousiasme aussitôt retrouvé. Un rire.

Bien sûr que tu peux me parler de Dairo.

On ne pouvait en dire autant de lui, de statique, le loup vert d’eau n’avait que ses grands yeux émeraudes qui ne se détachaient de ceux du loup gris et ce sourire infantile qui à jamais restait gravé sur ses babines ébènes. Il ne devait pas être courant qu’Ely trouve oreille si attentive, crochée à ses mots, s’abreuvant de chaque parole jusqu’à ce qu’il n’en reste plus. Alors après un tressaillement d’oreilles, s’assurant que c’était bien à son tour de parler, il se saisissait de son tour de parole toujours avec cette même joyeuseté débordante qui faisait son charme. Incompréhensible.



Une préoccupation prenante de la part d’un disciple de la déesse orange qu’il comprenait. Lui aussi ayant ses secrets, ses bouquets qu’il faisait, d’abord pour les Dieux, puis pour les amis, composé avec amour pour honorer, réchauffer les cœurs brisés ou bien simplement dire ‘’Merci’’. Il aimait la simplicité du message laissé par les fleurs qu’il égarait parfois au détour d’un couloir, dans un dortoir, près des fontaines. Mais jamais, il ne les oubliait, ils étaient un peu comme sa signature. Tous avaient le droit à cette attention, discrète parfois, répétée d’autre fois. Il comprenait. Et aurait compris également si Ely lui avait avoué effectuer chaque jour multiples taches répétitives. Cela n’étant le cas, il ne pouvait se montrer alors que reconnaissant. Reconnaissant qu’un loup puisse ainsi prendre soin des désirs de la déesse, quelqu’un pour agir en son nom, pour elle, afin que jamais, elle ne se sente isolée du reste de la meute. Ely, lui semblait un bon gars, le genre de personne à passer inaperçu et à agir en silence pour l’équilibre des siens, de la meute.



Le discours du loup gris foncé tenait à quelque chose de rassurant. Ainsi le plus jeune n’aurai à se soucier d’une voix apparue miraculeusement dans son esprit à l’obtention de son glowstick. Des questions sommes toutes idiotes, mais que jamais il n’avait abordées avec quiconque. L’ouverture de cette possibilité aller s’adresser à la déesse, lui sembla une idée intéressante, même s’il ignorait encore ce qu’il pourrait lui dire.  


C’était donc cela qui lui échappait sans cesse, ce point qui lui causait des maux d’estomac aussi lourd qu’une pierre au fond du cœur. Difficile était le choix. Fort heureusement, il savait qu’il n’était pas contraint à prendre une décision aujourd’hui. Pourtant, il se sentit obligé de l’avouer.



Jamais, je n’ai eu l’occasion de leur avouer l’amour que je leur portait. J’aurai voulu qu’ils sachent.
Une première patte se lève, une patte avant qu’il regarde alors avant de la reposer avec calme et discipline comme lui avait enseigné Meshret, la précision pour frapper juste, il l’avait, mais si le désire de protéger et défendre pouvait l’animer parfois, il était dépourvu de ce désir de bataille hardant dont semblait dépendre les disciples du grizzly.



Il se souvient de ce choix, qui avait surpris son père, celui de vouloir apprendre à défendre pour pouvoir faire face en cas d’urgence. Peut-être avait-il été incompris, une fois de plus. Il lève une autre patte à l’opposée cette fois avec laquelle il décrit un moulinet comme l’avait fait Ely pour construire la statuette à son effigie.Alors il s’explique, une fois de plus.