La première ombre † Libre

Astrid était heureuse aujourd'hui. Heureuse parce que, son papa l'avait emmenée pour une balade pas loin de l'île ou elle était née, une petite promesse qu'il avait si bien tenue, comme toujours. Sa maison était même encore visible, c'était Morne Oeil. Son papa voulait beaucoup lui montrer les animaux de l'atoll, car elle lui avait demandé, car elle voulait approfondir ce petit pouvoir offert par l'océan, voir un peu les limites, l'étendue.

Il avait pris soin de la portée pour ne pas qu'elle se noie lors de la traversée, par précaution. Il avait pris soin de se balader avec elle pendant des heures pour lui parler de ce qu'il avait senti ici, ce qu'il avait fait y a longtemps, et ce qu'elle pourrait trouver. Il lui parlait que c'était un endroit magnifique, doux, et où l'eau était pure et si délicieuse. D'ailleurs, après une petite leçon de recherche avec elle, qui fut assez basse, le papa et sa fille se permettaient même de se prendre à un petit jeu. Cache cache. La petite louve voyait son père si heureux, et elle, si impatiente.

Si le papa était si confient, c'est parce qu'il savait qu'ici, rien ne pourrait mettre en danger sa fille, sa princesse. Et Astrid avait une totale confiance en son père pour poser des questions. Le jeu commence, ils s'amusent.

Après quoi, le papa vint lécher le crâne de sa fille avant de lui dire de rester sage le temps qu'il aille vite pêcher. Astrid elle, se permit du coup de voyager sur l'île en attendant son papa. De toute façon si quelqu'un lui voulait du mal elle n'avait qu'à crier et son papa viendrait, ou les loups sur l'île qui n'était pas loin. Ou usé de son pouvoir pour demander de l'aide avec ses amis de la mer. Ou juste se trouver un endroit ou se cacher le temps que le méchant s'en aille.

Qu'importe. Elle avance, presque sereine, souriante avec ses petits crocs sortant légèrement de sa petite gueule, reniflant les odeurs aux alentours en agitant ses fesses dénuées de queues.

La petite louve semi-loup, semi-poisson continuait sa route sur cette île calme et rassurante. Une démarche sereine, qui, bien vite, s'arrête. Un bruit venait de se faire, un son, aigue, un cri.. Astrid ne savait pas à ce moment-là que c'était là une explosion de joie venant d'une petite louve. Une petite louve encore plus jeune et plus petite qu'elle. Comment c'était possible? Elle qui était limite la plus petite et la plus frêle de sa grande famille?


Astrid se plaque au sol soudainement quand la silhouette vint "brutalement" se trouver en face d'elle. Certes, elle ressemblait à une petite crevette la petite louve étrangère, mais la peur de la jeune pirate était encore plus grande que tout le reste. Surtout quand des gestes brusques se pointent. Elle s'était cachée sous ses pattes avant, tremblotante.


Ce fut à ce moment-là, que la femelle en face se mit à parler. Et la petite Raeder ose enfin lever les yeux vers la demoiselle, timidement. Lentement. Elle ne la connaissait pas, elle ne savait pas qui était avec elle, ni ce qu'ils feraient s'ils apprenaient que la petite parlait avec une étrangère. Astrid pour le coup, avait si peur, qu'elle aurait aimée appeler son père pour qu'ils partent de là.
Car bon, à la bibliothèque sa maman était vraiment proche, elle savait qu'elle n'était vraiment pas loin, et puis c'était sur un territoire, les loups au moins était un peu filtrés. Mais...c'était carrément sur une terre, plus risqué.


Sans se dresser, bloquée dans la crainte, Astrid regarde. Elle ne semblait pas si méchante.. Sa gueule s'ouvre doucement dans l'espoir de pouvoir lui répondre même pas un simple petit chuchotement, mais aucun son ne sort, ses oreilles se recouchent. sans doute était elle trop prise par la peur soudaine? Qui sait.. Son regard pivote vers les étendues marines. Et elle lui montre, de la patte.

