A kingdom of isolation + ft. Kaméo

Alors c’était donc ça le froid, le vrai froid ? L’hiver, Kameo ne l’avait pas connu, du moins pas encore et surtout pas celui que tous les adultes ont pu subir avant sa naissance. De ce qu’elle avait comprit, c’était une période rude et bien d’autres choses, enfin elle ne regardait pas souvent en arrière. La jeune louve trottinait gaiement sur la glace, la mine ravit de sentir autre chose que les membres de la meute collés les uns aux autres ou bien l’odeur de sang. Son grand sourire et sa fourrure blanche faisait écho au manteau gelée sous ses pattes. Tout était pur et sans vie dans le coin. A part peut être le lapin qui ressemblait plus à une boule de coton.

Réalisant que le gibier était là, prêt à être dévoré, Kam’ se mit dans l’idée de le chopper. Un petit rire lui échappa alors que ses yeux se rivaient sur le corps dodu. Ce qui ne passa pas inaperçu aux oreilles frémissantes de l’animal qui détala presque aussi tôt. Il lui jeta malgré tout un regard pour remarquer que la tignasse brune ébouriffée dépassait étrangement du sol. Lançant malgré elle un grognement mécontent, la demoiselle se mit à le courser :

« Attends revient, je te veux pas de mal ! Mais zuteuh, vas moins vite sinon je vais encore devoir demander aux autres de l’aide ! »

Courir sur un terrain pareil l’épuisait et sa proie connaissait manifestement les techniques pour ne pas se vautrer. Quand bien même la jeune femelle se débattait contre la glace, elle n’arrivait pas à prendre un centimètre sur son adversaire. Une bonne demi-heure plus tard, essoufflée, usée et les coussinets fortement irrités, Kameo jeta l’éponge. Ce ne sera pas pour aujourd’hui l’émancipation manifestement. La déception s’affichait sur son visage boudeur et le rongeur la narguait encore de sa présence. Le fessier rejoignant le sol, son gueule lâcha un ‘Pfff’ bien audible. Il ne payait rien pour attendre. Bien sûr cette course poursuite continua un bon moment et le même constat s’imposait à chaque tour.

Mais le dernier se finit bizarrement comme d’habitude. Alors qu’elle fixait son attention sur le lapin, la petite dame dérapa sur le sol glacé. Elle ne maitrisait plus rien, et glissait à toute vitesse dans d’étranges roulé-boulé incontrôlables. Cependant le pire lui arrivait dessus sans qu’elle ne puisse agir alors elle se mit à hurler :

« AHHHH ATTENTION !!!!! »

A peine le temps de finir sa phrase que sa truffe rencontra la masse velue. La collision lui fit bien mal mais au moins la glissade prit fin. Sans s’en rendre compte, Kam’ avait le museau collé à la cuisse musclée d’un autre lupin. Ses pattes avant crispées en l’air, ses griffes plantées sur le cul du gros mâle qui ne demandait rien à personne. Et dans ce moment cocasse, elle lâcha :

« Aïeuh… »

L’immense masse musculaire se déroba dans divers grognements étouffés. Kameo quant à elle, glissa sur le poil beige pour finir le museau collé à la glace, les pattes étalées devant elle. Une belle preuve de sa maladresse qui s’affichait dans toute sa splendeur. Mais la voix grave du mâle résonnait à travers la plaine gelée et fit relever le museau de la petite tâche blanche et brune. Le regard violacé perçait, de sa magnifique moue boudeuse, l’orangé de son adversaire. Tout en se redressant, Kam’ lança avec sa verve légendaire :

« Et toi qu’est-ce que tu foutais sur ma route ? J’avais pourtant dis attention ! »

Fit-elle tout en le fixant tempétueuse. De plus il lui ordonnait même de rentrer. Et puis quoi encore ? La louvette frappait le sol de son antérieur droit, et continuait de prouver son intolérance aux ordres des adultes. Puis elle continua :

« T’es pas mon père, j’ai pas d’ordre à recevoir, et puis je chasse où je veux d’abord, et même que je suis assez grande pour me balader seule d’abord. Je rentrerais pas au squat et puis j’ai pas froid hein ! Non mais t’es peut être grand mais moi aussi je sais me défendre ! »

Déballant son monologue fougueux sans prendre le temps de respirer, elle essayait de se rendre impressionnante. Le débit ininterrompu de parole agacerait sûrement le mâle qu’elle se pressait de fusiller du regard à nouveau. Kameo s’empressa de se relever et de gonfler son pelage pour paraître quelques centimètres supplémentaires tout en continuant de balancer des inepties :

« T’as vu ?! Je suis pas un bébé ! Et pis t’es qui pour me juger hein ? Hein ? Hein ? »

A chaque ‘Hein ?’, le corps maigrelets sautait de gauche à droite comme un chien espiègle. Mais la jeune femelle ne laissait à peine quelques secondes de silence avant de débiter d’autres paroles insensées.

