Wonderwall - Grimalk

La Corne du dragon obtenue, ses premières recherches effectuées, Grimalk se doit maintenant de trouver les matériaux nécessaires à établir pour son In Memoriam.
Parcourir de la distance, s'aventurer à des endroits reculés auxquels il ne s'est pas encore confrontés ne sont pas des obstacles, mais une nécessité et un désir. C'est toujours en traversant la difficulté et en la dominant qu'il considère au mieux s'accomplir, peu intéressé à se contenter de raccourcis et de facilité. Au bord de lèvres comme tracés sur quelques carnets de voyage, il y a bien un lieu sur ces terres qui est ressorti parmi d'autres comme étant l'endroit où obtenir de précieux éléments.
Le Désert et l'étonnante Oasis qui s'y cache.

Partant tôt avant l'aube pour s'y rendre, il s'est préparé comme à son habitude à une expédition qui pouvait être longue et fastidieuse. Cela ne rend la motivation du déplacement que plus pure et plus forte.
Traverser la chaleur du Désert et son terrain difficilement praticable se fit sans réelle encombre pour un loup comme lui issu d'un environnement similaire, qui à son plus jeune âge avait été confronté à l'immensité des steppes arides. Il mit en revanche un certain temps à parcourir la distance sur le sable - simplement parce que son regard se trouvait sans cesse captivé par les reflets argentés qui miroitaient tout autour de lui lorsque le soleil levant vint en caresser la surface, réveillant une myriade d'éclats qui ne cessaient de stopper sa marche pour en permettre une attentive contemplation. Les effets finirent par s'estomper quand l'astre continua sa course - et quelques heures plus tard, ayant repris cheminement rapide, Grimalk finit par distinguer ce qu'il reconnaît sans mal comme étant la fameuse Oasis.
Il n'y sera pas seul.
C'est une silhouette connue qu'il y trouve avant toute chose précieuse, si l'on exclue tout ce que le loup sombre a déjà de sophistiqué en guise de parures.

D'un pas ralenti et appuyé, ses yeux d'or rivés sur Nymeria, il s'en approche jusqu'à s'arrêter à son côté.

— Je crains d'avoir égaré le bijou que tu m'as cédé.

Un léger sourire s'est dessiné sur le museau qu'il approche non loin des cheveux de jais de l'autre Nakhu - avec qui il sait aussi partager l'enseignement de Nocera, en plus de l'appartenance d'un clan - comme pour désigner les filaments dorés qui en parcourent les mèches.
La sienne, de chevelure, est toujours vastement désordonnée. Il fit pourtant après leur rencontre initiale quelques recherches, séduit par l'idée et la démonstration de les travailler au lieu de les laisser sauvages, mais la vie a entre-temps fait dériver certains objectifs qu'il a pu considérer comme plus mineurs.
Ils n'auront finalement pas eu l'occasion de se retrouver auprès du forgeron - lui pour acquérir ses propres ornements, Nymeria pour s'approprier une lame.

Du moins, pas encore.

Son regard se trouve immédiatement accroché par le mouvement de ses cheveux, cascade noire dans laquelle courent des filins d'or qui étincellent sous le soleil aveuglant du désert.
Le surnom que lui a attribué Nymeria raffermit un peu plus son rictus et il incline la tête.

— N'as-tu toujours pas appris comment je me nomme, shaëk ?

Ou bien préfères-tu que nous jouions à ne pas utiliser nos vrais noms ? Auquel cas, lui peut s'avancer sur des sentiers inconnus au Sortcelier. De cette langue qu'il n'utilise plus que très rarement - il est loup adaptable et peu tourné vers le passé, et le temps vécu sur ces terres lui a permis de transposer tout son vocabulaire jusqu'à trouver équivalences - il peut néanmoins extraire ce qu'il désire. Il se souvient de tout, et ces mots sont gravés pour toujours dans l'édifice de sa mémoire. Grimalk n'aime pas être dépossédé de ce qui lui appartient.
Alors il conservera cet héritage, comme il a gardé les lames et tant d'autres choses.
La question lui fait ensuite tourner la tête vers l'étendue de sable qu'il parcourt du regard, caressant de loin le contour des dunes souligné par les reflets du soleil qui en dessinent les courbes.

