Mise en action · Grimalk, mentorat

Il y eut un temps non négligeable où Grimalk ne la vit presque pas, Nocera.
Un temps durant lequel il fut amené ailleurs, un temps durant lequel il finit par devoir batailler contre lui-même plutôt que lors de leçons ou contre la magie des loups d'ici.
Est-ce que cette confrontation contre ce qui se cache en lui n'a pas finalement été l'écho de ce qu'il a appris avec Nocera ?
Elle a été la continuité de ce que Azar a commencé, et il pense maintenant mieux comprendre ce qu'eux deux ont voulu apporter - ce qu'il y avait eu à aiguiller et à contrôler dans le feu de ses émotions, quand bien même elles furent réfractaires à se laisser dompter.
Et le sont encore, souvent.

Revenu sur ces terres dans la ferme intention de ne plus se laisser détourner, il sait qu'il doit la voir pour compléter ce qu'ils ont débuté maintenant que la guerre contre le dragon est derrière eux. Il n'a jamais aimé laisser un objectif incomplet. D'autant que cette fatigue qui tire ses traits et alourdit son corps, il la voit. La louve n'en a plus pour très longtemps dans ce monde, il le voit sans grande difficulté, là où lui arbore toujours le corps d'un jeune adulte, moins sensible à l'agression des années passant que ne le sont ceux d'ici.
Alors c'est sans retard qu'il honore leur rendez-vous et se confronte aux yeux qu'il a su apprivoiser. L'entrée en matière est directe et ne s'encombre pas de politesses, comme Nocera a toujours su l'être : c'est chose qu'il apprécie depuis toujours. Elle lui expose le sujet de leur dernière entrevue et oreilles droites, il écoute, son regard d'or vissé sur elle avec toujours cette même intensité.

Il est face à un choix et les rouages s'enclenchent rapidement dans son esprit pour dérouler les possibilités, assembler les éléments, se figurer des situations. Ses sourcils se sont froncés quelques secondes avant qu'il ne relève sur elle un regard limpide et pétillant.

— Les pièges pour une situation précise. Même si ce sont des façons différentes de penser, j'estime qu'il sera plus simple de partir du particulier pour l'élargir au général si je complète ce que j'apprends avec d'autres recherches.

Peut-être se trompe-t-il, mais il lui paraît dans tous les cas plus intéressant d'explorer la psyché et les mécanismes développés par Nocera au sujet de situations uniques, demandant de réévaluer constamment une méthode pour mieux l'adapter.
Le reste saurait être apporté autrement.
Peut-être même que sa mentore aurait des notes à lui transmettre, pour perpétrer l'héritage de ses connaissances au-delà de sa mort.

Sa supposition est confirmée et Grimalk accepte les paroles de Nocera d'un mouvement d'oreille, déjà concentré sur la suite alors même qu'il range précieusement l'information quelque part et se note de se consacrer plus tard à enrichir ces connaissances.
La suite emprunte la même ligne directrice que d'habitude avec Nocera - simplicité et efficacité. Il sait en lui emboîtant le pas qu'ils se mettraient tout de suite à l’œuvre, alors son entière attention se partage entre la vieille louve et son environnement, équilibrant les deux éléments à leur juste part pour se tenir prêt à ce qu'elle lui demandera.
Au milieu des champs humides elle finit par s'arrêter, le visage tourné vers le sol, et son regard doré bondit dans l'immédiat sur ce qu'elle désigne du museau. Une empreinte, d'un animal local qu'il ne connait pas. Le loup enregistre le nom de la créature et s'approche d'un pas mesuré, iris accrochés aux traces qui s'alignent sur le sol, facilement repérables en cet endroit détrempé.
C'est à quoi ressemble l'animal et ainsi comment le piéger efficacement, qu'il doit deviner en les observant.
Un exercice qu'il avait déjà observé sans qu'on ne lui demande d'y prendre part, de là où il vient. Les steppes étaient bien plus sèches, le sable et la terre marquaient différemment les traces du vivant : mais leur mode de vie imposait de rester vigilant à chaque passage, chaque approche. Il y avait des individus dédiés à cette analyse - pour pister et reconnaître aussi bien les proies que les autres.
De leurs méthodes, il a retenu les grandes lignes de pensée et complète du reste avec sa propre logique, et le mâle commence à marcher lentement le long des empreintes, d'abord en silence.
Puis il énonce, au fur et à mesure de ses pensées et déductions.

