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Sujet: Wild is the Wind — Libre Mar 15 Déc 2015, 19:06
Dani
Wild is the Wind |Libre|
Pas un oiseau dans le ciel. Tous partis vers des contrées plus chaudes, sans doute : après tout, l'hiver déployait à nouveau son grand manteau blanc sur eux, et s'il avait eu des ailes, il se serait envolé très loin lui aussi. Quelque part où il faisait chaud. Là où les steppes arides étaient mouchetées de cactus, où la terre n'était que cendres et où la brise était une flamme qui vous brûlait la peau.
A défaut de pouvoir savourer la sensation du vent du désert — son désert – qui s'engouffrait dans son pelage, Daniel, qu'un simple désert de dunes ne pouvait malheureusement contenter lorsque son mal du pays était particulièrement prononcé — la poussière et la caillasse avaient ce charme si singulier à ses yeux, charme auquel le sable ne pouvait prétendre –, s'était rendu dans la Passe Ventue. N'ayant comme à son habitude que faire des marquages de territoires et des droits de propriété, porté par une nostalgie qu'il ne connaissait que trop bien, il avait entendu et suivi l'appel du Canyon, ce chant caractéristique qui ne pouvait être entendu que de lui seul, très certainement. Il s'était surpris lui-même à retrouver l'endroit avec une facilité déconcertante, quand bien même il n'y était passé qu'une seule et unique fois, à son arrivée ici, alors armé d'une fantastique gueule de bois et d'une morosité à toute épreuve. Alors certes, pour un patriote comme lui ce petit agencement de roches orangées découpées par un fleuve ça ne pouvait en rien être comparable aux gigantesques falaises couleur de sang qu'il avait dans sa jeunesse utilisé comme coupe-gorge au détriment des voyageurs les plus inconscients, mais il y avait là un petit quelque chose qui lui mettait un peu de baume au cœur dans les moments de lassitude. Sans doute le retour de vieux souvenirs auxquels il était attaché. Et puis au moins il n'y avait pas de neige ici, donc c'était tout bénef'.
Daniel, une fois n'est pas coutume, longeait ainsi le lit de la rivière, ayant délaissé les hauteurs et leurs pentes escarpées pour se rendre directement au fond du ravin. Sa petite promenade lui permettait de se dégourdir les pattes et d'oublier toutes les responsabilités qui lui revenaient à la gueule chaque fois qu'il mettait une patte à l'Oasis où il avait emménagé il y avait déjà de ça un bon paquet d'années. Et puis, à ses yeux, hormis la tequila, il n'était pas un breuvage sur Terre capable d'égaler l'eau que l'on pouvait boire dans le flanc d'une falaise. Il avait toujours raffolé de ce petit goût fumé que semblaient conférer les roches, dans ce genre d'endroit. Ca avait selon lui un goût de soleil. Ca lui filait un bon coup de pep's et lui donnait envie de mettre sur la gueule du premier venu, aussi. Il n'était plus tout jeune, ses articulations et son dos le faisaient souffrir lorsqu'il faisait trop humide — en somme, à peu près tout le temps ou en tout cas à chaque fois qu'il sortait du désert dans ce pays de consanguins nordiques à la con –, il avait un peu plus de mal à se remettre des bagarres auxquelles il continuait de participer non sans entrain, mais cela n'empêchait rien. Au final, le plus agaçant dans tout ça était qu'il vivait bien plus mal qu'auparavant les lendemains de cuite. Et ça, en fait, ça le faisait bien plus chier, même s'il n'en montrait rien.
Comme elles le faisaient si souvent, ses épaules se levèrent un bref instant avant de retomber dans un profond soupir. Posté au bord de la rivière comme il l'était actuellement, il ne risquait pas d'exploser son taux d'alcoolémie. Rien à craindre de ce côté-là pour aujourd'hui. Dans l'épaisse fourrure d'hiver qui tapissait son encolure s'engouffra une violente bourrasque, une bourrasque qui sentait la terre roussie par le soleil et la roche baignée par l'eau claire. Durant un petit instant, il se prit à fermer les yeux, humant pensivement l'air, se demandant si ce vent qui caressait son dos était passé par chez lui un jour, où si cette terre qui lui était si chère constituait plutôt une destination future. Le vent pouvait bien aller où il voulait, lui. Il était libre de toute contrainte. Chaque jour était une nouvelle aventure, chaque aventure, une poignée de destinations.
