Vairons [Grimalk]

Velikan

Velikan n'avait pas compris comment faisaient les oiseaux.
Il les avait observer pourtant - après avoir constaté qu'il était définitif qu'il ne parviendrait pas à les attraper - il faisait tout pareil mais non, quelque chose lui échappait. Le géant gris avait beau être là, les pattes dans la vase, l'eau jusqu'au ventre, il n'attrapait rien.
Il n'était pas si imbécile, enfin pas trop, il avait rapidement compris que ce n'était pas parce qu'on se tenait ainsi dans l'eau et qu'on plongeait la tête qu'un poisson allait apparaître, il fallait attendre qu'ils viennent. Et Velikan attendait, attendait et attendait encore, il avait horreur de ça, et lorsque ENFIN un poisson plus gros qu'un vairon finissait par se pointer, il s'échappait avant que le mâle gris de l'attrape !

Velikan était frustré, énervé et très affamé. Il pouvait l'entendre par intermittence, son  estomac gargouillé. En plus à force de rester là dans l'eau il avait froid !
Froid et faim !
Et il n'y avait que les vairons pour revenir à chaque fois !
Alors Velikan s'énerva contre eux. Il plongea la tête, referma son épaisse mâchoire dans l'eau, tapa des pattes dans la vase sans rien attraper évidemment. Le mâle gris s'arrêta lorsqu'il fut essouffler sans que sa colère n'aide en quoi que ce soit. Alors il aboya, bruyamment et méchamment sur les vairons qui revenaient une fois la tempête passée.

Les oiseaux s’étaient rapidement établis comme sa cible d’entraînement privilégiée.
Non pas qu’il ne les aime pas - c’était même plutôt le contraire. Il admirait la façon dont la nature avait doté ces êtres d’une légèreté telle que chaque exemplaire, quelle que soit sa taille, pouvait voler : et il avait décelé chez eux, à force d’observations, de nombreuses caractéristiques uniques et fascinantes.
C’était avant tout pour le défi technique qu’ils représentaient qu’il avait commencé à cibler ses jets de couteaux sur eux. Ils étaient vifs, rapides, toujours sur leurs gardes.
Réussir à les faucher d’une lame lancée dans leur direction lui apportait chaque fois un puissant sentiment de satisfaction. Le résultat de cet exercice réussi avait ensuite le mérite de servir à tous quand le cadavre de l’oiseau constituait un repas. Le rôle d’un Hárif n’était pas primairement de chasser, mais leur habileté aux armes avait le mérite de pouvoir les rendre indépendants sur la nourriture et de contribuer à l’effort commun en cas de besoin en ramenant des proies supplémentaires.
À Arabahos, aucun os n’était jeté et une bouche de moins à nourrir pouvait assurer la survie d’un autre élément.

Il n’y avait que les aigles que Grimalk ne cherchait jamais à viser.
Sans doute parce qu’il admirait chez eux une efficacité plus grande encore que chez les autres oiseaux même de proie, qu’il leur reconnaissait une noblesse qui intimait une forme de respect naturel.
Mais les autres volatiles…

C’est une habitude qu’il n’a pas perdue que de les viser eux, dans les entraînements quotidiens aux lancers qu’il continue de pratiquer.

Et c’est avec la buse variable qu’il vient d’abattre en gueule que Grimalk remonte maintenant les hauteurs de la forêt le long d’un sentier, frôlant les pins et s’appliquant à ne pas déloger les quelques pierres peu enfoncées dans le flanc terreux.
Il s’apprête à traverser le cours d’eau déjà emprunté à l’aller quand un son inhabituel le fait s’immobiliser en plein milieu du passage fait de cailloux moussus, la tête tournée vers l’aval. La mélodie de l’eau suivant son cours s’était imprimée comme une constante dans le fond de son esprit - mais quelque chose était venu perturber cette constante et tous ses sens comme son instinct ne peuvent s’empêcher de vouloir identifier quoi.
La réponse n’est pas longue à obtenir. Ce qui brisa l’écoulement de la rivière se trouve en contrebas, à une vingtaine de mètres de lui.
C’est un loup immense, à la limite de la bête tant son gabarit le fait dépasser tous les individus qu’il a pu voir. Une bête qui s’agite de gestes frénétiques et de toute évidence futiles en frappant autant l’air que l’eau et la vase.
Grimalk hausse un sourcil, le regard posé sur le grand loup gris qui ponctue sa colère d’un aboiement sonore. Et le jeune mâle ne reprend pas tout de suite sa route : ce qui retient son attention et le tient droit au milieu du guet est aux antipodes des détails qui captivent habituellement sa curiosité ici bas.

