Quel avenir ? - Libre

C’était seul, qu’Iberis était parti pour les falaises littorales.
Il connaissait bien les consignes, et notamment celle qui leur imposait, théoriquement, de ne pas errer seules sur les terres Etelkrus. Mais il savait, aussi, qu’il n’était pas le seul à s’accorder cette fantaisie là : Qui, pour lui dire quelque chose, à part sa propre mère ?
Il n’était plus un enfant sur lequel l’on se devait de veiller. Iberis grandissait, il s’émancipait… un peu.

Il faisait froid, un peu, hiver oblige et Iberis ne savait pas trop où en était son moral, aujourd’hui.
Le jeune loup n’avait jamais eu à souffrir de la tristesse qu’avait connu sa mère et priait pour que les Dieux l’en gardent. Il n’allait jamais vraiment mal, mais il y avait des moments qui arrivaient, tout de même souvent, ou il se sentait las. Si las.
Las de ces terres trop foulées.
Las de ces gens trop côtoyés.

Il n’avait pas deux ans, pourtant, et déjà s’ennuyait de cette vie là. Né d’une mère qui l’avait tant voulu, il avait pourtant connu une enfance heureuse…
Une enfance sans père.
Il savait, pourtant, qu’il y avait, quelque part dans ce monde, un loup possédant la moitié de son patrimoine génétique, un loup solitaire. Un lâche, surtout, qui n’avait visiblement que faire de ce qu’il avait pu engendrer : Iris et lui-même.
A moins que maman ne l’ai, elle-même, chassé, afin qu’il ne fasse jamais partie de leur vie ? Iberis n’en savait rien et, pendant longtemps, avait préféré ne pas y penser.
Il n’avait pas besoin d’un père. Il n’avait, d’ailleurs, besoin de personne !

A cette pensée, et bien qu’il soit seul sur sa plage, l’adolescent bomba fièrement le torse.

Mais même lorsqu’il ne souhaitait pas y penser, le jeune loup ne pouvait s’empêcher de se demander, de s’imaginer, comment il était, son père, leur père.
C’était peut-être par sa faute, qu’il avait un tel attrait, et ce depuis l’enfance, pour les terres libres et s’entendait si bien avec leurs habitants ?
Tout cela ne faisait aucun sens.

Las des Etelkrus, serait-il amené, lui aussi, à devenir Solitaire, un jour ?
Cette perspective l’effrayait, actuellement, par ce qu’il savait comment ils étaient majoritairement perçus, ces loups sans clan et sans attache : L’on ne les admirait jamais… Lorsque l’on ne faisait pas preuve du plus profond mépris à leur égard.
Ils jaseraient tant, ces sots Etelkrus, si ils apprenaient qu’il s’était amouraché de l’une d’elle, Miraj.
Ils ne savaient faire que cela, parler, bêtement, se moquer.
Stupides individus que voilà : Rares étaient ceux qui sortaient du lot.

Alors, qu’en serait-il, de son avenir ? Lorsque celui de bien d’autres jeunes lui semblait tout tracé, le sien lui paraissait bien incertain. Il voulait briller, s’illustrer, être admiré et respecté.
Il voulait…

Tant de choses pouvaient bouleverser, d’une manière positive ou négative, cet avenir encore fragile et incertain.
Il n’était pas sot, Iberis, et savait qu’il jouait avec le feu, avec Miraj. Qu’il arriverait forcément un moment où, tous les deux, seraient parents.
Il devait finir de grandir mais aussi penser à l’avenir de ces êtres qui, un jour, seraient bien présents et qui, comme lui, ne seraient qu’en partie Etelkru.
Ou pas du tout.

Dans tous les cas, et ça avait toujours été une certitude : Il ne serait pas de ces individus lâches qui partaient sans assumer ce qu’ils avaient conçu, seulement par ce qu’il avait voulu passer un peu de bon temps et que la situation était bien trop compliquée.
C’était trop facile, c’était sale.
Ce n’était pas dans ses valeurs.

Et puis, il se voyait bien père de famille, un jour. C’était peut-être un peu étrange, dans un monde où beaucoup tardaient, avaient des enfants seuls et/ou sur le tard mais.. Lui s’imaginait ainsi, fier, sa si jolie femme et leurs si beaux enfants à leurs côtés.
Si sa propre mère n’avait pas su la construire, lui, l’aurait, cette famille complète.

Il s’en fit la promesse.
Pour ce qui était des aléas et des situations plus complexes, il n’aurait qu’à aviser si les choses se faisaient.

Il y avait, cependant, d’autres raisons, évidemment, qui l’ancraient à son clan, outre la peur d’être perçu comme un paria.
Il y avait l’amour, car il le ressentait, malgré son apparent détachement, pour sa maman, pour ses sœurs, pour Anita.
Loin d’elles, il serait triste, il le savait bien.

