Prélude - Iris

- Apprête toi, mon enfant, il me faut te présenter à quelqu’un d’important.

Il est rare que Père s’occupe d’elle.
C’est parfois comme si elle n’existe pas : Il préfère la compagnie de Mère, lorsqu’il ne quitte pas l’Atoll pour mener d’autres activités qui lui sont inconnues, loin d’elles.
Alors, aujourd’hui est une journée singulière, pour la petite Nour qui soudain se redresse.

- M’y aideriez-vous, Père ?

Elle n’a pas de bons yeux, mais le voit acquiescer.
Cela la réjouit et un sourire naît sur ses babines. L’enfant se nourrit de ces instants précieux ou elle peut susciter, elle l’imagine, un peu de fierté chez l’un de ceux qui lui offrit la vie.
Cette fois, elle ne s’effarouche pas comme avec les servantes du palais éphémère et le laisser volontiers tresser ses longs cheveux, et la parfumer.

Apprêtée, Nour se retrouve désormais à traverser le bras de mer sur le dos de Père qui, sans doute, ne veut point voir réduits à néant, ses efforts pour qu’elle soit belle.
Une fois la berge regagnée, c’est fière qu’elle marche à ses côtés.

- Je compte sur toi pour lui être agréable.

D’un hochement de tête, elle accepte, mais doute. L’autre, par peur, peut tout gâter.
Le doute grandit, lorsqu’elle aperçoit une silhouette.
Une âme plus sombre que celle de Père.

Père ne fréquente pas de bonnes personnes, se dit Nour.
Et en même temps, elle sait que ce loup est son oncle. Porterait-elle également des œillères, si il y avait eu un esprit malfaisant à ses côtés, contre les flancs de Mère ?

De prime abord, son oncle n’a pas l’air méchant, avec ses manières un peu gauche et son absence de poils, à certains endroits, qui lui donneraient presque un air drôle.
Le regard de l’enfant est méfiant et défiant, pourtant.

-Bonjour, mon oncle. Enchantée, de même.

Elle ne veut, malgré tout, pas fâcher père qui lui a demandé d’être agréable.
La tête penchée sur le côté, elle l’observe davantage : il n’a, cependant, pas l’âme aussi sombre que la louve à moitié démon et, lui, porte une lumière semblable à celle de Père.
Était-ce un leurre ?

Nour reste une enfant avec toute la spontanéité, et la curiosité, liées à son âge.

- Êtes vous en partie démon ?

- [color=#003366]Nour. Pardonne moi de son impertinence, mon frère. [/color]

La désapprobation de Père lui déplaît, pourtant, son regard blanc reste figé sur son oncle.

Oh, alors il y a plusieurs façons d’assombrir son âme.
La louve qu’elle a croisé sur sa plage est sombre par son essence, quand son oncle l’est devenu par ses actions.
Du moins, c’est la conclusion qu’elle tire.

- Une louve est venue sur notre plage. Son âme est plus sombre que la vôtre. Elle nous a dit être à demi démon.

De là est née son hypothèse erronée.

- Quelles sont les tâches d’un guerrier Etelkru ?

Les questions fusent.
Elle ne connaît pas vraiment, ce qui se trouve au delà de sa plage.

Elle découvre, via ses mots, une dimension nouvelle.
Nour est Solitaire, tout comme ses parents, et n’a jamais quitté l’Atoll, pour le moment. Tout ceci éveille sa curiosité.
Son oncle est donc un protecteur ! Lorsqu’elle fait ce constat, son âme s’éclaircit alors de plusieurs tons, et elle ose s’avancer vers lui.

- Oh ! Vous devez alors être quelqu’un de très courageux, mon oncle ! Ces intrus et ces menaces que vous combattez, à quoi ressemblent-ils ?

Sa queue remue. Puis soudainement la louvette se calme.
L’autre impose ses idée et elle ne peut, cette fois, pas luter.

- Nous ne serons jamais guerrière. Mais espérons trouver quelqu’un de confiance pour nous protéger.
Ce serait humiliant !

Elle n’est pas d’accord avec l’idée de dépendre de quelqu’un, mais se sait désavantagée par rapport à d’autres.

- Quoi de mieux qu’un père, pour cela ?

Oh !
Nour sourit, enchantée.

Des monstres ?
Elle n’en a jamais vu, sans que cela ne soit lié à ses problèmes d’yeux. Parfois, elle imagine dans ses rêves des ombres menaçantes. Ceux de son oncle paraissent bien réels.

- Y’a t’il tant de monstres et de loups qui souhaitent vous voir tomber, mon oncle ? Quelles sont leurs motivations ?

La vie d’Etelkru semble pleine de dangers.
Peut-être que des loups, ou des monstres, vont débarquer soudainement pour attaquer son oncle, profitant qu’il soit loin de son clan. Nour se tend un peu alors que ses pattes lui ordonnent de déguerpir.
Pourtant, elle veut également en savoir plus et rester. C’est la patte rassurante de Papa, sur son épaule, qui atténue le paradoxe.
Elle fronce les sourcils et lutte.

- Je suis navrée.
Ma foi, je l’ignore encore. Il me semble que ma vie ne me destine guère à occuper une fonction établie. Nous vivons heureux au palais et les serviteurs répondent à tous nos besoins. Que pourrais je faire ?

C’est une question qui, pour elle, ne s’est pas posée.
Les princesses ne sont pas destinées à travailler.

- Je vois. Sans doute se sentent-ils menacés par votre puissance.

C’est la première fois qu’elle entend parler d’un guerrier : Père ne l’est pas et Mère non plus.
Qui les protègera, eux, en cas de conflit ? Peut-on les jalouser ?
Elle tremble, un peu.

Et soudain, son expression change et son visage s’ouvre en un sourire agréable.

- J’en serai tout à fait honorée !

Elle n’a pas fait voeu d’une condition totalement oisive : Il lui faut apprendre à survivre.