« I won't fear my rivals
Leave them in the silence
I live in the present
Moment to moment
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I don't fear no future
Come live on in silence
I live in the present
Moment to moment
Moment to moment
Moment to moment

Fears i got all messed up
Tearing of and on next to mine
Fears i got always done »

[ Cascade Rugissante - Au lendemain de l'achèvement de son ouvrage, eu après l'aube. ]

Informations complémentaires:

Le cliquetis de ses griffes sur la pierre froide résonne d'un rythme régulier, éclats métalliques dont l'écho parcourt l'immense cave.

Sa procession est lente mais ne connaît aucune hésitation alors qu'il laisse voyager son regard tout autour de lui. Ses iris caressent chaque détail de la salle dans laquelle il a débouché quelques secondes plus tôt, après un tunnel étroit.
L'effet de grandeur et la magnificence brute des lieux n'en sont qu'amplifiés. Car c'est bien la première fois qu'il découvre le temple : sur la Déesse comme sur l'endroit dans lequel elle a élu domicile il a lu quelques livres pour pouvoir préparer sa venue, mais il avait fait le choix de ne pas s'y rendre avant le jour fatidique, là où certains venaient apparemment rendre visite quelques fois à un Dieu avant de lui jurer fidélité.
Lui n'en a pas besoin, pour savoir ce qu'il veut.
Tout comme il voulut garder intact ce sentiment d'admiration qui l'envahit maintenant en découvrant ce temple derrière la Cascade.

Grimalk continue de s'avancer, le poil hérissé par toutes les stimulations qui viennent à lui - par le frisson glacé qui n’a de cesse de s’immiscer et de remonter tout le long de son échine, aussi. L’endroit est froid, autant que l’image de la dragonne et que les sommets des monts de ce massif d’où se jette la rivière.
Les pierres bleues qui luisent partout dans l’obscurité accrochent ses yeux et lui font souvent se dévisser la nuque pour les détailler sous chaque angle alors qu’il chemine vers la fontaine.

Arrivé devant, surplombé par la statue, le son de ses pas s’arrête dans un ultime et net crissement.
Il exhale un souffle qui se mue en arabesque blanche, relève la tête avec lenteur en suivant le chemin décrit par la colonne vertébrale de pierre de la sculpture géante qui se termine sur une gueule ouverte et menaçante. Il peut presque en entendre le rugissement, tiré de l’écho de la bataille qui se joue en fond de ses pensées. La statue de la divinité, soulignée des milles teintes de bleu qui miroitent d’un rythme hypnotique, lui rappelle une version gigantesque de l’objet qu’il s’est échiné à produire ces dernières semaines et qui attend son heure, harnaché contre son flanc.
Son observation s’étale sur plusieurs minutes avant qu’il ne s’estime suffisamment gorgé - pour le moment - des merveilles visuelles offertes par l’endroit pour passer à la suite.

Le Nakhu ramène ensuite ses yeux dans ceux du dragon inerte, incline la tête, puis tout l’avant du corps dans une révérence qu’il n’a exécutée depuis bien longtemps.
Il n’y a que bien peu de personnes et de raisons devant lesquelles se courber, ici.

De gestes toujours appliqués, il détache de son côté le paquet fait de tissus et le pose devant lui avec déférence.
Il a beaucoup pensé à ce moment, sans toutefois décider ce qu’il ferait précisément ; ce qu’il dirait.
Sa salutation à Ao est silencieuse, de pensées qu’il lui adresse - les Dieux sont dits et décrits omniscients ; elle entendra ses mots. Lui n’a pas encore ressenti l’envie de troubler de sa voix l’ambiance contemplative des lieux.
Mais après de nombreuses autres secondes laissées au silence, il faut bien se lancer.

— J'ai lu à propos des dragons.

Sa voix se suspend, il en écoute d’une oreille dressée les échos qui se défragmentent et s’éparpillent en rebondissant contre la voûte.

— Beaucoup n’ont pas compris sa mort comme sentence, mais qui de mieux qu’une autre Dragonne pour nous aiguiller sur la marche à suivre ?

Cet autre venait pour s'octroyer un territoire qui n’était pas le sien, dans l’avarie et la violence.
Là où veillait déjà une autre Dragonne. Celui venu d’ailleurs ne l’avait pas respectée, n’avait peut-être pas compris qu’elle était d’une essence différente, bien plus puissante - peut-être ne l’avait-il même pas sentie. Il le paya de sa vie.
Du bout du museau, le mâle dégage son offrande du tissu qui l’enveloppe de gestes appliqués, dévoile la sculpture taillée dans la corne du dragon vaincu - la parcourt encore du regard ; comme pour en apprécier une dernière fois l’existence, s’assurer que chaque détail est bien à sa place.

— Il a été un adversaire mémorable, mais il a perdu. J’estime que ceci vous revient.