Lui, de son côté, n'était qu'un vieux grizzly vieillissant que son passé rattrapait à grands pas et qui voyait approcher l'échéance. Ce qui constituerait certainement la dernière aventure qu'il pourrait s'accorder avant que le temps ne termine de faire son oeuvre sur lui. Cette aventure-là visait une destination unique. Où il n'avait pas mis les pieds depuis bien longtemps maintenant.
Mais à laquelle il était appelé à revenir, d'une manière ou d'une autre. Car contrairement au vent, Daniel n'était en rien un homme libre : il n'était qu'un vieux grizzly vieillissant, que son passé rattrapait à grands pas, à qui il restait encore une chose à accomplir avant de pouvoir enfin retourner à la terre, et d'abreuver une dernière fois le désert de son sang comme tous ses ancêtres avant lui.
Dernière édition par Hax le Dim 03 Jan 2016, 10:48, édité 1 fois
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Sujet: Re: Wild is the Wind — Libre Dim 03 Jan 2016, 00:14
Blair avait passé le cap des six mois, et elle était donc selon elle une adulte bien pensante et capable de faire ce qu'elle voulait. Elle se sentait tellement plus mature que les autres louveteaux du Clan ! La plupart de ses aînés avaient déserté la pouponnière pour aller passer leurs épreuves de Glowsticks, et sa fratrie enflammée se retrouvait donc à peu de choses près au sommet de la hiérarchie très sérieuse des marmots Séides. Elle regardait d'un œil dédaigneux tous ces asticots fraîchement sortis de l'utérus de leur mère, qui jouaient encore à s'attraper la queue et à se mordiller les oreilles. Qu'est-ce qu'ils étaient ignorants. Ces jeux étaient débiles et immatures. Seuls les vrais comme elle savaient que les activités qui en valaient la peine, c'était de s'attraper l'échine et mordiller les os des proies abandonnés par les grands.
A vrai dire, par moments, même ses propres frère et sœurs l'ennuyaient profondément. Autant ils pouvaient vraiment s'amuser ensemble à jouer et à bitcher sur les autres, autant elle se sentait parfois en décalage total. Peut-être que c'était la fameuse teenage angst qui commençait prématurément chez elle. Fidèle aux stéréotypes de cette phase, la rouquine avait donc suivi une inspiration soudaine et décidé de s'éclipser du Creux aux Loups, sans rien savoir du monde extérieur à part les timides excursions auxquelles leur môman les avait fait participer.
En sortant des limites du camp, elle se coucha à plat ventre derrière un gros rocher. Elle n'était pas certaine d'avoir le droit de sortir sans permission, encore moins sans la présence d'un adulte. Mais bon, elle était grande ou merde ? Elle attendit qu'un groupe de chasseurs sorte à son tour puis, se prenant au jeu, décida de les prendre en filature. Ça lui donnerait bien une idée de comment sortir de la Petite Cordillère, pour commencer. Blair se sentit carrément badass à ramper dans l'ombre d'un rocher à l'autre, avec petit rush d'adrénaline à chaque fois qu'elle croyait voir un des patrouilleurs tourner la tête dans sa direction. Heureusement que la quantité de fumée noire qui s'échappait de son corps restait proportionnelle à sa taille, sinon le groupe qu'elle avait pris en filature aurait fini par se demander pourquoi il y avait toujours l'air d'avoir un lapin en train de rôtir à la broche derrière chaque obstacle qu'ils avaient dépassé.
Petit à petit, le roc solide que foulaient ses pattes se craquela pour laisser apparaître des brins d'herbes, puis de larges pans de terre. Ça y est, elle passait les frontières du domicile des Séides, pour s'aventurer seule sur leurs terrains de chasse. Un large sourire fendit son visage, chose rare et qu'elle n'aurait jamais laissé arriver en présence directe de quelqu'un d'autre. Toute excitée, la nabote laissa la distance se creuser entre elle et le groupe qu'elle avait suivi, sans pour autant le perdre de vue. Elle se donnait des objectifs débiles, du genre courir en diagonale pour se cacher sous tel petit buisson avant que l'un des chasseurs ne tourne à nouveau la tête dans sa direction.
Il arriva fatalement le moment où Blair, en sortant la tête du énième bosquet derrière lequel elle s'était cachée, ne vit plus personne autour d'elle. Elle posa les fesses à terre. Elle se sentit perdue d'un coup. En plus, elle avait soif.