Les traces sont espacées de bien plus d'un mètre entre chaque pas.

— L'animal est grand, il a en tout cas de longues jambes et une foulée ample, et l'empreinte est plutôt large.

Il continue de suivre la piste, se rapproche cette fois des marques pour révéler un trou étonnamment profond et conique, la base du trou étant large jusqu'à se rétrécir sur une petite surface.

— La terre est boueuse, donc l'empreinte s'imprime particulièrement bien et les appuis sont plus difficiles à prendre. J'imagine que la créature a un certain poids au vu de sa taille et de la profondeur de l'empreinte, mais sans être trop lourde non plus pour pouvoir progresser sans s'enfoncer, étant donné que la forme de la trace est... Singulière. On dirait qu'il marche sur des pointes, presque comme... L'extrémité des pattes de scorpion ? Mais il n'y en a que quatre, comme un cerf.

Sourcils froncés - il a tout de même un peu de mal à s'imaginer l'apparence globale de la créature qu'il décrit, tant l'idée d'appuis pointus en lieu de pattes ou de sabots lui paraît contre intuitif pour produire un animal stable qui n'est pas un insecte - il poursuit son raisonnement et se place cette fois au centre des traces, la tête proche du sol et dans l'alignement de la trajectoire, concentré.

— Toutes orientées dans le même sens, poids portant sur la pointe et vers l'avant, non sur les côtés ni en arrière. La démarche ressemble bien à celle d'un cerf, ça doit avoir le même genre d'articulations.

Il profite d'avoir le nez à quelques centimètres de la boue pour se mettre à flairer, dégageant l'odeur omniprésente de la terre gorgée d'eau pour y discriminer autre chose, d'autres fragrances plus subtiles qui peuvent s'y cacher. La trace est fraîche, après tout - dans certains cas une empreinte âgée n'aura rien d'autre à révéler que sa forme, mais il peut profiter que celle-ci soit récente pour en extraire d'autres informations.
Pas d'odeur forte et musquée caractéristique de prédateur, pas d'indices de sang ou de chair laissés en signature dans l'air.

— Un herbivore, je suppose. Sans doute davantage bâti pour la fuite et la vitesse que pour le combat.

Il relève la tête et se lèche les babines, tournant la tête vers Nocera.

— Beaucoup d'herbivores vivent en troupeau, c'est leur seule protection. Celui là est seul. Soit il s'est égaré de son groupe et est vulnérable, soit... C'est une caractéristique de l'espèce et il doit avoir d'autres moyens de se défendre pour survivre seul.

Lesquels, il ne sait pas. Mais des sabots larges se terminant en pointes étaient déjà un bon élément de défense.

— Pour piéger pareil animal, je viserais les jambes pour le faire tomber. Quelque chose qui l'empêcherait de se relever et immobiliserait les quatre pattes, idéalement. Pour ne pas qu'il se débatte avec ses pointes.

Pour le reste, il ne s'avance pas davantage sur le plan à élaborer. Il est là pour apprendre, après tout, et conservant maintenant le silence il attend le verdict de sa mentor sur les réflexions menées.