Une part de l’ennemi défait, de son trésor abandonné. Nombre d’entre eux avaient déjà pris la leur, cet In memoriam qu’il sublima au maximum de ses capacités concentrées dans ce seul but serait absorbé par l’essence draconique pour y trouver toute sa gloire.

— En ce qui me concerne, il fut la dernière évidence qui me décida à venir vous demander d’arborer votre couleur.

D’une patte, il pousse la statuette vers la fontaine et se recule de deux pas, l’or intense de ses yeux rivés sur la fontaine et son bleu azur.

L'attente qui succède à ses paroles, il s'y est attendu.

C'est un fait qui était revenu dans plusieurs témoignages - ce creux qui se marque souvent entre l'arrivée d'un mortel et la réponse de l'immortel, comme pour matérialiser un peu plus ce qui les sépare. Alors Grimalk ne s'impatiente pas, immobile tant par son regard doré toujours vissé sur la statue que par le reste de son corps aussi figé que la pierre tout autour de lui.
Puis c'est dans l'air que s'opère finalement le changement.
Dans ce froid qui s'installe davantage, plus mordant. Puis, peu à peu... De contours d'abord flous et presque irréels, comme une ombre fruit d'hallucinations, commence à se dessiner une autre présence dans la caverne. Dominant sa propre statue, une autre dragonne est apparue, encore avalée par les ombres, soulignée avec élégance par les doux rebonds de lumière bleue.
Ao.
Si sur les lèvres de la Déesse s'ouvre un rictus hérissé de longs crocs qui n'a rien d'amical, sur celles du loup un léger sourire se développe en miroir - satisfait. De la voir, enfin ; de ressentir toutes ces sensations qui en cet instant déferlent en lui, aussi puissantes qu'il les avait espérées. Son poil épais s'en est davantage hérissé et derrière lui, sa queue droite bat de lents mouvements.
Ses iris ne se sont toujours pas décrochés - pense-t-il au moins à cligner des yeux ? - de l’apparition divine quand ses premières froides paroles en miroir de celles qu'il lui adressa tranchent l'air, coupantes comme une lame venant chatouiller jusqu'aux tréfonds de son âme. Il les accueille sans frémir, jauge l'inflexion de sa voix, en retourne le sens et les contresens. Il est de ceux qui avaient sans ciller choisi l'option de la mort - la conséquence de ce choix, il l'accepte sans état d'âme. Il ne s'en réveille pas la nuit, il ne doute pas du bienfondé de l'issue.

Tout au plus, il regrette n'avoir pu mieux connaître ce formidable adversaire avant que ne vienne sa fin.

A cette première intervention de la Dragonne, il choisit alors de ne pas répondre. Visage toujours figé dans l'attente et exaltation au fond des yeux, le cœur battant fort de lentes pulsations, les muscles tendus par cette énergie qui gonfle tout son corps, retenue prisonnière en son sein.
La silhouette couverte d'écailles se déplace, le corps reptilien se dévoile un peu plus dans la pénombre céruléenne. Chaque éclat de lumière venant s'y refléter et se piéger dans le joyau de cette céramique vivante attire chaque fois un peu plus l'attention de Grimalk, comme piqué de petites impulsions électriques, et le loup lutte pour ne pas laisser cette tension et ce surplus de stimulis le déconcentrer.
Il reste captivé, suspendu à chaque mouvement de cette formidable vision.
Les immenses yeux bleus aux pupilles fendues se sont rapprochées des siennes, rondes et noires, qui ne se défilent toujours pas malgré la sensation d'un long poignard de glace se glissant dans les profondeurs de son esprit.

La Déesse fouille et s'immisce, défiante ; et il n'offre pas de cette résistance à cette intrusion.
Ce serait futile, et de toute façon - il préfère même l'accueillir en lui, de bonne grâce, son sourire s'accentuant d'un imperceptible sursaut.
Il n'a rien à lui cacher - et tout à lui montrer.

Sa voix revient emplir la cave, déferlement tumultueux de grêle.

Alors enfin Grimalk casse son immobilisme et reprend possession de ce corps figé. Il déporte son poids d'un pas sur le côté, incline la tête en la gardant dans l'alignement de son échine - mais jamais il ne brise le contact visuel.

— Ce que j'ai toujours fait jusqu'à présent. Je suivrai la voie qui me paraît meilleure, si aucun avis contraire ne sait me faire reconsidérer mes convictions.

Vastement indépendant dans ses avis et réflexions, il n'en est pas intraitable pour autant. Il connait les bienfaits qui peuvent être tirés de la réflexion d'autres esprits qu'il estimerait assez respectables, il admet ne pas tout connaître et se nourrit de ceux qui savent mieux.
Pour autant...

— Si j'ai rejoint les Nakhus, je ne suis pas leur serviteur pour autant. Tout comme je ne serai pas le vôtre si vous m'accordez votre couleur.

Ces jours-là, ceux de son passé loin d'ici où il ne fut que renégat que l'on aurait espéré servile et dont on décida du destin, étaient depuis longtemps révolus.
Son regard d'or s'est fait un peu plus dur à ce souvenir qui l'a effleuré avant de se dissiper, mais les fines lignes apparues sur son museau de la contraction des muscles de son visage demeurent quand il poursuit.

— Ce n'est de toute manière pas de laquais dont vous avez besoin, n'est-ce pas ? Je n'ai pas rencontré d'âme bleue particulièrement... Docile.

Il n'a pas rencontré beaucoup d'entre eux, il en convient - mais son avis est fait pour autant. Il pense ne pas se tromper, en ne voyant pas la Dragonne comme une entité à la recherche de dévots aveugles, mais plutôt d'esprits forts capables de garder leur libre arbitre. C'est dans un respect mutuel qu'il imagine se bâtir cette relation ; non dans un oubli total de soi.
Lui estime en être un, d'esprit fort. Et s'il s'avérait s'être trompé sur le compte d'Ao et de ses désirs parmi les mortels...
Il serait le premier à tourner les talons et à quitter ce temple.

Un nouveau pas en parallèle de la fontaine, quand il rouvre la gueule.

— Vous-même êtes restée Déesse libre, sans besoin de vous rapprocher d'un clan pour exister.

Quand au contraire il ne se retrouvait pas dans l'attentisme pieu de certains Nakhus envers la Corneille.

Attentif à chaque changement, qu'il soit dans l'atmosphère, dans les expressions froides de la Déesse ou dans un mouvement, Grimalk décompose toutes les étapes qui se dévoilent à son regard. La légère inflexion du sourire d'Ao, son emprise intense autour des méandres de son esprit qui se fait moins incisive, l'avancée de son corps un peu plus loin dans la lumière pour que lorsqu'elle ouvre de nouveau les rangées de ses crocs, une voix qu'il décrirait comme étant plus ouverte à sa présence en son temple n'en sorte.
A cela, le sourire satisfait de Grimalk s'affirme un peu plus. Obtenir confirmation, de la Dragonne elle-même, qu'il a bien cerné les raisons qui ont amené son chemin vers sa couleur ne le rend que plus motivé - affamé - à ce que la suite se dévoile. Car c'est désormais une certitude : après cette première confrontation, la Déesse ne pourra qu'être disposée à le laisser tenter sa chance. Elle s'avance, d'ailleurs, vers l'offrande que lui-même avait presque oublié : après y avoir passé tant de temps, y avoir consacré l'énergie de semaines entières plongé dans un apprentissage nouveau, l'objet avait fini par retourner à ce qu'il était en substance au moment où Ao lui était apparu.

Un vulgaire résidu de matière, quand en face de lui se mouvait la preuve éthérée d'une puissance supérieure à leur condition.

Ainsi sont ses lubies et ses obsessions. Excessives et ferventes ; mais souvent cruellement brèves avant que quelque chose d'un intérêt plus remarquable ne vienne les transcender. Qu'était une sculpture face à l'apparition d'une véritable Déesse ?
Son regard doré suit néanmoins la progression de son immense silhouette quand celle-ci vient s'intéresser au fruit de son travail - puis quand d'un toucher de ses griffes elle le désintègre en un nuage de froides étincelles, un frisson électrique serpente le long de son échine et en dresse la crête. C'est comme une conclusion au fil de ses pensées, qu'elle lui offre en cet instant : d'un simple et bref contact, l'immortelle créé, transforme, annihile sur commande. Cette acceptation de son cadeau est aussi autre chose : une démonstration de puissance - banale pour elle, fascinante pour ses yeux avares de choses nouvelles.
Puis résonne sa voix - un compliment, qu'il absorbe - et les yeux or et noir retournent se figer dans les hypnotiques iris azur.
Au sourire dévorant de la Dragonne, sur ses babines s'ouvrent en parallèle un rictus qui cette fois découvre pleinement l'entièreté de ses crocs d'émail et de métal mêlé.

— Le contraire m'aurait déçu.

Tout son corps se tend et d'instinct, se prépare à pouvoir répondre à toute épreuve. Le poids de son corps se répartit dans chacun de ses appuis, son énergie ne fait plus qu'un avec le sol et ce qui l'entoure, ses muscles roulent et les griffes crissent contre la pierre alors que ses yeux deviennent sentinelles.
Il est prêt.

Puis... Plus rien.

En l'espace d'un instant, Grimalk se retrouve dans le néant le plus pur - dans un tel vide qu'il n'aurait pas même pu l'imaginer.
Son cœur bat et sa respiration est rauque, mais il ne les entend pas.
Il est sourd, il est aveugle.
C'est un bref moment de perdition qui abat tous ses repères comme un ouragan traversant un château de cartes, mais il est prêt. Et dans ses yeux brille toujours la détermination.
Il en faudra plus pour venir à bout de lui.

Soudain, une lumière.
Faible d'abord, elle finit par illuminer toute une scène d'un ton monochrome et quelque peu faux. Lui qui vient de quitter un temple de glace se retrouve dans un rayon inconnu de la Bibliothèque, nimbée d'un rose qui lui rappelle...
Nymeria.
Instantanément, son visage se tourne vers elle et ses yeux la verrouillent, graves et sévères - interloqués, aussi. Que fait-elle ici, au cœur de son esprit, de son épreuve ? Son visage fin s'incline, le regard familier souligné des plumes brunes semble presque le provoquer - puis sa voix chantante résonne dans un écho onirique. C'est alors seulement que Grimalk prête meilleure attention au reste de la scène qui s'est dessinée dans la pénombre colorée. L'ouverture au sol ; la présence fantomatique des papillons de nuit, ses fragments de magie à lui. Le halo de lumière que diffuse le glowstick de Nymeria semble s'arrêter net face aux ténèbres de ce gouffre qui a dévoré le plancher : comme pour en souligner encore davantage la gueule béante qui n'attend que lui.
Dans ses entrailles, le brasier de l'avidité le consume.

Évidemment, qu'il n'y a qu'une seule option.

Ao sait qu'il empruntera ce passage ; lui sait qu'il y trouvera le cœur de son épreuve. Il n'attend que ça.

D'une démarche raide tant il a l'impression d'être étranger en son propre corps, Grimalk s'avance sans hésiter davantage - il n'a que trop longtemps attendu, étire l'encolure vers Nymeria et frôle son museau délicat du sien où trône un sinistre sourire.

— Qu'attendons-nous ?

De l'autre Nakhu, il n'attend ni réponse ni réaction avant de se tourner immédiatement vers la noirceur abyssale qui l'appelle et de commencer à s'y engager. A l'aveugle s'il le faut ; avec l'aide de sa lumière rosée si elle acceptait de lui emboîter le pas.

L'avancée le long du tunnel a de pareil à un rêve cet écoulement indéfinissable du temps, cette sensation de ne pas savoir si un moment dure un instant ou pour toujours.
Car les murs semblent à peine défiler dans cette pénombre qui les enferme et que seule la lumière portée par Nymeria combat faiblement, et ses yeux ont beau essayer d'être attentifs à toute chose pour ne passer à côté d'aucun détail, il finit par avoir l'impression que ses rétines lui renvoient en boucle la même image tant rien n'évolue. Pourtant, quand l'environnement change, tout se fait brusquement et Grimalk ne sait plus dire pour combien de temps il a marché.
Peu importe : cette fois laissés libres à la découverte d'un nouvel environnement, ses iris parcourent avec avidité ce qui les entoure - toujours limités par ces mêmes ténèbres qui emprisonnent sa vision sur un périmètre bien défini. Mais après un couloir silencieux, la salle offre aussi à ses oreilles de quoi frémir quand à chaque goutte supplémentaire qui tombe, elles se braquent d'un mouvement vif pour en suivre le rythme régulier.
Tout comme elles se tournent pleinement en direction de Nymeria quand sa voix revient danser dans un écho étrange.
Le regard s'arrache à la minutieuse observation de son environnement pour lui aussi se dédier à l'autre Nakhu, mais se fige en chemin sur les ailes fantomatiques qui viennent teinter d'une nouvelle couleur plus profonde la scène rose.
D'habitude familiers à son regard, ils lui paraissent pourtant étrangers à ce moment même. Ils sont nombreux. Plus qu'ils ne l'ont jamais été.

Grimalk serre les crocs. Ce qu'il y a de rationnel et pleinement lucide en lui tente de se convaincre qu'il ne s'agit là que d'une vision, d'un monde éphémère créé par Ao et que ce genre de détails ne comptent pas, qu'il ne faut pas se focaliser dessus. Mais ça l'obsède, ça l'empêche de-
Le cri qui survient agit comme une décharge électrique, suffisante pour le détacher de la vision des papillons. Ça hérisse tout son poil ; ça l'envoie directement dans une posture de défense le temps de comprendre ce qu'il va affronter - ses yeux fusent et trouvent le cœur du problème.
Surgie des profondeurs de l'étendue d'eau, une créature cherche à attirer Nymeria avec elle, son membre puissant enroulé autour du cou de la louve qui en comparaison parait si fin, si facile à briser.
Leurs regards teintés d'un même or se croisent, le rose de son glowstick vacille.

Il n'en faut pas plus au mâle brun dont les crocs se dévoilent alors qu'il se jette en avant, traversant la nuée affolée de ses papillons auxquels il n'accorde plus la moindre importance.
Dans l'immédiat de l'action à laquelle il est rompue, plus rien d'autre que sa cible ne saurait exister.

Cette chose n'emmènerait pas Nymeria avec elle, c'est une vérité qu'il assène.
Nymeria porte la lumière ; la seule pour le guider à travers cette épreuve.
Et Nymeria lui appartient, à lui bien plus qu'à l'infecte créature.

Surgissant au bord de l'eau, Grimalk tire de son brassard la plus longue de ses lames en même temps qu'il jette son buste en avant, refermant ses antérieurs autour de l'amalgame de chair formé par le monstre et la louve, plantant et crispant de toutes ses forces ses postérieurs dans le sol pour garder sa prise et tirer en arrière à l'aide de toute sa masse pour les garder hors des flots.
Une seconde plus tard, juste le temps d'un regard pour s'assurer qu'il frappera au bon endroit, le loup rejette l'encolure en arrière.

Puis avec l'élan ainsi créé et dans un grondement sourd, abat d'un coup sec le couteau maintenu entre ses crocs dans ce qu'il peut atteindre du monstre.

[Jet Réussite en END pour la prise autour du monstre et Nymeria ; jet FOR pour la puissance de l'attaque.]

Ses griffes s'enfoncent dans le sol, raclent la roche et la terre, et Grimalk continue de gronder - tant par l'effort que par la hargne de ne rien lâcher, de ne rien céder au monstre.
Mais la créature est puissante, elle aussi : elle s'agite, se débat, et il est inexorablement attiré vers l'eau. Et puis ses papillons continuent de s'affoler, brouillent sa vision comme tous ses sens en venant de prendre dans ses poils, dans sa chevelure, bien plus présents et tangibles qu'ils ne l'ont jamais été - et ça envahit sa conscience, dérègle ses pensées, sème le trouble en un ouragan de stimulis qui se déchaînent.
Mais il continue de ne rien lâcher. C'est un ordre qu'il sait maintenir, de dire à ses mâchoires de rester verrouillées, d'empêcher ses pattes de se délier et ses muscles de se détendre.
Ce n'est qu'à ce moment qu'il réalise.
Que la lame, toujours maintenue entre ses crocs et plantée dans ce qu'il croyait être le monstre, a percé le flanc de Nymeria.

...
C'est impossible.
Il a vérifié, avant de frapper. Il s'est assuré, avec la rapidité méthodique acquise par le temps et l'entrainement, que son coup tomberait juste. Il sait viser, il maîtrise ses lames - il peut parfois ne pas atteindre son but dans un lancer ou être pris de vitesse par l'adversaire ; mais se tromper de cible n'arrive jamais.
L'espace d'un instant tout se gèle en lui, comme si le temps s'était arrêté pour le laisser figé à jamais sur ce cliché - son corps entremêlé à l'amalgame entre une louve et un monstre, l'odeur du sang qui envahit son odorat et dont le goût commence à atteindre ses lèvres, tout ce qui l'entoure désormais mêlé dans un montage absurde qui fluctue entre illusions et réalité insaisissable, des milliers de papillons en colère comme autant de gouttes d'eau tout autour.
C'est presque poétique.
Puis tout se vide, et Grimalk lâche.
Les muscles tendus et douloureux de ses postérieurs abandonnent leur mission, la surcharge sensorielle le consume, et il n'y a plus rien pour le retenir de basculer à son tour dans les flots noirs, entraîné par le poids et la force de la bête qu'il tient toujours en étreinte.
L'eau qui le submerge est presque accueillante dans sa froide étendue de néant, là où il pourrait simplement disparaître, se débarrasser de toutes les sensations qui le harcèlent, accepter son destin.
Il a échoué.
Il s'est fait tromper, si facilement, et a perdu toute maîtrise sur la situation. A quoi peut-il se fier, maintenant que tous ses sens ont été brouillés, que le monde est sans dessus-dessous ? Ses sens affûtés ont toujours été des armes autant que ses lames, devenues extensions de lui-même. Si on l'en prive, que lui reste-t-il ?

Grimalk continue de sombrer, lentement entraîné vers les profondeurs dans cette gravité ralentie caractéristique à l'eau. Flotte-t-il dans un néant aérien, coule-t-il vers des abysses si lointaines qu'il n'en trouvera jamais le fond ? Dans ce monde où tout est irréel, il n'en sait plus rien. Il ne sait même pas s'il commence à manquer d'air, ou si la chute est confortable et faite pour le garder éveillé pendant un millénaire. Sent-il encore entre ses pattes les corps qu'il a voulu garder à la surface ? Ou ne sont-ils qu'une illusion de plus qui s'évaporera s'il tente de raffermir son emprise ?
Ses yeux sont restés ouverts, et dans le noir lutte toujours une lumière. Celle qu'il a voulu sauver de l'extinction.
Le rose qui vacille, qui toujours l'enveloppe.