Une rivière coulait non loin de là. Suivant son instinct, elle tendit l'oreille et chercha l'origine du bruit. Un soupir de ravissement jaillit de sa gorge quand elle aperçut le cours d'eau après quelques minutes de recherche. Profitant de sa solitude, la petite femelle sautilla jusqu'à tremper ses pattes tièdes dans les abords peu profonds. Mine de rien, elle avait pas mal trotté pour une gamine. Ça lui faisait du bien. Elle ne craignait pas le froid de l'hiver, grâce au feu qui coulait dans ses veines. Bon, l'inconvénient - ou l'avantage trop classe, tout dépendait des situations - c'était quand même les pans de fumée qui s'échappaient de sa gueule et de sa queue rougeoyante en permanence.
Elle stoppa net son barbotage. Elle venait de se rendre compte qu'elle n'était pas seule. Le reste du corps figé comme celui d'une biche prise dans le feu de phares, elle posa ses yeux écarquillés sur le mâle GIGANTESQUE qui s'abreuvait non loin de là. Nan, c'était pas possible. Ils ne faisaient pas partie de la même espèce, tous les deux. Ce monstre-là était énorme, poilu, baraqué, recouvert de cicatrices, portant un lourd armement dont l'une des balles de métal rougeoyait faiblement dans la lumière du jour. Elle, elle n'était plus si grande que ça tout compte fait à côté de ce mastodonte. Elle ne le connaissait pas. Son odeur était bizarre.
« Vous... Vous êtes un Bretin ? » osa-t-elle demander, la voix tremblante.
Elle avait entendu beaucoup d'histoires sur ce fameux Clan adverse, qui vivait reclus sur quelques pans de territoire ésotériques, et avec lequel les Séides devaient partager leurs Glowsticks. Mais elle n'en avait jamais vu un membre en vrai. C'était donc à ça qu'ils ressemblaient ? Des titans au regard rogue et féroce, capables de les écraser d'un coup de patte ?
Cassius » Historique
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Sujet: Re: Wild is the Wind — Libre Dim 17 Jan 2016, 16:57
Lorsque Daniel, effectivement en train de s'abreuver, releva sa large tête, d'épais filets d'eau dégoulinaient le long de sa gueule, entremêlant les poils drus de sa barbe et allant se perdre dans son encolure, lorsqu'ils ne s'éparpillaient pas entre ses pattes sous formes de fines gouttelettes. Il était en train de se lécher les babines, l'oeil morne et son esprit vadrouillant bien loin d'ici, lorsqu'une voix bien trop aiguë et hésitante pour être celle d'un adversaire potentiel crédible le ramena sur terre. Ou plutôt dans la flotte.
— Vous... Vous êtes un Bretin ?
Il baissa les yeux pour constater qu'il était en train de se faire dévisager par une boule de poils qu'il aurait été tenté d'assimiler à un rat en surpoids si elle ne venait de lui adresser la parole. Plissant d'un air renfrogné ses petits yeux rouges, qui étaient hélas bien moins perçants que du temps de sa folle jeunesse, il reconnut comme on pouvait s'y attendre un louveteau. Ou plutôt un très jeune loup. A peine assez grand pour sortir de la tanière seul. Genre pour aller faire pipi au pied de l'arbre voisin, et encore sous escorte, histoire de pas dégueulasser la tanière. A l'odeur c'était une femelle.
