Below Deck — Hedwige

Oui Prudence était assez loin de chez elle. Faut dire qu’elle avait fait le voyage en deux fois, profitant d’un arrêt du côté de chez Ao (dans l’espoir de croiser un membre de sa famille), avant de reprendre la route jusqu’à l’Atoll. Cela faisait plusieurs jours qu’Hedwige avait disparu et même si la disciple de Moiro ne collait pas les basques de ses amis h24, quand elle ne les voyait plus… ça l’inquiétait. Sans compter que… Ajani lui avait dit que la blanche avait été enlevé par l’Autre à l’atoll.
Et qu’il était juste possible de lui rendre visite.
C’était quel genre de plan pourri ça encore ?
La Licorne continua d’avancer, dans l’atoll, longeant les plages sans prendre le temps de s’arrêter. Au moins Peter était content de profiter de la chaleur. Ses parents l’avaient déjà amené ici gamine… il y a longtemps. Depuis elle avait parcouru le reste des terres… visité d’autres contrées…

« — Hedwige ? »

La cornue n’avait pas crié, mais parlé assez fort, au moins pour voir si quelqu’un l’entendait…
Elle n’était pas chez ici.
Et visiblement il y avait quelque chose d’autre.

Un jour de plus qui ressemblait aux précédents. En dehors du temps, en dehors de la réalité, sur cette plage où régnait sans cesse le soleil et une douce brise. Il n'y avait pas encore eu un seul jour de mauvais temps - mais était-ce surprenant, puisque ce lieu paraissait complètement irréel. Mieux valait le considérer comme tel, parce que l'ancrer dans le vrai rendait tout aussi vrai tout ce qui s'était passé. Et lorsqu'elle y pensait trop, son coeur faisait des soubresauts, sa gorge se serrait, ses pupille se dilataient, et elle se sentait envahie d'une panique que rien ne pouvait calmer. La compagnie de Freya et de Miraj étaient réconfortantes, lui permettaient de se concentrer sur l'instan tprésent ne faisant abstraction de ce qui avait été et de ce qui allait être. Mais il était encore trop tôt pour qu'elle aie trouvé le moindre équilibre dans cette nouvelle vie.

La nuit, elle dormait mal, ne dormait presque pas, se réveillait en sursaut et en tremblant. Alors elle s'en allait marcher sur le sable jusqu'à s'fefondrer de fatigue, et somnolait jusqu'au prochain cauchemar, jusqu'au prochain réveil. Dans d'autres circonstances, un parent ou un uérisseur l'auraient sans doute rabrouée de se comporter ainsi alors qu'elle attendait des petits, que ce n'était pas prudent. Mais il n'y avait personne pour lui dire cela, et elle ignorait même si elle l'aurait écouté si ç'avait été le cas.
Ce matin-là était comme les autres, et sa lourde silhouette s'était allongée en boule au pied d'un palmier, ses grands yeux fatigués perdus sur l'océan. Elle observait avec une méticulosité un peu maladive chacun des rouleaux, chacun bribe d'écume que leurs élaboussures faisaient voler sur la surface de l'océan et sur le sable. Lorsqu'lele ne faisait rien, elle devait occuper son esprit pour ne penser à rien. Et elle entrait dans une apathie où plus rien ne se reflétait dans ses grandes prunelles que le décors qui l'entourait. Comme si une partie d'elle-même se cachait, quittait son corps, quittait cette réalité pour y échapper un instant.

La mer était toujours bleue ici.
La brise toujours douce et salée.

Dans cet était de semi-conscience, elle n'entendit pas l'éclat de voix qui résonna pourtant non loin. En revanche, au bout d'un moment un parfum familier vint lui chatouiller les narines, portant avec lui suffisamment de souvenirs pour la tirer de sa léthargie. Elle cligna des yeux et redressa la tête, croyant otut d'abord à un songe, à une hallucination. Le soleil avait tourné durant les quelques heures passées depuis son arrivée et le pelage de sa têt était chaud. Ses sens avaient du lui jouer un tour. Elle se redressa assise et secoua la tête pour se débarrasser du sable qui la picotait, faisant rebondir sur ses épaules l'épais pelage de son cou.
Et l'odeur, encore.

Cette fois-ci, elle se figea, les oreilles redressées et huma l'air. Comment était-ce possible ? Elle parcourut les alentours du regard, toute somnolence soudain envolée, les muscles tendus, presque fébrile. Elle essaya de parler, mais sa voix était enrouée et n'en sortit qu'un faible son. Elle lança un jappement qui résonna sur la mer et sur la plage autour d'elle, et retint son souffle, attendant une potentielle réponse.
Espérant une réponse.

C’était si calme ici… Prudence trouvait cela trop calme même, c’était le genre d’endroit où elle se serait rapidement ennuyée. Enfin au moins la balade semblait plaire à son familier. En tendant l’oreille, la cornue finit par entendre un jappement. Ne savant pas trop à quoi s’attendre (en particulier de cette entité appelée l’Autre), elle avança prudemment jusqu’à l’origine du son, fronçant légèrement les sourcils. Quelque peu tendue, le Loup de brume de son pouvoir se manifesta, flottant autour d’elle.
C’était pas ouf quand même cette histoire…
Finalement en s’approchant, elle reconnue la silhouette d’Hedwige.

« — Bah alors tu joues à cache-cache maintenant ? La vache j’ai eu la peur de ma vie… »

Il faisait vachement chaud ici en plus, ça changeait des basses températures des terres Nakhus.

Elle n'avait pas rêvé.
Il ne s'écoula qu'un instant avant qu'une silhouette se découpe soudain de derrière quelques palmes non loin. Les yeux de la louve tachetée s'agrandirent de surprise, alors que son coeur faisait un bond. Elle se redressa sur ses pattes, si vite que la tête lui tourna légèrement. Elle cligna plusieurs fois des yeux, mais l'image ne s'en allait pas. N'était-ce donc pas une illusion ? Presque sous le choc, elle regarda sa congénère avancer vers elle. Lorsqu'elle parla, avec ce ton un peu désinvolte et sans mâcher ses mots, avec cette voix si familière, Hedwige crut qu'elle allait s'effondrer. Les larmes emplirent ses grands yeux. Elle se précipita vers Prudence, faisant fi de tout ce qu'elle avait appris de courtoisie, pour aller blottir sa tête contre le col de fourrure de la cornue.
Oubliée, la réserve qu'elle avait souvent les premiers instants. L'odeur familière de la louve envahit sa truffe, portant avec elle le parfum des Nakhus, le parfum du continent, des odeurs qu'elle n'avait pas senti depuis... depuis.

Ses grandes ailes s'étaient repliées autour de son corps comme une caprace, comme pour ne laisser passer que ce contact avec la louve colorée. les larmes coulèrent le long des joues de la chouette tandis qu'il sourire un peu désolé naissait sur ses babines, invisible pour le moment, aux mots qu'elle entendait. La culpabilité lui serra le coeur lorsque Prudence lui dit avoir eu peur, peur à cause d'elle. Elle aussi avait eu peur.
Elle avait toujours peur.

"Tu es venue." Dit-elle d'une voix étouffée. "Tu es là. Ce n'est pas un rêve."

C'était autant pour elle que pour sa congénère qu'elle murmurait cela, pour essayer d'ancrer ce moment de réalité au milieu de la folie dans laquelle elle avait vécu ces dernières semaines.