When I find love again | Plume Blanche

Le jour était gris et lumineux sur le continent, et revêtait les montagnes d'éclats argentés. La matinée se terminant tranquillement, dans un presque silence qui annonçait la venue du printemps. Les oiseaux revenaient. Les plantes refleurissaient. Et la neige fondant dénudait sans pudeur les pierres des hauteurs aux rayons du soleil. Anthem marchait en silence, au seul cliquetis de ses griffes, sur le sentier sinueux qui grimpait vers les plateaux et les pics encore glacés. Il y avait eu bien des bouleversements dans la meute ces dernières lunes. Brassage dans les hautes instances, notamment, qui peu-être redorerait le blason des Séides. Il en avait bénéficié, aussi était-il sans doute mal avisé de le critiquer, mais le système séides s'était tant assoupli au fil des ans que les anciennes coutumes avaient disparu dans la poussière. Enfin. Cela lui avait permis de rester. De revenir surtout. Et de La sauver.

Ses pensées s'égarèrent fugacement vers Romance. Il continuait de suivre de loin son existence, et il l'avait vu en compagnie d'un loup blanc dénommé Aristote. Bénéfique compagnie sans doute, elle semblait rayonnante. Une ombre passa dans son regard. Il cilla et força légèrement l'allure. Malgré ce qu'il avait déclaré concernant les montagnes, cela faisait longtemps qu'il n'y était pas véritablement retourné. Et il sentait à mesure de son ascension ses poumons jouir de la froideur de l'air, ses oreilles du silence des roches et ses prunelles des paysage infinis qui s'étalaient à l'horizon. Ces montagnes chéries qui lui ressemblaient tant. Des souvenirs revenaient, à mesure qu'il avançait sur un chemin plus que familier. Jeune, il était souvent venu ici pour réfléchir, seul. il y avait croisé autant de faune sauvage que de pensées obscures et complexes, qu'il passait patiemment des heures à démêler encore et encore. Son pouvoir, dans son aspect positif - c'était sans doute le seul. Il avait apprécié cette jeune solitude, ces moments qui semblaient éternels où il triait chaque réflexion, chaque constatation, chaque rumeur, et assemblait tout cela comme un gigantesque puzzle.

Enfin, il déboucha sur une corniche un peu plus large. Le vide s'étirait, dangereux et vorace, au-delà de son rebord, mais il y avait là largement de quoi loger trois ou quatre loups. Or, il n'y avait pas autant de lupins à y caser, loin de là. ll tourna la tête, et le vent souleva ses cheveux de neige.

"Nous sommes arrivés."

Son regard s'était posé sur la louve caramel qui le suivait depuis le départ de son expédition. Plume Blanche. Il n'aurait su dire de quelle manière il s'était attaché à elle, mais il devait désormais arrêter de se voiler la face : il semblait bien que son coeur ne se soit finalement attaché de nouveau à quelqu'un. Bonne chose ou mauvaise chose, cela faisait encore partie de ces questions dont le noeud était si serré qu'il e parvenait pas à en déterminer la solution. Quoi qu'il en soit, une sorte de promesse l'avait poussé à emmener la louve visiter ces endroits auxquels il tenait tout particulièrement. Ces plateaux à l'air froid, ces hauteurs aux roches sombres et saupoudrées des dernières neiges. Quelque-chose qui lui ressemblait.
Qui lui ressemblait beaucoup.

La louve le rejoignit, la curiosité légère accompagnant la découverte brillant de ses yeux violacés. Elle observa les alentours, puis dans un accès de témérité s'approcha dangereusement du vide. Quelque-chose se passa soudain. Alors qu'elle penchait légèrement la tête, comme pour observer plus encore ce qui se trouvait en bas, comme pour défier les lois de l'équilibre, les griffes au-dessus du vide, il eut un élan de... frayeur. Quelque-chose qui vint du plus profond de lui même, une crainte subite et crue. Durant un instant, il la vit perdre l'équilibre et chuter, emportée par le vide et ses griffes implacables. Etait-ce le souvenir de sa propre chute dans le canyon qui provoquait cette crainte, ce vertige à l'intention de Plume Blanche ? Il n'aurait sur le dire, mais son instinct lui commanda de la tirer de là et amorça un mouvement vers la femelle avant même que la partie raisonnable de son cerveau n'aie eut son mot à dire.