A ce moment-là, il se demanda ce qu'il avait bien pu faire pour attirer les gosses comme ça. Ce n'était après tout pas la première fois qu'un morveux croisait son chemin et surtout s'arrêtait pour tenter de lui taper la conversation et même si les années avaient passé depuis qu'il avait croisé son dernier bout de mini-loup, ça le faisait toujours autant chier. Il avait pourtant supposé que son allure imposant et son air particulièrement peu aimable étaient plus susceptibles de faire déguerpir tous les bambins de la zone où il se trouvaient que d'agir comme un aimant à petits cons. Il avait dû trop s'assagir avec l'âge. Et une fois de plus, il songeait qu'il aurait été profitable de se faire tatouer Je ne pas parler ta langue toi me foutre la paix sur le front, dans un souci de productivité. Mais pour ça il aurait encore fallu que les louveteaux sachent lire. Daniel lui-même ne savait pas lire. Ou en tout cas c'était ce qu'il faisait croire aux autres. Premièrement parce que du coup on lui foutait la paix, deuxièmement parce que ça collait plus avec son personnage de truand — illettré – sans foi ni loi, troisièmement, et ça rejoignait en fait le deuxièmement dans le fond, parce que ça renforçait le sentiment général qu'avaient les autres, comme quoi il était un gros con. La vérité était que sa famille de bourges avait commencé à lui apprendre à lire très tôt, et qu'après les avoir perdus, tout petit louveteau traumatisé qu'il était, il s'était raccroché à la lecture comme à un dernier souvenir d'eux, et en avait par conséquent terminé l'apprentissage tout seul, comme un grand. Petite partie du versant homme sensible de sa personnalité qu'il préférait cacher au commun des mortels. Parce qu'il n'était pas un pédé, putain de merde.
Observant avec consternation la petite louve qui lui avait semble-t-il demandé quelque chose et attendait une réponse qu'elle n'obtiendrait jamais puisqu'il ne comprenait pas ce qu'elle disait et n'en avait de toute manière pas envie, Daniel choisit de se ranger du côté vieil aigri mal aimable de la Force, et répondit sans la moindre grâce, dans une sorte de bêlement désagréable :
— ¿ Quéééééééééééééééééééééééééééééééé ?
Réalisant évidemment que ça ne serait pas suffisant pour la faire déguerpir, il espérait par ce biais lui démontrer son absence totale d'entrain vis-à-vis d'une conversation potentielle.
Invité Invité
Sujet: Re: Wild is the Wind — Libre Mer 27 Jan 2016, 23:40
Elle continuait de le fixer d'un air effaré. C'était pas possible d'être aussi grand. Est-ce qu'il allait la tuer ? Est-ce qu'il allait utiliser son pouvoir sur elle ? Son regard se posa sur la cartouche rougeoyante. La couleur d'Aka le Grizzly. En ce moment-même, elle se demanda si un ours était si grand que ça à côté de ce monstre brun - bien qu'elle n'en ait jamais vu un en vrai. Oh mes Dieux et sI TOUS LES BRETINS FAISAIENT CETTE TAILLE ? Comment ça se faisait que les Séides n'aient pas déjà été écrasés ? Enfin, peut-être que ce gars-là n'était qu'une exception, mais même, ça prouvait bien que les Bretins avaient une alliance avec des géants, ou un truc du genre. Dans tous les cas, le Clan de Blair était dans la merde. Pourquoi ne les avaient-ils pas déjà attaqués alors ? Elle se souvint de bribes de conversations de nabots plus âgés, qui crânaient en prétendant que les Bretins étaient des tarlouzes pacifiques. C'est-à-dire qu'ils ne voulaient pas la guerre. Donc la seule chose qui empêchait la rouquine de se faire désintégrer, c'était que personne jusque-là n'avait mis en rogne les Bretins.
Bêlement déchirant et incompréhensible d'un loup géant tout à fait mis en rogne.
La morveuse sursauta. Elle n'avait jamais ressenti ça. Tous les os de son corps s'étaient mis à vibrer, malmenés par les basses désagréables de la voix du titan. Terrifiée, elle se plaqua au sol, passant ses antérieures par-dessus sa tête pour échapper à la vue du mastodonte. Elle apprit alors un nouveau truc à propos de son don inné.
Elle ne suait pas.
Elle s'enfumait.
Quand Blair avait chaud, quand Blair stressait comme une dingue, elle ne régulait pas les bouffées de chaleur par une langue toute pendante, mais en produisant encore plus de fumée : une fumée brûlante et nauséabonde, qui puait à plein nez le feu de bois noirci puis recramé de long en large. Et tandis que la gamine se roulait en boule en essayant de se faire la plus petite possible, la purée de pois enflait autour d'elle, enflait, jusqu'à la faire disparaître dans un nuage gris puant qui ne tarderait pas à atteindre les narines du Bretin. Et elle ne se rendait compte de rien, habituée à son miasme de combustion, paupières closes en attendant son heure et cerveau bloqué par la peur.
« Désolée désolée désolééééééée. »
[Ça fait carrément powergaming du don inné mais je rassure la populace, c'est juste pour des besoins scénaristiques et ça n'interviendra jamais en situation offensive.]
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Sujet: Re: Wild is the Wind — Libre Mar 02 Fév 2016, 21:13
S'il n'avait tenu à avoir l'air farouche et inamical, Daniel aurait volontiers laissé un petit sourire mesquin étirer ses larges babines lorsqu'il vit la gamine sursauter lorsqu'il prit la parole — ou plutôt bêla comme un vieux putois. Voir un gamin sursauter en l'entendant parler et éventuellement se faire dessus en le voyant lui jeter un regard mauvais avait toujours fait partie des petits plaisirs de la vie qu'un gros con de son espèce savait apprécier. Ca flattait son égo de beauf, le faisait se sentir puissant — ou plutôt l'aidait à se sentir exister, puisque c'était bien le seul moyen qu'il y avait jamais eu de s'épanouir dans un monde comme le sien – et le faisait doucement marrer. C'était même carrément — oui, osons le dire ! – susceptible de le mettre de bonne humeur, chose extrêmement rare et dont peu de gens pouvaient témoigner, pour la simple et bonne raison qu'il était largement préférable de croiser un Daniel d'humeur maussade qu'un Daniel enjoué. Puisque Daniel avait une façon bien à lui d'être happy. Et qu'à part la Rouquine, qui avait un statut privilégié, et certains de ses ex-potes de la Bande, tous ceux qui avaient eu le malheur de le croiser de bonne humeur étaient dans les instants qui avaient suivi. Comme dit précédemment, Daniel avait une façon bien à lui d'être happy, et surtout de le montrer.
Bien heureusement pour la morveuse, la vie était trop à chier en ce moment pour que le vieux desperado soit de bonne humeur. D'autant plus que même si elle avait effectivement sursauté quand il avait pris la parole et s'était foutue en position dite repli du porc-épic, ce qui s'en suivit ne pouvait en rien, absolument rien, contribuer à faire de lui un mec happy. Puisqu'à peine roulée en boule à ses pattes à gémir Dieu seul savait quoi, la petite s'était mise à fumer comme un vieux barbecue possédé par le Diable. Faisant écarquiller les yeux de Daniel. Il avait alors réalisé que cette vieille odeur de poil roussi qu'il avait repéré il y avait quelques minutes venait de la môme. Comme en témoignaient les volutes de fumée qui s'échappaient désormais d'elle par vagues et commençaient aussi bien à obscurcir le coin qu'à lui piquer les yeux et la gorge. Comme un vieux cigare cubain, en enlevant la saveur et en gardant juste les côtés chiants. Daniel eut un léger mouvement de recul, plissant le nez dans une grimace et papillonnant des yeux :
— ¿ Pero qué cojones ? miaula-t-il d'une voix rauque et étouffée par la fumée qui s'engouffrait dans sa gueule, secouant la tête en vain.
Il baissa les yeux sur la naine, qui de son point de vue n'avaient désormais plus l'air que d'une espèce de boule de fumée folle, toujours prostrée au sol. Elle n'avait pourtant pas l'air d'avoir un putain de glowstick. Ce genre de chose n'était pas normal. Au Mexique on l'aurait déjà cataloguée comme une sorcière et violée / pendue / brulée vive au milieu d'une place de village. Quoi qu'il en soit, c'était relou et ça commençait franchement à l'énerver. Daniel fit donc la première chose qui lui venait à l'esprit : non, il ne mordit pas dedans comme un bouffon, non, il ne se carapata pas comme le dernier des lâches, oui, il fit ce que n'importe quel mâle au potentiel de beaufitude non nul aurait fait : il laissa le footeux inside s'emparer de lui. Devenu le nouveau Lionel Messi de l'Amérique Latine Lupine, il balança un grand coup de patte dans la Girl on Fire — Dieu qu'il détestait cette chanson, pour couronner le tout. En d'autres termes, il shoota dedans pour l'envoyer aussi loin que possible de lui, et visant si possible le fleuve d'à côté, parce qu'avec un peu de chance, ça pourrait l'éteindre au passage.
Ceci fait, parce que Daniel n'était plus tout jeune et qu'il était loin d'avoir un style de vie sain, il fut pris par une violente quinte de toux, luttant pour tenir debout tout en secouant sa patte pour dissiper du mieux qu'il pouvait la fumée, qui décidément lui arrachait la gueule. Il avait. Toujours. Détesté. Les mômes. Et c'était pas près de changer.