C’est pour sa pure simplicité à la limite du primitif que Grimalk le fixe au lieu de s’en désintéresser, empli de questions qui s’éveillent sans hiérarchie entre elles.
Celle qui ressort le plus souvent est néanmoins de savoir ce qui, chez cet être particulier, se démarquera davantage après quelques minutes supplémentaires d’observation.

Le loup ou la bête ?

Velikan

Velikan continuait à aboyer sa frustration sur les vairons. Si certains repartaient, il fut rapidement évident pour le banc qu'il n'y avait pas grand chose à craindre. Un manque de considération qui ne fit qu'agacer un peu plus le géant gris. Ils étaient si énervant ces poissons !
Il finit cependant par sentir le long de son échine un certain malaise qui l'incita à se retourner et constater non sans un sursaut la présence d'un autre loup.
Ah !
Qu'est-ce qu'il faisait là lui ?
Velikan décida qu'il l'énervait autant que les vairons et lui aboya donc dessus également, toujours mécontent. Il ne se rapprocha pas cependant, l'autre loup avait quelque chose dans sa façon d'être, dans sa posture ou dans la lueur de ses yeux qui mettait un peu mal à l'aise le géant gris, quelque chose d'un peu effrayant surtout. Velikan n'était pas loup très courageux, il profitait surtout de l'avantage que lui apportait sa taille plus haute que celle des autres loups.
Le mâle gris se tût à un moment, lorsqu'il repéra cette proie tenue en gueule, relevant tête et oreilles, intéressé.
Oh !
Il avait faim, il la voulait.

Quand le regard jaune de la bête canine tombe sur lui et qu'un aboiement tonne cette fois dans sa direction Grimalk sursaute, tout son corps se tendant par instinct.
Ses muscles se raidissent et son poil se gonfle mais il coupe court à l'envie de lâcher sa buse pour extraire la lame de corps hors de son fourreau. Car si le loup massif a aboyé, il n'a en revanche pas esquissé le moindre geste en sa direction et il ne semble pas agressif.

Son expression change cependant du tout au tout quand les yeux - ils paraissent si petits sur le corps autrement démesuré de la créature, comme ceux d'un ours - s'arrêtent sur quelque chose qui casse net le caprice colérique et bruyant.
Grimalk relève une à une ses oreilles qu'il avait plaquées pour tenter d'étouffer un peu le son désagréable de ses cris primaires et déduit rapidement que c'est l'oiseau qu'il tient en gueule qui l'intéresse.

Mais il est hors de question qu'il le lui donne.

Cet ensemble de comportement fait sérieusement pencher la balance de son analyse d'un côté plus que de l'autre, mais la réponse n'est pas encore fixée pour autant.
La bête grise donne de la voix, d'accord. Mais sait-elle s'en servir autrement que pour vociférer ?
Grimalk pose avec une certaine précaution sa proie au sol sans détacher son regard de l'inconnu et insiste sur l'appartenance de la nourriture en posant fermement l'une de ses pattes dessus.
Puis il relève le museau dans sa direction et parle d'une voix assez forte pour être entendu par-dessus le son de l'eau.

— Qu'essayais-tu de faire ?

Y avait-il une quelconque volonté propre derrière les gestes erratiques qu'il avait déployé à l'encontre de la rivière ?

Velikan

Oreilles dressées, regard fixé sur le loup en face mais surtout sur l'oiseau qu'il tenait, Velikan était extrêmement attentif au moindre geste, au devenir de cette proie surtout. Ses yeux suivirent l'action et la buse doucement déposée sur le sol non sans une certaine excitation qui le fit presque trépigner sur place avant... avant que le loup brun démontre sa pleine possessivité sur  la proie.
…
Oh.
Velikan avait cru un instant qu'elle allait lui revenir, jusqu'ici on avait plutôt répondu à ses caprices. Il baissa ses oreilles, déçu, émit un petit couinement triste également. Le mâle gris allait peut-être devoir chouiner un peu pour obtenir ce qu'il voulait, ça avait bien marché aussi ça jusque là.