Fidèle à elle-même, Nocera ne perd pas de temps et ne le fait pas inutilement languir dans l'attente d'une réponse. Elle ne s'étire jamais en formulations alambiquées, ne créé pas de suspense là où c'est inutile : dans le cadre d'un apprentissage, elle délivre simplement infirmation ou confirmation.
Et quand c'est de cette dernière qu'il est récompensé, Grimalk ne cherche pas à retenir le léger sourire de satisfaction qui s'étend sur ses lèvres, ni son corps qui se redresse et la queue qui se lève dans l'alignement de son échine. Il accueille toujours dans son entièreté la légère euphorie qui salue chaque objectif accompli. Le loup n'en reste pas néanmoins pleinement attentif à la suite : bien évidemment, que ce n'est pas terminé. Il écoute la nouvelle problématique que soulève sa mentor, le regard fixe pour ne pas se laisser distraire, et fronce légèrement les sourcils à mesure que sa réflexion s'engage de nouveau avec entrain, déjà échauffée par l'exercice précédent.
Quand le piéger ?
Ses pensées commencent à fluctuer ; comme un torrent elles gonflent au fur et à mesure de leur progression, se séparent parfois en branches différentes, se recoupent ou s'éloignent pour se perdre. Dans cette arborescence, le mâle explore autant ses souvenirs pour en excaver les connaissances que des chemins tout autres, fruits de scénarios qu'il créé, de scènes qu'il se joue, d'images qu'il ressuscite.
Il trouve la question plus compliquée que la première, car il a l'impression de pouvoir emprunter trop de chemins différents. Cette multiplicité des pistes ne le gène jamais, au début ; bien davantage quand il ne parvient pas à trouver la convergence censée lui apparaître en évidence au bout d'un moment. Grimalk relâche un souffle, s'efforce de ne pas perdre le fil de ce qu'il a déjà ressemblé, de ne pas céder à cette frustration qu'il sait chez lui évoluer trop vite pour exploser hors de son contrôle.

Le loup ferme un instant les yeux, laisse passer cette vague qui a hérissé la crête de son dos, puis ouvre la gueule.
C'est parfois en posant de manière plus tangible le squelette d'une réflexion, énoncée à voix haute, qu'on peut mieux la contrôler. C'est également comme ça que Nocera pourra en juger, n'étant - aux dernières nouvelles - pas télépathe.

— Si je reste sur l'idée d'un animal semblable au cerf, ils sortent la nuit - ou au crépuscule. Je les imagine y être plus confiants, par la force de l'habitude et de l'adaptation - mais ils sont aussi très vigilants. Nombre de leurs prédateurs sortent au même moment. Faire en sorte de les piéger à ce moment là permet sans doute d'accentuer les chances du passage d'un individu, dont l'attention sera sans doute tournée ailleurs que sur le sol, plutôt vers les alentours du troupeau, mais...

A nouveau, ses sourcils se froncent.

— ... Mais le plein jour n'est pas moins intéressant pour d'autres aspects. Si l'un d'eux ou tout le troupeau se déplace en plein jour, il y a probablement un problème. Un individu malade ou errant, ou bien la menace imminente d'un danger. Un animal - ou tout un groupe - qui divague sans ses repères est plus prompt à faire des erreurs, ou à tomber dans un piège en courant, poussés par la panique.

Au fond de sa gorge, un léger grondement insatisfait fait vibrer sa voix.
Puis il admet, rencontrant les yeux lagon de sa mentor des siens brûlants.

— J'ai du mal à déterminer la meilleure des deux options, entre la négligence par l'habitude et la faute par l'inhabituel.

Il manque d'expérience, pour faire ce choix ; et préfère l'assumer malgré le goût amer laissé en gueule.

Suspendu à son visage, Grimalk guette une fois de plus tout signe qui lui permettrait de pointer vers une confirmation ou une infirmation de ce qu'il avance.
C'est un hochement de tête qui lui parvient ; et une fois de plus il sent la tension brusquement le quitter pour laisser place à l'agréable caresse de la satisfaction. Oreilles pointées vers sa mentor, il accueille tous les mots de son explication et les emmagasine. Reconnaître de ne jamais pouvoir maîtriser quelque chose avec la certitude qu'est censée amenée la pratique lui est difficile. Il sait pourtant que c'est vrai, que c'est un fait qui se doit d'être accepté pour mieux le contrer et l'anticiper. Mais il y a peu de choses plus frustrantes que de voir le contrôle s'échapper après avoir déployé tous les efforts nécessaires à l'obtenir.
Nocera choisit finalement de trancher par elle-même, et part sur la piste d'un contexte crépusculaire - celui qu'il avait défini être le cadre de leur quotidien, le moment où la normalité déroule ses forces comme ses faiblesses. Peut-être bien le plus probable, en effet. Et nécessitant de se projeter dans leur existence pour répondre à la question qu'elle pose ensuite.
Le museau de Grimalk s'incline vers l'avant : à nouveau plongé dans les rouages de sa réflexion, il s'y laisse complètement engloutir. Il fait naître des images, il se projette. S'il n'est pas le plus apte à conceptualiser à grande échelle sans repère, il sait en revanche visualiser. Alors comme s'il pouvait soudain les voir devant lui, être parmi eux un spectateur invisible au sein de la harde, il construit et développe à partir de cette réalité.