Coup de chance ou non, Plume Blanche recula brusquement, comme s'il lui avait communiqué sa peur par il ne savait quel moyen. Leurs deux trajectoires se rencontraient immanquablement, et ils se heurtèrent sans mal. A peine touchés, ils se détachèrent l'un de l'autre par réflexe. Plume Blanche s'excusa aussitôt, mais il nota qu'elle ne paraissait pas si gênée qu'il ne l'avait déjà vu dans pareille situation. Situation qui se reproduisait très souvent, il fallait croire que son pelage avait un effet d'aimant sur elle. Il manqua de sourire à cette pensée, et il ne savait damnement pas pourquoi il avait envie de sourire, par les sept. La femelle se réfugia deux pas plus loin, plus proche de la paroi rocheuse que du vide cette fois-ci, un léger sourire aux babines.

"Il n'y a pas de mal." Répondit-il avec un sincérité.

Et son timbre grave semblait presque rassurant, pour une fois. Un peu moins distant, un peu moins glacial. Plume Blanche observait le paysage, comme apaisée. Il fut satisfait de la voir ainsi. Il l'avait connue apeurée, gênée, démente même,mais jamais dans cet été qui semblait apporter un peu de bine être à sa vie. Ou alors il se faisait des idées, mais son esprit terrible n'avait pu s'empêcher de traduire chacun des geste de la louve, de les trier selon ce qu'il connaissait, d'en déduire que visiblement, oui. Elle avait l'air... presque heureuse. Il laissa son regard vairon se perdre dans les pics qui s'étendaient plus loin, dans les vastes plaines et forêt du continent qui couvraient l'horizon d'un duvet verdissant. Il se sentait presque chez-lui ici, même s'il avait depuis longtemps perdu son chez-lui. Il se demanda ce qui se serait passé s'il n'était jamais parti. S'il y avait eu dans son histoire juste une petite ligne de plus qui l'aurait suffisamment attaché à ces terres pour qu'il ne parte pas. Que serait-il devenu ? En serait-il ici aujourd'hui, au même point, avec cette même louve, et...

Le murmure de Plume Blanche interrompit le cours de ses songes. Il crut presque avoir mal compris. C'était sans doute le cas. Ce devait être le cas. Mais non, lui assénait son encéphale, non, tu as parfaitement entendu, cesse donc de faire des simagrées sentimentales et fais avec ce que tu as compris. Mais c'était bien plus compliqué que cela. Ses oreilles frémirent, alors que son regard s'accrochait à celui de Plume Blanche, comme pour y chercher les échos de ses mots, l'ultime trace de leur vérité. Et il ne sut que répondre. Naturellement, son silence ne fit pas tâche - il était toujours silencieux - mais sous son crâne ce fut comme un grand fracas. Puis un désert complet de vide et de silence, sans mot, sans pensée aucune, rien que ce regard violacé qu'il cherchait à attraper.

".. Merci." Répondit-il.
Moi aussi, disaient ses yeux.

Il avait du mal à concevoir que l'on puisse être heureux de l'avoir rencontré. Peut-être était-ce le cas de tous les loups, après tout. Mais non, chacun devait avoir une petite once d'optimisme qui lui faisait ressentir cette réciprocité. Lui ne l'avait jamais ressentie encore. On ne lui avait jamais montré que l'on avait pu être heureux de l'avoir connu. Enfin... on lui avait fait croire, avant de lui montrer de la pire des manières que son arrivée avait été la pire chose qui aie pu se passer. Des images dansèrent devant ses yeux, serrèrent sa gorge et assombrirent son regard. Personne sur ces terres ne connaissait cette partie de son historie, et il répugnait à ce que quiconque la connaisse. Il détourna le regard, sur cette honte que lui seule pouvait comprendre et porter.