— Il paraît que l'on peut trouver des gemmes, ici. Et d'autres trésors.

S'il est venu avec un objectif précis en tête, il ne néglige rien de tout ce qu'il peut découvrir de plus dans le secret de ces milliards de minuscules grains.

— Il me faut des pierres bleues.

Le loup passe une patte presque révérencieuse dans le sable, le creuse de ses griffes pour y tracer des sillons et le sentir s'échapper entre ses doigts avec un frisson. Il y a ici beaucoup de sensations qui éveillent l'écho lointain de son pays natal. Puis une fois de plus, ses yeux d'or reviennent se poser dans ceux de l'autre Nakhu, si semblables.

Peut-être sais-tu où trouver de ces pierres, que je veux pures et mémorables.

C'est une lueur presque amusée qui s'allume au fond de ses yeux quand Nymeria n'est pas loin de formuler une excuse. La différence de comportement par rapport à leur première rencontre est notable, l'adolescent contrarié et suffisant qui veut s'imposer paraît loin. Maintenant, voilà qu'il lui concède volontiers des compliments.
Quand sa voix grave s'élève en réponse, elle demeure rêche et basse - ses intonations gagnaient rarement en chaleur, mais le fond de son regard n'a rien de froid.

— Je n'en ai pris aucune offense, et le mot que j'ai eu à ton égard n'est pas non plus une insulte.

Il se conforte néanmoins dans le mystère de ne pas lui en révéler le sens pour autant, jouant en retour d'une certaine ascendance acquise par le secret.
Alors qu'il cherche déjà dans le sable, ses oreilles se tournent vers le rire qui résonne et fait chanter sa voix dans des intonations plus féminines. Il se rappelle à nouveau d'à quel point l'individu danse entre deux eaux, et croiser à nouveau son regard quand il - elle ? - passe devant lui et s'aventure à une nouvelle phrase ambiguë le fait se figer, de deux yeux intenses qui le fixent et s'attardent longuement d'une manière presque prédatrice.
Il ne répond pas et s'accommode du silence en parcourant ce corps sombre qui s'active à fouiller le sable à son tour - et ne finit par cligner des yeux qu'après de longues secondes, quand une question revient se loger dans ses tympans.
Comme si toute la machinerie de son corps obtenait brusquement la permission de se remettre en marche, il reprend le geste de sa patte plongée dans le sable sans regarder.

— Je ne connais pas les noms de toute pierre précieuse qui pourrait correspondre. Seul m'importe leur aspect.

Le mâle lève le museau de quelques degrés et fronce un instant les sourcils, sous un brusque revirement de son train de pensées qui l'emmène ailleurs dans sa réflexion.

— À moins que... Le sens compte, aussi. Je désire les incorporer à une offrande pour la Déesse Ao. De la corne sculptée prise au dragon abattu, je fais renaître un autre dragon. Les pierres seront incrustées en guise d'yeux et de cœur.

Alors il est preneur, finalement, de toute signification à ces pierres pouvant mettre davantage en valeur cet hommage. Mais lui ne les connaît pas, ces significations. Son temps passé dernièrement à la bibliothèque fut dédié à d'autres recherches.
Grimalk baisse les yeux par réflexe quand ses griffes finissent par buter contre quelque chose de solide, et il découvre un fragment brillant dont l'éclat fait concurrence au soleil. Son attention s'en trouve captivée, alors qu'il approche le museau du sol pour mieux en voir chaque détail. Pas bleu, mais séduisant pour autant. Il s'en empare avant de continuer à chercher, notant du coin de l'œil la pierre similaire trouvée par Nymeria quelques instants plus tard.