Il lui tardait de commencer son mentorat avec Anita, tout comme il aimait discuter avec cette dernière, ouverte et gentille. Il aimait, encore, il devait l’avouer, se blottir contre sa maman lorsqu’il faisait froid. Il aimait chercher Iris et parler de choses importants avec Nirvana.
C’était, là, des compagnies appréciables.

Iberis aurait, sincèrement, pu aimer les Etelkrus, si ils n’avaient compté autant d’individus insipides.
A commencer par cette grossière Etna à l’hideux pelage vert, qui, jamais, n’avait su lui parler sans se faire moqueuse vis à vis de sa personne.
Il y avait Sakura, la grise, à la compagnie insipide. Elle était l’une des favorites de maman et lui ne comprenait pas ce qu’elle pouvait bien lui trouver.
Mais surtout, ce Désiré, ce benêt à l’air bien trop gentil. Il le voyait, faire ami-ami avec tout le monde, lui compris. Il semblait d’ailleurs apprécié par les siens, tout son contraire : De lui, personne ne se moquait. Et aussi, il était proche, si proche, trop proche, de sa petite sœur, Iris.
Alors Iberis se rassurait en pointant ses défauts, en occultant sa gentillesse : Il n’était pas très beau (Voir même bien vilain), ne respirait pas l’intelligence, et son père ne faisait pas preuve de beaucoup plus de charisme.
Iris avait un talent certain pour choisir ses relations, de toutes manières : Il lui suffisait également de considérer cette Maps, si grossière, si peu fréquentable, ah !

Tant de loups qui ternissaient, à son humble avis, l’image des Etelkrus.
Il ne pouvait s’empêcher de songer que sa vie, ici, serait bien plus belle, si ils n’étaient pas présents pour l’importuner, pour l’insupporter.
Les voilà, les gros points noirs des Etelkrus. Et d’aucune façon, il ne pouvait les faire chasser. A moins de devenir Alpha, lui même, un jour.

Car sa mère et sa tante étaient deux louves bien trop tolérantes. Elles acceptaient, vraiment, n’importe qui au sein du clan.
Et voilà où l’on arrivait.
Iberis souffla.

Peut-être que sa vie serait plus agréable, aussi, si il s’entourait mieux ?
Il était vrai qu’il comptait bien peu d’amis, chez les Etelkrus. Peut-être pourrait-il convaincre sa femme de devenir louve de clan ? Quand à ceux déjà présents… Avec qui avait-il envie de se lier ? Ontari, la jolie fille du clan (Celle qui avait manqué de devenir sa sœur, diantre) avait retenu son attention, tant elle était d’une compagnie tout à fait agréable…
Les enfants de Perrine, aussi, peut-être ? Nirvana semblait les apprécier et il ne faisait aucun doute quand au fait que sa sœur soit une louve de goût. Mais ne les aimait-elle pas, justement, puisqu’ils eurent l’occasion, durant l’enfance, de se retrouver blottis contre le même flanc pour profiter du lait de Perrine ?

Il ne lui coûterait que bien peu d’aller leur adresser la parole. Dans le pire des cas, il serait alors déçu.

Si il ne parvenait pas à trouver un entourage au-delà de celui familial, alors, que pourrait-il faire pour se sentir chez lui ?
Cela rejoignait une pensée précédente, eue quelques secondes plus tôt, à moins qu’il ne s’agisse de minutes : Il pouvait, comme il l’avait toujours fait, se battre pour s’élever, pour devenir le meilleur et espérer occuper un haut rang.
Ainsi, il espérait bien que plus personne n’oserait se moquer de lui et que l’on considérerait enfin sa valeur.

Ah ! Il restait un sujet sur lequel Iberis ne s’était point penché, aujourd’hui : Son glowstick.
Enfant, il avait été attiré par Kiro dont il aimait la couleur (Couleur qu’il retrouvait dans les beaux yeux de son amie Astrid) mais il savait désormais que cette seule raison était bien loin d’être suffisante pour aller prétendre au glowstick d’une divinité.
Kiro était, pourtant, toujours envisagé, quand bien même tout cela restait à mûrir.

Il y avait Dairo, la Renarde, aussi : C’était une Déesse que partageait sa grande sœur et sa mère. Il ne savait pas encore si Iris y prétendrait aussi. Si il ne l’avait pas considérée, avant, par ce qu’il souhaitait voir sa route se démarquer de celle familiale, il serait peut-être sot pour le faire pour de telles raisons.
Ne faisait-il pas appel à la ruse, par moment ?

Jamais à la force, en tout cas.
Aka était exclu de toutes possibilités : Trop brutal, trop rustre. C’était des loups comme Alexandrine et Sakura, qui se rendaient chez une divinité pareille.
Certainement pas Iberis.

L’on lui avait, cependant, bien peu parlé des Divinités qui se trouvaient au-delà des frontières. Il ne connaissait que leurs noms : Ao, Moiro, Mido, Yurai…
Penser à eux éveilla instantanément sa curiosité, quand bien même il savait qu’il serait difficile d’obtenir une couleur qui n’était pas l’une de celles du clan...