Mental · Mentorat · Grimalk

S'il n'a pas menti en affirmant à Nocera, la veille, que ses lames étaient toujours affutées, il y mit tout de même un soin particulier ce matin-là.
Il ne sait pas encore l'importance réelle que cet aspect revètera dans le nouvel apprentissage qui s'apprête à rythmer différemment sa vie, il s'y absorbe pourtant un long moment peu après son réveil jusqu'à atteindre ce qu'il peut qualifier de plus que satisfaisant.
Et il range les lames avec déférence avant de remonter le Dédale à la rencontre de Nocera, là où d'habitude il cherche surtout à regagner l'extérieur pour s'extirper de ces tunnels.
Au fond de ses entrailles, il y a un sentiment palpable. De l'excitation. Elle lui a manquée, cette forme particulière d'entrain qu'il reconnait : l'appétit de la nouveauté et des découvertes qu'il ne peut pas faire seul.
Quand il en voit la silhouette plus loin dans le couloir, un sourire s'imprime au creux de ses lèvres.
La salutation est succinte, il l'apprécie - la suite est directe, il en est surprit. Mais d'autant plus stimulé.

A la demande de la blesser, le frisson qui le parcourt n'est pas fait d'appréhension. C'est plutôt tout son corps qui se tend en anticipation, ses muscles qui se chargent de cette nervosité électrique qui l'habite ; une seconde plus tard son centre de gravité s'est abaissé et il est prêt à attaquer. Il en a l'habitude. On ne lui a pas appris à retenir ses coups, peu importe qu'il s'agisse d'entraînement.
Mais Nocera ne lui laisse le temps de prendre un quelconque avantage, évidemment : quand leurs regards s'entrechoquent il ressent le même malaise que le jour précédent qui le saisit et l'immobilise, qui ravage ses certitudes et souffle le froid dans un corps brûlant.

Grimalk gronde et son poil se hérisse en crête alors que s'engage la dure lutte contre cette aura de cauchemar. Il ne se laissera pas faire.
En lui se réveille la colère qui est tant liée avec sa rage de vaincre, prélude de ces sensations fortes qu'il pourchasse avec hargne.
C'est grisant, tout ce qui se déchaine comme une tornade intérieure.

Et si le malaise de se confronter avec les yeux porteurs du Cauchemar grossit au départ, celui-ci se dissipe d'un seul coup d'avoir suffisamment insisté à vouloir l'éradiquer.
C'est comme une corde tendue qui se rompt sous la pression ; il n'y a plus d'entrave désormais pour l’empêcher de reprendre sa marche vers sa mentor, la plaçant dans son regard intense en cible isolée du reste. Elle est la seule silhouette qu'il accepte de voir, les couleurs de son pelage en deviennent vives et presque brulantes, agressives. Comme son envie de performance et d'accomplir au plus vite son objectif.
Jusqu'à ce que...
Tout autour de sa périphérie, des ombres noires se détachent et s'entremêlent, perturbent son attention si clairement portée jusque là. Elles déconcentrent sa progression et Grimalk gronde puis hésite dans sa lancée, la tête se tournant de part et d'autres, babines relevées, pour faire face à cette nouvelle perturbation et comprendre de quoi elle est faite.

[Dé]

Plus il les regarde et les prend en considération, plus sa trajectoire initiale se brouille et s'oublie quand son esprit prend en grippe cette nouvelle menace jugée plus urgente.
Il n'a pas le temps de se poser trop de questions, il réagit par instinct : quand l'une des ombres se fait plus consistante et menaçante que les autres, c'est dans la direction de cet ennemi pourtant imaginaire que Grimalk bascule son corps et bondit, mâchoires ouvertes pour les laisser claquer sur ce qu'il estime être l'encolure.
Qui se dissipe entre ses crocs dans une fumée insaisissable.

Lorsqu'il reprend contact avec le sol, sans poils ni sang entre les crocs, l'adolescent gronde.
Il défie le monde qui l'entoure du doré de ses yeux, s'impose à toutes ces ombres qui le menacent en gonflant son pelage, se prépare à tout mouvement en n'écoutant plus les réserves de sa raison, mais la mécanique de son corps.
Pourtant... Quand à un moment clignotent ces silhouettes vaporeuses, qu'elles se dissipent pour ensuite mieux se reformer, il laisse porte ouverte au doute.
Son rythme cardiaque cesse de s'emballer, son visage se lisse, son regard ne cherche plus seulement à guetter les gestes sournois de ces adversaires mais à voir au travers.

Peu à peu, il remonte le fil de sa concentration détournée et réalise.

Que ces bêtes ne sont qu'illusion, que si lui n'a pu les saisir elles ne peuvent rien non plus en retour, que Nocera est bel et bien là, derrière le rempart de ces farces.

Un nouveau rictus dévoile ses crocs, un nouveau grognement sourd fait vibrer sa gorge. Mais celui-ci n'est plus de défiance, il est de défi.
Et sans attendre, le jeune mâle bondit de l'avant avec une énergie renouvelée qu'il sait cette fois diriger. Il traverse les ombres en ne leur accordant plus aucune importance.

C'est la mentor, qu'il veut atteindre.