Son regard se posa sur les rochers, les suivirent jusqu'à ce sentier étroit qui montait depuis cette corniche. Il ne voulait pas laisser Plume sur ces uniques paroles, aussi se redressa-t-il et lança :

"Je connais un autre endroit plus haut. Si cela te... tente." Proposa-t-il, sans trop savoir comment le dire pour paraître suffisamment poli.

Mais depuis quand tu te préoccupes de ça mon garçon ?
Non, non, ce n'était pas la bonne question. La véritable était : mais depuis quand ne t'en es-tu pas préoccupé.

Elle avait accepté.
Par une sorte de réflexe, son esprit s'était accroché à cet unique fait, comme pour ne pas trop s'attarder sur ce qui s'était passé une fraction de seconde avant. Mais quelque-chose de moins intellectuel, de moins... froid, s'intéressa au contraire fortement à ce qui s'était passé. Ce contact fugace, il ne savait trop comment l'interpréter. Elle était venue, elle s'était approchée de lui, assez pour que leurs pelages se touchent. Ce n'était pas quelque-chose de nouveau - elle venait même juste de lui cogner dedans e reculant, comme elle en avait l'amusante habitude apparemment - mais cette fois-ci cela avait été... différent. Plus troublant. Moins innocent, peut-être. Puis le contact s'était rompu et quelques centimètres les avaient séparés. Comme si de rien n'était.

Elle avait accepté, mais lorsqu'il entama un mouvement vers le sentier, elle ne bougea pas. Elle semblait pensive, presque torturée, même s'il ne semblait pas que Dragonne aie pris possession d'elle cette fois-ci. D'ailleurs, il n'avait pas recroisé Plume Blanche lors d'une nuit de pleine lune depuis leur première rencontre. Il la soupçonnait de sciemment l'éviter lors de ces occasions, car lui-même était souvent de sortie nocturne. Ou peut-être se faisait-il des illusions en imaginant avoir une telle importance dans la vie de la brune. C'était étrange, ces pensées, ces ressentis poussiéreux qui se relevaient au plus profond de son être. Il ne savait pas où cela allait le mener. Ou plutôt, il craignait l'endroit où cela pourrait le mener, pou s'y être déjà blessé une fois.

Il tourna la tête vers elle, lui tournant à demi le dos puisqu'il avait fait mine de s'engager sur le chemin, alors qu'elle commençait une phrase, qui finalement ne fut qu'un mot. Presque sans s'en rendre compte, il pivota pou retourner vers elle, silencieux, attendant qu'elle ne trouve d'elle-même les mots pour exprimer ce qu'elle ressentait. Il était sans doute le pire des professeur en ce qui concernait ce domaine, sans à cause d'un peu de mauvaise génétique. Son regard vairon chercha celui, violacé, de la louve. Celle-ci semblait soudain moins à l'aise, alors même que sur le chemin pour venir ici, il avait cru qu'une sorte de complicité tacite s'était établie. Contrairement à ce qu'il aurait fait d'ordinaire, il ne se contenta pas d'attendre encore, alors même que les rouages de son esprit, alimentés par son glowstick qui brillait doucement, cherchaient mille et une possibilités de compléter la phrase de Plume.

Il inclina légèrement la tête. Ils baignaient dans une lumière blanche, neutre, sans chaleur ni froideur. Il semblait que même la nature s'était figée dans l'attente de ce vers quoi ils allaient se diriger. Plume n'alla pas au bout de sa phrase, mais releva le regard, et les prunelles du mâle y plongèrent comme s'il n'avait été à l'affût que de ce bref présent. Lui qui parlait si peu croyait en la vérité des regards, en toutes ces choses que l'on pouvait comprendre lorsque l'on plongeait sans peur dans les tréfonds d'yeux autres. Et même si lui savait arborer le regard le plus froid du continent, en cet instant, il savait que les tourments et les étincelles de doute qu'il voyait dans ceux de Plume étaient semblables à ceux qu'elle distinguerait dans son regard à lui.

"De ?" Lança-t-il doucement, sans vouloir l'effrayer ou la gêner d'avantage.

C'était étonnant, la manière dont il la percevait. Aux premiers fils de leurs liens, elle était pour lui quelque-chose possédé par que folie dangereuse et puissante. Puis elle lui était apparue au milieu du jardin, fleur parmi les fleurs avec sa mine enjouée, presque enfantine, nullement rebutée par son silence de glace. Et maintenant il la trouvait telle une colombe qu'il avait peur d'abîmer. Comme si ce qu'il allait faire et dire allait déterminer si ses ailes se froisseraient, ou si elle lèverait vers lui ses grands yeux doux.

Ils dansaient.
Ils allaient l'un à l'autre au gré de leurs tourments et de leur hésitations, en un ballet de geste mesurés, d'éclats de prunelles et de souffles silencieux. Elle n'attendit pas longtemps avant de lui répondre, mais il ne fut pas certain de saisir le sens de sa phrase. Une réponse ? L'entité qui cohabitait dans le corps de la brune était bien mystérieuse et imprévisible. Elle avait posé une colle à sa porteuse, et la posait désormais au grand loup. De quelle réponse voulait-elle parler ? Il y avait tant de questions, en cet instant précis, qui valsaient et tourbillonnait sous le crâne de l'anthracite. Il se mit à réfléchir, alors que Plume continuait de parler. Sa phrase suivante le prit de court, sans qu'il ne sache trop si c'était par sa chute... ou bien par son commencement. Lui ? Lui faisait sourire quelqu'un ? Il se demanda si les dieux se riaient de lui, si tout cela n'était qu'une sorte d'ironie du sort et que cet espoir de bonheur lui serait arraché aussitôt qu'il tenterait de s'en saisir. Il ne croyait plus aux enchantements de la vie. Et pourtant la tentation était si grande. Et il y avait ces effluve sucrés des chaleurs qui malgré lui venaient susurrer à son esprit d'autres tentations tout aussi poussiéreuses.

Il avait légèrement souri à sa remarque, comme pour que la confusion de la louve n'installe pas de malaise. Mais il n'eut pas le temps de se replonger dans les méandre de sa première interrogation. Son regard revint se ficher dans celui de Plume Blanche, alors qu'elle semblait prise d'un élan soudain et s'approchait de nouveau. Elle s'approcha et leurs pelages se frôlèrent en silence, leurs souffles s'entremêlèrent alors que leurs museaux ne se trouvaient qu'à un souffle. Un frémissement parcourut le corps du mâle, sans qu'il ne puisse s'éloigner ni lâcher le regard violacé de Plume. Il savait qu'en cet instant même, il prenait la décision de rester. Et malgré tout ce qu'il avait pu se dire, malgré tout ce qu'il se dirait s'il tombait de nouveau, rien ne pouvait plus le faire revenir en arrière. Son souffle se fit plus profond, imperceptiblement. Et le temps se distendit, le monde qui les entoura disparut.

"Je t'aime."

Les mots de la louve, murmure à peine prononcé, il les entendit tel le fracas d'un orage. L'espoir explosa dans son esprit, il eut la sensation que son coeur enflait, chassait toute cette carapace de glace et d'épines qu'il gardait autour de lui depuis si longtemps. Un tremblement agita son museau et ses pupilles se dilatèrent. Avait-il bien entendu Etait-elle sincère ? Tout ceci n'était donc pas qu'une mascarade et...

Alors elle tourna les talons et s'enfuit.

Cela fit l'effet d'un saut dans l'eau glacé à l'anthracite, qui redressa les oreilles en la voyant détaler sur le sentier vers lequel il se dirigeait quelques instants auparavant. Il hésita. Bon sang, mais vas-y ! Son instinct mit une violente claque à tout ce qui réfléchissait un peu trop dans son encéphale, prit les rênes, et lança le grand loup à sa poursuite. Il gravit la pente en quelques foulées, et s'approcha de la louve, à demi-effondrée au sol sur une corniche plus haute. Il vint vers elle avec précaution, sans trop savoir comment elle allait réagir - souvenirs de leur première nuit. Mais elle ne semblait pas agressive. Simplement... effondrée. Littéralement. Et lui, pour parler franchement, ne savait pas trop où se mettre après sa déclaration suivie d'une telle réaction.

Alors il ne dit rien. Il s'approcha d'elle et posa la tête sur son cou, en une étreinte presque tendre. Il n'avait jamais été doué pour trouver les justes mots. Il n'avait jamais su dire ce que les autres voulaient entendre de lui. Jamais. Alors il avait appris à faire sans les mots.
Et cela valait une réponse comme une autre.

Elle ne s'enfuit pas de nouveau.
Après un instant de flottement où il ne sut trop comment elle allait réagir, elle finit par se blottir contre lui en une étreinte tendre et silencieuse. L'odeur légère de son pelage était enivrante et... étrangement réconfortante. Cela faisait bien longtemps qu'il n'avait eu aucun contact physique avec un autre loup, et encore plus longtemps qu'il n'avait pas eu ce sentiment. Cette impression de compter pour quelqu'un. Il s'accrocha désespérément à cette idée. Toute cette glace qui recouvrait son coeur fondait doucement. Son regard s'était fait plus chaleureux, ses émotions plus subtiles et puissantes. Oui, il l'aimait. Il avait peur d'aimer de nouveau, de briser de nouveau. Mais il avait la certitude qu'il éprouvait pour cette louve bien plus que ce simulacre d'amitié étrangement né entre eux. Peut-être que depuis le début c'était le cas. Il ne se rappelait pas du moment où le regard qu'il posait sur elle, lorsqu'ils se croisaient au camp, lorsqu'ils marchaient ensemble ou lorsqu'ils échangeaient une salutation, avait changé à ce point.

Elle rompit un instant leur étreinte pour lui donner un coup de langue sur le museau. Ses yeux violets étaient emplis de larmes. Elle ne vit pas le sourire qui s'était dessiné sur le visage de l'anthracite. Elle ne vit pas la lumière nouvelle qui s'était allumée dans ses yeux, alors qu'elle posa la tête sur son épaule. Il avait le sentiment que son coeur allait exploser, cela faisait si longtemps qu'il n'avait pas éprouvé de telles sensations. Et il avait suffi qu'elle lui dise pour provoquer tout cela. Il passa son museau sur le front de la louve et la gratifia elle aussi d'un coup de langue tendre. Elle pleurait encore. Avait-elle peur ? Peur de lui ? Lorsqu'elle parla, ce fut pour s'excuser de ce trop plein d'émotions qui avait jailli en fontaine de ses jolis yeux. Lorsqu'enfin elle se redressa, elle semblait chercher en lui une assurance qu'elle le méritait. Il plongea son regard vairon dans celui de Plume, sans l'interrompre. Mais cette fois-ci, il n'attendit pas avant de répondre.

"Je t'aime. Pus que je pensais pouvoir aimer." Souffla-t-il. "Cela suffit à faire de toi la plus parfaite des compagnes."

Il la regarda avec tendresse. C'était si nouveau pour lui de s'exprimer ainsi, autant. Comme si à force d'efforts, Plume avait fini par découvrir le loup qui se cachait sous sa sombre carapace. Lui aussi se redécouvrait, comme il s'était oublié au fil des années, noyé dans les souvenirs et les regrets qui le hantaient. Mais à elle seule, elle avait balayé au moins pour un temps toutes ces impressions.

