Contes de fées empoisonnés · Tweet

Illa était dans un petit coin de la bibliothèque, plus loin, avec Isiah.
Pensée en avait profité pour s’éclipser quelques secondes. Elle avait la sensation d'être déjà venue ici plusieurs fois, se rappelant de quelques rayons comme si elle avait déjà foulé de ses pattes ces pierres lisses. Son petit museau juvénile était légèrement retroussé, dans une moue entre la réflexion et le questionnement. Pourquoi avait-elle ces sensations de déjà-vu ? Elle n'était que petite, normalement, et pourtant des fois, elle reprenait sa propre mère sur des sujets étrange. C'était vraiment bizarre, Illa s'en était offusquée d'ailleurs quelques fois , lui demandant d'arrêter de jouer les je-sait-tout. Après ces multiples réprimandes, Pensée avait finit par exprimer à sa mère son trouble : elle avait la sensation que ce n'était pas ses souvenirs qu'elle avait parfois. Que des fois, si elle connaissait un sujet assez naturellement, que ce n'était pas sa connaissance à elle. Pas vraiment elle qui savait tout ça. Elle n'avait pourtant qu'une vague sensation de connaître ces choses, sans les avoir encore jamais touché pour de vrai. Et pourtant, tout était là, bien ancré dans sa tête. En plus d'être vraiment perturbant et troublant, Pensée devait faire face à tout ça.
Illa n'avait pas pu lui donner d'explication, outre une seule chose.
Un pouvoir inné.

Sa mère lui avait expliqué qu'elle aussi en avait un. Isiah aussi avait l'air d'en avoir un. Seul Tweet avait échappé à ce phénomène étrange. Puis maman l'avait calmé avec une petite dose de bonheur, pour la démonstration ainsi que pour l'apaiser tendrement. Pensée devait reconnaitre que c'était pratique, comme pouvoir inné. Alors que le sien ne faisait que l'embêter ! Ce n'était pas juste, vraiment pas juste.

Alors Pensée boudait à moitié contre tout, même les bons dieux.
Elle repassa une allée, elle était déjà passé par i--... l'autre vie était déjà venu là. Elle leva ses grands yeux enfantins vers les rayons où trônaient les ouvrages, des livres de tous types, des histoires nommés "Ballades romantiques", "L'Écume des jours", "Je l'aimais"... que des romans ou recueils qui avaient visiblement pour même thème l'amour. Passant un regard circonspect et sceptique sur l’étalage, Pensée sauta tout de même sur un promontoire de bois vermoulu pour attraper un bouquin.
Il n'avait pas de titre.
Il parlait visiblement d'un amour PWien.

Elle ouvrit donc le livre, puis-ce qu'elle savait déjà lire, elle tenta donc de se plonger dedans. Peut-être cela lui changerait les idées.

Ponk.
Elle sursauta, tel un chat, bondissant à deux mètre au-dessus d'elle-même.
Toutes griffes sorties et la queue dont les poils s'étaient dressés frénétiquement, elle retomba sur ses pattes en dérapant sur le sol lisse dans des petits cricricricri rapide. Mais puis-ce que le sol était trop polis et que ses pattes n'avaient pas assez de force, ainsi que ses mouvements désordonnés et dans toutes les directions à la fois... elle n'avançait pas. Cela ne dura qu'une folle seconde, le temps qu'elle ai enfin la bonne réaction que celle de se carapater et décide de voir ce qu'il y avait ! Elle resta sur place quand-même, prise dans sa panique, pour se retourner en envoyant un regard révulsé de peur autour d'elle. Un regard empli de sa surprise première également, qui scruta un peu partout avant de tomber sur...

Sur son frère.
Son frère ?
Oui, son frère.
Twitchell.
Il se tenait là, il venait de faire tomber... un livre. Il avait le poil tout aussi dressé qu'elle, il s'était arrêté dans un mouvement quelconque et avait lâché un petit soupir frustré. Du genre "gnih", typique de quelqu'un qui venait de rater ce qu'il voulait accomplir.

─ T-tweet ? bégaya t-elle, visiblement très surprise.

Qu'est-ce qu'il faisait là ?
Il n'était pas trop tourné bibliothèque pourtant, si ? ... Si ? Et si c'était ça ? Elle le regarda, se calmant très rapidement et son poil s'aplatissant de nouveau, lui redonnant l'air de sa mère plutôt que d'un hérisson mal en point. Elle avait sur Tweet ses yeux menthe à l'eau, le détaillant et remarquant enfin le livre qui trônait à côté de lui. Celui-là n'était pas ouvert, il avait été pris avec soin, contrairement à l'autre qui était échoué, pages contre terre. Elle bougea. Il avait donc pris un livre, il aimait bien lire, lui aussi ? C'était un des premiers points communs qu'ils avaient, en fait. Elle se sentait aussi assez différente de sa famille, hormis le fait d'avoir plus ou moins la même tignasse sur le dos que leur génitrice. Elle souffla pour terminer de se calmer, ralentir son cœur était une bonne chose, en fait.
La peur passée, elle se sentait plus calme, voir même intriguée par l'attirance de son petit frère -enfin petit, le dernier à être né en somme- pour les écritures d'amour de la bibliothèque. Il avait l'air de s'y connaitre, c'était l'étagère des livres les plus romantiques du lot, elle l'avait repéré un peu plus tôt. Mais elle voyait qu'il y avait peu de poussière, là. Quelqu'un avait donc fouiner souvent ici. Un souvenir de son autre tête. Le loup qui hantait ses pensées avaient eu l'air d'être perspicace, pour remarquer des détails, il avait sans doutes vécu chose similaire. Elle secoua la tête pour chasser ça, elle n'aimait pas trop de souvenir de choses qui n'étaient pas d'elle.

Elle reporta son attention sur Tweet.

─ Tu... aimes bien lire aussi ? fit-elle donc. Il est bien en plus, le livre que t'as pris.

Un conte de fée.
Si elle se souvenait bien, c'était l'histoire de La belle et la bête, une version adoucie -Disney haha- qui se finissait mieux que celles antérieures. Elle s'approcha de lui, délaissant son propre ouvrage, pour ramasser le livre tombé et regarder celui qu'avait prit Twitchell. Elle ne l'avait pas encore lu non plus, celui-là.

─ On le lit ensemble, dis ? demanda t-elle, ayant très envie de le découvrir.

─ Mésituprefjepeutdonnerlelivr. bégaya son frère, peu après avoir accepté.

Il a peur de moi se dit Pensée, voyant sous ses yeux la silhouette d'un autre loup, de son autre tête, apparaitre brièvement sous ses yeux. Elle secoua la tête à nouveau, ne croyant pas au fait que Tweet avait peur d'elle. Il était juste intimidé, non ? A chaque fois qu'elle parlait c'est parce qu'elle avait des connaissances, grâce ou à cause, de son pouvoir inné mais bon... Non, elle n'avait rien fait de mal, non ? Oh, elle ne savait pas ! Mais Tweet se dévalorisait tout le temps, en fait. C'était peut-être parce qu'elle avait du mal des fois et qu'elle le corrigeait ? La jeune qui ne comprenait pas encore très bien les rouages de sa propre pensée, cette fois nullement aidée par les souvenirs qu'elle pouvait trimballer, eu une moue. Elle ne voulait pas lire seule, il n'avait pas eu l'air de bien la comprendre et cela la frustra. Elle regarda le sol quelques secondes, pataude, en se balançant sur ses pattes.

─ Nan j'en veux pas.

Elle renifla d'une façon pas vraiment féminine, prise dans un conflit interne entre lui dire qu'il l'avait mal comprise ou simplement agir comme une jeune et lui dire qu'elle voulait simplement lire avec quelqu'un. Elle souffla et finalement laissa son instinct de gamine passer par dessus le pouvoir inné.

─ C'est juste plus rigolo de lire à deux. fit-elle en reposant son regard sur son frère.

Elle alla pour le rejoindre, suite à cela.
Cependant, comme le hasard faisait bien les choses, se dessina entre elle et Twitchell un tronc d'arbre plus gros qu'eux deux réunis. Apparaissant juste sous la truffe de la jeune Brethen, l'arbre finit par devenir tangible alors qu'elle avançait. Alors la collision fut impossible et Pensée atterrit tout contre l'écorce.
Bonk.
Elle se prit l'arbre de plein fouet. Elle se cogna si violemment, fut si surprise, qu'elle se retrouva sur son séant. Par terre, assise, Pensée cligna des yeux. Incrédule et ne comprenant pas tout de suite ce qui s'était passé, la petite reluqua le tronc avec des yeux gros comme des soucoupes pendant de longues secondes. La douleur fit son apparition et elle sentit tout son front brûler de la rencontre avec la plante. L'arbre était d'ailleurs immense et finissait même par sortir du toit de la bibliothèque. Il venait d'apparaitre, là, en plein milieu de l'allée, et faisait apparaitre un rayon de soleil depuis la voute de la bâtisse, puis-ce qu'il avait détruit quelques tuiles. Pensée secoua la tête, confuse et ayant mal. Elle massa d'ailleurs la zone douloureuse par un geste délicat, sentant les larmes picoter ses yeux. Elle hoqueta et ne put se retenir, l'enfance la prenait dans ses bras et la surprise venant de passer l'y laissa affectueusement.
Elle sanglota donc quelques secondes, son visage déformé.

─ Mais aïeuuuh... geignit-elle au même moment.

Elle se releva, furieuse, pour essayer de donner un coup de patte dans le végétal massif.
Ponk.
Rien n'y fit, elle ne faisait clairement pas le poids face à l'épaisse peau de bois en face d'elle. Mais en y ayant mis toutes ses forces, de rage, Pensée finit par se faire mal aussi à la patte. Le bruit retentit à nouveau. Colérique, Pensée eu un nouveau soubresaut de douleur et larmoya de plus belle, poussant un couinement étouffé. Son geste irréfléchi lui valut une estafilade au coussinet, qui se mit à saigner, plongeant la jeune dans un tout autre sentiment d'impuissance et d'intense déception. Elle était nul, cet arbre était nul, le monde était nul ! Tout le monde était nul !
Elle se recroquevilla en boule, oubliant la présence de tous et tout.

Le monde se rouvrit doucement à sa conscience peu après.
Quand Twitchell noua un contact, à vrai dire.
Elle sentit la chaleur de son flanc contre le sien, qui irradia doucement. La sensation fut complétée par l'écharpe qui entoura son dos et qui s'échoua doucement de l'autre côté de son petit corps enfantin. Ainsi entourée, Pensée rouvrit les yeux et laissa sa position fœtale derrière elle. Elle vit rapidement son sourire gentil, qui se voulait réconfortant, elle ne put réagir qu'il était déjà passé à la suite, mais cette image l'avait saisie. Ses yeux se posèrent sur le livre que son frère venait de poser devant eux. Il était donc venu se coller à elle pour commencer à lire. Il avait même ouvert la bouche pour commencer à compter le récit.

─ Il était une fois... entama t-il.

Quelques secondes, Pensée resta un peu perdue.
Quelque peu incrédule pourtant, Twitchell avait un flot de parole très bon, une parole fluide qui s'écoulait comme un ruisseau. Elle entendait dans sa fluette voix des petites intonations chantantes semblables à celles de sa mère à son oreille, des petits détails qu'elle n'avait pas vraiment remarqué avant. Elle ne l'avait pour ainsi dire encore jamais entendu parler ainsi, il semblait très à l'aise. Le stress devait augmenter ses tiques, et l'aider elle devait le mettre assez en confiance pour qu'il puisse parler sans apriori. Même si son vibrato restait et que la nuance de sa voix n'était pas la plus belle, elle y trouva quelque chose de très agréable. Tweet avait dans la façon de parler actuellement, quelque chose de réconfortant. Les sentiments de son cadet transparaissaient en fait, c'était ça. Elle lécha doucement le coussinet meurtri pour stopper le saignement et ravala ses larmes au picotement de celui-ci.
Puis elle renifla doucement, se calmant au fur et à mesure que Twitchell parlait.

Elle l'écouta encore quelques secondes, calme et plus sereine.
Elle observa même l'arbre, se demandant comment il avait pu atterrir ici quelques secondes, avant de se faire lentement happée par l'histoire extraordinaire de l'ouvrage. Lentement, alors qu'elle découvrit les détails, elle se plongea dans les aventures des deux protagonistes. Petit à petit, elle laissa Tweet ne plus parler, pour reprendre la suite, comme si c'était plus fort qu'elle. Cependant, au fond, elle voulait remercier son frère de l'avoir consolé.
Alors Pensée y mit le ton et l'intonation.
Elle se redressa doucement et à chaque dialogue de la bête, mima une voix plus grave avec une nuance puissante. Pour Belle elle tâcha de prendre sa voix la plus frêle et la plus belle, chantant presque et roucoulant comme un jeune oiseau. Elle chercha à se poser pour les descriptions et à énumérer lentement les détails des scènes, qu'ils puissent ainsi tous les deux s'imaginer un peu mieux comment et où l'histoire se passait. Elle fit de son mieux, pour que chaque passage devienne tableau dans leur imagination sans limites.

Elle se dépassa pour Tweet, qui était au fond, même si un peu agaçant, le plus mignon des frères.
Elle le voyait désormais et elle s'en voulait de l'avoir corriger à maintes reprises. Les chapitres défilèrent vite et pourtant bien, elle y mit beaucoup de cœur, et sur la fin même eu presque envie de pleurer en constatant que la bête avait manqué de se faire tué.

Elle ferma l'ouvrage en prononçant les derniers mot.

─ ... Et ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants.

Elle était souriante et repris doucement pied dans la réalité pour fixer Tweet.

─ ... attends, des enfants ? eeeeh. T'en veux toi des enfants ? couina t-elle en le regardant. Pas moi !

Emportée dans tout cela, elle n'avait pas vu le temps passer. Et quand elle constata que le soleil avait décliné, elle se redressa d'un bond en cherchant leur mère du regard.

─ Oups, faudrait peut-être rentré non ? Il est tard D: