My old friend [Fini]

Grumpy était d'humeur morose ce matin. Le ciel était d'un bleu étincelant, et quelques nuages de cotons le peuplait. Le vent soufflait avec douceur, et semblait vouloir chanter une mélodie au mâle. Toutefois, ce dernier n'était pas d'humeur à l'écouter. Le crêteux était grognon, ronchon, parce-qu'il était déçu. Il n'avait aucun ni aucune ami(e).
Outre le fait qu'il recherchait désespérément la louve de sa vie, il n'avait personne à qui parler. Après tout, pour l'amour, il avait bien le temps. Mais, il se sentait seul... En même temps, il se montrait hostile envers les mâles et interessé envers les femelles...
Peut-être devait-il simplement changer de comportement ?

Grumpy détourna la tête alors qu'il entendit du bruit, et aperçut une louve. C'était peut-être un signe ? Peut-être était-ce elle, l'amie tant espérer ?

Il ferait de son mieux, il se le jura... Alors, il s'approcha d'elle et se contenta de la saluer, sans arrière pensée.

Lorsque Grumpy approcha la femelle, il ne put s'empêcher de remarquer la peur qu'elle nourrissait à son égard. Elle recula prestamment, rentrant sa tête entre ses épaules. Alors, le mâle, décida sagemment de s'arrêter. Il s'était promis de ne pas être trop entreprennant. Et ce qu'il ne voulait surtout pas, c'était faire peur à cette jeune inconnue.

Toutefois, elle lui répondit, poliment, le saluant à son tour. Le crêteux ne pouvait qu'être géné de cette situation... Lui qui avait pris de bonnes résolutions, voilà qu'il faisait déjà peur à cette petite brune...

Soudain, la louve se mit à remuer. Elle était donc aussi géné que Grumpy... Ca n'allait pas arranger les choses... Il se racla la gorge, vraiment décidé à s'en faire une amie. Il baissa la tête, doucement, se demandant ce qu'il pouvait bien dire, et surtout, si elle n'allait pas partir en courant... Il se demanda alors si la meilleur solution n'était pas de se présenter, sans pour autant demander à la jeunette de décliner son identité.

Il espérait qu'elle allait enchaîner avec naturel, et il se rendit compte que ce n'était pas vraiment mieux. Il sous-entendait à l'Apeurée qu'elle devait donner son nom. Or, il ne voulait l'obliger à rien. Alors, il poursuivit, quelque peu maladroitement : "... Je, hum, je suis... Je suis chasseur !" Il n'aimait pas parler de lui ainsi. Il avait l'impression d'être terriblement narcissique. Toutefois, celà semblait être la seule solution pour ne pas envennimer les choses...
A moins que...

S'il ne pouvait parler ni d'elle ni de lui, il pouvait toujours évoquer d'autres choses...

"Il est plutôt agréable de se balader aujourd'hui..."

Le mâle se stoppa net, s'apercevant qu'il donnait son avis et que, de plus, il allait demander celui de la femelle qui se tenait face à lui. Il était vraiment très embêté, n'étant pas habitué à bavasser... Il faisait beaucoup plus qu'il ne disait... Il se trouva honteux, dépité, et se dit qu'il aurait mieux fait d'abandonner tout de suite...

Il ne trouverait jamais d'ami...

La louve ne releva pas la tête pour autant, et continua de gigoter à un rythme régulier, passant d'une patte sur l'autre. Grumpy ne put s'empêcher de se demander si cette louve était vraiment toute seule dans sa tête... Non, non, il ne devait pas penser de telles choses, c'était puéril et surtout très offensant pour la personne concernée !
Soudain, l'inconnue ouvrit la gueule, et ce qu'entendit le crêteux le surpris. La louve était très visiblement apeurée, se sentait menacée, était prête à décamper ! Grumpy se retrouva bouche-bée, pour une fois qu'il était plein de bonnes intentions !

"Non, non, ce n'est pas du tout ce que je voulais dire ! Enfin, je ne vais pas vous retenir si c'est ce que vous désirez, non, je serai un monstre si je faisais une telle chose ! Mais..."

Le brun chercha la louve du regard, avant d'ajouter : "J'aurais aimé passer un peu plus de temps en votre compagnie..."

Là, le mâle se laissa tomber sur le fessier, ne doutant pas un seul instant que la donzelle allait se mettre à courir, afin de lui échapper... Etait-il aussi horrible que ça ? Pourquoi n'arrivait-il donc pas à se faire des amis ? Le Destin l'avait-il désigné comme un être solitaire ?