— Je vois plusieurs façons. Plusieurs contextes.

Il fronce les sourcils et se lèche les babines, tourne sur lui-même, le regard porté vers un lointain invisible.

— En étudiant leurs chemins de passage, on pourrait truffer l'un d'eux de multiples mâchoires activées par l'appui d'une patte. A condition que l'environnement permette de les camoufler - des hautes herbes denses, ou des sous-bois. Mais ce serait assez couteux. Ces pièges ont un mécanisme complexe pour une surface d'efficacité réduite - il faudrait en faire et en disposer beaucoup pour s'assurer d'un certain succès.

Son museau se lève cette fois vers le ciel - sa réflexion continue de se bâtir dans cette brève pause.

— Exploiter une panique soudaine qui donnerait de l'élan à tout le groupe me paraîtrait plus apte à donner des résultats à coup sûr. Surtout en visant les jambes - la vitesse de la course devient une alliée pour maximiser la faute et la chute. Il y aurait ensuite plusieurs méthodes.

Plusieurs pièges qu'il s'imagine, plusieurs façons de faire tomber ces hautes proies.

— Supposons que nous effrayons le troupeau dans la direction d'une forêt, ou un autre endroit à la végétation épaisse. Creuser des tranchées, pas forcément très larges mais assez profondes, en lignes irrégulières sur plusieurs mètres de terrain et camouflées par la broussaille ou des branches. Leurs hauts sabots s'y coincent, ils tombent. Plus la zone couverte est large, plus de nombreux individus peuvent s'y prendre et ne pas parvenir à s'en sortir. Si on a le temps et les moyens, hérisser les gouffres de pointes en empêchera beaucoup de se relever. Ceux qui s'enfuiront quand même seront encore plus blessés, plus faciles à suivre et à rattraper.

Grâce au sang qui s'écoulera de leurs plaies.

— Si on a des arbres assez nombreux sans être trop compacts, un endroit où les bêtes peuvent courir assez librement... Pourquoi pas tirer des cordes entre les troncs, suffisamment hautes pour ne pas être enjambées simplement, assez basses pour ne pas dépasser de la végétation. Au contact d'un des animaux en fuite, une double action. La première est la chute grâce à la résistance que la corde oppose. La seconde vient du contact et du choc qui arrache la corde : il suffit d'ajouter à chaque extrémité de chaque corde de quoi venir s'enrouler ensuite autour des pattes, grâce au mouvement. Soit des billes de métal assez lourdes qui formeront d'elles-mêmes un nœud dur à défaire... Soit des lames courbes et tranchantes, qui auront le même but et en plus de cela feront des dégâts aux jambes.

De quoi trancher quelques tendons, ou en tout cas mettre à nouveau à mal la mobilité des créatures.
Plus le mâle réfléchit, plus il lui semble pouvoir encore décliner une infinité de scénarios et de pièges associés. Alors quand il reprend la parole, les yeux dans le vague comme si c'est à lui-même plus qu'à Nocera qu'il s'adresse, sa voix réduite à un murmure est pensive.

— On peut aussi combiner plusieurs de ces solutions en une seule et même stratégie d'ensemble... Ne leur laisser aucune chance. Les options sont sans fin.

Derrière lui, sa queue s'agite et les poils de son dos se hérissent légèrement. Devant ces idées qui affluent, ces possibilités qui fluctuent ; ce sont frustration et excitation qui se mêlent et se disputent. Il commence à peine à appréhender à quel point le domaine est vaste, à quel point la réflexion se doit de fleurir et de se ramifier pour couvrir un maximum de possibilités.

C'est stimulant.

C'est une nouvelle validation qu'il obtient.
Son regard vient s'ancrer à celui de Nocera, qui le fixe toujours dans une forme d'attente mais luit d'une certaine satisfaction. Il sait que ce n'est pas terminé ; alors il attend que soient déroulées les dernières instructions. La suite ne présage pas tellement de surprise, cependant : il imagine Nocera être du genre à éprouver les choses et pas seulement à les théoriser.
Alors pour finaliser les siennes, de réflexion, elle voudra qu'il les mette en œuvre.
Et c'est bien ce qu'elle lui demande - lui donnant une zone comme une limite. Grimalk se redresse, sa posture se fait plus tendue et prête à s'activer. Après tout ce temps passé à explorer les méandres de son esprit pour ordonner sa pensée, il va désormais pouvoir s'en remettre à ce qu'il fait encore de mieux : utiliser son corps pour une application physique.
Il n'attend plus qu'un signe pour se lancer. D'un geste du museau, celui-ci vient : et dans un sursaut électrique, le mâle se lance dans l'action.

L'objectif premier est de ne pas perdre de temps. Il lui faut déjà ramener de quoi faire le piège qu'il a pensé, et même ce trajet pour rassembler les matériaux se devra d'être optimisé. La marche est automatique : elle lui laissa l'espace mental à nécessaire à déjà cogiter sur les détails, à se confronter aux possibles points de tension qu'il va devoir démêler, à passer en revue ce qu'il ne doit surtout pas manquer et toujours garder en priorité ; comme un cap, un phare dans la nuit.
Chargé de cordes et de morceaux de métal qui lui ont paru convenir, il revient en vitesse près du sous-bois désigné comme zone à piéger.
Et il assemble.
Dans ce qu'il a pu trouver sans sacrifier trop de temps à chercher, la solution des simples poids n'est pas celle qu'il retient : c'est surtout des lames, légères et de diverses formes, qu'il a pu emporter. A chaque extrémité des longues cordes - dont il vérifie la résistance de quelques coups secs pour chacune - le loup s'applique à attacher les lames de nœuds solides, mais suffisamment compacts pour ne pas gêner l'action future de la lame.
Une fois cela fait, à nouveau il teste chaque assemblage d'une patte qui retient la corde avec force et de sa gueule qui tire d'un geste vif et brutal pour s'assurer de la qualité de l'accroche. Les cordes sont censées résister à la charge d'une grande créature de plusieurs centaines de kilos, lancée au galop.

Maintenant qu'il en a suffisamment, il doit les attacher, sélectionner rapidement et efficacement les bons arbres.
Fidèle à la description qu'il aura fait de son piège, Grimalk s'applique à trouver la situation idéale. Des arbres de bonne épaisseur, de bon espacement, entourés d'une végétation suffisamment haute pour masquer le piège tout en étant assez éparse pour qu'une proie en fuite accepte d'emprunter cet itinéraire sans peur de s'y bloquer.
L'une après l'autre, il attache les cordes agrémentées des lames courbes. La façon de les disposer autour de l'écorce est cruciale, elle aussi : la corde doit pouvoir résister l'espace d'une seconde au premier choc pour provoquer la chute, puis céder à l'énergie cinétique qui entrainera le lien à s'enrouler autour des membres - et dans un dernier temps les extrémités métalliques à venir blesser la victime.
Une fois de plus, il fait au mieux sans traîner - sa façon de jauger devra être la bonne ; contrairement aux attaches, il peut difficilement tester l'efficacité de l'assemblage final.

Quand toutes sont enfin accrochées, le Nakhu effectue un pas en arrière et relâche un souffle, ses yeux scrutant avec intensité chacune de ses réalisations.
Il ne peut pas être sûr du temps qu'il lui reste - de cela, il n'est pas capable de tenir le compte quand il se plonge avec sa pleine dévotion dans une tâche - mais suppose que quand celui-ci sera écoulé, Nocera sera là pour l'arrêter.
Alors il a temps de continuer, de peaufiner. De rendre la zone plus mortelle encore pour pallier à tout défaut dans son plan, ou à toute chance dans leur destin.

Sans se laisser davantage de répit, Grimalk se remet en mouvement et gagne la zone quelques mètres derrière les pièges de corde. Là, enfonçant avec force ses pattes dans la terre meuble, il creuse autant qu'il peut des lignes où viendront trébucher les pattes qui auraient échappé à la première ligne d'attaque.
Et il creusera, et creusera encore, jusqu'à ce que sa mentor ne sonne la fin de l'exercice et que ne vienne l'heure de la délibération.


[ J'suis pas 100% sûre d'avoir compris ce que tu voulais pour les dés ; j'espère que c'est ok comme ça ? >( Le 1er avec ses stats en ING donc pour la zone ; et le second avec ses stats en END pour les techniques combinées !

J'ai lancé un dé réussite en Bac à sable aussi, pour définir si oui ou non il lui restait du temps pour creuser après la pose des cordes, il a eu réussite simple !

Un sifflement perce les airs, fait voler en éclat la concentration intense qu'il avait vouée à l'action répétée de ses pattes acharnées pour continuer son piège.
Le signal qui indique la fin se répand en lui comme une décharge et il interrompt ses gestes, prend du recul pour observer ce qu'il a pu accomplir. Pas assez abouti à son goût, mais il réprime le désagréable frisson d'insatisfaction qui vient serrer ses crocs sur le goût amer de l'inachevé pour rester concentré sur la voix de Nocera et sur l'objectif qu'il reste encore à accomplir : le tester. Ses oreilles s'agitent d'un mouvement sec aux paroles dont il comprend sans mal le sous-entendu - et si son regard, intense, se tourne vers sa mentor et que ses lèvres se contractent brièvement sur un petit sourire cynique, il ne commente pas. La maîtrise de ses émotions les plus brutes a toujours été un pan de leur lien d'apprentissage, après tout.
La louve continue d'expliquer ce qu'ils attendent ensuite et Grimalk se contente de hocher la tête et de la suivre, tous ses sens déjà alertes pour guetter la venue des proie.

Et quand elles finissent par arriver, prudentes et nombreux, ses yeux d'or se laissent absorber par leur apparition, presque spectrale tant leurs hautes silhouettes pâles mêlées à la brume évoquent des fantômes. Il compare leur physique avec ce qu'il en avait imaginé, leurs longues pattes terminées sur des pointes plutôt similaires à l'idée qu'il s'en était fait en voyant leurs empreintes.
Mais... Mais elles ne se laissent pas prendre par le stratagème.
Nocera chuchote une même constatation alors que le troupeau commence à se détourner et s'éloigner. Les oreilles du mâle sombre se sont abaissées et tournées vers l'arrière, son regard s'est obscurci et c'est un grondement bas et sourd qui vibre dans sa gorge. Il tempère cependant cette nouvelle vague venue crisper ses muscles et agiter le bout de sa queue de quelques mouvements secs - il consent à attendre, de nouveau.
Un nouveau bruissement dans les sous-bois.
Ses oreilles se dressent de nouveau, ses iris cherchent à travers le camaïeu d'ombres et de lumières. La sentence de Nocera tombe : trop puissant, en comparaison de l'animal pour lequel le piège avait été pensé. Il admet partager cette observation, laisse la louve continuer d'élaborer.
De nouveau, un tic agite ses muscles et un spasme pince ses babines.

Je peux m'occuper seul de la bête.

C'est la première réaction qui fuse dans ses pensées, un éclair qui passe dans tout son corps et le prépare presque déjà au combat. Mais il musèle ce feu brûlant.
Si c'est une solution qu'il aurait peut-être appliqué en sa seule présence, juge et maître de lui-même et de ses décisions, il reconnaît qu'ici et vis à vis de l'apprentissage qu'il a mené en ce jour ce n'est pas le plus pertinent. Après avoir passé du temps à élaborer et mettre en place le piège dans son ensemble, il désire le voir se confronter à autre chose qu'à de la force brute qu'il connaît déjà. Il ne réfléchit pas davantage, passe une langue rapide sur ses lèvres avant de les entrouvrir pour répondre d'un même ton bas.

— Je vais le faire partir. Laissons autre chose se prendre dans l'embûche.

Le loup se lève alors, s'applique à ne faire qu'un avec discrétion et silence pour ne pas attirer par lui-même l'attention de la créature.
Lentement, il se saisit d'un couteau de lancer, sécurise sa position dans sa gueule. Puis, visant à l'opposé de leur direction et loin dans la forêt, il décoche la lame et espère qu'elle se plantera là où il le souhaite - dans l'écorce humide d'un tronc, là où le choc devrait faire réagir la bête et la fera chercher une hypothétique proie bien plus loin.