Chaleur — Uneth

Un reniflement. Nirvana resserra sa couverture de bébé sur ses épaules, couchée au plus près du feu. Avec les nouveaux changements de température, voilà qu’elle était encore tombée malade (bon c’était aussi la faute de ses récentes baignades dans les profondeurs fallait l’avouer…). À ses pattes fumait un récipient, une infusion de diverses herbes que les panseurs lui avaient préparé… devaient avoir l’habitude à présent vu le nombre de fois qu’elle venait les voir pour ses maux. La chaleur du feu lui semblait insuffisante…

Pfff… comme si elle aurait pas préféré traîné dehors ou s’occuper de problèmes plus importants. Étais-ce son côté poisson qui ne supportait pas la terre ? Ou juste sa petite carrure qui faisait qu’elle était davantage sujet aux intempéries ? M’enfin au moins ce repos, lui permettrait de réfléchir davantage à ses problèmes.
Son problème.
Comment convaincre les poissons loups de retourner à l’océan ? Ou du moins de s’y rapprocher pour leur sécurité ? Si avec son épreuve elle avait pu utiliser le bruit pour faire bouger des grenouilles… là ce serait plus compliqué avec des créatures ayant une lame en guise de truffe… la peur pouvait les faire réagir bien plus brusquement et confirmerait les doutes de certains : ils représenteraient une menace à abattre.

Tout en réfléchissant, les griffes de Nirvana jouaient avec des perles, qu’elle faisait glisser d’un doigt à l’autre, sans les faire tomber. Un exercice de rapidité qui lui permettrait de se concentrer sur ses pensées. Les poissons-loups semblaient apprécier les insectes, plus que les fruits... peut-être que faire un chemin de ces appâts jusqu'à un lien plus sécurisé... mais c'était un risque à attirer les autres prédateurs... Bon sang ! La solution devait pourtant être là juste sous sa truffe. Devrait-elle forcément passer par la case «  capture » pour pouvoir les comprendre ? Déjà que là dehors, certains se faisaient chasser puis finissaient mangés…

Nirvana avait devoir trouver une solution rapidement, avant d’éviter un massacre. Cohabiter avec eux ne devait pas être impossible, ne restait qu’à leur trouver un rôle… si seulement la communication n’était pas un frein. Elle leva sa patte tenant les perles au niveau de son museau, ses yeux rivés sur les flammes.
Elle devait les voir de nouveau. Seule. Les autres voudraient les capturer, comme ils l’avaient suggéré lors de la réunion. Nirvana se refusait à trahir le peu de confiance qu’elle avait pu obtenir avec les poissons-loups jusque-là.

Une présence la tira brusquement de ses pensées et l’une des perles tomba sur le sol, rebondissant.

Maps. La louve rouge et noir semblait soucieuse. Nirvana l’observa un instant, avant de poser sa patte sur le lièvre. Son infusion quotidienne lui soulevait un peu le coeur, mais sa comparse devait avoir raison… il fallait qu’elle prenne des forces avant que sa santé ne s’aggrave.

« — Merci ! Un coup il fait chaud, un coup il fait froid… je me demande pourquoi je suis toujours la seule à attraper froid… »

Elle savait.
C’était parce qu’elle n’était pas faite pour vivre sur terre, mais ce genre de réponse, elle ne pouvait pas la donner sans fournir quelques explications et révéler sa nature de sirène. Prenant une bouchée du lièvre pour ne pas offenser Maps, Nirvana en profita pour s’emmitoufler un peu plus dans sa couverture. À la question, elle afficha une moue.

« — J’y réfléchie encore… mais je n’ai pas envie de passer par la case capture que vous aviez suggéré jadis. Il faudrait que je parvienne à communiquer avec eux. »

Sans utiliser la violence, ni les dresser contre les loups. Une nouvelle fois plongée dans ses pensées, les griffes de la louve recommencèrent à jouer avec les perles un instant avant qu’elle ne reprenne la parole.

« — Et toi Maps, comment vas-tu ? »

Pourquoi cette mine d’enterrement ?

Ne désirant pas vexer Maps, Nirvana se força à prendre une autre bouchée de lapin. Au moins, Puceron et Moustique pourraient se le partager ce soir. Enfin si ils n’avaient pas déjà mangé… et étaient d’humeur à dîner ces deux casses-pieds.
À la remarque de la rouge, un sourire vint étirer les babines de Nirvana.

« — Il y a plusieurs moyens de communiquer, pas nécessairement par la parole. »

Déjà gagner leur confiance, contre un met qu’ils appréciaient ou en leur montrant que les loups n’avaient pas tous d’intentions hostiles à leur égard… Ce n’était pas les solutions qui manquaient, ne restant qu’à les mettre en place. Peut-être pourrait-elle demander de l’aide à sa fratrie… un moyen de les rabibocher…
À la réaction de la louve, Nirvana la fixe un instant, sentant comme un manque de sincérité dans cette réponse, mais qu’importe…

« — Si tu le dis…  Viens t’installer près du feu, il fait bon. »

Tout en faisant un mouvement de la patte, Nirvana se saisit d’une grosse bûche qu’elle poussa doucement dans les flammes. Le bois crépita un peu, c’était un son agréable, de même que l’odeur. La disciple de Dairo porta sa tisane à sa gueule, avant d’en avaler une lampée. Le goût était aussi immonde que l’odeur, lui arrachant une grimace. Pour ce que c’était efficace de toute façon…
En silence, elle observe sa comparse, s’attardant  le glowstick orange, avant de finalement prendre la parole après un discret reniflement (rien d‘élégant vraiment les rhumes…).

« — Je ne savais pas que Dairo t’intéressait. »

Une simple remarque. La sirène continua de jouer avec ses perles, les faisant tapoter entre elles. Une idée lui vint. Si les loups-poissons ne parlaient leur langue, peut-être pouvait-elle trouver un moyen autre de communiquer avec eux ? Autre que par la violence ou la capture. Il y avait aussi la gestuelle. En faisant des gestes simples et en les liant à des mots... peut-être que Nirvana aurait aussi un moyen de communiquer avec ces créatures, de les comprendre, de soeur un lien autre que la méfiance avec elles.
Ne restait plus qu'à les approcher... avec de la nourriture probablement du genre insectes. Les myrtilles ce n'était pas ce qu'ils avaient préféré.
Un plan s'échafaudait dans l'esprit de la disciple de Dairo.
Après de longues minutes de silence, elle finit par se lever, l'air concentré.

« — Bonne nuit. »

Sans attendre de réponse, retourna se coucher pour échafauder un plan parfait.
Cette soirée n'aura pas été vaine.