Racines | Libre // Archives

L'entrée dans l'adolescence se faisait délicate. Les regards moins insistants avaient un peu fragilisé la confiance qu'elle avait pu prendre lorsqu'elle était enfant, mais avaient quelque peu renforcé son estime et être avec soi-même avait eu du bon.

Elle se sentait finalement bien, même si le moule dans lequel elle tentait de rentrer se faisait étroit.
       
Et on le lui faisait bien comprendre. Les écarts, les yeux ronds de ses cadets lorsqu'elle errait dans les couloirs du Castel, parfois même allongée, elle restait au moins aussi grande que ses comparses. Sa nature extravertie s'était elle aussi tassée pour faire place à une pudeur de ses émotions et sentiments.
       
Au fond d'elle, il y avait toujours cette bête sauvage qu'elle parvenait à faire taire, elle n'était pas comme Ottar sur ce point. Swing se voulait comme les autres malgré ses racines moins délicates, un peu plus tordues, mais un Dire reste un dire même dilué. Son instinct chasseresse, bagarreuse et sauvage pulsait par moment pour s'extérioriser, se distraire. Et ainsi, elle s'isolait un peu, parfois, le temps que l'orage passe.
       
Sa mère était parfaite : elle lui laissait le loisir d'être elle-même, les entraînements se faisaient plus rythmés qu'avec les autres quand ils acceptaient d'affronter une bête d'une tête ou deux de plus qu'eux. Mais ce n'était pas assez, Sakura avait beau être la rage incarnée, sans doute qu'elle ne parviendrait plus à canaliser la force de sa propre progéniture.
       
...
       
Hell'Swing avait préféré s'isoler dans la Rougelande. Elle pensait parfois à cette rencontre avec la solitaire, qu'elle avait été bête de s'aventurer seule aussi loin !
       
Elle se mordit la langue. Autour d'elle, il n'y avait rien ni personne. Son second bouillonnait un peu ... Oh, qu'à cela ne tienne ! La frustration se faisait trop présente, de plus en plus fréquente, et machinalement, son poil habituellement doux et ondulé se dressa sur le haut de son dos à force de se laisser aller dans ses pensées. Qu'elle ne s'aimait pas en ce moment-même ! Qu'elle enviait Ottar de ne pas avoir ces réflexions !
             
Hell' attrapa le premier truc qui lui venait sous les pattes : une branche bien épaisse. Et elle tapa le sol avec de toutes ses forces. Elle s'agaçait comme elle ne s'était jamais agacée, lançant des grondements profonds à chaque fois que le bout de bois touchait le sol. Rapidement, celui-ci se déchenilla et ne devenait plus qu'un amas de brindilles cassées. Que cela lui faisait du bien ! Elle enchaîna avec des rochers, sa tête et ses cornes s'entrechoquaient avec la pierre présente autour d'elle, balayant avec ses pattes larges les herbes sèches, soulevant toute la poussière au-dessous et autour d'elle.
       
Un fin sourire se dessina. La langue pendante de sa gueule, soufflant bruyamment. La louve s'écrasa un peu au sol, fixant le vide devant elle, et se propulsa vers l'avant avec toute la force qu'elle pouvait dégager. Et elle couru autant qu'elle pu sans s'arrêter, jusqu'à croiser un malheureux lièvre qui se trouvait également là. Et elle le prit en chasse, ses pas lourds rythmant sa course.      
       
Le rongeur changeait sans cesse de direction, Swing tentant de le suivre en manquant de glisser à chaque tournant, mais ne perdait pas le cap. Elle était la fille de Sakura et d'Olis après tout ! Elle n'allait pas se laisser aussi facilement berner, surtout par un si petit animal.
       
Il ralentissait.
             
Et elle rattrapait la distance entre eux, tendant sa tête vers l'avant pour mieux jauger ce qui lui restait à récupérer. Le lièvre ne semblait pas bien guilleret.
     
Une fois plus proche, elle sentit ses pattes revivre, la douleur faisait place à une sorte d'engourdissement peu désagréable, et elle en profita pour gagner encore plus de terrain. Il n'était qu'à quelques centimètres, alors elle lui assena un coup de corne pour le sonner ou le blesser à l'arrière-train.

Il cavalait toujours, plus faiblement ...