Oreilles tournées vers le Sortcelier, c'est attentif qu'il se fait pour l'écouter parler des Lapis Lazulis. Le double symbolisme le fait s'interroger, ses pensées s'emparent de ces informations nouvelles et engagent leurs rouages. En incrustant de telles pierres sur sa création, de quelle perfection parlait-on alors ? De celle du dragon qui fut tué, adversaire remarquable et fascinant qu'il avait été, ou bien de celle de la Déesse ?
Tout impressionné qu'il se trouve être par la prestance d'Ao, Grimalk n'en devient pas pour autant un bigot prêt à aduler sans limite une entité qui n'a sans doute que peu d'égard pour sa vie de mortel. Ça ne le gêne pas, tant qu'on le laisse la consumer à sa façon, cette vie limitée.
Le discours de Nymeria est brusquement arrêté et par réflexe, les yeux du brun se sont eux aussi agrandis et tout son corps redressé pour trouver la source de l'anomalie. Tout en lui sait répondre à l'urgence, son corps prêt à réagir, son esprit clarifié de toutes pensées inutiles pour ne se concentrer que sur l'immédiat.
Mais cet immédiat n'est qu'une haute silhouette animale qui s'enfuit au loin. Les deux loups interrompus en suivent quelques instants la course, puis Nymeria reprend la parole.
Toute l'attention de Grimalk ne lui est pas pleinement offerte, cependant, et il entend à peine les paroles qui s'enchainent. Ses yeux ne cessent de faire des allers-retours entre le visage du Sortcelier et le reste du désert, à la recherche de ce qui a pu faire fuir un si grand animal.

Il ne regarde pas du bon côté, quand l'autre Nakhu recommence à s'éloigner et revient quelques instants après, affolé. Le poil de Grimalk s'est gonflé en réponse automatique et à nouveau tout son corps se tend, prêt à réagir. Il écoute et assimile les informations divulguées dans l'urgence, et laisse à peine passer quelques battements de cœur avant de gronder d'une voix qu'il garde basse mais qui claque d'un ton autoritaire.

— À terre !

Et, puisqu'il est loup d'action et ne sait nullement s'il peut faire confiance à Nymeria pour réagir vite et bien - il aurait tendance à dire que non, il prend l'initiative de projeter son propre corps contre celui de l'autre loup. Plus fin et plus léger, il l'emmène sans mal au sol et retient juste assez sa chute, d'une patte contre son torse, pour que leurs deux poids ne soulèvent pas trop d'agitation.
Son cœur bat plus fort suite à la décharge d'adrénaline, ses yeux ne quittent pas la silhouette de la créature qui se déplace non loin d'eux. Il attend de laisser passer quelques secondes avant de rapprocher sa gueule des oreilles du loup qu'il maintient sous lui, réduisant le volume de sa voix à un murmure à peine audible.

— Tout prédateur se focalise avant tout sur le mouvement. Si nous n'attirons pas son attention et que nous restons immobiles et silencieux, il continuera de suivre le chameau et se désintéressera de toute autre chose.

Il l'espère, du moins. Grimalk commence à savoir, d'expérience, que les créatures locales ne répondent pas toujours aux mêmes lois que tout ce qu'il put connaitre loin d'ici, aux bases de son apprentissage de la vie.
Une autre solution aurait été de se dissimuler complètement derrière quelque chose en bondissant hors de sa vue, mais dans le désert, il fallait le plus souvent composer avec un panorama dégagé et s'adapter. Il était nécessaire d'apprendre les bons réflexes, de réagir vite - et bien. Ceux qui échouaient à ces prérogatives d'une vie difficile n'avaient de toute façon pas le loisir de la continuer bien longtemps.

Il en avait régulièrement été le témoin.