La nouvelle créature qui se dresse sur sa route le fait douter un instant.
C'est un demi temps qu'il s'autorise à prendre sur son avancée, juste de quoi s'assurer que cette fois-ci, ce n'est pas une illusion. Mais toutes les informations qu'il recueille à travers ses différents sens s'accordent à une même affirmation : cette chose est faite de matière. Certes desséchée et probablement magique pour pouvoir tenir debout, mais de matière quand même.
Alors il y avait forcément un moyen de la rendre hors état de nuire.
Car c'est ce qu'est devenue la bête squelettique en s'interposant entre lui et son objectif : une nuisance.

Grimalk cesse la progression en ligne droite qu'il avait dirigée contre Nocera et se déporte pour un instant, centre de gravité proche du sol, prêt à tout : il s'interroge brièvement sur la marche à suivre, mais n'a pas besoin d'y accorder trop de temps.
A moins de dissimuler sous cette silhouette cadavérique une force insoupçonnée, la chose a l'air faible. Lui, en revanche, a un corps d'ores et déjà solide, des aptitudes qu'il développe et pour faiblesse un manque évident d'agilité. Il ne jouera donc pas à essayer de se faufiler entre la chose et sa mentor ; et tout comme il se dit qu'il pourrait peut-être élaborer une stratégie pour s'en débarrasser autrement, la réponse quasi immédiate de son propre esprit correspond à ce que souffle son instinct.
Il a la force de la détruire.
Alors sa décision prise, Grimalk n'attend plus : les yeux désormais verrouillés sur la goule, il dévoile les crocs et gonfle les muscles, et fonce sans détour sur le mort-vivant.

S'il juge correctement son coup, nul besoin de couteaux : ce n'est pas en faisant couler un sang inexistant qu'il l'emportera, mais en broyant toute possibilité de mouvement par sa masse plus puissante.

La chose ne tente même pas d'esquiver, elle laisse simplement leurs corps s'entrechoquer.
Grimalk tente de la faire tomber mais l'impact est pour le moment mal ciblé : il ne déstabilise pas beaucoup la créature qui se rattrape sur ses pattes frêles, et tente de le mordre.
Mais en voulant s'enfoncer dans les poils denses, c'est avant tout contre les piques de son harnais qu'elle se blesse : il n'y a pas de sang qui coule, pas d'expression visible dans ces yeux vides, mais c'est l'occasion pour Grimalk d'être au contact et de frapper de nouveau.

Laissant la créature empêtrée sur sa prise inutile, il ouvre les mâchoires et compte sur sa mâchoire puissante, alliée de minéraux, pour briser le corps zombifié.

La texture étrange de la créature emplit sa gueule lorsqu'il referme ses rangées de crocs sur son garrot.
C'est sec et légèrement élastique, comme un vieux cuir mal entretenu, comme les restes de peau d'une carcasse oubliée sous le soleil du désert. Il n'y a pas même la résistance de muscles sous ce derme usé, c'est directement contre des os noueux qu'il sent ses dents buter. Ça perturbe ses sensations habituelles en lui donnant l'impression de mordre quelque chose de mort au lieu d'une vraie proie ou d'un adversaire réel, ça envoie le long de son échine un frisson d'inconfort.
Mais il continue de serrer autour de sa prise et veut sentir ce corps frêle céder. Il n'y aucune chance d'échec face à cette chose qui le pince à peine en s'acharnant bêtement à le mordre là où pourtant il ne fera aucun dégât.

Grimalk bande les muscles et, avec un grondement, cherche à soulever de terre la créature pour la rejeter plus loin.

7/10 PVs

Alors qu'il s'attend à aisément soulever la chose pour la rejeter plus loin, il réalise que la peau morte et lâche ne constitue pas une prise idéale.
Là où un corps vivant fournit une chair ferme à saisir, la créature n'est faite que de matières traîtresses et l'étau de ses mâchoires ne parvient pas à correctement se refermer. Il sent le cuir glisser sur les os, ce qu'il restait de cartilage et de tendons noueux échapper à son emprise. Et le peu qu'il parvient à déplacer offre juste à la créature une occasion de l'atteindre : ses membres s'agitent et les griffes impriment quelques égratignures à ses antérieurs et ses épaules dans un léger pic de douleur.
Grimalk gronde à nouveau, mais davantage envers lui-même qu'en réaction à l'inconfort passager.

Cet adversaire est faible, il n'est qu'une perturbation mineure sur son passage, et il aurait déjà du finir de s'en débarrasser.

Une vague de frustration provoquée par sa propre inefficacité se lève dans ses entrailles, envahit son corps de chaleur et son poil se dresse. Mais cette énergie, c'est dans le combat qu'il se doit de la déverser.
Soit. S'il ne parvient pas à dégager ce vulgaire tas de matière morte au moyen de son bâti déjà solide pour un adolescent, il lui faut s'en retourner à ce qu'il connaît d'encore mieux. Ses lames.
Face à un être qui ne semble aucunement réagir à la douleur leur pouvoir est moindre : mais c'est pour lui-même qu'il relâche pour un instant Famine afin de pouvoir plonger la tête vers son brassard et en tirer sa lame de contact. Pour la sensation d'assurance qui l'emplit dès que ses couteaux répondent à son service.
Et puis... Il a un peu envie de savoir ce qui ressortira sur le métal une fois qu'il l'aura plongé dans ce corps étrange, aussi.
C'est une curiosité qui le pique soudain et qu'il ne désire pas tarder à satisfaire, enfonçant Tÿr à travers les côtes si proéminentes qu'elles le narguent.