Qui survit, là où lui s'abandonne.

La réalisation met quelques secondes à atteindre son cerveau embué aux pensées déstructurées. Puis c'est comme une décharge brutale qui revient contracter tous ses muscles, qui électrise son esprit autant que son corps.
Par Zah'ayïn, était-il en train de capituler ?!
Dans toute l'histoire de sa vie, il n'avait jamais été question de cela. Personne n'avait jamais attenté ainsi à son intégrité, c'est vrai, mais les pièces cliquent et s'assemblent. Il se rappelle de l'épreuve, il se rappelle du regard d'Ao qui doit en épier chaque seconde, il se rappelle de qui il est et de tout ce qu'il a combattu sans jamais accepter l'échec pour seule réponse.
Aujourd'hui ne verrait pas le début d'une si funeste déclinaison.
Les illusions, le trouble de ses sens, le désespoir, tous sont là pour le déconcentrer de son objectif et faire vaciller sa résolution. Cela n'arrivera plus.
Il n'a plus la possibilité de se fier à ce qu'il connaît par cœur ? Très bien. Il éliminera autant de sens que nécessaire ; compensera des autres, se débrouillera entièrement à l'aveugle ou privé de tout s'il le faut : mais il luttera jusqu'à son dernier souffle.

Alors Grimalk commence par fermer les yeux, se rend hermétique au pan visuel des mirages. Puis d'une force retrouvée, il resserre sa prise autour du monstre et Nymeria mêlés avant de battre des postérieurs, de mouvements amples et puissants, jusqu'à se sentir remonter et percer la surface.
Il n'ouvre toujours pas les yeux, reste fermement accroché à sa prise et se débat lui aussi dans un souffle rauque pour rapporter sur la terre ferme leurs trois masses, indissociables.

Là, s'il y parvient, c'est les quatre pattes fermement ancrées au sol et toujours aveugle qu'il commencera à secouer la tête avec vigueur, grondant comme un chien enragé, jusqu'à ce que se séparent le monstre et la louve.

Il le fera lâcher. Il l'isolera, et là ; il l'abattra.
Si cela ne fonctionne toujours pas, il avisera.

Mais jamais plus il ne renoncera.

[Jet Réussite en END pour sortir de l'eau et tout ramener sur la terre ferme]

Dans un bruit sourd, les corps se séparent.
Et deux sons viennent crépiter à ses oreilles, les faisant frémir alors qu'il garde encore résolument les yeux fermés - celui d'un grondement qui lui parait canin, quelque part sur sa droite. Nymeria. Puis, à sa gauche... Quelque chose de monstrueux, qui lui fait relever les babines et garde son poil hérissé alors que déjà, il se place pour la suite. Il s'avance d'une foulée vive, pivote sur le côté pour faire barrière de son corps entre là où git la supposée créature et la louve qu'il aura fini par relâcher.
Empêcher la chose de retoucher à Nymeria, ne pas les laisser s'assembler à nouveau.
Tenant sa position, il réfléchit et se prépare à la suite - mais d'autres influences viennent l'envelopper et le tirer vers ce qu'il semble être la voie à suivre. Ces mêmes sensations qui quelques secondes plus tôt à peine mettaient son monde sans dessus dessous, ces illusions venues saboter tous ses sens et s'en prendre à ce qu'il avait de plus fiable pour le forcer dans l'erreur...
Elles semblent maintenant faites d'une toute autre énergie.
Il n'a même pas besoin d'ouvrir les paupières pour déjà visualiser leur présence qui désormais l'enveloppe, le canalise, l’emplit d'énergie et converge en un point. Comme si elles cherchaient cette fois à le guider plutôt que le déboussoler.
Comme s'il avait réussi à les dompter, au fond de l'eau, en leur prouvant qu'il saurait les ignorer et qu'il ne se laisserait pas malmener.
Vaincues, elles préfèrent désormais collaborer. Ne faire qu'un avec lui.

Mais peut-il vraiment y croire ?

De se faire passer pour alliées en restant ennemies, de le trahir encore pour tenter de l'abattre à nouveau, elles en sont capables. Pourtant... Pourtant, il veut croire que c'est différent. Que se répéter serait inutile, que c'est bel et bien une nouvelle phase qu'il voit là - faite pour le mener ailleurs et pas pour lutter contre. De toute façon, quelle autre option que de s'essayer à cette fois faire confiance à cette sensation nouvelle ? A cette force dont il se sent gonfler ?
Ne rien faire ?
Est-ce cela, l'autre option ? Rester dans l'attente et simplement ne plus avancer ?
Non. C'est déjà quelque chose qu'il a balayé quelques secondes plus tôt. Il refusait de cesser d'agir.

Alors Grimalk se laisse envahir par leur emprise, gonfle ses muscles sous leur chuchotement muet qui l'incite à frapper, accepte de communier avec elles en ouvrant de nouveau les yeux pour de nouveau les voir plus que les sentir.
Et comme des chemins tracés sur une carte, elles lui montrent la voie.

Ses crocs luisant s'ouvrent en même temps qu'il se jette de l'avant, une furieuse envie de vaincre grondant dans sa poitrine, vibrant dans son sang.
Sa résolution est déjà ferme, il n'aurait de toute façon pas eu le loisir de la reconsidérer : le monstre, lui aussi, se jette de l'avant et tente de percer l'armure de ses poils denses.

De ses mâchoires, lui cherche à atteindre la gorge ou le crâne, seules cibles à sa portée pour le moment.


Grimalk | 9 PVs

Ses mâchoires se referment sur ce qu'il croit d'abord être une mauvaise prise alors que les griffes de l'ennemi viennent entailler sa peau à lui. Il grogne mais encaisse, renforce sa posture pour s'apprêter à contre attaquer - mais d'une pression de la mâchoire qu'il n'est pas sûr d'avoir de lui même commandé, sa morsure se révèle bien plus dévastatrice qu'il ne l'aurait pensé.
La bête hurle, lui est galvanisé.
Les minutes qui suivent ne sont qu'un crescendo de ces sensations ; lui qui s'acharne de plus en plus et laisse ces lueurs violettes guider sa voie et mener cette danse macabre, le monstre qui se débat et inflige son lot de blessures mais perd inexorablement du terrain.
Jusqu'à ce qu'il ne tombe au sol, dans un état où Grimalk n'aurait pas eu besoin d'insister pour le savoir rendu hors d'état de nuire. Pourtant...
Il ne s'arrête pas, le cœur battant de plus en plus fort.
Il se revoit contre Famine, plus jeune, s'acharner à coups de couteau sur la carcasse famélique de la goule, entraîné par son ire et ses frustrations. C'est une rage qu'il a plus ou moins appris à museler au quotidien avec le temps, mais qui en cet instant ressurgit et qu'il ne peut plus retenir.
Comme un barrage qu'il aurait laissé trop longtemps jusqu'à ce que derrière s'élève un tsunami, prêt à l'abattre. Comme une bête sauvage qu'on aurait trop affamée et qui aurait senti l'odeur du sang.

Et il n'y a en lui rien pour venir s'opposer à cette violence dont il se nourrit autant qu'elle se sert de lui pour grandir.
S'abandonner à elle est libérateur, cathartique, punition vengeresse envers cette créature qui se sera mise en travers de son chemin et aura tenté de lui prendre ce qui lui appartient.

Et même quand gît le cadavre déchiqueté et sans vie, même quand dans cet état second le mâle brun se sent pivoter jusqu'à verrouiller son regard sur la silhouette bien plus fragile de Nymeria, celle qu'il a voulu protéger...

Il sait que le tambour de guerre qui rythme ses pensées comme ses actes n'a pas cessé son orchestre.
La voix d'Ao s'élève en même temps qu'il s'avance sans hésiter sur la louve, il y a une soif à abreuver, un pouvoir à satisfaire, un prix à payer- et vient résonner dans sa conscience, ligne claire qui s'imprime par-dessus l'écho entêtant de la pulsion qui lui intime de frapper, frapper encore.
Si ce n'est bel et bien pas de lui-même qu'il commande ses actes sur la disciple de Moiro, cherche-t-il vraiment à s'opposer quand ses crocs commencent à la mutiler à son tour ?
N'offre-t-il pas de bonne foi une partie du contrôle qu'il affectionne tant à cette entité qui s'est finalement rangée auprès de lui, même quand elle s'en prend à ce qu'il n'avait pas pour cible ?

Il en comprend les injonctions, il comprend que leur alliance vient avec un sacrifice, il concède que dans l'élan sauvage qu'il a accepté en lui il s'accapare d'une autre façon le corps de Nymeria.
La lumière s'éteint en même temps que sa rage est rassasiée, jusqu'à ce qu'il ne reste que l'obscurité.
Et une fatigue immense pour l'engloutir, ramper des confins de son esprit pour accabler tout son corps qui en comparaison avec la puissance d'il y a quelques instants lui paraît maintenant si faible.
... Mais à cette fatalité aussi, il se refuse.

S'il a pleinement accueilli le pouvoir de ses illusions devenues parties de lui, il ne les laissera pas seules maîtresses.
Quand elles refluent, il ne s'abandonnera pas à leur absence.
Sur son corps, il reprend le contrôle et plante son regard d'or sur cette lumière bleue venue percer les ténèbres.

Allant puiser dans ses dernières réserves d'énergie, Grimalk se hisse sur ses pattes tremblantes et fait fi du sang qu'il laisse dans son sillage.
Ce cadavre n'est qu'une autre illusion sans importance.
Il saura apprendre à maîtriser ce pouvoir, il saura allier sa force sans en être simple exécutant, n'est-ce pas ? Il ne se laissera pas dominer si facilement.

Mais cette lueur qu'il est venue chercher, celle qui symbolise sa détermination et cristallise ce qu'il peut accomplir et les victoires qu'il cherchera toujours à obtenir, il ne repartira pas sans.

Alors le loup plonge de nouveau dans les eaux froides, nage sans se soucier des complaintes de son corps abîmé, repousse encore un peu plus loin ses limites et sa fatigue - ce sont des conséquences pour plus tard. Son présent est uniquement consacré à ce glowstick devant lui, dont le bleu intense vient provoquer l'or de ses pupilles.

Ses mâchoires s'ouvrent, et sans hésiter viennent engloutir l'artefact.

Ses mâchoires qui viennent capturer le glowstick dans la prison de ses crocs éteignent la dernière lumière.

Tout disparaît de nouveau, mais cette fois-ci, c'est presque dans la sérénité qu'il accueille ce néant. Il se sait épuisé et cette extinction brutale du monde et de ses sens est comme un coma bienvenu qui l'engourdit - jusqu'à ce qu'il finisse par émerger de nouveau.
Il est de retour sur un sol dur et froid, baigné d'une obscurité bleutée. Il y a sur lui un regard ; il le sent.
Grimalk relève la tête. Dans tout son corps les sensations reviennent et les stimulis l'agressent, toutes les informations sensorielles se déchargeant dans son esprit avec un débit chaotique. Il y a pourtant un sens qu'il parvient à discriminer pour se concentrer dessus et repousser tout le reste plus loin. Dans sa gueule, épousant les aspérités de sa langue, repose un objet froid et solide fait de verre et de métal - et à travers ces barrières matérielles, il lui semble pouvoir sentir pulser une puissance qui elle n'a rien de tangible.
Ses yeux d'or viennent rencontrer les iris fendus et glaciaux de la Dragonne, en silence. Le grondement qui fait ensuite vibrer la roche vient jusqu'à remonter le long de ses pattes, frisson de séisme qui envahit tout son organisme.

A ce qui sonne comme un avertissement il ne répondra qu'en son esprit, son regard dur refusant de ciller face à l'inspection sévère de la Déesse.

Je n'ai jamais oublié aucune épreuve que j'ai traversé.

Les seuls fragments qui avaient échappé à sa conscience et à sa mémoire ne l'avaient pas été par sa volonté - plutôt lui a-t-on volé, et Grimalk n'aime pas se sentir dérobé.
C'est une source de frustration que de se voir privé de quelque chose d'aussi intime qu'un souvenir. Il n'en laissera aucun autre lui échapper, tant qu'il en a le pouvoir. Et il ferait en sorte de le garder.

Il y a ensuite sur l'expression d'Ao une légère inflexion, un changement subtile mais notable. L'ombre d'un sourire, alors qu'elle serpente pour s'approcher de lui. Toujours il reste droit, affronte la dernière phrase qu'elle a à lui livrer.
Cette fois-ci, ce sont sur ses lèvres à lui que s'étire un léger rictus alors que brille un éclat dans ses iris.

Voilà quelque chose qu'il pourra accomplir sans grande difficulté.

Puis elle disparaît, nuée éthérée qui retourne se fondre dans l'environnement et ne laisse plus rien derrière elle. En l'espace de quelques secondes, c'est comme si elle n'avait jamais été là.

Grimalk reste immobile encore un moment après son départ. Petit à petit, il retrouve le contrôle total de son corps et domine la houle de ses ressentis - mais la fatigue reste. Il doit l'écarter encore un peu : ce n'est ni ici en ce temple, ni au milieu du chemin qu'il s'octroiera du repos.
Ses pupilles sont restés vissées sur la statue immobile, puis il finit par s'en détourner sans un mot de plus et quitte la grotte à pas lents, sans jamais se retourner.

Avant de venir ici, il avait voulu poser une ultime question à la Déesse après la réussite de son épreuve - car il n'avait pas douté de vaincre.
Il quitte néanmoins les lieux avec un respect plus affirmé, plus évident, que l'ébauche qu'il en avait déjà construit pour mener son chemin jusqu'à elle : il jugea alors que la dernière requête qu'il souhaita prononcer n'aurait pas trouvé sa place en ce lieu de pouvoir ni dans leur relation maintenant établie par cette couleur qu'elle lui partage.

Trop futile, peut-être.
Trop trivial, pour sûr.