Fébrile, les yeux rivés sur la créature - mais pas sur sa tête, Grimalk garde en tête les quelques mots de Nymeria pour le prévenir de cette particularité fortement handicapante, il attend dans le silence et l'immobilisme que passe le temps. La bête ne s'est toujours pas dirigée vers eux, c'est bon signe - mais tant qu'elle est dans les parages, ils ne sont nullement tirés d'affaire.
Sous lui, l'autre Nakhus reste sage mais son œil est attiré par un éclat lumineux. Le rose du glowstick de Nymeria s'est activé - par automatisme ou par demande de son porteur, il ne peut le dire - et brille maintenant d'une intensité qui rivaliser avec les mille soleils qui se reflètent sur le sable clair. Le mâle fronce les sourcils, mais une patte ne tarde pas à venir le couvrir d'un geste discret. Grimalk relâche un souffle ; repose les yeux sur le prédateur.
Qui commence à s'éloigner, ne prêtant pas d'attention aux éléments de décor qu'ils étaient devenus, reprenant la trace de la proie bien plus mobile qui s'était enfuie dans une autre direction.
La voix de Nymeria lui parvient, chuchotement elle aussi, et il tourne l'oreille dans sa direction sans pour autant lui répondre.

Le Mage attend que l'imposante silhouette ne soit plus qu'une forme vague dans la distance avant de relâcher la tension de son corps et de commencer à se redresser, libérant de son poids le loup emprisonné.

— Je miserais davantage sur mes lames dans sa chair si j'avais besoin de le tuer.

Elles sont des valeurs plus sûres que des rumeurs.

La tête inclinée sur le côté, il observe le manège de Nymeria toujours au sol. Si son expression reste sobre, l'ombre d'un sourire presque amusé flotte au creux de ses lèvres. La peur passée, le disciple de Moiro recommence à faire ce qu'il maîtrise le mieux. Le malin, et pavaner. Le laissant une fois de plus sans réponse, il s'applique néanmoins à suivre du regard le moindre de ses mouvements à ses pattes, parcourt le chemin des mille grains de sable venus se perdre entre ses poils et ses cheveux souples, étoiles brillant dans une teinte proche de l'argent et venant répondre à tout l'or dont il se pare. Ce n'est que maintenant, une fois l'urgence de la situation évaporée, que la proximité dans laquelle ils avaient été - le contact - le frappe et que peu à peu reviennent s'articuler les différents souvenirs du comportement de Nymeria à son égard.
L'intensité de son regard s'affermit encore, et il le dévore presque, désormais ; immobile dans son observation du moindre de ses gestes. Le loup sombre finit par se dégager et se redresser à son tour, continuant de se débarrasser du sable, agitant la cascade obscure de sa chevelure.
Quand le Nakhu reprend la parole pour livrer une énième parade, Grimalk laisse davantage d'espace à cette sensation qui commence à remuer au fond de ses entrailles pour gonfler.
C'est une chaleur différente de celle de la fièvre d'un combat ; une dont il est moins familier sans pour autant y être étranger.
Une que l'on vient rarement provoquer jusqu'à l'éveiller avec autant d'insistance que celle que le disciple de la Tigresse semble s'amuser à déployer.

Son souffle s'est fait plus profond, son corps plus tendu, et il approche son museau.
Mais d'autres paroles viennent finalement casser ce silence en suspens, devenu bourdonnement dans ses oreilles, et recalibrent son attention sur sa question.
Le mâle brun se recule, juste un peu. Ne répond cependant pas tout de suite, les iris toujours rivés dans ceux de Nymeria.
Il laisse la sensation revenir l'envahir et l'électriser, en partie.

— Je te pensais assez audacieux pour tenter de le deviner.

Ses babines frémissent, raffermissent un sourire ô combien léger sur des traits plus joueurs.
Ce n'est qu'à ce moment, d'un éclat encore une fois attrapé du coin de l’œil, qu'il remarque la forme diffuse d'un objet, dessinée du rose lumineux de Moiro. Tout focalisé qu'il était sur le Sortcelier, il ne l'avait pas encore vu s'affermir.
Un de ses sourcils s'arque, le regard qu'il dirige vers la spectrale apparition avant de le ramener sur Nymeria en une question silencieuse est curieux - presque inquisiteur.

