Gimme Mimi l Susu

A sa gauche, trois lutins qui marchent sur un fil. A sa droite, deux feuilles de rhubarbe qui la tentent de leurs petits yeux si sombres et si curieux. Elle se rapproche d'un flottement, tend une patte et effleure les nervures qui brillent d'une délicatesse peu commune. Sous son toucher les nervures frétillent, prises d'une crise de rire. Le petit lutin - tous les lutins sont petits mais celui-là est bien plus petit encore que tous les autres lutins - lui tapote la patte :

Attention, tu le chatouilles !

Miru rit à son tour, parlant tout haut :

Bien sûr que je le chatouille ! C'est bien ce qui est amusant !

Elle appuie un peu plus fort sur la feuille qui s'illumine jusqu'à briller comme une luciole géante. Miru reste un instant à l'observer, émerveillée, jusqu'à ce que les lutins lui tirent les plumes :

Miru, Miru allez bouge ! Allez ! C'est pas drôle, si tu restes devant ces RhubRhub !

Elle asserte d'un grognement et se lève avant de s'étirer mollement, pour se trainer dans un coin du Sanctuaire. Pas n'importe quel coin :

Mimiiiiii-

Elle se laisse tomber à moitié contre le tatoueur, roulant sur le flanc dans cette position qu'elle affectait le plus souvent.

Mimiiiii tu me fais un tatouage.

Elle rigole doucement, comme si c'était une blague qu'elle s'était racontée à elle-même, particulièrement drôle.

Qu'est-ce que tu me ferais, si tu me faisais un tatouage ? Non ! Non. Qu'est-ce que tu vas me faire ? Mmh ? Si je suis une feuille blanche, et que t'as des pinceaux, et si tu peignais, quand tu peindras, que vas-tu faire ? Mmh, Mimi ?

Elle agite ses pattes dans le vide, mollement, sans regarder son interlocuteur mais intimement sensible à sa présence en même temps.

Mika.

Elle agite ses pattes un peu plus dans le vide, détache chacun de ses doigts pour pointer dans des directions différentes et les faire tourner comme si c'était des marionnettes qu'elle présentait à un public invisible. Elle les replie ensuite, mais uniquement pour que les lutins puissent se reposer dessus, toujours qu'elle est à moitié affalée sur le dos. Et puis, elle le voit mieux comme ça, elle le voit un peu, vu qu'elle porte ses lunettes.

Parce que si elle n'en portait pas, elle ne verrait rien.

Rien que les lutins, les feuilles de rhubarbe, les rhododendrons et les flous tout autour.

Mika Mika Mika Mika-

Appelle-moi Mika, après tout, a-t-il dit. Elle se laisse manipuler son protester, poids mort qui ne s'anime que pour lui faciliter la tâche ou l'accès à son corps lorsqu'il en exprime le besoin. Et toujours, son regard vaque un peu partout.

Mmmmh bien sûr. Tout ce que tu veux. C'est avec les lutins, qu'il faut voir. Et les fées. Mais iels t'aiment bien de toute façon. Tu pourrais me raser la tête, ils seraient content. Ils seront content. Ils n'aiment pas le blanc, de toute façon.

Elle tapote ses cheveux. S'agite de nouveau dans le vide, tel un crabe posé sur le dos.

C'est bien, oui. La fureur, je ne sais pas, je n'en suis pas capable je crois, l'énergie et tout.

Elle sourit, tapote le vide d'une patte, tapote un lutin-sourire.

Je te ramènerai...

Que pourrait-il apprécier ? Elle plisse les yeux. Cette réflexion lui demande de se tourner vers les autres, de penser comme les autres. C'est toujours... Si difficile, et si ennuyeux. Heureusement que Mika n'est pas vraiment comme les autres.

Des fleurs pour du thé.

Elle hoche la tête ; du thé ce serait donc. Elle l’observe tourner et retourner autour d’elle avec un sourire, saisir une plume qui s’échappe :

Oh ! Elle veut rester avec toi. Un petit bout de moi.

Elle glousse et tourne la tête. Ah ! Il y a plus de lutins, maintenant. Ils sont curieux. Ils sont partout, ils dansent, ils bougent ils rient et ils se moquent mais heureux ils sont de cette petite animation. L’un d’entre eux tient une énorme feuille de rhubarbe qu’il agite près de la tête de Miru, et cette dernière fait claquer sa mâchoire dans le vide pour la saisir. Le lutin se décale.

Au bout d’un long moment, Miru répond :

Oui, ils sont là. Ils t’observent. Tu as foule contemplative, j’espère que ça ne te gène pas trop.

Elle rit, roule de nouveau et étale son corps.

Tatoueur, fais ton office ; entre tes pattes je remets mon corps.

Lorsque le rasoir passe sur ses poils, elle glousse et résiste à l'envie de se trémousser. Ce serait malvenu, même elle le sait, on ne gigote pas près des rasoirs, ou ça pique. La louve se force a se détendre, plisse le museau, se mord les babines lorsque le toucher chatouille. Elle glousse :

Qu'ils n'apprennent pas trop, ou ils voudront s'y essayer, et- oui c'est de vous que je parle ! Je n'ai aucunement confiance en vous. Après tout, vous êtes daltoniens.

Vient ensuite le piqué de l'appareil, bien plus doux que celui dont nous pourrions être témoin, ou victime. Elle observe, elle se meut, louche un peu lorsque l'aiguille se glisse autour de ses yeux, ou juste à côté.

Sourit, béatement, en voyant les couleurs naître et renaître sous ses pattes.

Le travail dure des heures. Pas une seule fois Miru ne se plaint, éclatée au sol, patiente et curieuse du travail effectué. Chaque mouvement est source d'un nouvel intérêt, chaque couleur d'émerveillement. Au signal, elle se lève. Ses articulations craquent et elle grimace, tangue, s'étire et grommelle de ces douleurs auxquelles elle ne s'attendait pas, avant de s'ébrouer et observer son reflet.

Un sourire fend sa gueule.

C'est trop joliiiii je savais que tu ferais des miracles !

Elle se penche d'un côté, de l'autre, tire sur ses ailes et ses plumes pour les observer de plus près, sourit de plus belle. Elle se retourne et plante un bisou sur la joue du loup gris :

Tu es incroyable. Hein, qu'il est incroyable ? Evidemment, qu'il est incroyable.

Spoiler: