Respire - Désastre

Décompresser.
Lâcher prise.
Elle allait faire cela, oui. Du moins, essayer.
Les récents échanges qu'elle avait pu avoir avec certains de ses congénères l'avaient poussée dans ce sens. Holly pouvait faire des choses, oui, mais pas s'épuiser à la tâche pour ne pas penser : Il lui fallait être plus forte que cette tristesse qui avait tendance à l'aspirer vers le fond.
Aujourd'hui, elle se concentrerait sur le positif. Seulement sur le positif.

Elle n'avait pourtant pas très bien dormi : Son sommeil se retrouvait, depuis plus d'un an déjà, hanté de cauchemars et d'angoisses nocturnes. Ce n'était pas quelque chose qui changerait du jour au lendemain et elle le savait, faisait avec tout en se disant qu'elle se reposerait mieux le soir venu. Chose qui n'arrivait jamais vraiment.
Bref.

Puisqu'Alex n'était toujours pas revenue et qu'elle ne se lancerait pas à sa recherche, puisque son amie avait besoin de temps pour elle, pour réfléchir, il allait lui falloir s'occuper autrement. Et comme d'habitude, ce fut vers les autres que ses pensées se tournèrent. Elle songea à lui, Désastre, à la chasse, au viol.
A toute l'inquiétude qu'il éveillait en elle lorsque ses prunelles bleues se posaient sur sa silhouette grise.

Elle lui sourit, pourtant, sans avoir besoin de se forcer ni même de faire semblant. Par ce que pour Désastre, elle ne ressentait plus de la bienveillance.

- Tu as fini ta journée ? On peut aller faire un tour.

Holly lui laissait à peine le choix.
Si il l'acceptait, ils n'auraient qu'à marcher vers les falaises littorales.

Respire

▬ ft. Holly

Été 2020.
1an et 4mois.

« Je veux reprendre l’entraînement. »

Trois jours plus tôt, des mots que l'on prononce à la mère que l'on appelle Pepper. Trois jours depuis, qu'ils se trouvent et se battent.
Aujourd'hui, il veut vaincre.
Aujourd'hui, il veut être capable...

Adduction du postérieur à l'intérieur de la courbe qu'il emprunte, quand il tourne autour d'elle. Il a la tête baissée et les épaules relevées, sa queue traine près du sol et le regard ne la quitte pas.
Il n'y a chez Pepper que les oreilles qui s'agitent parfois et s'oriente toujours dans sa direction, quand elle suit les mouvements du fils. Ses muscles sont tendues.
On devine puissance sous les pelages courts, qui ne trouvaient épaisseurs qu'à l'encolure qui couvrait leurs joues, mère et fils partageant ce même attribut.

Fils qui, en premier, frappe le sol sans un bruit et s'élance en avant. L'hostilité se lance dans la gueule qu'il ouvre, il charge véhément la louve qui encore ne bouge pas.
Cliquetis de ses griffes, soudain les oreilles sont bien droites et elle se décale au dernier moment, le laisse filer et frôler ce mur qu'il évite de justesse, laissant les poils gris et blanc s'y perdre en quelques mèches.

Il sentait en cet instant son cœur pulser et menacer d'exploser.
Ce n'était que le début, pourtant déjà il se sentait vivant.

Son mouvement est fluide quand il se retourne et charge à nouveau. Avec cette même force, avec cette même hargne, avec cette même envie de gagner.
Il sait pourtant qu'elle ne lui laissera cette chance, Pepper.
Parce qu'elle n'avait aucune envie de lui offrir ce plaisir, parce que la vaincre devait être fierté et non cadeau. Aussi se joue-t-elle d'un air sévère de la puissance qu'elle lui envoi, à chaque fois esquive d'un pas de côté ou d'un corps qui se détourne au dernier moment pour ne laisser que se frôler leur flanc.
Encore aucune plaie, l'odeur de la sueur des corps qui s'échauffent domine celle du sang.
Pour combien de temps ?

C'est un entraînement, mais la dureté marque leurs coups.
Sans pitié ni hésitation ils se chargent.

Au troisième assaut c'est l'épaule qu'il lui mord, celle qu'elle avance avant qu'elle même ne plonge les siens vers lui, attrapant sa gorge pour y laisser la marque légère de ses crocs, laissant le sang couler en ruisseau et se fondre dans le noir de son torse. Il roule sur le sol lorsqu'elle le dégage.
Il goutte sur le sols quelques éclats rouge, d'elle et de lui.
Enfin elle est là, l'odeur du cuivre et du fer qui excite ses sens.
Il en brûle l’œil droit, un peu.
Ce n'est pas encore qu'il vient, pourtant.

Ils poursuivent cette danse qui se joue en famille, les crocs qui claquent et qu'on esquive, les griffes qui raflent le sol et s'y abiment.
Une attaque, une esquive, une contre-attaque et Désastre à nouveau se blesse contre les griffes de la mer qui trace sous l’œil droit leur marque parfaite.
Sans doute sent-il la tension monter davantage à partir de ce moment précis.

Encore il y va, encore il la cherche.
L'Alpha est forte mais il lui montrera aujourd'hui.

Adolescent déterminé, il bout en lui une colère jamais évacuée qui soudain le fait gronder et active le glowstick.
Autour d'eux ils volent des plumes rouges, quand Quetzalcóatl encaisse le coup et détend ses ailes. L'énergie est regagnée, la résistance est trouvée. Il ne ressent plus les blessures infligées, qui pourtant quelque part reste.
Il siffle, Désastre. Et le serpent à plume attaque la louve, d'une gueule qui presque peut la saisir tout entière.
Mais il ne le maîtrise pas assez, ce corps venu une fois.
Il ne l'attrape ni ne la touche, ainsi redressé s'expose et laisse à l'adversaire qui apprend à le découvrir tout autant qu'il se découvre lui-même. Elle vise le ventre, où fines sont les écailles.

Les ailes sont détendues, d'un battement il s'envole.
D'une variation de hauteur, maintenant il revient vers elle. Cherche à l'attraper comme elle veut le faire tomber, d'une tentative il la touche et la repousse.

C'est comme ça qu'ils poursuivent.
Petite louve bleue contre serpents à plume.
On s'attaque et on s'esquive, on vole et on se mord. Quand ses ailes ne sont plus capable de le maintenir, il retombe au sol dans un bruit sourd qui lève autour de lui un nuage de poussière beige, occulte le soleil qui passe en large rayon parmi les meurtrières de l'arène.

Elle est épuisée, il l'est tout autant.

Ensemble ils chargent une ultime fois. Ses pattes martèlent, son corps sinue...
Crocs contre crochets, un dernier coup est donné.

Il lui semble que passe une seconde.
Une seconde, avant que le vertige ne le saisit et qu'il s'écroule.
Une seconde, avant que l'épuisement la trouve et qu'elle tombe.

Il n'avait ni gagné ni perdu, elle non plus.
Ensemble ils trouvaient la défaite et la victoire contre l'autre.

Serpent à plume reste couché, les ailes détendus.
Il frémit à peine quand un museau passe tout le long de son corps, remonte jusqu'à sa tête. Il la regarde, Pepper, de cette mauvaise vue qu'il a sous cette forme. Elle n'est qu'une tache bleue et floue.
L'énergie le quitte, il redevient loup et il persiste sur son front le contact de son museau.
C'est quelque chose qui le surprend. Le regard fade se lève vers elle, il reste morose et retient son souffle.

Au fond, il y a quelque chose qui se rapproche du bonheur, par ce contact.
Parce que de tous, Pepper restait la seule capable de tenir debout face à lui. Quand tout se transformait en ruine, quand le Mal, les cris et la fugue rasait ses fondations, quand il se perdit un moment dans la compréhension d'un Monstre qu'il décida de refouler et quand il comprenait que le silence devait parfois être choisi face à la vérité... Elle restait cette même entité, froide et sévère.
Elle restait stable.
Elle restait là.
Elle qui avait déjà trop connu, pour maintenant défaillir. Elle qui tenait bon, soutenait Anette et, sans qu'il ne le sache encore, le surveillait davantage. Enfin cherchait-elle à devenir mère, un peu, à l'abri de tous les regards.
Désastre se relève, chancelle un peu sur ses hautes pattes. Son épaule et son flanc lui tire, une plaie profonde s'y profile et croise celle que Shintaku lui avait infligé.
Elle l'avait barrée, pour que cette trace la ramène à elle plutôt qu'au Mal.
A lui elle s'adresse, alors que son museau le quitte maintenant qu'à nouveau il la dépasse. Elle regarde en avant, il surprend son museau froncé et...

« Tu es devenu grand et fort, mon fils. Te voilà beau. »

...son sourire.

Ils s'en allèrent soigner leurs plaies, elle sous ses soins et lui s'occupant seul des siennes.

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Il a dormi et maintenant il détend ses pattes au travers de la Rougelande à la sortie même du Castel, se dirige vers les falaises pour se rapprocher du temple Dairo parce qu'il pense à Pepper et à son propre glowstick. Ses agrafes lui tirent un peu, les courbatures poursuivent leurs effets mais rien ne pourra l'empêcher d'avancer.

Il a cette allure d'adolescent plus éteint qu'avant l'origine du Mal, il y a ses plaies qui marque avec finesse son visage et celle plus grande qui se joue sur son flanc.
Pourtant quelque part un poids s'est levé, il ne le sait pas encore mais c'est pourtant le cas.
Il avait cherché quelqu'un pour lui expliquer le Mal, et bientôt il saurait aussi à qui il serait demandé de le faire.

La démarche reste souple malgré la fatigue, celle qui n'est rien face à celles sous les yeux de celle qui maintenant s'approche. C'est une autre louve de bleue, qui ressemble beaucoup à Pepper mais qui n'est pas à elle.
Elle sait qu'elle tient à cette apprentie, elle est louve prometteuse et ce n'est pour rien qu'elle est conseillère.

Il note aussi le changement, les traits plus fatigués sur ce visage qu'à plusieurs reprises il avait déjà vu, mais jamais comme ça. Il voit aussi la taille plus fine, du regard rouge qui passe fugacement sur elle.
Il analyse et il sait, Désastre, plus qu'il ne peut comprendre les émotions il peut les deviner.
Elle ne se sent pas très bien, il croit.
Quelque part, elle souffre ; ou bien est-elle malade.
C'est le panseur qui pense, à cet instant précis, alors qu'il constate qu'elle sourit malgré tout.
Ça aussi, c'est un changement.
Elle lui semblait plus froide à son égard, à l'accoutumée. Ce n'était chose qui le dérangeait, juste un constat qu'il s'était fait.

« Oui. »

Oui à cette journée finit, oui au fait d'aller faire un tour.
C'est ensemble et sans avoir besoin de se concerter qu'ils se dirigent vers le même endroit. A ses côtés tout en restant à l'écart, encore il la regarde.
Elle n'avait pas le dos voûté ; elle n'avait pas mal au ventre. La perte de poids ne pouvait s'y justifier.
Il en revient aux yeux cernés, en même temps qu'il marche tire le constat.

« Tu ne dors plus. »

Moins qu'avant, il le devine et elle ne peut pas lui mentir.

Oui.
Il ne faisait jamais de longs discours, Désastre, et c'était très bien comme cela. Il n'y avait pas à développer, ils iraient marcher ensemble le long des falaises littorales.
Elle espérait y trouver un peu d'apaisement, là bas, près du temple de sa Déesse. Perdue dans ses pensées, Holly ne vit pas le regard rouge du panseur la détailler. Surprise par ses paroles, elle s'arrêta de marcher, quelques secondes.

- Exact.

Elle ne pouvait mentir avec panache : Tout, chez elle, trahissait son état de fatigue avancée.
Et si, justement, elle se mentait parfois à elle, s'accrochant aux paroles censées d'un adulte plus objectif tout en se disant que leurs conseils étaient la meilleure voir à suivre... Son être, lui, se refusait à être raisonnable. Elle se sentait partir, incontrôlable, la rage, la tristesse et l'incompréhension dans le cœur. Ça faisait si mal. Alors elle éveillait les maux du corps, la douleur de ces coussinets abîmés, de ces repas sautés, de ces muscles qui criaient grâce et de ces nuits passées éveillées pour espérer, ne serait ce qu'un peu, masquer ceux du cœur. Il fallait faire taire l'inquiétude, l'obsession, avant qu'elle ne la ronge.

Le besoin de fuir, sans savoir comment s'y prendre.
Alors elle s'auto-détruisait, espérant secrètement atteindre le point ultime ou la fatigue la plomberait au sol.

Par ce qu'Alex lui manquait.
Mais plus que ça. Par ce qu'elle craignait si fort de ne jamais plus la voir revenir en terres Etelkrus, d'apprendre sa mort de la gueule de l'un des siens.
Elle se savait incapable de supporter la perte d'un autre être cher. A cette pensée, son ventre lui fit plus mal encore, la faisant fermer les yeux quelques secondes, juste quelques secondes.

Ressaisit toi. Tu es adulte et Conseillère, qui plus est. Tu ne peux pas flancher maintenant, pas devant celui qui a vécu l'horreur, découvrant son mentor violé, se lançant à la poursuite du criminel.
Elle inspira.

- Ça ira mieux, quand Alex sera de retour.

Une évidence.
Une évidence égoïste. Par ce qu'elle n'avait pas le droit d'enchaîner son amie juste pour se propre santé mentale. Ce n'était pas sain, de se raccrocher désespérément à une seule personne, comme à une bouée de sauvetage. Surtout lorsque ladite personne sombrait déjà.
Allaient-elles finir par toucher le fond, toutes les deux ?

Qu'elle était pessimiste.

Son regard se posa sur le visage de Désastre et sur son corps. Il était... Blessé, agrafé de partout. Quelque chose qui ne serait pas étonnant de la part d'une Épée particulièrement motivée à s'entraîner. Mais Désastre, elle ne l'avait pas vu comme cela avant le drame.

- Toi aussi, tu es troublé. Te bats-tu pour ne pas penser ?

Toi aussi ? Toi aussi, Désastre, tu noies tes problèmes sous d'autres actions ? Toi aussi tu déverse ta rage dans les coups ?
Est-ce qu'on est si différents, toi et moi, Désastre ?

Respire

▬ ft. Holly

Été 2020.
1an et 4mois.

Est-ce vraiment la surprise, qu'il voit passer sur son visage ? Quand elle s'arrête, laisse passer quelques secondes de silence.
Attention, Désastre. Tu ne sais pas à quel point tes mots sont tranchants, toi qui les affutes de vérité. Tu vas peut-être la couper, elle aussi.
Elle ne ment pas et il ne s'agace pas, c'est quelque chose qu'il n'apprécie pas et le lui aurait souligné. C'est une compétence qu'il possède, que d'ainsi détailler les autres. Regard affuté de celui qui soigne, quand passe un spasme sur son ventre qui plie un peu son dos, courbure discrète qu'il recherchait avant, il sait maintenant qu'un pic de douleur lui tenaille l'estomac.

Il est capable de croiser les informations.
La fatigue et le maux de ventre, des repas qu'il pense désormais sauter et justifie la perte de poids. Peut-être perd-elle aussi davantage de poils, peut-être celui-ci est-il plus terne ; c'est une information qu'elle pourrait lui donner s'il la lui demandait mais...
Mais il n'en a pas besoin, Désastre. Pour savoir d'où vient la souffrance qui l'habite.

Elle veut le devancer sur le diagnostique, elle pose une absence comme justification.
Ça ira mieux, quand Alex sera de retour.
Il souffle par le nez, relève son museau et plisse les yeux. A cet instant il prend l'air sévère de Pepper, il devient le fils de celle-ci et cela se voit à cette expression empruntée.

« C'est faux. »

Il n'y a dans le timbre de sa voix une quelconque hésitation, il lui jette sans prévenir cette évidence. Désastre ne sait pas adoucir les angles, il n'est pas bon pour ça. Sans doute le comprendrait-elle bientôt, car désormais il ne la lâche plus du regard. Quelque chose d'intense qui définie, il pince les lèvres et il réfléchit.
Tes mots sont un rasoir, Désastre... Tes mots sont un rasoir.

« Tu peux aller mieux avant son retour.
...
Ce n'est pas à elle de te soigner. C'est à toi de le faire.
Mmh.
Je peux t'y aider. »

Elle angoisse. Peut-être avait-elle un jour stressé, mais cela a muté. Elle couvre peut-être dépression, peut-être insomnie. Le panseur est inquisiteur.
Son jugement est impartial et irrévocable, elle en devient un point de mire. Car Pepper n'accepterait l'affaiblissement d'une apprentie, car maintenant qu'il savait son état il en allait de son devoir.

Puis c'est de son état, à lui, dont elle s'inquiète. Façon de ne pas se sentir seule dans la souffrance, ou bien cherche-t-elle à ne pas laisser son attention braquée sur elle. C'est trop tard, pour ça.

Toi aussi, tu es troublé.
Te bats-tu pour ne pas penser ?

Il penche la tête sur le côté ; elle n'a pas mentit et lui non plus ne le fait pas. S'il est sincère elle le sera aussi, se dit-il. S'il est sincère elle ne se questionnera pas et ne s'affaiblira davantage.

« Seulement en partie. »

Se sont des mots qu'il souffle.
Il ne se bat plus que contre elle. Contre Pepper. Et elle aussi, est blessée tout comme lui. Il y a sur son épaule les mêmes agrafes, de cette plaie qui la marque si profondément et la fait un peu boiter.
Ils se sont arrangés, tous les deux. Ont évacués leurs tensions de leur relation dans ce combat plus poussif que les autres, peut-être.

« ...Une partie pour oublier le Monstre du mâle. L'autre pour trouver un refuge et dompter le Serpent à Plumes.
Pour ne jamais laisser les instincts dominer la raison.
Pour ne plus avoir peur, un jour. »

C'est pour ça qu'il se bat.
Pour évoluer.
Et la confidence est donnée sur ce ton monocorde, sans un mot plus haut qu'un autre. Il s'expose sans gêne ni crainte, comme il l'aura fait par le passée. D'elle il ne veut cependant d'aide, car déjà il l'a trouvé en Pepper.
Au lieu de ça, il sait maintenant que c'est à lui de lui apporter la sienne.

Il vaincu Pepper et se fit vaincre en même temps, il pouvait vaincre ses peurs et les siennes à la fois.

Désastre souligna l'évidence.
Bien sûr, que ce n'était pas à Alexandrine de la sauver, elle ne pouvait décemment poser un tel fardeau sur ses épaules. Mais à elle, à elle seule, de se montrer plus forte que cette dépendance et cette peur qui la bouffaient de l'intérieur. A elle se savoir tirer la rage de vaincre les perfides démons, des paroles pleines de sens que les plus âgés lui offraient sur un plateau d'argent.
Tawana, puis Anette. A qui le prochain ? Elle n'avait pas le droit de les laisser parler dans le vent, de leur faire perdre leur temps.

Ça, elle le savait. Mais où trouver les armes pour se battre ?
Désastre les avait. Alors elle leva vers lui un regard plein d'espoir.

- Alors aide moi.

Un souffle.

- S'il te plait.

Elle ne tomberait pas plus bas. Elle ne s'en laissait pas le droit.
Il lui fallait lutter, sans relâche, ne pas se laisser happer par le fond. Et si jamais elle l'atteignait, par mégarde, il lui fallait taper de la patte pour remonter. On l'aiderait, elle le savait, désormais, qu'elle n'était pas seule et ne le serait plus jamais.
Telle était la force des Etelkrus, la cohésion, le soutient.

C'était quelque chose qu'elle voulait offrir, aussi, l'aide, l'oreille attentive, peut-être quelques paroles avisées. Si seulement elle en était capable. Elle écouta Désastre lui parler du Monstre, du Serpent à Plumes. De la peur, aussi.

- Est-ce qu'on t'aide, toi ?

Évidemment, que les événements récents avaient laissé leur marque dans le cœur de ce jeune loup. Et il ne pouvait rester seul pour les affronter.

Respire

▬ ft. Holly

Été 2020.
1an et 4mois.

Il n'y a pas besoin de cette formulation, de ce s'il te plait qui traine à la suite de ses mots. Il n'en a pas besoin, Désastre, car à elle on ne disait de, s'il te plait, patrouiller autour des frontières.
C'était dans ses compétences. C'était son rang.
Plus encore.
Il se devait de l'accomplir, cette aide promise, sinon à quoi bon être panseur s'il n'était en mesure de répondre aux attentes que l'on pouvait placer sur ses aptitudes. Plus encore...

« C'est mon devoir. »

Elle devenait son objectif. Celle qu'il se devait de redresser, plus que par une compagnie qu'elle retrouverait. Ce n'était pas sain de laisser la raison se faire engloutir par les méandres d'une relation.
Il l'avait compris, Désastre, il connaissait le danger de celles-ci maintenant. Lorsqu'il avait perdu la sienne, de raison, quand le Mal toucha à sa mentor. Lorsque plus rien ne semblait lui faire sens, sauf que de la venger dans une rage qui déborde et une violence immaîtrisable.
Il aurait voulu sa vie, pour celle entachée. Il n'y aurait eu de remords, comme aujourd'hui il n'y avait de regret de ne pas l'avoir fait. C'était..comme ça.
A lui maintenant de comprendre les erreurs qu'il avait commise. A lui de se modeler et de se laisser modeler, pour ne plus jamais défaillir.

Ses yeux se plisse, son souffle est court.
Il sait comment il l'aidera maintenant.

D'abord elle retrouverait le sommeil, de plantes que l'on donnent et qui endorment. Celles qui ne laissent place ni aux rêves ni aux cauchemars, le sommeil est vide d'images et c'est mieux comme ça. Il les connait bien, ces plantes. Il en a, de ces somnifères tout prêts.
Il veillerait à sa reprise de poids, à ce qu'elle mange. Aux herbes médicinales qu'il lui donnerait en plus, pour rattraper les carences et favoriser la diminution des angoisses, celles que si souvent il avait lui-même prises, dans un passé de phobies.
Il demanderait à celle devenue patiente quelques jours de repos. C'est Pepper, qui y veillerait, il doit passer par elle, car elle ne doit perdre cet élément là.

Elle la jauge presque comme une fille, il l'a deviné.
Pour ça, elle n'a droit de se perdre sur ces chemins où elle n'avait raison d'être.

Holly lui demande alors s'il en a de l'aide. Il tâtonne, cherche si c'est l'inquiétude ou le besoin idiot d'aider absolument, même lorsqu'on en a les compétences, qui l'habite elle aussi.
Finalement la réponse tombe, presque immédiatement.

« J'ai choisi Pepper pour aide. »

Parce que lorsque tout brûlait autour d'elle, elle restait debout, portant seulement dans son poil l'odeur de l'incendie. Parce qu'elle était là, stable et idéale.
Plus que jamais il se raccrochait à elle, sur ses tempes revenaient les griffes de ses décisions et enfin il se sentait capable d'aller mieux, parce que comprendre était plus difficile que de subir.

Après l'étincelle qui l'eut habité, dans sa rage et sa colère, que de manquer à ses ordres et de s'éloigner de son chemin... Il empruntait désormais son autoroute, lui laissant le volant.

Et elle ne lui avait jamais paru si douce, à son égard. Elle lui avait sourit et cette image remplaçait celle des ailes que les crochets dévorent, parce qu'il n'y avait plus que ça pour occuper son esprit maintenant, et ce besoin d'à nouveau l'obtenir.
Le rêve d'enfant éteint s'était réalisé.
L'adolescent perdu, maintenant en voulait plus.

Dans ses pattes, il reprend la marche, mouvements lents qu'il déconstruit en regardant droit devant lui.

« C'est le repère le plus stable. »

C'est elle, le refuge.
Il s'avance vers les falaises littorales, c'est là qu'ils devaient se rendre. Maintenant, un peu plus qu'avant, sans savoir pourquoi lui viens cette pensée.

Ça n'avait pas changé, ça, Désastre prenait toujours les choses... De façon purement... Détachée ? Elle ne savait pas quels mots poser là dessus, et sa joueuse non plus. Mais soit, si tel était son devoir, alors qu'il l'exécute. De toutes manières, elle avait besoin d'aide.
Elle hésita à lui demander de ne pas prévenir Pepper. Mais n'en fit rien. C'était chose vaine, hélas. Cela l'aurait pourtant fortement arrangée, que sa mentor et Alpha ne soit pas au courant de... ce genre de choses. Il n'était pas glorieux de se laisser sombrer, lorsque l'on recevait la confiance de ses supérieurs et Holly avait, évidemment, bien honte de tout cela.
Alors, si tel était le cas, pourquoi le faisait-elle ? Elle pinça les babines, songeuse, un peu agacée par sa propre personne, aussi. Ils étaient tous si forts, Anette, Désastre...

C'était pour cela qu'elle ferait comme lui, comme Désastre et tirerait sa force de cette aide apportée. Cette aide que lui avait trouvé chez Pepper, voyant en elle un être stable, un repère.
La femelle bleue hocha la tête.

- C'est un excellent choix. Pepper a le recul nécessaire pour aider et ses paroles sont toujours pleines de sens.

Son regard terne s'illumina un peu, alors qu'elle évoquait cette mentor tant admirée. Son modèle, son objectif... Qui ne lui avait jamais semblé aussi éloigné qu'aujourd'hui. Posséderait-elle, elle aussi, un jour, la même force de caractère qui lui permettrait d'encaisser les tempêtes sans s'exploser contre les rochers ? Comment faisait-elle, Pepper, pour parvenir à tout gérer, les drames, la meute, ce fils qui avait traversé l'horreur, ses apprentis... Tout.
Il y avait aussi la reconnaissance pour celle qui lui avait accordé temps et confiance, présente pour la remettre sur les rails lorsqu'elle en sortait. Toujours avec justesse et bienveillance.
Bref, elle appréciait réellement Pepper.

Infiniment plus que celle qui lui avait donné vie, ce qui était tout de même un peu triste.

Désastre et elle atteignirent les falaises littorales.
Holly inspira profondément. Qu'il était bon de revenir ici, d'humer l'air salin, de repérer du coin de l’œil le temple de Dairo, sa déesse. Un bonheur tout simple, comme elle savait les recevoir.

- Descendons sur la plage.

Ils y trouveraient peut-être des crabes. Ou pas, d'ailleurs, mais ça n'avait pas vraiment d'importance... Elle n'avait pas emmené Désastre ici pour travailler.
Prudemment, elle entreprit de descendre de la falaise. Pas assez, peut-être, puisqu'elle se sentit vaciller -la faute à la fatigue, peut-être ?-, glisser sur la roche. Pas le temps de crier de surprise que déjà, son corps roulait sur les pierres sans qu'elle ne parvienne à retrouver une prise convenable.

Mais ce n'était que le début.
Elle arriva au bout de la falaise. Là, vint la chute de plusieurs mètres.
Amortie par les vagues.

Elle plongea, suffoquant lorsque son tronc rentra en contact avec l'eau, brusquement. Ce... n'était pas agréable. Et même douloureux. Allait-elle mourir ?
Non.

Ses poumons ne se remplirent pas d'eau, comme ce qu'elle aurait pu pensé, si elle s'était accordé le temps de réfléchir. Quelque chose d'autre avait pris le relais. Là, dans l'océan, elle respirait sans mal.
Ses esprits retrouvés, elle remonta à la surface.

- Désastre ?

Non, elle n'était pas devenue muette, elle.

Respire

▬ ft. Holly

Été 2020.
1an et 4mois.

Quand il évoque Pepper, il perçoit l'étincelle qui anime la femelle. Bien sûr qu'il sait, qu'elle est son apprentie, presque une digne héritière. Bien sûr qu'il sait aussi, quelle attention lui porte Pepper, à mille lieux de la sienne. Pourtant il ne saurait en être jaloux, il n'est pas capable de ça, Désastre. Il trouvait légitime que celle qui ne lui avait été imposé trouve davantage place auprès d'elle, car elle l'aurait choisi. Il sait qu'elle l'estime, dans la façon dont elle en parle. Il sait que pour elle, il lui est arrivé de s'inquiéter.
Et que là aussi, elle s'inquiéterait de son état.
Si elle savait l'aider lui, plutôt le reformater, peut-être pourrait-elle l'aider elle, dans une aide véritable.

Il ouvre la gueule et lui souffle cette idée, au cas-où elle ne l'aurait eu.

« Tu peux aussi trouver ta place auprès d'elle. Pour qu'elle te pousse à guérir.
Elle finira par venir d'elle-même, sinon. »

Dans son acharnement, dans la force qu'elle possédait et qu'elle lui transmettrait. Dans le partage d'une expérience similaire, de celle que la paranoïa avait un jour emporté. Ça, on ne l'a jamais dit au fils. Il ne connait que la rage et l'amertume qui rode autour de sa naissance, de la distance que ça aurait mis entre elle et lui.
Cette distance qu'il peut, petit à petit, ravaler. Il croit que cela est possible, maintenant.
Pour recevoir sourire et compliment, c'est bien qu'il avait su faire un pas dans la bonne direction, non ?

Il ne pense plus à ça quand le silence de la brise est remplacé par le fracas des vagues à son oreille droite. Il y a dans son nez l'odeur du sel, il entrouvre la gueule et respire.
Il n'aimait pas particulièrement la mer ni se baigner, Désastre.
Il appréciait pourtant les falaises abruptes, les pierres saillantes, et la violence avec laquelle les vagues venaient s'y fracasser, dans une scène à l'effigie de son nom. C'était quelque chose de fort, de prenant, c'était...

Quoi, Désastre ?

Il a ouvert en grand les yeux, les pupilles minuscules. Il s'est dressé sur ses doigts et il a gonflé l'échine, donnant du panache à son encolure et inventant une crête sur son dos alors qu'il se laissait fondre en avant. Il a arrêté son cœur, celui qui est tenu dans un étau et laisse l'organisme en suspend.
Il a entrouvert la gueule, non pas pour mordre ou pour crier...mais pour l'attraper.

Elle tombe.

Il a agit mais ça n'a pas suffit.

Tu te souviens du corps qui chute dans les montagnes. On ne l'a jamais revue, Bamboo.

Elle dégringole de la falaise, il n'a que les quelques poils en gueule de celle sur qui il n'est parvenu à avoir prise, attrapant le poil plutôt que sa peau. Il doit la rattraper.
Il ne doit pas la laisser disparaître, Pepper ne tolérerait pas telle perte. Elle y tient, à cette apprentie. Elle y tient, à sa conseillère.
Il bondit d'une roche à l'autre, descend dans la souplesse et l'agilité caractéristique des porteurs de Kiro. Il se laisse glisser et se rattrape, tend ses muscles...

Finalement la voit disparaître dans la mer. Trop tard.
Souffle qui se retient, raison en exil.
L'échec ne peut pas être permis, lorsque telle vie est en jeu.
Il aboit.
Mélange de frustration et de rage, en même temps qu'il bondit. Il reste prudent, tomber et s’assommer contre la mer ne serait justiciable.

Finalement son corps rentre en contact avec l'eau, il plonge et laisse sa tête passer sous l'eau. Il sait nager par instinct mais n'est pas bon nageur pour autant, il manque de rapidité et de fluidité dans ce milieu qu'il n'a à fréquenter.
Il se pousse pourtant à l'effort, pour chercher la louve. Le sel brûle les plaies et son flanc se contracte dans un spasme, il lui semble surprendre une silhouette blanche qui remonte et s'étonne de ce fait.
Avait-elle conservé son air, malgré le choc ?
Etait-elle parvenue à telle prouesse ?
Son corps se tort et il fait volte-face.
A son tour, il remonte à la surface.

Elle est devant lui quand il jait de l'eau et il surprend son nom.
Et il ne dit rien, il se contente d'avancer, de la regarder, de l'inspecter, ignore ce sel qui le brûle. A-t-elle fait un malaise, a-t-elle glissé ? C'est-elle cassée quelque chose, dans la chute ?
Son devoir de panseur prend le relai.

« Un vertige, tu as mal ? »

Il baisse la tête, lève ses yeux porteurs d'un regard attentif vers elle. Il souffle des mots.

« Tu n'as pas perdu ton souffle et tu es remonté seule... »

C'est impossible, je crois.

Il avait été rapide, Désastre, à descendre de la falaise.
A peine remontée, Holly put poser son regard bleu sur sa silhouette grise. Ses oreilles pointèrent alors qu'elle l'écoutait, plutôt attentive bien qu'encore un peu secouée par ce qu'il venait de se passer... Et de la façon dont elle avait échappé un destin qui aurait pu être bien plus tragique.
Elle soupira de soulagement.

- Juste quelques égratignures !

Ce qui était, là encore, un miracle. En roulant sur les pierres des falaises, elle aurait très bien pu se briser le cou.

- Ça va te paraître dingue mais... Sous l'eau, je respirais. J'en suis certaine.

Il allait peut-être la prendre pour une folle, mettre cela sur le compte du choc... Et pourtant, cela ne faisait aucun doute : Sous l'eau, quelque chose avait pris le relais de ses poumons. Sinon, ceux ci se seraient probablement gorgés d'eau et elle n'aurait certainement pu remonter à la surface avec autant de facilité.
Elle fronça les sourcils, songeuse, se perdant un peu dans ses réflexions.
Puis redressa la tête, scrutant Désastre.

- Et toi, est-ce-que tu peux le faire ?

Respire

▬ ft. Holly

Été 2020.
1an et 4mois.

Encore, il sonde. Ses yeux sont des rayons qui sondent et cherche les blessures, inspectent le pelage de blanc et de bleu où survient parfois un peu de rouge, comme il l'a déjà souvent vu le salir. Il les voit, ces quelques égratignures qu'elle lui évoque. Rien d'inquiétant, les laisser à l'air libre suffirait à ce qu'elle cicatrise pour ne laisser que des croutes puis plus rien. Il ne leur porte de soins, tant elles sont superficielles. Se dit qu'autour d'elles surviendraient peut-être les hématomes, dans ce cas lui donnerait-il finalement de l'arnica à mâcher et à s'appliquer ensuite, dans de petits massages circulaires.
Pas de patte qu'Holly ne pose au sol, dans une douleur ou un inconfort. Pas de spasmes de douleurs qu'il surprend sur un membre.
Mmh.
Il décide de lui faire confiance, il la croit et accepte le fait qu'elle n'aurait qu'éraflures et ecchymoses en éphémères séquelles de la chute de la falaise.

Puis elle lui fait part de quelque chose, qui lui fait redresser une oreille -celle qui entend-. Elle respirait sous l'eau... Oui. Désastre ne semble surpris, face à cette évocation.
Peu, étaient les choses qui étaient en capacité de le surprendre. Il avait vécu des choses anormales, en était lui même issue d'une ; ça suffisait à le rendre aussi peu impressionnable.
Tout lui semblait pouvoir exister.

Il hoche la tête et ferme les yeux, en silence. Ou presque...

« Mmh. »

...Ça valait tout comme.
Il a l'air de réfléchir, un vague instant. C'est comme ça qu'elle s'en était donc sorti ; en étant capable de reprendre le souffle que lui avait arraché le choc. Il avait donc son explication, sur cette chose normalement impossible.
Il reste sérieux face à cette annonce et semble l'accepter sans poser de questions. Redresse un peu le museau à sa question, toutefois, dans un vague élan de vie.
S'il pouvait le faire ?

« Je n'ai pas fais attention. »

A s'il pouvait respirer sous l'eau.
Parce qu'il était resté en apnée, parce qu'il n'y était resté bien longtemps. Juste le temps de voir la louve qui remontait, et de regagner lui aussi la surface.
Il se détourne, fait quelques pas. Gagne en profondeur, là, jusqu'à ce que ses plaies se plongent dans la mer et qu'à nouveau un spasme de douleur piquante secoue son flanc. Il a encore pattes, se tient bien dessus...quand il arque la nuque et immerge sa tête sans prendre la peine de respirer avant ça.

Pour le faire, là. Sous la mer.
Donner réponse à Holly.
Pouvait-il lui aussi respirer sous l'eau ?
Il ouvre les yeux et il inhale. Et s'il sent l'eau de mer inonder ses narines, il ne la surprend prendre possession de son cœur et le faire hoqueter. Il respire. Oui. Il peut rester un moment, comme ça.
Quand il sort la tête, il regarde un instant droit devant lui.
Impassibilité sur ses traits, quand un mot quelque peu surpris lui échappe.

« Ah ! »

Oui il pouvait respirer sous l'eau. Faits étonnants... Etait-ce une nouvelle particularité, comme l'aura et les ailes rouges ? Enfin il se tourne vers Holly, ses yeux rouges dans les siens.

« Peut-être l’œuvre de Dairo. »

Pour te sauver de ta chute, toi fidèle disciple, doublant ses chances en conférant telles particularités à chacun d'entre vous.

Il le pouvait aussi.
La louve bleue hocha la tête, à l'hypothèse formulée par Désastre.

- Oui, c'est fort probable. Ce ne serait pas la première fois, que Dairo me vient en aide.

Elle n'avait pas oublié, et n'oublierait pas, l'intervention de sa Déesse pour la rassurer et la soigner, après le combat contre la solitaire folle. Ses yeux se remirent à briller, c'était toujours le cas, lorsqu'elle songeait ou évoquait un être qui, pour elle, était important : Pepper, Dairo... Alex ? Non, son amie n'éveillait pas ce genre de doux sentiments, actuellement. Elle ne représentait qu'inquiétude et il lui faudrait faire du chemin, avant d'être sereine face à cette situation.
Son regard se perdit en direction du temple de sa Déesse... Avant de revenir dans celui de Désastre.

- On plonge ?

Mhh.

- A moins que ce soit trop douloureux, avec tes blessures ? Sinon, nous reviendrons plus tard. Nous pourrions même trouver ou confectionner des lunettes, afin de pouvoir observer les fonds marins.

Ça la bottait à mooort !

Respire

▬ ft. Holly

Été 2020.
1an et 4mois.

Il hoche la tête, ne répond rien d'autre que ce mouvement unique.
Il sait, pour Dairo.
Il l'avait vu venir à Holly alors qu'Anita et lui-même s'appliquait à lui offrir des soins, après l'avènement de la Solitaire par delà leur frontière. Il était encore jeune panseur en apprentissage, et elle était la première louve qu'il soignait en suite de réelle situation de combat, loin des entrainements qui ne laissaient que quelques égratignures. Mais il n'avait pu avoir même efficacité que la déesse, celle qui effaça d'un orbe orange toute trace du combat, rendant à Holly sa puissance et son énergie. La déesse semblait porter sur ses disciples un intérêt certain, veillant sur eux lorsqu'ils se trouvaient sur son territoire, comme pouvait le faire Kiro.
C'est pour ça, que les dieux Etelkrus étaient tant appréciés de la meute.
Pour la foi qu'ils recevaient, ils leur assuraient protection.

Une question lui fit dresser les oreilles. Plonger...
Mmh.

Il hausse les épaules, alors que son corps se détourne vers cette mer calme qui véhicule à ses yeux les valeurs d'une meute qu'il se doit de mépriser. Il n'a pas d'attrait particulier pour celle-ci. Il est cependant curieux de connaître ces branchies dont il semble en cet instant présent affublé, si du moins elles n'avaient disparues désormais qu'Holly était sortie de l'eau.
Il ne sait pas, accepte pourtant l'essai.

