Désastre - Désastre

Il n'avait guère du être beaucoup aimé, ce pauvre garçon, pour être ainsi nommé.
C'était ce que s'était souvent dit Iberis, lorsqu'il avait pu le croiser au Castel, Désastre.
Sa propre mère semblait rejeter ce prénom, lui préférant, avec d'autres, celui d'une fleur aux longs pétales blancs.

Du désastre ou de la fleur, duquel était-il le plus proche ?
Il était étrange, dans sa façon d'être, guère souriant, mais l'on semblait ravi de son travail.
Mais n'était-ce pas là l'occasion de se forger son propre avis sur son personnage ? Attiré par le rôle de Panseur, Iberis se devait de se former. Il avait passé un moment auprès de Tawana, s'était un peu intéressé à ce que faisait Perrine et s'était, aujourd'hui, mis en tête, d'aller voir ce mâle gris qui devait avoir une façon de travailler probablement bien différente de celle de ses collègues.
Ou pas, cela l'aurait étonné.

Il passa sa tête dans l'arche de la grotte des panseurs afin de ne pas se montrer trop intrusif, il l'espérait.

- Bonjour, Désastre... Daisy ? Comment dois-je t'appeler ?

Par les Dieux, Désastre ne semblait pas seulement étrange.
Il l'était.

C'était comme si sa présence en ce lieu ne revêtait qu'un mince intérêt, puisque ne prit pas même le temps de cesser ses activités pour l'accueillir, ni même la peine de le saluer.
Il ne lui semblait pas avoir subi tel outrage par le passé, pas même de la part des plus rustres.

- Eh bien, ce sera Désastre.

Ou Mmh, puisque cela semblait être une option également envisageable.
Et voilà qu'il continuait de s'occuper de ses plantes, comme si il n'existait pas. Les doigts des pattes de l'adolescent pianotèrent discrètement sur la roche dans un geste d'impatience.
Lassé d'attendre, il pénétra à l'intérieur de la tanière des panseurs.

- Tu me sembles fort occupée. Loin de moi l'envie de t'empêcher d'effectuer ton travail. Cependant, j'aimerais en apprendre davantage sur le rôle de Panseur. Aurais-tu un moment à me consacrer, prochainement, s'il te plait ?

Il pouvait comprendre et accepter que Désastre n'ai pas de temps à lui consacrer, aujourd'hui, quand bien même cela n'excusait point ses rustres manières.

Iberis haussa un sourcil.

- Je connais déjà la définition d'un panseur. Je souhaite découvrir tes techniques, justement.

C'était à se demander comment un loup aussi stupide pouvait être un panseur dont la renommée n'était plus à faire.
Maman lui avait narré, un jour, les soins salvateurs qui lui furent prodigués lorsqu'elle rentra grièvement blessée par un lion, après tout.
Il en venait à se demander si elle ne l'avait pas confondu avec quelqu'un d'autre.

- Je peux attendre. Te reste t-il beaucoup à faire ?

Son don lui permet de ressentir le malaise de son interlocuteur.
Allons donc, ce n'était, tout de même, point de sa faute si il ne comprenait rien de ce que l'on pouvait lui demander. Et il ne serait qu'un Etelkru, qu'un rustre, de plus à ne pas le comprendre.
Qu'il était difficile d'évoluer dans une meute doté d'esprits aussi étriqués. Iberis aurait poussé un soupir pas, si il ne s'était contenu.

Au lieu de cela, et pour ne point se montrer impoli, ni même désagréable, l'adolescent l'observa discrètement travailler. Il fallait lui reconnaître une organisation impeccable...
C'était peut-être pour ces choses là, que Désastre était estimé.

Lorsque, enfin, tout fut terminé, et que le panseur gris s'intéressa de nouveau à lui, Iberis se redressa.

- Qu'est ce que l'acupressure ?

Il avait pensé apprendre les bases de la chirurgie, à ses côtés, mais ce domaine inconnu éveillait soudainement sa curiosité.

Il était amusant, de le voir tant parler, dès lorsqu'il pouvait sentir sa passion dans les sentiments que Désastre lui partageait.
C'était amusant, oui, mais, par les Dieux, ne faisait-il jamais d'effort pour rendre son discours plus vivant ? Quel ennui que de l'écouter parler, quand bien même le sujet était intéressant.
Très intéressant.

Il était passionnant de pouvoir découvrir de telles possibilités, le moyen d'apaiser, momentanément, des souffrances, sans avoir à user de plantes.
Iberis s'approcha et lui présenta son épaule, dénuée d'armure tant que celle ci demeurerait fluorescente.

- Je t'en prie.

T'est-ce déjà arrivé, Désastre, de déboiter l'épaule de quelqu'un, accidentellement ?
La question le chatouilla, mais Iberis s'abstint cependant de ce commentaire. Déjà, le panseur avait commencé à le manipuler, pour lui montrer les différents points, et il n'avait désormais plus qu'à prier pour ne pas finir déboité.
Par chance, Désastre s'y connaissait bien, il devait décidément lui reconnaître ce talent là, et Iberis n'eut à éprouver la moindre douleur.
Le jeune mâle écarquilla un peu les yeux.

- Quelle absence de sensations surprenante.

Il bougea les doigts de ses pattes, prit connaissance de son état en faisant glisser ses coussinets contre la roche irrégulière de la tanière des panseurs.

- Quelle formidable technique.

Il ne cessait de s'extasier devant cette découverte particulière et se promit de creuser davantage ce sujet passionnant qu'était l'accupresure.
Ses sensations retrouvées, il chercha le point le point désigné par Désastre sur l'épaule de ce dernier et, avec application, se prêta à l'exercice.

Soucieux de ne pas déboîter l’épaule du Panseur, ou alors par ce que le mouvement n’avait pas été bon, Iberis n’obtint pas le résultat désiré.
Le jeune mâle fronça un peu les sourcils : Échouer, même un peu, le contrariait toujours mais lui donnait, au moins, l’envie de persévérer jusqu’à parvenir à quelque chose de plus concluant. Il observa attentivement Désastre lui montrer ce qu’il devait faire de ses doigts.
La prochaine tentative sera la bonne.

- D’accord.

Il replia les doigts de ses pattes, de la façon la plus proche possible de celle indiquée par son enseignant du jour, pour les appliquer contre l’épaule du mâle gris, s’asseyant en même temps.
Iberis rejeta un peu les épaules en arrière, déportant ainsi son poids, avant de se mettre à presser en espérant, toujours, ne pas devenir responsable des blessures de l’un de leurs précieux Panseurs.

Le coeur du jeune mâle se gonfla de fierté et, faisant toujours preuve de retenue, il réprima la joie qui l’envahit alors, n’affichant qu’un sourire satisfait.
Il avait réussi et, mieux que cela, avait fait mieux que sa mère.

- Merci, Désastre. Ce sera avec plaisir. Quand est ce que cela t’arrangerait ?

Finalement, cet étrange Panseur lui laisserait un avis plutôt positif : Il était, certes, très étrange dans sa manière d’être et de communiquer, mais faisait preuve d’un talent indéniable dans l’exercice de sa fonction. Loin de désirer s’en faire un ami, Iberis s’en contenterait.
Cela lui convenait.

Lui, avait encore tant à apprendre et quelque chose lui disait que quelques heures passées auprès du panseur gris seraient très instructives.