Love me again — Teddy

Tu réfléchissais, Leikn, à ce que vous alliez faire dans cet environnement désormais vide, parce que les autres s’en étaient allés, parce que plus personne ne se faisait appeler Lazulis, pour la simple et bonne raison que les Lazulis n’existaient plus.

Avec douceur, Leikn s’était levée, laissant Teddy en compagnie des bras de Morphée. La louve se sentait pleine de vitalité, cela faisait longtemps qu’elle n’avait pas dormi avec ce sentiment de sécurité, de satisfaction, cela malgré leur dispute de la veille. N’étais-ce pas une étape obligée après tout ? La Licorne posa son arrière-train à l’entrée du gouffre aux faucons, inspirant profondément en s’accordant quelques minutes de méditations, si indispensables à son équilibre mental.

Le gouffre, ce lieu qui fut un jadis, un lieu de vie n’était plus que désormais un cimetière. Avec douceur, l’une des pattes de Leikn vint soulever le corps d’une apache desséché, sans nul doute mort de faim de par la faute du dôme. Quelle tragédie. Tant de vie arrachée par le simple caprice d’un dieu… N’étais-ce pas malheureux ? Une larme silencieuse coula le long de la joue de la louve qui délaissa cette vision avant de retourner de nouveau dans les grottes à la quête d’un maigre repas.

Les plantes ne poussaient presque plus, à moins de connaître les endroits épargnés. Pour subvenir à ses besoins, il fallait fouiner dans les tanières de guérisseurs. La Licorne fouina un peu, reniflant les plantes séchées, mettant de côté celles qui étaient encore utilisable, balayant de sa queue le sol jonché de remèdes abimés. L’antre des guérisseurs était sans-dessus dessous, sûrement par manque d’entretien voir même manque de personnel… Un soupir échappa à la louve qui renifla les quelques paquets restants, une odeur qui ne lui était pas inconnue venant lui chatouiller la truffe. Du poisson ! Avec soin, Leikn défit les noeuds qui recouvrait soigneusement du poisson séché. Bien que l’odeur s’était estompé, le goût serait encore présent ! Plutôt satisfaite, elle retourna aux côtés de Teddy avec son butin se secouant une fois dans la grotte du brun afin de retirer les restes de plantes médicinales collées à son pelage.

La queue de la Licorne remua doucement, un sourire venant étirer ses babines alors qu’elle se tournait vers Teddy.

« — Bien dormi, Fausse Licorne ? »

Leikn déposa son maigre butin, suffisant pour un petit-déjeuner, penchant doucement sa tête sur le côté.

C’est vrai que la Licorne l’avait oublié. Teddy mettait un p’tit temps à pleinement se réveiller. Un sourire vint étirer ses babines alors que ses yeux verts le regardaient remettre sa tignasse en place avant qu’il ne s’approche. Décidément pas changé d’un poil sur ce point, monsieur prenait toujours soin de son imposante crinière coûte que coûte. Alors que lui enfouissant sa truffe dans le cou de Leikn, cette dernière joua avec les mèches violettes parsemées de blanc. Finalement le brun finit par la questionner. Se sentir bien ici. C’était chose difficile pour la louve, malgré les souvenirs de bon moment, désormais tout était vide, tout était mort.

La Licorne ferma les yeux.

« — Ce lieu empeste la mort. »

La mort et sans nul doute l’absence d’une renaissance. Mido avait trop prolongé sa punition, la nature ne s’en remettrait pas avant longtemps… Si tant est qu’une autre catastrophe ne vienne pas l’empêcher de s’en remettre… Comme Ao n’aurait-il pas pu simplement se contenter d’une simple punition sur les indisciplinés ?

« — Dis donc Mister Bélier, tu es donc si pressé que ça de quitter ces terres ? »

Lui qui proposait de partir dans l’immédiat pour gagner l’un de ses refuges, partir loin de cette terre qui jadis fut la leur, de cette tanière qui un jour leur appartint. Le territoire des Lazulis ferait surement l’objet de conquêtes, maintenant que les Etelkrus étaient la meute la plus importante.

Partir d’ici, ce n’était pas l’envie qui te manquait. Pourtant…

Pourtant…

Il y avait bien quelque chose en mesure de retenir la Licorne dont les sourcils se froncèrent doucement.

« — Et les enfants dans tout ça ? »

Devaient-ils partir en les laissant derrière eux ? Partir pour mieux les laisser grandir ? Teddy avait déjà perdu sa nièce, ne souffrait-il pas de laisser les trois dernières ?

La Licorne pencha doucement sa tête sur le côté, une certaine lueur d’amusement brillant dans ses yeux verts. À lui, ce Bélier qui plaisantait de la mort, à lui qui râlait si peu de son âge. La queue de la louve remua doucement trahissant son amusement, alors que ses traits se firent plus espiègles.

« — Encore un peu et tu vas demander un bisous magique pour chacun de tes coussinets… »

À l’évocation des enfants, l’amusement disparaît.

Les yeux de Leikn se voilent de tristesse, à l’idée de n’avoir pu assister aux départs de ces enfants. Que ce soit de Mésange et Méluciole qui étaient partis rejoindre une autre contrée, ou même Nugget, si proche et pourtant si éloigné. La Licorne avait des difficultés à reconnaître la loupiote insouciante qui lui demandait de raconter des histoires, face à la jeune adulte pleine de détermination qu’elle était devenue. Oui, ces enfants, l’ex-Lazulis avait des difficultés à les reconnaître, en particulier la dernière, parce que c’était elle qui avait été le plus puni de son absence.