Puis elle tapote la terre. Son père était un loup aquatique, toujours dans l'eau, comptant les histoires d'avant de sa tribu. Mais sa mère, était une louve de la terre, bien que liée à l'océan.

Elle ne semblait pas méchante finalement. Et pourtant Astrid se sentait tellement méfiante. Peut-être parce qu'elle était seule, avec elle. Et que surtout.... elle n'arrivait plus à placer un seul mot, pas un son. C'était terrifiant de penser que son corps, avait un total contrôle sur ça, et que la maintenant la voilà aussi muette qu'une carpe hors de l'eau.

Son regard se tourne autour d'elle, pas d'autres odeurs mise à part celle de la louve. Etait elle finalement toute seule pour de bons? Elle, si petite? Si... fragile? C'était inquiétant de savoir ça. Inquiétant de se dire aussi, qu'elle était sans défense, sans personne pour la protéger. Quand elle vit le sourire de la femelle, Astrid eut un léger sourire en retour. Peut-être que ça se passerait finalement bien entre les deux. Qui sait.

Sa tête, pivota de haut en bas, accentuant l'approbation des dires de la femelle. Terre et Mer. Puis vint enfin le nom, Astrid aurait put lui demander elle même, par politesse, et ainsi mettre un nom sur ce visage. Mais elle ne pouvait plus parler, elle fut donc un poil rassuré que cette Miraj lui dise d'elle même. Et le sien, elle ne pouvait pas le dire, donc voilà que maintenant, elle se nommait l'Ombre. Étrange, sombre, en soit ça la représentait bien, pour sa couleur, mais pas pour le reste. C'était son frère Makara, qui aurait du avoir ce titre, pas elle. M'enfin.

Quand Miraj lui demande s'ils avaient des jeux sur sa petite île, elle penchait la tête sur le côté. Faut dire aussi qu'elle était un peu seule, ne jouant pas avec ses frères et sa soeur car ils étaient parfois un peu trop brutes. Elle, elle préférait les livres, dessiner, bricoler ou aller balader avec ses parents. Mmmh.. Pourtant ici, pas de livres, pas de parchemins, ni le bateau de son grand frère ni... Elle se dresse. Son petit don pourrait les aider à s'amuser? Nael et elle aiment beaucoup passer du temps avec ça.

La louve noire se lève et se mit à trotter doucement, cherchant un point d'eau. Quand elle trouve une flaque faite dans le sol, elle s'approche, attendant la petite Miraj et se mit assise. Sa patte sombre et dorée plonge dans le liquide, et de petits tourbillons se fit. Avant qu'une minie tortue ne fasse son apparition lentement. D'abord, une boule d'eau, puis une forme, l'eau devient opaque, et s'assombrit avant de devenir une petite tortue grise. Si fier, Astrid lève le museau, remuant son arrière train en regardant la femelle, souriante.

Elle, elle jouait à ça, se faire des amis, leurs parler, et jouer avec eux quand ils ne partent pas.

Si Astrid adorait une chose en particulier, c'était de voir les petites bêtes posées leurs premières bouffées d'air. Voir dans leurs yeux, ce regard pétillant de vie. Mais une chose, qui est l'une des plus belles, c'était de voir dans le regard d'autrui, cette fascination sans nom qu'ils pouvaient porter sur ce don que l'océan lui avait offert à sa naissance. Et la femelle sombre, adorait voir ça.

Elle fit oui à la petite question. Qui était aussi une affirmation. Bien sûr, que c'était formidable, quand la bête ne souffrait pas, ou qu'elle ne terminait pas la bouffée par les autres prédateurs. Mais ça, c'était une autre histoire, et elle ne voulait pas y penser.

