I'm happier than ever. ♪

Elle avait écrit énormément de lettres, des tas de papiers qui s'accumulaient, parfois de l'encre collée sur le visage tant il était fréquent qu'elle ne s'endorme sur ses écrits. Deux ans, déjà.
Deux putains d'années.
Si la première avait été rythmée par de la colère, de la tristesse et du refus, la seconde avait été encore plus amère. Un sentiment de dégoût, de rage et de haine. Un écho qu'il lui semblait déjà avoir vécu lorsqu'elle était qu'une jeune adulte, un état détestable et aigri à la mention de la mère de ce fils qui n'a qu'une maman désormais.

Elle détestait beaucoup de choses désormais. Si son coeur avait déjà été brisé en deux autrefois, la seconde moitié avait également été réduite en miette à force d'en broyer le noir qui l'avait rempli. Alors pour que ses journées soient moins maussades, elle écrivait, nuit et jour. Des cernes avaient entouré son regard déjà fatigué et tiré par l'âge, bien qu'elle restait plus que correctement conservée.
Aussi, les bouteilles en verre vides s'accumulaient, en souvenir du bon vieux temps, ainsi que pour l'oublier, ce temps.

Maps s'était un peu reclue dernièrement, tant de changements en si peu de temps, elle qui aspirait à une vie paisible embûchée d'opportunités par-ci par-là, la voilà d'un coup balottée dans un peu tous les sens, sa foi semblait d'un coup devenue fragile avec Dairo qui n'en faisait qu'à sa tête. Evidemment, à part elle et Anita, elle n'avait plus grand monde ici qui croyait encore en elle. Les adolescents qu'elle avait connu lorsqu'elle était enfant partaient un à un, et un grand sentiment de solitude l'emplissait. Heureusement, son apprenti était d'une bonne aide, et une bonne raison de garder les pattes sur terre. Il avait besoin d'elle, en quelque sorte, pour finir son intégration et l'officialiser. C'était un gars bien, il réussirait.

Un nouvel après-midi où elle se réveillera de façon aléatoire alors que le soleil se couche doucement derrière, une autre fiole renversée sur le papier devant elle. Sa gueule est très pâteuse, et une désagréable sensation comme si on lui appuyait entre les yeux se fait sentir. Un gros soupire alors qu'elle lutte pour garder ses yeux ensablés ouverts. Il lui faudra plusieurs minutes, et y parviendra.
Se mettre debout fut également une épreuve.

Elle se sent comme sale d'être dans un état pareil. Où était la fringuante louve noir et rouge qui n'avait pas froid aux yeux, qui tenait tête à bien plus vieux et plus puissant qu'elle-même ? Un vide intérieur. Ses papiers, elle les envoie valser par terre avec rage en un râle profond avant de fondre en larmes de nouveau. Elle se sentait seule.
Seule.
Si seule.

Un nouveau soupire pour chasser les mauvaises pensées et la tristesse. Sur un coup de tête, elle prend sa sacoche, du fusain, ses peintures, et file en douce sans se préoccuper de qui elle croise, ignorant les questions, et parvient à se diriger vers le temple de sa déesse. Elle y croyait encore, en sa bienveillance. Et elle était l'une de ses dernières amies, ne restant réellement qu'Anita, Sakura, et en quelque sorte Cloud.
Les autres ...
Au diable.

Son derrière se pose sur le sol, bégaie un "bonsoir" maladroit, et commence à étaler de façon malhabile ses outils, et dessine ce qu'elle voit devant elle d'abord avec son crayon de fusain. Des murs sombres, le froid, les fleurs déjà déposées devant la statue. Et puis, la Renarde. Des traits plus hésitants cette fois-ci, et un regard qui réalise l'insatisfaction. Son papier se voit arraché, coupé en plein de morceaux, replacés en boulette à ses côtés. Plus ça venait, plus sa mine se faisait boudeuse.

- Dairo, j'n'y arrive plus ...

Et encore une fois, des larmes perlent sous ses yeux.

Une grosse goutte s'écrase au sol et se fait absorber instantanément. La louve renifle, passe une patte sur son nez pour effacer cette autre larme qui la chatouille. Il n'y avait rien, pas de voix, pas plus de lueur pour la consoler que son glowstick toujours accroché à son cou. Elle plisse un peu son museau avant de sentir une légère odeur acide et sucrée. Mais toujours rien. Son regard revient sur la statue, immobile, elle était là, Dairo.

Et comme une caresse sans jamais un seul contact, devant les yeux de la louve, son dessin arraché par la haine ne devient plus qu'une feuille un peu froissée, bariolée d'un orange pastel subtil. Maps reprend le papier, touche ces cicatrices réparées. Il n'y avait aucune fragilité, tout était comme avant, des marques en plus au travers du bleu, du vert, du rouge et du blanc. Et elle y voit là quelque chose qui n'avait pas besoin de mots, en réfléchissant un peu. N'était-ce pas pour cela que la déesse choisissait ses disciples ingrats ?

Un soupire sacadé brise le silence du temple. Réessayer, rien n'était perdu. Une seconde chance ... encore. Alors, Maps reprend son oeuvre, s'applique, y met un peu plus de bonne volonté sans laisser ses songes occuper toute sa concentration. Et elle parvient à sublimer le temps froid et silencieux, après plusieurs minutes à griffoner, colorer, peindre. Et ces nervures orangées rendaient le tout plus unique encore. Elle est satisfaite, bien que ses émotions restaient encore bien vives. Et elle dépose la peinture au pied de la statue qui détonait du gris ambiant, une statue aux éclats et étincelles oranges, parfois rouges et jaunes, se détachait de la roche.

Et puis, elle s'éloigne de quelques pas, adressant un regard plus que reconnaissant à la Renarde.
Encore une fois, elle lui avait indiqué la bonne voie, celle de la persévérance et d'user de plus de matière grise pour laisser son imagination et ses pas se guider par eux même.

- Dame Dairo. Est-ce que vous vous sentez seule, ici ?

Tant de sous-entendus, une question pour en poser milles. Craignait-elle de manquer de disciples, et être oubliée ? Ou bien, ne se sentait-elle plus à sa place parmis les Etelkrus, parmis ses frères divins ? Regrettait-elle Nirvana, disparue soudainement après avoir trop cru en l'Orange ? Alors, pour tout ce que la déesse renarde avait fait, elle pouvait bien lui tenir un peu compagnie, tenter de la comprendre, elle aussi.