Qu'il la trouvait belle, maintenant. Elle semblait s'être métamorphosée entre ce soir où il l'avait rencontrée et ce jour où ils s'ouvraient l'un à l'autre. Il la trouvait gracieuse, si jolie à côté de lui dans sa cape de gris et de blanc. Il avait peur. Il avait une peur sourde de ne pas être à a hauteur, de répéter les erreurs et les horreurs du passé. Mais que pouvait-il y faire désormais ? Ils étaient tous les deux entraînés dans une valse dont aucun ne pouvait s'échapper.
Alors ils dansaient, yeux dans les yeux.

Il vit de nouveau des perles briller dans ses prunelles, mais sans y déceler de la tristesse parmi la cascade d'émotions qu'elles semblaient trahir. Elle se serra encore plus contre lui, l'entourant de son parfum et de cette odeur entêtante qui la suivait. Et pour une fois, les effluves des chaleurs ne lui étaient pas... hostiles. Ils la rendaient plus désirable encore.
Elle lui murmura qu'elle était heureuse. Elle l'appela "mon amour". Une vague de chaleur se répandit dans son coeur, comme un jeune loup auquel on aurait pour la première fois murmuré ces mots. Parce que c'était bien le cas. La relation qu'il avait eu avec Etheria avait été tendre - au moins un temps - et il était réellement attaché à elle. Mais jamais elle ne l'avait gratifiés de mots ui reflétaient cette tendresse ou cette affection réciproque. Il ne s'y attendait pas. Il ne s'y attendait plus. Et cela fit battre son coeur bien plus qu'il n'aurait pu le prévoir. Il ne put retenir un autre sourire, plus profond, le regard légèrement plissé sous l'émotion.

Elle se rapprocha encore de lui et il lui rendit son étreinte, plongeant le museau dans le pelage soyeux de son cou, dans ses cheveux violacés, savourant comme jamais le contact avec elle. Comme si, soudain, il réalisait qu'il l'avait toujours désiré. Ses émotions, ses sentiments, ses pensées ui échappaient, et son glowstick ne luait plus que faiblement, son pouvoir ayant renoncé à la rationalité. Ce n'était pas le moment de penser. Ce n'était pas le moment de réfléchir, d'analyse,r de comprendre, non, il n'y avait rien à comprendre de plus que ce que son instinct et son coeur lui disaient. Il ferma les yeux. Et les rouvrit lorsque la louve chercha son regard pour attraper l'éclat de ses prunelles mauves. Elle le regarda sans rien dire, comme si elle avait parfaitement compris que le meilleur moyen de lui dire les choses n'était pas toujours de les exprimer. Et ce long regard en murmura autant que tout ce qu'elle avait dire et que tout ce qu'elle allait dire.

Elle se rapprocha de lui une fois encore, leurs poitrails se rencontrèrent et leur firent sentir les battements de coeur de l'autre, ce rythme effrenné et emporté dans une folie sourde. Un frisson parcourut son échine au murmure qu'elle lui souffla à l'oreille. Elle le regarda. Il voulut lui demander si elle était prête. Si elle lui faisait suffisamment confiance. Si elle l'aimait tant que cela. Ce fut ses yeux qui demandèrent. Et ceux de la louve qui répondirent. Il eut un hochement infime de tête. L'attira de nouveau contre lui pour les derniers pas de la valse.
Car désormais commençait une autre danse, plus ancienne et plus sauvage, qui ne laissait pas la place aux doutes et aux réflexions. Ils s'écartèrent pour mieux se retrouver, dans cette danse de l'amour et de la vie. Cette danse brûlante et aux pas qui allaient crescendo alors que leurs corps s'unissaient pour ne former plus qu'un, dans le coeur des montagnes.
Ils dansèrent leur amour sous leur regard bienveillant.