Miraj vint ensuite vers elle pour lui poser une autre question. Comme tout les loups de l'île ou elle vivait, Astrid fit face à une demande que malheureusement elle ne pouvait comprendre. Car elle savait ce que c'était un poisson, mais... pas un poisson-chat. Son frère et elle ne se penchaient pas réellement sur les espèces marines, mais en ce moment, ils travaillaient sur le fait de savoir ou elle pouvait le faire, quand, comment. Ils regardaient pour voir si c'était que dans l'eau, que les animaux de l'eau, ou si c'était plus global. A ce moment-là, elle regrettait de ne pas avoir été prendre un livre à la bibliothèque avec sa mère pour apprendre toutes les espèces marines.

La femelle baisse les oreilles, ainsi que la tête sans quitter Miraj du regard. Elle la penche sur le côté, légèrement. Elle semblait désolée, mais la demande, était compliquée, elle ne voyait pas du tout l'animal.

Astrid fut horriblement surprise de voir la réaction de Miraj. La jeune louvette était tellement surprise que lentement elle se lève, raclant le sol ensuite pour reculer un peu. Que se passerait il si des adultes entendaient la petite pleurée? La voir ainsi, si triste, si tremblotante, surtout face à un loup plus grand, étranger qui plus est. La jeune mousse sentait son coeur battre si fort, elle avait tellement peur elle aussi sur le coup. Sa gueule s'ouvre lentement dans l'unique espoir de pouvoir faire un appel, mais aucun son ne sort, impossible d'appeler son papa pour elle.. Les larmes menacent donc lentement de souiller sa fourrure noir d'encre.

La petite louve observe ensuite Miraj qui, sans doute pour bien faire? Prit la peine de vouloir lui montrer. Astrid ne savait plus trop quoi pensé de cette petite, elle semblait colérique, très sensible quand elle n'avait pas ce qu'elle voulait. Et si elle était violente? Et si elle avait un pouvoir comme les loups que son grand frère n'aimait pas? La louvette regarde, mais avait tellement peur de subir de la violence, tellement peur de voir débarquer un adulte qui voudrait la tuer pour sauver leur enfant.

Ses larmes coulent silencieusement, Astrid les essuies rapidement pour qu'on ne vois rien et observe l'animal. C'était beaucoup trop abstrait pour elle, mais..

Elle essaye. Ses pattes molles plongent doucement dans la flaque, la tortue redevient eau. D'autres tourbillons se forment, puis une masse. la forme d'un poisson arrivait, avec ce qui ressemblait à des moustaches sur la bouche. Il était petit, de couleur blanche et grise. L'animal se tortille, comme s'il souffrait. Sans savoir à quoi ça ressemblait, surtout pas avec un dessin si maladroit, ni savoir comment il vivait, ou sa morphologie, la louve ne savait pas comment faire.

Ses pattes se retirent de l'eau, laissant la bête difforme dans l'eau qui, après quelques secondes, cessaient de bouger. Astrid se plaque sur le sol, oreilles plaquées sur son crâne. Elle avait peur de la réaction de Miraj, face à ce qui pourrait être un lamentable échec.

Ressemble? Astrid l'observait agir, comme si c'était limite une créature divine que la petite louve n'avait jamais vue. Pourtant si, puisqu'elle savait presque la décrire et tant en vouloir une. La noiraude ne comprenait complètement rien à ce qui se passait ici, était elle endormie près de son père et rêvait de ce monde étrange? Ou elle était tombée sur une île vraiment bizarre? Mmh, non.. c'était peut-être pour ça qu'elle ne pouvait plus parler. Elle rêvait, c'était l'une des plus probables solutions.

Finalement, la louve noire se redresse, plus curieuse qu'autre chose, fixant cette louve bizarre qui ne reculait même pas face à cette pauvre bête morte et presque difforme. Elle remercie, mais remercier pourquoi? Elle ne comprenait pas. Puis vint une étreinte, que la pirate ne comprenait pas non plus. Ce n'était pas un geste que seuls les proches faisaient ça? Amour ou amitié? Câlin de soutien, ou geste affectif? Astrid restait sceptique, mais ne repoussait pas. Elle ne l'encourageait pas non plus d'ailleurs, juste, elle laissait faire.