« Je les rincerais à l'eau clair. »

La douleur, bien que dérangeante, était supportable. Il n'aurait qu'à faire claquer entre ses doigts une de ses billes gardées dans son bandana. Ou plutôt, lécher ce qu'il en resterait.
Il s'était immergé dans l'eau sans se débarrasser de ses accessoires, et l'argile qui leur servait de base n'était faite pour rester solide face à l'eau. Chose qu'il ne pu que constater en retirant le tissu de sa cuisse, léchant la pâte que cela avait formé avant de rincer le reste.
Un gâchis de bille qu'il n'appréciait guère, mais il n'aurait été prudent de toutes les absorber.
Il replaça le bandana, cadeau de Pepper qu'il se refusait à retirer, si ce n'était pour s'en servir pour un entrainement en aveugle.

Il s'avance dans l'eau, jusqu'à ce que le niveau chatouille le bas de son ventre. C'est là qu'il se retourne vers elle, alors qu'il écarte les doigts pour garder équilibre dans ce courant qui, un peu, l'emporte.

« ...Sauf si tu tiens aux lunettes. »

Ils pouvaient aller en chercher, il pense. Il ne sait pas s'il y avait besoin d'en confectionner, il avait déjà vu des loups en porter. On devait pouvoir les trouver. Peut-être même en emprunter.
Il sait que son oncle Dough en possédait. Non pas pour la plongée, mais pour se protéger du sable du désert dans lequel parfois il se rendait, partant escalader. Peut-être pourrait-il les lui demander, il ne lui avait jamais dit non.
Sinon...
Sinon, il plongerait sans, disparaissait sous la surface de l'eau pour trouver ce milieu qui lui était devenu non-hostile, par l'action supposée d'une déesse.

Il ne semblait pas plus incommodé que cela par ses blessures, Désastre.
Tant mieux ! Cela leur permettrait d'explorer un peu ce nouveau don qui disparaîtrait peut-être bien vite. Il valait mieux donc aller plonger aujourd'hui... Au risque de ne plus jamais pouvoir le faire.
La femelle secoua la tête. De toutes manières, Désastre avait l'air bien parti pour plonger.

- Non. On verra plus tard pou les lunettes. Plongeons.

Holly le suivit dans l'eau, s'immergeant totalement. Le don était toujours bien présent et c'était sans la moindre difficulté qu'elle pouvait respirer dans l'eau.
Quelle étrange expérience que de nager de cette façon, sans craindre la noyade, de juste se laisser happer par cette immensité bleue, de laisser le courant lui caresser les flancs. Elle n'était d'ailleurs, pas plus incommodée que cela par ses yeux, restés ouverts pour voir ce qu'elle faisait et, surtout, où elle allait.

Elle ne put s'empêcher de sourire.
C'était vraiment trop trop bien. Elle remercia mentalement Dairo pour ce cadeau.

Et lui, Désastre, l'appréciait-il ? Holly lui lança un rapide coup d’œil.

Elle, elle voulait tout voir. Que pourrait-elle trouver, tout au fond de l'océan ? Y parviendrait-elle ? C'était des contrées, si l'on pouvait nommer cela ainsi, que personne n'avait pu explorer auparavant... A l'exception, peut-être, de ces imbéciles de Raeders.
Peut-être pourraient-ils trouver des trésors, comme dans les récits d'aventure que l'on contait aux enfants.

Curieuse et déterminée, elle s'enfonça davantage, visant les profondeurs...

Respire

▬ ft. Holly

Été 2020.
1an et 4mois.

L'eau salée vient lécher ses flancs, fait palpiter en un bref spasme celui-ci par le léger tiraillement qui survient autour de la plaie qui le barre. C'est vrai, que cela ne l'incommode pas plus que ça. Il a l'habitude depuis trop longtemps, d'avoir mal quelque part, tant et si bien qu'il n'y prête plus vraiment attention. Il a apprit à marcher, à courir puis ensuite à se battre. Et de là, il apprit à avoir mal, par les coups portés qu'il ne parvenait à esquiver, il apprit à avoir mal jusqu'à enfin ne plus se laisser toucher.
Jusqu'à la phobie. Où tout s'arrêta.
La douleur comme les possibilités de la ressentir.
Ce n'était pas un très bon moment.

Les yeux mi-clos il s'enfonce encore dans l'eau, plus lentement que la louve impatiente de s'y rendre à nouveau.
Enfin le voilà tête sous l'eau, immergé est l'adolescent. Il ferme les yeux et regroupe ses pattes contre lui, se laisse ainsi couler vers des profondeurs inconnues. Il n'a jamais vraiment plongé, l'expérience est nouvelle et...
C'est différent.
C'est une nouveauté qui d'un coup électrise son quotidien.
Ça faisait longtemps. Depuis le dessin avec Anita.

De là enfin il ouvre les yeux et le sel lui brûle la cornée.
D'instinct il agite un peu les pattes, brasse le courant quand il referme ses yeux et serre fort ses paupières. La sensation le surprend, il sait qu'il finira pourtant par s'y faire.
Alors il les rouvre, moins brutalement. Un regard réduit à deux fentes rubis, qui doucement s'étend pour s'ouvrir davantage qu'à la surface, lui conférant presque expression moins morne.
Presque.
Il regarde Holly gagner en profondeur, presque disparait dans les abysses inconnues.

Il la suit, plus prudent et moins curieux.
Pourtant il suit du regard un banc de poissons argentés qui passe près de lui, dans une position relevée, tourne sur lui-même pour en suivre l'avancée, les regarde disparaitre derrière un récif de corail dont sort des poissons de blancs et d'oranges.

La vie est riche, sous l'eau. Il ne s'en rendait pas compte, jusqu'à maintenant, qu'elle grouille autant que les insectes sur la terre ferme.

Un mouvement, il nage vers le bas, améliore ses brasses chaque fois un peu plus.

Le contact de l'eau qui l'englobe lui fait prendre conscience de toute la puissance de celle-ci. S'enfoncer, c'est subir un peu plus la pression de tous ces litres au-dessus d'eux.
Ils pouvaient respirer sous l'eau. Pour autant, ils n'étaient fait pour en atteindre les plus bas fonds. Là où il le savait, la pression serait comme celles des hautes-montagnes et que des maux terribles les saisiraient alors.
Il ne fallait pas aller jusque là. Il fallait faire attention.
...
Il ne peut pas parler.
Alors sur un caillou ramassé là, d'une griffe il en raille la surface pour le donner à Holly.

Attention
↓

Il ne sait pas que c'est une private joke avec Anette, mais le mot est ici passé.

Plus elle progressait, nageant vers le fond de l'océan, et moins l'expérience était agréable. C'était comme si son corps, auparavant si léger, se retrouvait pris dans un étau, plus puissant de mètre en mètre. N'y avait-il pas moyen d'assouvir sa curiosité sans avoir à subir ce genre de maux ? Probablement pas. A combien de mètres, sous l'océan, étaient-ils rendus, d'ailleurs ? Le caillou remis par Désastre la sortit de ses réflexions. Pourquoi lui donnait-il cela ? Ah, le message.