Le jeunot ne comprenait vraiment pas...

A sa grande surprise, Grumpy put entendre un petit couinement, qui, lui semblait-il, provenait de la femelle. Il l'observa, surpris, alors qu'elle le dévisageait. Il frissona. Cette femelle avait du vivre des choses tellement horribles pour avoir de telles réactions...
Puis, il y eut autre chose. De la panique, plus précisemment. On eut dit que la femelle était totalement déboussolée, comme si les paroles du brun lui avaient fait un choc. Comme s'il n'était qu'un menteur. Il eut honte, et se contenta de baisser les yeux.

Enfin, des mots sortirent de la gueule de l'inconnue. Et ils parurent terriblement froids au jeune mâle. Etonnament, il eût mal. Il ne comprit pas très bien pourquoi, d'ailleurs. Mais le chasseur ressentait un pincement terrible au niveau de son torse.
Alors, il se replia sur lui-même, se roulant presque en position de foetus, mais ne pliant pas trop pour pouvoir rester debout. Il avait la sensation d'être... Une erreur.
Comme s'il n'était là que pour la blesser.
Comme si elle était là pour lui faire admettre qu'il était un être mauvais.

Il fixa le sol, attendant patiemment que la femelle décampe.
Il avait pris une mauvaise résolution. Il devait rester le même. L'antipathique. L'esseulé.

La louve ne décampa pas. Grumpy se demanda pourquoi. Il était mauvais, il était impur. Pourquoi restait-elle donc, alors ? Quelle mouche avait bien pu la piquer ? Doucement, elle approcha sa gueule de celle de Grumpy, avant de s'excuser. Le mâle redressa vivement la tête, écarquilla les yeux, avant d'observer le visage de cette inconnue.
Elle était trop mignonne.

Le crêteux s'approcha d'elle, subissant une pulsion à laquelle il n'eut le temps de réfléchir. Il posa sa tête sur son épaule.
Il s'agissait là d'un calin.

Il était bien contre le pelage de la brune, son souffle faisant doucement danser ses cheveux lisses... Il souria. Il savait très bien que, cette fois, il l'avait définitivement apeurée et qu'elle partirait en courrant. Pourtant, il ne s'en occupait que peu. Il avait envie d'être heureux, pour une fois. De ne plus se laisser déborder par des sentiments en vrac et des pensées sans liens, parfois sans raison d'être, et autres inepsies peuplant son esprit.
Il voulait y croire.

Il avait été sot. Il n'y avait aucune raison d'y croire.
Au muscles raidis de la louve s'ajouta un halétement, signe de désarroi profond. Elle parvint finalement à murmurer des paroles, qui fit que Grumpy se sentit désolé. Extrémement désolé. Il avait l'impression de l'avoir violée. Il se sentait mal.
Il recula de plus d'un mètre en moins de temps qu'il ne faut pour le dire.
Il n'avait pas envie qu'elle s'excuse de nouveau, il était en tord.
"Pardon", murmura-t-il. Il se sentait extrémement coupable. Encore. Décidemment, il n'était qu'un égoïste, un pervers, un empécheur de tourner en rond.

Il aurait aimé que tombe le rideau de sa stupidité.
Il aurait aimé deguerpir, mais ses pattes refusaient de bouger.
Il avait l'impression d'avoir commis un meurtre, celui de l'innocence de cette pauvre louve.
Il devait disparaître, il en était certain.
Mais alors, pourquoi était-il incapable de se mouvoir ?

Il baissa les yeux, honteux. Il estimait qu'il n'avait même pas le droit de la regarder. Son envie, son désir était un pêché.

Qu'imaginait-il ? Que l'on pouvait forcer les gens à devenir nos amis ? Comme ça, en un claquement de doigt ? Que le bonheur procuré par un souffle suffirait à lier un lien éternel ?

Le crêteux pensa qu'il était le dernier des imbéciles.
Il ne méritait rien.
Même pas la vie.

Alors pourquoi avait-elle été par trois fois épargnée ?
Il l'ignorait.

Un sentiment complexe, dévorant, s'épanouit en lui.
Tout ce que le chasseur voulait, c'était aimer...
Aimer...
Il n'y croyait plus.

La douce voix de la louve se fit entendre. Elle cherchait à le rassurer. Mais pourquoi ? Si elle se méfiait tant de lui, si elle en avait peur, pourquoi ne lui demandait-elle pas tout simplement de déguerpir ? Grumpy ne saisissait pas vraiment, mais il se fit la promesse de rester à une distance raisonnable de cette petite brune...

Tiens, d'ailleurs... Le chasseur s'aperçut qu'elle connaissait son nom... Mais lui ? Il n'avait aucune idée de son identité. Ne voulait-elle pas la révéler ? Ou n'avait-elle tout simplement pas pensé à la dévoiler, dans un élan de panique ?

La femelle le coupa dans ses réflexion, se montrant désolée. Pourquoi ? Elle n'était pas responsable de son passé...
Grumpy se dit que, peut-être que s'il communiquait plus, sur leur identité, leur passé, peut-être alors, ils auraient la possibilité de comprendre. Il voulait savoir, savoir pourquoi la brune ressentait un tel blocage émotionnel, pourquoi il l'effrayait.
Et puis, il avait tant cherché à comprendre la gente féminine... N'était-ce pas l'occasion d'en écouter une ?
Car une conversation où chacun parle sans écouter l'utre n'avance à rien. Eux, avaient quelque-chose de précieux. Ils avaient leurs silences, la capacité à écouter l'autre, le désir de ne pas le brusquer, de ne pas le blesser.

Il recula un peu avant de s'allonger, afin de s'assurer qu'il tiendrait sa promesse et ne s'approcherait pas plus d'elle... Elle... Elle qui ? Voilà, c'était une excellente façon de lancer le dialogue !

"Excusez-moi mais... Pourrais-je connaitre votre nom ?"

Cette phrase était lourde de sens aux yeux de crêté. Il fallait comprendre "Est-ce que je mérite d'avoir connaissance de votre identité ?". L'identité, était, pour ce mâle, une entité lourde de sens, la chose la plus précieuse qu'eut pu posséder un loup.
Peut-être parce-que, lui, ne savait pas vraiment quelle était la sienne. Peut-être ne s'appelait-il même pas Grumpy. Il ne se souvenait plus de la façon dont il avait appris ce nom, et l'avait assimilé à son être, à son corps...
Il n'avait même pas le souvenir de ce à quoi il ressemblait étant louveteau.
Une boule de poil brune. Certainement.

Le mâle releva la tête, et esquissa un sourire à la femelle.
Il voulait l'écouter, ou si elle n'aimait pas parler, lui lui conterait son histoire.

L'air de la louve était un mélange assez peu commun de surprise et de gène. Les oreilles tricolores décrivèrent un mouvement rapides, puis ce fut la tête qui suivit, avant de s'enfoncer entre les épaules de la femelle. Visiblement, la question provoquait un grand trouble en la personne de cette louve, et Grumpy s'en voulut. S'il avait su, il n'aurait rien demandé ! Peut-être ne voulait-elle pas dévoiler son identité aussi facilement, et elle s'en sentait pourtant obligée ! La bouche du brun s'ouvrit en grand, s'apprétant à la couper, mais s'exprima avant que le mâle n'en eut le temps.

La louve aux cheveux brun parla très vite, mais comme son prénom était le dernier mot de sa phrase, le crêteux comprit qu'elle s'appelait Néah. Le Brun aimait bien les prénoms courts, et celui-là ne faisait pas exception...

Une fois de plus, la femelle était troublé... Le mâle chercha son regard, toujours allongé, ayant la sensation d'être soumis, une fois encore.
"Vous n'avez pas à vous excuser. Vous sembliez troubler, alors, vous avez oublié... Ce n'est pas très grave... Il ne faut pas vous en faire comme ça, Néah."
Il avait parlé très doucement, avec toute la bonne volonté du monde, tentant de mettre celle qui lui paraissait être une petite fille à l'aise.
Il n'aimait pas faire peur...

"Vous savez... Si vous le désirez, je peux m'en aller. Il suffit de le demander... Et plus jamais je ne viendrai vous importunez... C'est promis."

Le crêteux n'avait jamais failli à ce niveau là. Du moins, de tout ce dont il pouvait se souvenir. Une promesse, c'était quelque-chose de sacré... Alors, si elle le lui demandait, il la fuirait...
Comme la peste.

Visiblement, les paroles de Grumpy ne consolèrent pas Néah. Au contraire, la femelle releva sur lui un regard empli d'une émotion que le Brun n'aurait su décrire. Il ne savait pas vraiment si elle était touchée par sa proposition, ou bien s'il avait fait un nouveau faux pas. Il grimaça, vraiment troublé et peiné.

