Le froid en soi ✡ Uneth

Le premier frisson n’était pas venu en même temps que son premier pas sur l’herbe figé par le givre. Il n’était pas non plus venu face à la brise édifiante, là pour se saisir de lui et s’engouffrer au plus profond de son encolure une seconde après ce premier pas. Non plus, il n’était survenu cette veille où, un peu tard le soir, la nuit déjà tombée, il avait étendu ses ailes et prit un envol pour un tour nocturne de ces terres qu’il se voulait satisfait de pleinement retrouver.

Il lui semble que c’est ce matin, qu’il sentit que venait le froid en lui.
Là, le premier frisson.

Désastre avait eu peine à ouvrir les yeux et s’était senti engourdi, des muscles comme de tête, sans que les efforts faits avant son sommeil ne justifient un tel état. Ouvrir les yeux avait constitué une véritable lutte contre le réendormissement, s’appuyer sur ses antérieurs et pousser sur ses postérieurs un mouvement aussi difficile qu’un entraînement de renforcement. Ce n’était pourtant que se lever, il le pouvait à nouveau désormais qu’il ne disposait plus de deux pattes blessées.
Ce constat avait laissé une morosité (avait-il déjà été autrement que morose ?) s’installer, une lassitude exister.
Un soupir, presque, aurait pu effleurer ses babines s’il avait été capable d’un peu plus d’émotions. Il n’en possédait cependant pas l'art, on ne pouvait que le constater plus traînant.

Lui, qui savait désormais que le soleil seul de l’automne face aux prémices de l’hiver ne suffirait plus à lui fournir une chaleur suffisante pour qu’il se sente bien, Désastre au fond de Quetzalcoatl.
Les reptiles de la moère baillent et entament leur brumation.
Ses yeux lui piquent encore.
Cela fait quatre heures qu’il s’est levé et il s’est déjà permis un repos.

Il lui était déjà arrivé, de s’endormir quelques semaines, dominé par le Serpent à Plumes et contraint de plonger dans cet état de léthargie hivernale.
Pour ses mois passés les deux pattes cassées, pourtant, il se refuserait à cet état. Du moins, pas maintenant : il le repousserait au plus profond de l’hiver, quand le blanc et le froid auraient envahis la moindre parcelle des terres Etelkrus, quand il ne serait plus capable de supporter une si basse température.
Il avait résisté au Grand Nord, pourtant, ne s’était effondré que bien après. Mais il est aujourd’hui plus âgé, plus fatigué, il a à peine cessé d’être blessé et le voilà qui se confronte dans une lutte contre son propre pouvoir, ne laisse dominer le serpent sur le loup face à cette météo qui se voulait tendre vers le négatif.

Il faut qu’il ait chaud, plus chaud.
Toute source de chaleur devient d’un intérêt grandissant.

Il marche sous les torches du Castel, reste parfois immobile sous les plus basses d'entre elles. Il a recouvert son dos du manteau conçu pour l’expédition nordique, a placé sur sa tête un des anciens bonnets de Pepper, héritage vulgaire dont il n’a pris connaissance. Il promène Sourire, Draginsecte de feu. Il hésite à allumer d’un kit allume-feu l’un de ceux-ci dans sa grotte.
…
Il craint d’y mettre le feu, il s’y abstient.
Les Alphas seraient insatisfaites, s’il provoquait un incendie.
D’un trot rapide pour se maintenir à température, il cherchait toutes nouvelles sources de chauds dans les entrailles du castel.
Peut-être irait-il demander du thé à Tawana, il est celui qui le fait bien.
Peut-être lirait-il sur le sujet, il ne l’avait jamais fait.

Il ne sait pas, s’il y trouverait d’autres solutions. Il souhaitait être sûr que cela ne soit le cas.

Sa démarche ralentit, quand un individu apparaît au bout du couloir.
Il ne lui a jamais adressé la parole, du moins pas encore.
Peut-être découvrirait-il, de cette façon, comment on s’échauffe la voix.

L'individue venue en face parle en première.
Elle lui pose une question qu'il ignore dans un premier temps, focalisé sur son identité. S'il ne l'avait jamais abordé et toujours croisé de loin, louve aux couleurs identifiables dont il n'avait loupé le rouge, le nom dû être un jour entendu. S'il n'était pas social, à son inverse, il ne se voulait non plus négliger les individus de la meute qu'il serait amené à soigner, comme il se voulait chaque jour observer tous loups présents ici.
Ceci, depuis l'indépendance gagnée louveteau.

Elle était de celle qui sortait souvent.
Elle sentait encore le froid et l'extérieur, des fragrances d'hiver, le sel comme aux abords du littoral, l'herbe de la Rougelande qui entourait le castel.
Elle faisait partie d'une génération bien postérieure à la sienne, jeune adulte ou plutôt encore adolescente. Ils en disposaient de peu, parmi la meute, sa génération primant encore en terme de nombre. De ce fait et par élimination il sut retrouver son identité.
Maps.
Désiré n'était pas un patronyme qu'il lui donnerait, il était masculin, et il savait définir par leur nom et sans hésitation les autres jeunes.

Ceci fait, satisfait, la question lui revient.

« Oui. »
Il croit.
« Et toi, Maps ? »

Prononcer son nom est une façon de vérifier qu'il s'agit bien d'elle, et qu'il n'est pas en erreur. Il faudrait qu'il se rectifie vite, le cas échéant.