Tu aurais bien voulu t’excuser, Leikn, lui répéter encore une fois à quel point tu étais désolée, mais c’était la crainte de raviver la colère qui t’en empêchait. Parce que tu te doutais que t’excuser encore une fois ne ferait que raviver la douleur.

La louve se conserva de garder le silence, le regard perdu dans le vague. Son esprit revoyait encore la pièce encore pleine de vie, là où les enfants dormaient, les diverses plantes… tant de détails, désormais disparus. Comme beaucoup de choses… Leikn passa le bout d’une patte sur ses tempes pour faire taire les murmures qui montaient doucement dans son esprit, n’étaient-ils pas censé se tirent ceux-là ?

L’ancienne solitaire - ou de nouveau solitaire au vu des circonstances - se tourna vers le bélier, un timide sourire venant étirer ses babines.

« — Qu’attendons-nous alors ? »

Si plus rien ne les retenait ici, à quoi bon attendre ?

Il était loin ce temps où vous vous taquiniez plus jeune, un temps où les problèmes ne semblaient guère exister…

« — Bizarrement, le contraire m’aurait étonné… »

N’était-il pas comme ça après tout, ce Mister Bélier ?

Leikn conserva le silence alors qu’il tentait de la réconforter quant-au sujet des enfants. La Licorne ressentait une forme de culpabilité, dû à ses manquements en tant que mère. Nugget avait plus que grandi, loin d’être restée la petite loupiote qui demandait des histoires pour laisser place à une louve forte, déterminée et bien sûre de ses idées. Légèrement fanatique de Mido, mais ça ne semblait qu’être un détail… Objectivement, nul enfant ne pouvait être parfait… Méluciole et Mésange avaient elles aussi eu des traits plus marqués, l’une qui rongeait tout sur son passage et n’avait nul remord à abattre un temple, l’autre qui était beaucoup plus distance. Cela n’avait toutefois nullement entaché l’amour que la louve leur portait à chacune.

Un endroit pour vous deux…

L’idée se fraye un chemin dans l’esprit de la louve, un endroit où ils reprendraient tout à zéros, sans trace du passé. Leikn réfléchit un instant, réfléchissant quel type d’endroit pourrait leur convenir. Le territoire Lazulis n’était pas le mieux désormais, compte-tenu des effets néfastes du dôme sur lui. Peut-être auraient-ils pu retourné là où ils avaient voyagé suite à l’obtention du glowstick de Teddy ? Non… Une idée sortit alors du lot, alors qu’un sourire étirait les babines de la Licorne. Une évocation de leur première rencontre.

« — Un endroit où il y aurait de la papaye. »

Parce qu’au final, la louve n’en avait goûté, parce que tous les conseils de Mister Bélier étaient restés gravés dans un coin de son esprit.

« — Là où on pourrait faire pousser des plantes et où tu ne manquerais pas de viande. »

Mais au fond, peut importait tout cela, du moment que Leikn se trouvait à ses côtés.

Mister Bélier continue de ranger les affaires, sous l’oeil attendri de Leikn.

« — C’est parce que ce que j’ai sous les yeux est déjà plus que suffisant. »

Teddy remet les savanes sur le tapis. Pourquoi pas ? Un endroit ou autre, quelle importance ? La dissolution de la meute Lazulis ne faisait plus que d’eux de simples solitaires, libres de se rendre où bon leur semblerait, sans nulle contrainte, ni obligation. Mais même s’ils partaient, cette grotte demeureraient emplie de leur passage, parce qu’on pouvait effacer ds années de vie d’un coup de patte.

« — Une partie de nous demeurera toujours en ce lieu… Les souvenirs sont ce qui perdurent le mieux. »

La Licorne vint frotter l’une de ses pattes avant dans une poudre rouge, vestige de leurs affaires, avant de la poser sur la paroi rocheuse, laissant ainsi une trace. Parce qu’un jour, peut-être qu’ils reviendraient ? Que les enfants voudraient revoir ce qui fut un jour leur chez-eux… La mort ne régneraient pas toujours en ces lieux, les cadavres finiraient par disparaître pour laisser place à la vie et ce jour-là… oui, ce jour-là il serait bon de revenir.

Ne serais-ce que pour admirer la beauté de la vie.

Ne serais-ce que pour contempler la victoire de la vie sur la mort.

N’y aurait-il pas plus beau spectacle ?

La silhouette frêle de la louve vint se coller contre celle plus robuste de son compagnon, sa truffe venant se perdre dans le poil brun épais. Putain. Qu’est-ce qu’elle avait merdé. La Licorne fit resurgir la culpabilité dans l’esprit de la louve, lui fit regrette un peu plus ses choix. Les paupières closes, l’herboriste prit la parole d’un ton bas, presque un murmure.

« — Je te promets de ne plus repartir, Mister Bélier. Pardonne-moi, de t’avoir privé de tant de choses… Pardonne-moi de ne pas avoir été la hauteur de ce que tu mérites pendant ces dernières années… »

Parce qu'elle avait également besoin de se pardonner à elle-même afin d'éviter que la culpabilité de la Licorne ne la submerge une nouvelle fois et ne se lie à son pouvoir. La lumière du glowstick bleue brille doucement, alors que la louve reprit la parole.

« — Ce que nous allons construire, sera le plus cadeau que l’on puisse offrir à la vie. »