La chevelure de la multicolore ondula, alors qu'elle remuait la tête pour signifier sa négation. Quelque part, le mâle était rassuré, mais il ne savait pas vraiment pourquoi...

Elle commença une phrase, pretextant, qu'elle n'avait pas d'ordre à donner, mais le crêteux semblait bien qu'il avait touché une corde sensible. La panique semblait l'avoir envahie, et lorsqu'elle acheva ce qu'elle avait commencé, Grumpy fut envahi de pitié. Il ne répondit pas tout de suite, se levant, s'étirant, avant de venir s'assoir à côté de la femelle, tout en gardant ses distances tout de même, ne voulant pas la paniquer. Il enroula sa queue autour de ses pattes arrières, cachant son tatouage "EXPLOITED" sur sa cuisse gauche. Un regard fraternel croisa les iris bleus, emplis d'incompréhension.
Grumpy prit une grande inspiration, décidé à lui dire tout ce qu'il avait sur le coeur.

"Néah, je me dois d'être sincère avec vous... En vérité, j'aimerais que nous devenions amis. Malgré tout, l'étrange sensation que je vous apeure me hante. Alors, non, je ne vous éviterai pas par plaisir, mais je refuse de vous imposer ma compagnie..."

Il avait l'impression d'avoir été un peu vite, mais il eespérait avoir touché le coeur de la femelle. En fait, il voulait qu'elle le croit. Qu'elle ait ne serait-ce qu'une toute petite lueur de confiance en lui.
Il bomba le torse, détourna la tête, attendant une réponse.

Grumpy se décida finalement à la regarder, afin de voir les effets de son terrible discours. Ses boyaux se sont noués dès l'instant où il a aperçu la détresse qu'il avait provoqué, ce n'était pas ce qu'il voulait... Il avait l'impression d'enliser la situation à chaque parole, à chaque acte, à chaque seconde passée à ses côtés...
Toutefois, le crêteux s'aperçut que... La multicolore semblait réfléchir... A quoi donc ? Il fut saisi d'étonnement, ne sachant vraiment s'il était raisonnable de se réjouir si tôt. Peut-être cherchait-elle une solution pour fuir, après tout ?

Le mâle stressait. Et il n'avait jamais ressenti ça. Il avait toujours su ce qui l'attendait, que ce soit face à Sköll, face à la meute de loups sauvages ou encore face à cet anaconda géant...
Mais là, là... Son coeur battait à toute vitesse...
Pourtant, il n'était pas question de vie ou de mort...
Simplement de sentiments... Et c'était là le talon d'Achille du brun.

Aux paroles de la louve, Grumpy ne put que se réjouir. Elle n'avait pas peur de lui, non. C'est que la notion même d'amitié lui était inconnue. Alors, c'était compréhensible que Néah soit un peu angoissée.
Il eut envie de l'enlacer, mais il se retint, se contentant de lui sourire.
Elle, pour la première fois, semblait avoir besoin de lui.

Alors, timidement, le Brun lui lâcha, assez sûr de lui : "T..."
Il avait eu envie de la tutoyer, mais il se reprit : "Voudriez-vous que je vous apprenne ?"

A vrai dire, Grumpy avait déjà sympathisé, mais il n'avait jamais vraiment lié d'amitié... Il ne serait sûrement pas le meilleur professeur, puisque lui aussi serez élève... En somme... Il serait aussi élève...

Malgré la joie qui semblait envahir les deux coeur, Néah parvint tout de même à se lever lentement et gracieusement, ce qui eut le don de surprendre le mâle. Il avait l'impression de voir une rose s'épanouir, et la femelle qui lui paraissait auparavant être une gamine se révélait louve.

Les paroles de celle aux yeux bleus ne purent que réjouir le crêteux d'avantage, qui nota d'ailleurs le tutoiement à son égard et pris cela comme un accord venant de sa nouvelle amie. Il était comblé d'avoir pu apporter quelque-chose à quelqu'un, notemment en matière de sentiments, et savait qu'il ressortirait lui aussi grandi de cette péripétie.

Répondant à la question de la femelle, il lança dans un grand sourire : "Avec un ami, il n'y a jamais de "on doit" mais il y a toujours des "on peut" ! Et le plus important, c'est de passer un bon moment !"

L'ancien chasseur la toucha alors du bout de la patte, avant de s'écrier : "Chat, c'est toi le chat !", et il détala comme un lapin, satisfait de l'activité qu'il venait de lancer.