Avant qu'il ne démontre ses talents d'acteur dramatique, l'autre loup parla, reprenant la totale attention du gris.
Les paroles étaient courtes pour une fois.
Velikan ne comprit pas pour autant, ça demandait quelques efforts qu'il ne s'était pas préparé à fournir. Alors il se contenta de fixer comme l'être simple qu'il était l'autre loup de ses yeux jaunes, avant de se mettre à couiner, relevant une patte pour l'agiter en l'air dans une tentative de quémande.
Velikan avait faim.
Il voulait que l'autre règle ce soucis en lui donnant son oiseau.

La situation stagne.
Pour toute réponse, l'immense loup gris en contrebas s'est renfrogné et a émis le son dépité d'un louveteau contrarié quand sa patte s'est posée sur la buse.
Oui, à bien y repenser en laissant cette pensée tourner dans sa tête, c'est cela qu'il lui évoque.
Un enfant coincé dans un corps trop grand.

C'est la seule réaction qu'il obtient, des couinements : ceux-ci s'intensifient et quand bien même il a obtenu son attention lorsqu'il a élevé la voix, aucune lumière de compréhension ne s'est allumée dans les yeux jaunes.
La balance de son jugement continue de pencher dans une direction plus que l'autre.

Pourtant, Grimalk n'abandonne pas encore. Il se montre insensible à la réclamation du grand loup qui, s'il n'use pas la parole, sait néanmoins se faire en partie comprendre : sa réponse à lui est de froncer davantage les sourcils et d'abaisser tête et encolure dans une posture d'observation presque prédatrice.

Quand sa gueule s'ouvre à nouveau, la voix est plus forte et plus autoritaire.

— Tu ne sais pas parler ?

Si c'est une question, le ton fait davantage penser à une injonction.
Il veut le bousculer.
Il veut comprendre qui il est... Ou qu'est-ce qu'il est.

Velikan

Velikan n'obtient rien avec ses quémandes. Pire que tout, l'autre loup dans sa posture se fit bien plus effrayant et intimidant que précédemment, coupant court aux couinements mendiants du gris. Il sursauta face à l'autorité dans la voix.
Ce loup, différents des autres rencontrés qui lui avaient fait prendre un peu plus d'assurance et d'orgueil, le renvoya vers les souvenirs moins agréable de ses années précédents. Velikan face à ce regard perçant et ce ton si autoritaire se soumit par automatisme, baissant tête et oreilles comme pour encaisser quelque chose.
Il fit l'effort d'essayer de comprendre les mots.
Ah...
Il voulait qu'il parle...
… Enfin il croit.
Il se rappela de la petite louve du champ spongieux qui voulait son nom. C'était ça peut-être, que l'autre loup demandait juste avant, alors il ouvrit la gueule.

« Vel – i – ka n - n »

Il vomit chacune des syllabe avec difficulté, ne sachant plus comment expulser l'air de sa gorge. Aboyer ça allait, c'était simple, pour parler il bloquait. S'ajoutait à ça sa dentition difforme et sa mâchoire trop épaisse l'empêchant d'articuler.
Parce qu'il ne s'obligeait plus à faire autant d'effort, Velikan n'essayait pas de maîtriser cet exercice difficile du langage. Il perdait petit à petit ses si faibles acquis.

Le ton qu'il a employé fait l'effet d'un coup de fouet : le grand gris cesse de geindre et se recroqueville, comme si Grimalk allait ensuite fondre sur lui.
Les oreilles du mâle brun se redressent et plus que de la pitié, il ressent un certain amusement qui relève l'une de ses commissures.
Il trouve cela comique et absurde, ce géant qui pourrait disputer de la nourriture à un ours mais s'aplatit devant une voix haussée à son égard.

Toujours est-il qu'il obtient en plus d'un changement de posture des résultats plus probants. À travers une gueule qui se tord et se mouvoie avec difficulté sortent des syllabes qu'il ne comprend d'abord pas tant elles sont dissonantes et extraites d'une manière qui rappelle davantage une suffocation qu'une élocution. Mais après quelques secondes à garder les sourcils froncés et le visage dur, les morceaux de mots répétés encore et encore dans son esprit, Grimalk finit par les recoller ensemble.
Velikan.
Son nom, probablement.