Il sait qu'il va le frustrer, en tempérant ainsi l'obtention d'une réponse. C'est le but. Il reconnaît en Nymeria cette même impatience à obtenir, ce même désir de comprendre qui l'animent également. La contrariété s'inscrit sans filtre sur son visage et dans le cadre de leur échange, Grimalk s'en délecte.
Ainsi garde-t-il l'ascendant aussi longtemps qu'il le désire, jouant avec l'avidité du Sortcelier.
Une réponse est tentée, après avoir été soupesée dans une visible réflexion.

Le brun lui concède un nouveau rictus et un bref haussement d'épaules, élevant le ton de sa voix de quelques octaves pour l'emmener sur le terrain de la taquinerie et laisser languir le mystère.

— Quelque chose comme ça.

Un sursaut, quand une patte vient frôler ses cheveux.
Le frisson qui s'ensuit part de sa nuque pour descendre tout le long de sa colonne, hérisse son poil dense. La chaleur revient, plus mordante.
Il ressent l'impulsion impérieuse de s'avancer, de recréer la proximité dont il le nargue et qui jusqu'à présent le laissait globalement indifférent.
C'est comme si un verrou avait fini par sauter, victime de ses multiples tentatives.
La porte a désormais envie de s'ouvrir.

Mais une fois de plus, le fil de la tension se tord et celle-ci redescend d'un cran, un silence dans la cadence de la partition, quand Nymeria recrée une distance. C'est désormais l'objet qu'il a fait apparaître qui obtient son attention, quand celle de Grimalk reste encore fermement verrouillée sur le visage du Sortcelier. Il concède finalement à détacher son regard quand lui est posée une nouvelle question, et il détaille le dit instrument. D'une pareille forme il n'en a jamais vu.

— Non.

Sa réponse est simple, presque brute en comparaison des inflexions plus souples dont il a modulé sa voix au cours des minutes passées.
Au cœur du désert, il n'a pas été étranger au son d'instruments multiples. Mais s'il les écoutait toujours d'une oreille attentive et relativement curieuse, sachant apprécier leur mélodie et toutes les significations qu'elles portaient , il ne ressentit jamais comme une priorité l'envie de s'y essayer, là où il y avait tant d'autres choses à apprendre.

Et avide de démonstration, le noir et fauve ne tardera à lui faire découvrir le son de celui-ci.
Les oreilles de Grimalk frémissent aux premières notes, la chaîne qui y est accrochée tinte brièvement comme pour accompagner le début de la mélodie. Peu à peu et au fur et à mesure que se bâtit la musique, sans qu'il ne le décide, son corps se fige tout entier comme pour empêcher tout mouvement de perturber le moment.
En cet instant, il n'y a plus que la symphonie pour faire vibrer l'air ; le regard d'or en face de lui qu'il accroche du sien ; la danse élastique de la silhouette éthérée apparue dans le dos de Nymeria. Le souffle du mâle se suspend entre ses crocs, les sensations qui le parcourent sont multiples.
Dans son esprit, des souvenirs lointains ont répondu à l'écho des notes de musique et il s'est trouvé soudain transporté loin, dans un tout autre désert. La créature rose, ensuite ; s'est superposée au reste et a obnubilé ses iris, soufflant dans le jeu de cartes des images de son passé pour y recréer cette Tempête, l'Olam-radah ; chassant de son corps les frissons agréables amenés par la mélodie pour plutôt y planter milles fines aiguilles. Il a lutté, cependant. Et d'une volonté ferme de l'esprit puis d'un tic de la babine, les chassa pour retourner pourchasser ce qu'apporte la mélodie.
Auprès d'elle, il regagne dans la lutte d'une invisible bataille mentale sa sérénité juste avant que Nymeria ne s'interrompre.

Grimalk cligne des yeux, lentement.
Règne un temps de silence, avant que la silhouette immatérielle ne s'évapore et que le disciple rose ne remplisse le vide de sa voix déroutante. Le Nakhu se lève, son instrument se volatilise à son tour - bientôt, il n'y a plus rien pour prouver que les quelques dernières minutes ne furent pas que le fruit d'un enchantement imaginaire.
Le mâle prend son temps pour répondre, d'une voix qu'il garde basse comme pour ne pas déranger la magie qui pourrait encore persister dans l'air.

— J'attends d'elle quelque chose qui me donnera toute une vie de défis.

Ce n'est peut-être pas correctement formulé, mais sur le moment, il n'en a cure alors qu'il recommence à suivre du regard Nymeria qui gravite de nouveau vers lui.
Ce qu'il sait, c'est qu'il déteste l'excessive facilité. Il espère de la part de la Dragonne de l'exigence, une maîtrise ardue à obtenir, quelque chose qu'il ne saurait dompter du jour au lendemain.
Quelque chose à la hauteur de ses lubies.

Le Sortcelier cherche encore à obtenir sa friandise. Il ne perd pas de vue ce qu'il convoite, revient le frôler - le toucher.
La décharge qui le parcourt est cette fois plus puissante alors qu'il tord l'encolure pour garder un visuel sur le disciple rose. Puis, plus vif que ne le laisse présager sa relativement solide carrure, il fait volte face pour se retrouver tourné dans le même sens que Nymeria, à ses côtés.
De son corps souple il ne s'est pas décollé, et son souffle est plus rauque quand il place son museau contre son encolure, juste derrière son oreille.

— Je veux que tu assumes ce que tu cherches auprès de moi.

Cesse de tourner encore et encore.
Je comprends ton allégeance, adepte de la Déesse du charme.
Sa voix baisse encore d'un octave et devient presque grondement, mêlé d'un vrombissement qui chatouille ses tympans.

— Quand j'obtiens un trésor, je n'apprécie pas qu'il disparaisse.

Ce n'est pas une recherche de serment. Plutôt un avertissement qu'il veut honnête, dans la possessivité qu'il se connaît, dans l'envie de toujours pouvoir revenir à ce qui est acquis.

La tension ne redescend pas, cette fois.
Pas de geste ni de parole pour temporiser, pas de pirouette souple de la part de Nymeria pour recréer de la distance et s'esquiver au contact.
Figé dans l'attente, le loup brun s'empare du regard qui se lève vers lui et sent les battements de son cœur se faire plus lents et puissants. Puis tombe la réponse comme une nouvelle décharge d'anticipation qui le hérisse, ponctuée de la sensation nouvelle d'une langue qui vient s'aventurer au coin de sa gueule et le fait presque sursauter. Mais la brève surprise est balayée pour être remplacée par son corps qui se presse davantage contre le sien.
Dans son cou, il s'autorise désormais à inspirer pleinement son odeur dans un grognement bas mais presque sauvage.
Il y redécouvre une fois de plus à quel point celui qu'il considère être "Il" danse sur les frontières d'une "Elle".
Il admet n'en être que plus enivré, y trouver envie plus mordante en ses entrailles. La confusion sera préoccupation d'un autre jour - dans l'instant, c'est l'instinct qu'il laisse s'exprimer et la communication de leurs deux corps fera le reste, alors qu'il accompagne vers le sol le mouvement de celle qui n'eut de cesse de se dire trésor.

Et lui aime à s'en emparer, des trésors.

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Depuis l'ombre d'un des rares - mais grands - arbres qui borde l'Oasis, Grimalk laisse son regard dériver sur le désert qui s'étend à perte de vue.
Regard qui revient régulièrement sur le corps sombre allongé contre le sien, corps qu'il n'a pas lâché et qu'il garde contre lui, d'une patte glissée par-dessus son épaule quand lui est étendu dans son dos. Abrités de la chaleur qui autour d'eux fait miroiter l'horizon, ils profitent d'un point de vue paisible où subsiste la fraîcheur. Rien n'est venu les déranger dans cet intervalle de temps qui s'étire - aucune présence d'un congénère, aucune trace d'une autre créature des dunes.
Et Grimalk s'en estime heureux, absorbé par l'un de ces rares moments où lui qui n'aime pourtant pas rester inactif trouve de la sérénité à ne rien faire et à simplement s'adonner à la contemplation placide du paysage et à suivre la course lente du soleil. C'est une fois de plus sur la louve que finit par se reposer son regard, sur la courbe de son corps svelte collé à lui. Sa tête est proche de sa soyeuse chevelure de jais et il en inspire de temps en temps le parfum agréable, son souffle se jouant de quelques mèches dissidentes.
Avec lenteur, le Mage raffermit sa prise sur sa partenaire et ajuste sa position. Il place sa mâchoire contre le haut de son crâne, puis entrouvre les lèvres proche d'une oreille pour laisser passer une voix qu'il veut douce et qu'il hausse juste au-dessus de ce qui aurait autrement été un murmure.
Elle s'élève du fond de sa gorge, grave et calme, diffuse ses basses vibrations d'un torse à un autre.

— Je crains qu'il nous faille désormais attendre la tombée du jour pour rentrer, shaëk.

Nymeria pourrait difficilement le constater, mais le sourire du mâle se fait plus franc qu'il ne l'a jusqu'alors été jusqu'à laisser quelques crocs se deviner ; le fond de ses yeux dorés, lui, brille d'un éclat taquin. Il a particulièrement insisté à prononcer le dernier mot d'une voix lente et appuyée, presque suave, pour le déposer au creux de ses tympans. Il se plaît à entretenir ce mystère, voudrait pouvoir encore faire durer cette attente de ce qu'elle a tant souhaité obtenir - mais il n'est pas cruel au point de continuer à la tourmenter, particulièrement dans ce moment hors du temps qui diffuse en lui un certain... Apaisement, qu'il admet être déconcertant.

Alors de cette même voix et après quelques secondes de silence, Grimalk reprend.

— Ça signifie que nous sommes semblables et du même rang. Mon égal.

Il s'agit d'un résumé un peu grossier pour un terme qui porte en réalité une plus grande complexité contextuelle.
Et peut-être en serait-elle déçue, elle qui avait eu l'air de chercher dans l'exotisme de ce mot inconnu un secret plus précieux.
Ce n'est pas grave. Il peut la divertir d'autres mots qui ici n'existent pas, si elle le souhaite.
Lui en tout cas n'aura pas menti, en considérant que c'est proche d'un compliment.

L'ironie s'immisce dans la réponse, Grimalk attrape des siens les yeux orangés qui se sont levés vers lui et en détaille chaque recoin. Son rictus répond aux yeux plissés, il gronde doucement et vient saisir le museau fin de la louve entre ses mâchoires. La pression est légère, pas de morsure dans ces dents qui emprisonnent l'autre visage pour une seconde à peine avant de repartir - juste un élan un peu carnassier mais affectueux, que de goûter encore avec fermeté cette autre avec qui il a aimé s'unir.
Ce sont ensuite des essais de prononciation qui s'échappent de sa voix, que le loup écoute attentivement. La dernière est effectivement la meilleure, qu'il confirme d'un bref signe de tête. Du regard il continue de la suivre et ne se prive d'aucun de ses gestes quand ce corps se redresse et dévoile un peu plus de ses formes élancées, quand la chevelure est réarrangée. Puis elle s'installe de nouveau et Grimalk se fait attentif à sa question.
Qui n'existent pas. Nymeria cherche-t-elle à savoir quels termes n'ont ici pas d'équivalence directe, pas de traduction évidente ?
Il lève un instant le nez vers le ciel, sa réflexion de quelques secondes s'échappe de sa gorge en une basse vibration.

— Hmm. Beaucoup désignent des concept qui n'existent pas ici, ou des choses qui n'ont de sens que pour ceux de là bas.

L'organisation sociale était différente, la géographie ne connaissait pas la moindre similitude avec celle d'ici sauf en de rares lieux, les priorités de la vie étaient toutes autres.

— Ekvusia, par exemple. Nos tribus étaient vastes, nous avions besoin de les organiser en sous-groupes pour pouvoir perdurer. Les ekvusia. Toutes capables d'être indépendantes, mais fonctionnant pourtant entre elles dans une cadence exigeante et synchronisée.

Ses yeux or et noir paraissent plus lointain, perdus vers l'horizon qu'ils transpercent pour voir bien au delà.