« Ça te la coupe hein ?! Chuis sûre que je te mets k.o. en moins de deux. »

Son ton provocateur s’alliait à ses gesticulations. Elle manqua de se vautrer une bonne dizaine de fois sur la surface glissante.

Un sourire se glissa pour prendre la place de l’expression précédente du mâle. Pour un peu, la louvette aurait prit la mouche et serait repartie de plus belle dans ses invectives pas si menaçantes au vu de la différence qui régnait entre eux. Mais elle se calma lorsqu’il admit sa très nette supériorité supposée dans sa tête. Kam’ ne se fit pas prier pour prendre une posture hautaine (dans la mesure, ça casse pas trois pattes à un canard mais dans sa tête ça rendait classe). Puis commença :

« Et bah qu’est-ce qu’il faut pas faire pour qu’on soit rec… »

Il doutait l’animal, il osait douter ? Le museau encore de trois quart, ses paupières s’ouvrirent pour laisser apparaître deux billes prêtes à sortir de leur orbite. Un regard presque incrédule et la mâchoire entrouverte donnait cet effet de choc et aussi l’air imbécile. Cependant tout ceci ce mua bien vite en un océan de rage et de colère, d’ailleurs, la jeune femelle blanche s’écria tout en retournant sur son adversaire :

« QUEWA ?! »

Un tsunami cérébral venait de s’abattre sur elle, un si petit corps n’était pas prêt pour encaisser ça. Puis il se releva pour paraître toute sa corpulence, qui, soit dit en passant, imposait salement. Mais rien ne changeait les faits alors Kameo relança :

« Ah ouais, t’en es sûr ? Tu vas voir gros tas de poil ! »

Sans plus attendre, la demoiselle fonça tête la première. Et ce au premier degré, sa tignasse faisant office de corne ou de casque. Pour une fois, elle avait ses prises au sol et le louveteau rejoignit sans déraper la fourrure beige. L’impact fut tout aussi rude que ses sentiments, le crâne heurta sans ménagement la patte avant. Le retour de flamme ne tarda pas non plus et tout en reculant difficilement, Kameo lâcha un peu pâteuse :

« Ouah, je vois des étoiles partout, des pitites n’étoiles, oh et une lumière au bout du tunnel. Oh oooohhhh que c’est beau ! »

Le corps de la brune titubait durement vers l’arrière, ensuite son fessier retourna sur la glace. Pour finir, la brethen se trouva sur le dos prise d’un rire glauque comme une personne bourrée.

Les petites étoiles continuaient de flotter devant ses yeux, un flou avait masqué sa vision. Puis vint une silhouette brumeuse qui se plaça juste au dessus d’elle. La masse imposante semblait être vivante et même mieux, elle lui parlait. La voix rauque résonnait dans le bourdonnement ahurissant de son crâne, apaisant un peu la douleur. Kameo lança, un peu pâteuse :

« T’es un ange ? Je suis mourrue ? »

Petit à petit, elle put admirer la splendide grandeur du mâle qui avait causé son malheur. Même si le pauvre loup n’y était pas pour grand-chose, il ne faisait que subir la énième frasque de la jeune blanche. Cette dernière secoua le museau puis écarquilla ses deux prunelles pourpres. Sans réfléchir, elle lui posa violemment la patte sur le museau en lui gueulant dessus :

« PAS DE BOUCHE A BOUCHE ! Je suis vivante espèce de sale pervers !!! »

La jeune femelle lui décocha un regard faussement énervé puis elle s’extirpa de sa situation gênante en se tortillant comme un ver de terre. Une fois bien sur ses quatre pattes, Kameo fit face à l’ennemi, cette fois-ci, elle ne foncerait pas tête la première. A ce propos, un violent mal lui asséna un coup, si bien qu’elle se prit la tête entre les pattes avant, le fessier encore en l’air. Dans un ronchonnement enfantin, elle lança au mâle :

« Chui sûre que c’est d’ta faute ! T’es un grand méchant, avoue le, en fait t’es le super méchant de toute les histoires qu’on nous raconte chez les nourrices ! Même que sinon je t’aurais démonté bien plus facilement et sans une égratignure. »

La louvette se tenait encore prête pour le combat mais quelque part en elle, le doute s’était installé. Etait-ce le boss final ? Celui qui lui vaudrait tous les honneurs et un rang de choix ? Peut être. Dans tous les cas, un sourire naquit gentiment sur ses babines de friponne. Suite à cela, le petit corps potelé se remit en posture d’attaque.