C'est un début. S'il y a à son avis toujours plus de primitivité que d'esprit dans cette épaisse créature, il possède au moins la capacité d'user de ses cordes vocales.
Mais est-ce la seule chose qu'il sait dire ? N'est-il qu'une formidable machine de chair et d'os créée pour sa robustesse à laquelle on aurait seulement appris un nom, le laissant vide de toute autre connaissance ?

Grimalk n'en a pas fini. Ce premier résultat positif appelle davantage d'exploration.

— Velikan. Tu es tout seul ?

Il module sa voix pour y laisser cette autorité qui suffit à l'impacter tout en y intégrant davantage de clarté, avec une intonation qui mêle satisfaction et encouragement.

Sa posture, elle, s'est redressée pour en casser les angles les plus agressifs et la rendre plus ouverte.

Comme pour éduquer tout animal, il récompense une réponse adéquate par une attitude plus positive.

Velikan

Il y avait cette forme d'autorité qui s'était installée et à laquelle Velikan restait soumis sans bronché, comme un louveteau aurait pu l'être face à un adulte après s'être fait remettre à sa place alors qu'il s'était montré un peu trop arrogant. Et puis, le brun incite, il pousse en plus de se montrer autoritaire. Velikan n'aurait pas su dire comment ni pourquoi mais – il n'aurait pas su dire grand chose de toute façon- mais il devait répondre, face à ce loup là il le fallait.
Le géant gris resta un peu bête quelques instants, regardant de ses yeux jaunes l'autre mâle, toujours avec cet air penaud et soumis. Les mots tournèrent dans sa tête, se répétèrent dans une tentative de leur donner du sens. Il y avait son nom Velikan, il sépara seul du reste.

Ah, heureusement la phrase était courte, il avait compris, enfin il lui semblait.
A nouveau Velikan ouvrit la gueule, voulut émettre un son mais la pression l'empêcha de faire sortir quoi que ce soit de sa gueule, comme si le mot pourtant si simple qu'il voulait faire sortir s'entêtait à rester bloqué. Le gris opta pour le geste à la place, refermant ses mâchoires pour secouer sa tête de haut en bas, le mouvement emportant avec lui l’épaisseur de la crinière claire.
Les yeux jaunes fixèrent à nouveau le loup brun, Velikan remua timidement le bout de sa queue, esprit louveteau cherchant quelconque signe d'approbation ou de satisfaction.

Les yeux jaunes restent braqués sur lui et il paraît que l'attention du géant lui est pleinement acquise - pour le moment du moins. Si l'air de son visage ne s'est pas éclairé d'une soudaine inspiration lyrique, il peut néanmoins déceler de la concentration : mais ce n'est pas au travers de sa voix qu'il obtient réponse quand c'est d'un hochement vigoureux que s'agite Velikan.
Grimalk fronce les sourcils un instant, mitigé sur le résultat et ce qu'il convient d'en faire. L'exercice n'est pas tout à fait respecté - il veut l'entendre encore parler et veut écarter les doutes sur sa cognition. Il ne peut être assuré que ce geste n'a pas été qu'une réponse aléatoire dans l'espoir d'avoir la bonne car par le passé elle aurait fonctionné. Quelque chose lui souffle néanmoins que durcir de nouveau son ton ne sera pas une solution. Face à cette queue qui bat et ce visage dans lequel il peut lire l'attente - et peut être l'espoir ?- il convient de persister dans l'encouragement.
C'est en baissant le museau vers sa buse, commençant à envisager à contrecœur l'idée de l'exploiter différemment qu'en la mangeant lui, que ses iris sont attirés par un mouvement vif et fluide.

Sous la surface de l'eau et entraînées par le courant des rapides défilent une multitude de petites ombres.
Son regard s'éclaire quand se rejoue l'image du géant désespéré qui semblait en guerre contre la rivière. C'est ce qu'il avait voulu attraper. Des poissons.
Et s'il serait sans aucun doute plus simple de dépecer la proie déjà acquise, l'envie de s'essayer à cette chasse innovante gonfle rapidement dans son torse et s'impose sans tarder. Sans un mot et sans redonner d'attention à Velikan, Grimalk tire sa lame de corps du brassard qui la protège et fléchit les articulations pour se rapprocher de l'eau. Ainsi immobile, le loup guette la surface et attend, la pointe du couteau à un centimètre de l'eau.

Et quand passe une ombre un peu plus grosse et un peu plus paresseuse que les autres...
Il frappe du geste le plus sec et rapide possible pour percer tant la surface que le corps du poisson. La résistance qu'il sent s'imposer avant de céder lui confirme la prise avant même qu'il ne se relève et extraie son arme de l'eau.

Un sourire satisfait révèle quelques uns de ses crocs alors qu'il se redresse et redirige son attention vers Velikan, manche du couteau toujours en gueule, le poisson agité de quelques derniers spasmes empalé sur sa lame. Comme pour s'assurer qu'il voyait bien la prise.
Il pose ensuite l'ensemble à côté de sa buse et maintient le couteau d'une patte sur le manche afin que les mouvements erratiques ne le fassent pas basculer avant de reprendre la parole à l'intention de Velikan.

— Chaque fois que tu me réponds en parlant, tu en auras un.

De son museau qu'il abaisse il désigne encore le poisson afin de s'assurer de la compréhension des enjeux.

— Reprenons. D'où viens-tu, Velikan ?

La question reste simple mais Grimalk fait en sorte de l'orienter vers des réponses différant du oui et du non.

Velikan

La frappe vive du couteau fit sursauter Velikan qui un peu curieux avait dévié son attention sur l'objet à défaut d'avoir celle de l'autre loup -il hésite un instant à ne pas en profiter pour voler la buse mais il fallait avouer que le brun lui faisait quand même un peu peur.
C'est un poisson que l'autre mâle sort ensuite de l'eau, un poisson que Velikan lui n'aurait et n'avait pas su attraper. Plus que ça c'est un poisson qu'il ne lui donne pas. Le grand loup gris couina de frustration, piétinant sur place. Pourquoi il ne lui donne pas ? Il avait déjà une buse qu'il ne lui avait pas donné non plus et qu'il n'avait pas volé.
Il ouvrit la gueule, aboya presque.

« Donne ! »

ça il savait le dire. Il aurait pu forcer, comme il avait forcé avec la petite louve mais le brun lui faisait toujours peur.
Il avait perdu sa concentration aussi, il n'écouta pas ce que l'autre lui dit, Velikan chercha dans sa tête une solution pour avoir ce qu'il voulait, le cerveau en ébullition.
AH ! On lui avait dit ça une fois, il fallait le dire.

« Si-il te plaît. »

Voilà, il avait tout bien fait. Donne maintenant.  

La vue du poisson provoque chez le géant une réaction qu'il n'avait pas anticipé. Il aurait pourtant du, au vu de l'excitation qui avait déjà agitée le grand corps précédemment quand de la nourriture avait été impliquée.
Cette agitation soudaine le conduit à lui aussi se redresser et se tendre, ses poils se dressant sur son échine et sa prise sur ses proies se raffermissant.

Fort heureusement, il semble avoir suffisamment intimidé la bête pour qu'il n'y ait aucune tentative de percée - malgré son corps robuste et ses aptitudes, Grimalk n'est pas certain qu'il aurait pu contrer une charge de cet énorme loup.
Pas sans planter un couteau dans sa chair, du moins.
Mais ce ne serait pas nécessaire : Velikan ignore complètement sa question et le fil du semblant de conversation qu'il a tenté d'établir pour simplement réclamer en aboyant.
Les babines de Grimalk se retroussent et un grondement roule dans son thorax.

S'il te plaît.

Le brun redresse une oreille et finit par interrompre son grognement et lisser son échine.
C'est sans doute le meilleur enchaînement de mots qu'il a produit jusque là, même si c'est hors sujet et juste une formule apprise.
Il soupire, toujours crispé, mais cette fois c'est surtout lassitude et frustration qui se sont accumulées.
Il a la sensation qu'il n'ira nul part avec celui là, et l'intérêt curieux qu'il avait cultivé à son égard s'est rapidement détérioré.
Baissant les yeux vers ses pattes où reposent toujours buse et poisson, le Nakhus hésite.


— Tu ne le mérites pas. Tu ne m'as pas répondu.

Mais il a néanmoins utilisé des mots.
Et obtiendra la récompense minimale.

Grimalk tranche la tête du poisson et la lui jette, gardant pour lui le corps ainsi que l'oiseau qu'il ramasse en s'apprêtant à partir.
Pendant que la créature qu'il juge finalement être plus animal primaire qu'esprit évolué dévore son maigre repas, lui reprend sa route et disparaît.