Elle gloussa. Voilà que Désastre se prenait pour Anette.
Plus sérieusement, il n'avait pas tord : Il n'y avait pas seulement la pression, à prendre en compte, mais aussi d'éventuels prédateurs marins... Et devaient donc rester vigilants. Ils devraient bien trouver de belles choses à voir, là où ils étaient, sans trop s'enfoncer. Comme ces imposants bancs de poissons argentés qu'ils pouvaient parfois frôler.
Holly hocha la tête, montrant à Désastre son accord.

Son regard accrocha quelque chose de nouveau et, une fois de plus, elle se sentit gagnée par l'enthousiasme de cette découverte. C'était un monde si différent de tout ce qu'ils pouvaient voir à la surface... Et c'était magnifique !
Elle tapote sur l'épaule de Désastre, désignant un récif de corail autour duquel nageaient une multitude de petits poissons colorés.

Respire

▬ ft. Holly

Été 2020.
1an et 4mois.

Combien de mètres, sous l'Océan ? Loin, aurait répondu Désastre. Là où personne d'autre qu'eux ne peuvent se rendre dans la meute, il croit, là où peut-être même les Raeders ne sauraient aller sans ressembler à ces ignobles croisements de poisson qui ne méritaient que de finir sous ses crocs, dépecés et dévorés comme les proies qu'alors ils devenaient.
La pensée horrible n'est que de passage, quand plus que de s'y attarder il découvre les nouvelles possibilités de silence qui s'offrent à lui. L'oreille qui peut entendre est bouchée par le bruit de l'eau, c'est un bourdonnement incessant et agréable.
Sans mots.
Sans agacement.
Il se rend compte des opportunités de tranquillité, plus efficace encore que de s'isoler là où il dort avec Serpent et Sourire et où l'agilité est de mise pour parvenir à se glisser.
La possibilité qu'il y retourne, sous l'eau, devient grande, quand les complaintes et les phrases qu'il ne comprend pas auraient eu raison de sa patience.

On ne viendrait pas le chercher, ici. Sauf peut-être Holly.
Et c'était bien, comme ça.

La louve hoche la tête et ne va pas plus loin dans les profondeurs. C'est mieux ainsi, avant que les maux ne la saisissent. Il aurait dû aller la chercher, il en aurait tenu de son devoir ; il sait cependant que c'est à peine si l'oreille qui entend supporte la pression de l'eau actuelle, il aurait dû penser à la protéger avant de se rendre là et la pression augmentée aurait eu raison d'elle.
Si Désastre appréciait le silence, il ne se devait de finir sourd. Faire tout comme, oui. Le devenir, non.

Il a un petit sursaut quand elle lui tapote l'épaule, se tourne vers elle pour suivre ce qu'elle lui montre.
Des plantes qui vivent sous l'eau.
...Du corail, et des poissons clowns. Il ne sait pas pourquoi ils s'appellent ainsi, il ne trouve pas qu'ils ressemblent à des clowns.
Ils n'ont pas de nez rouges alors il ne comprend pas, Désastre, mais il s'abstient de le dire.
Peut-être qu'ils étaient drôles ?
Il s'approche et les regarde.
Fixe Holly d'un air étrange, l'oeil en coin, observant si elle trouvait leur façon de nager...amusante. Lui ne savait percevoir la différence, entre leur nage et celle d'un autre poisson...
Lui ne trouvait rien amusant, aussi.

...

Finalement il pense que son regard est trop insistant et il abandonne, prélève du corail l'air de rien en se souvenant que Tawana lui avait parlé de ce qu'il faisait avec. Un peu, pour ne pas dénaturer la demeure de ces poissons ; assez pour qu'on puisse en faire quelque chose.
Tout ça trouve place dans le bandeau de son antérieur, dans une torsion de son corps plus souple que s'il avait été sur terre.

Il se laisse flotter et poursuit la contemplation du monde marin qu'on lui a fait déprécier mais qu'au fond il trouve joli.

Holly pencha la tête sur le côté, curieuse.
Le regard étrange que lui lançait Désastre, après que celui ci ai repéré les poissons-clowns, ne passa pas inaperçu. Qu'avaient-ils de si intéressant, par rapport à ce qu'ils avaient pu croiser, précédemment ? Peut-être leur couleur, un bel orange vif. Il y avait pourtant des animaux marins plus surprenants. Honnêtement, Holly ne comprit pas trop.
Elle le regarda prélever un peu de corail. Elle, n'y toucha pas, ne souhaitant détériorer ce milieu naturel... Tout de même bien agréable à regarder.

Ils continuèrent leur plongée pendant quelques temps, sans qu'elle ne sache vraiment compter les heures, profitant de ce milieu auparavant inconnu. Jusqu'à ce que la fatigue se fasse sentir et que, d'un mouvement de la tête, elle montre la surface à Désastre. Il leur fallait remonter, désormais.
Il leur fallait rentrer, pour sûrement, y revenir plus tard, lorsqu'ils seraient en forme.

Respire

▬ ft. Holly

Été 2020.
1an et 4mois.

Bien sûr, qu'elle ne put saisir le regard étrange. Car il n'y avait rien à comprendre, dans les frasques de l'adolescent, si ce n'était une certaine bêtise dont il pouvait parfois faire preuve. Il laisse finalement de côté les poissons clowns et s'éloigne vers ailleurs, suit la louve vers d'autres explorations maritimes.
Il s'habitue, à cette pression contre ses muscles.
Il...
Il prend plaisir, à nager et à découvrir ce qui se trouve autour de lui.

Oui.
C'est un monde nouveau et un ersatz d'émerveillement se rend capable de passer en lui.
Ce pouvoir, même s'il ne sera que temporaire, éveillait en lui des passions nouvelles. Il se demande s'il serait possible de dessiner sous l'eau. Ou bien, d'apporter à Anita un poisson étrange pour ensuite le dessiner, dans cette envie saisissante de renouer avec ses passions, un poisson qui se gonfle et... Il n'y touche pas, les piquants lui semblent de mauvais augures.

Alors il nage, encore un peu. Se fait enfant de la mer, avec celle qui éphémèrement devient sœur de ce même attribue.

Ce fut un bon moment.
Il en oublie ce qui le ronge, un peu. Et ça...C'est bien.
De mission, Holly avait réussie.

Avec elle il remonta avec ce cœur moins lourd. Sans sourire ni éclat dans les yeux, mais moins plombé de ces instants dramatiques qui noircissaient son être.
La plage est retrouvée.
Il lui adresse un mouvement de la tête avant de la quitter, s'en va rincer ses plaies qui brûlent mais qui ne suffisent à lui faire montrer sa douleur. Il se tait, silencieux s'en va.

Pour la prochaine fois, il penserait aux lunettes.

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