Son oncle? Vivait-il ici? Etait il agressif? Le regard d'Astrid se tourne de gauche à droite, son père toujours pas là.

Soit.

La timide femelle pose ses deux pattes dans l'eau et le phénomène recommence. Cette fois, cela produisait une sorte de larve, qui grandit, à la vitesse de la lumière, pour finalement voir sortir de ce corps, une libellule. Sans attendre de réponse, de réaction, elle continue, faisant sortir un, puis deux moustiques. Et pour ne pas encore entendre l'autre pleurée, ou l'agresser de s'il te plaît, Astrid entreprit de faire sortir un crabe, et pour finir, une petite grenouille. Sentant sa tête lui tourner, elle arrête, pour regarder Miraj.

Et puis, ses connaissances en termes d'animaux pour l'instant restait réduit, elle était encore trop petite pour apprendre son livre, en entier.

Astrid la regarde, elle imite la grenouille. Plutôt bien d'ailleurs pour une louve. La louve noire fut contente de savoir que c'était bon, ça assouvissait la curiosité et la demande de la petite. Mais, voilà qu'elle pose encore une demande, et la pour le coup la louve noire ne pouvait pas le faire. Elle et son frère avaient fait des recherches, et visiblement les animaux qui ne touchaient pas à l'eau, c'était impossible. Pas de chauves-souris aujourd'hui, et d'ailleurs, jamais.

De toute façon, Miraj ne voulait plus.

La suite était encore plus compliqué à comprendre, mais comment lui faire savoir? Astrid ne pouvait pas parler. Ca devenait tellement handicapant, car elle savait que sa parole elle avait encore, cela aurait été tellement plus sympathique.. Un soupir sortit de sa gueule, comment faire pour mieux communiquer? Comment faire pour faire de cette rencontre, un bon moment? La petite louve voulait tellement se faire une amie, mais c'était compliqué.



Pas loin, Abysse revenait de pêche, il cherchait sa fille qui n'était plus à sa place, et se mit à trotter en la suivant à l'odeur.

Oh, la petite avait donc de la famille ici. LE mâle se redressait le plus possible sur ses pattes pour chercher la présence des loups dans le coin, mais il ne sentait pas de réelles odeurs fortes. Sans doute ils étaient partis chasser, ou pêcher comme lui il avait fait plus tôt. Ce qui était dommage, Abysse aurait aimé rencontrer la famille de la petite pour se faire des connaissances et des amis. Mais ce n'était pas grave. Peut-être une prochaine fois.

Mais pas le temps de réfléchir plus longtemps, du mouvement se fit en face de lui et instinctivement il tourne la tête vers les deux petites. Sa fille, avait bougé, et voilà que bien vite c'était Miraj qui s'était mise à jouer. Le père restait sans bouger un instant, écoutant les bruits, observant les ombres. Un adulte normal serait sans doute resté assis pour regarder d'un œil bienveillant les jeunes plus loin.

Mais lui? Tout son corps souhaitait les suivre, son esprit voulait lui aussi s'amuser. Alors, sans crier gare, le mâle vert se mit à lui aussi, faire des bonds en avant pour les rejoindre. Abysse courait derrière elles, souriant, heureux. Ses crocs, avec délicatesse vinrent attraper une mèche de cheveux, pousser un des deux corps doucement. Il sautillait, laissant sa crête dorsale montée et descendre au rythme de sa joie, de ses mouvements.

Et il rigole, un instant il s'arrête, pour se laisser rattraper. Un instant après, il se remettait à courir. Sa fille, elle, même si aucun son ne sortait de sa gueule, sur sa face pouvait se lire les rire silencieux, et le bonheur d'être un louveteau avec des congénères.