Sunbathing - free

L'herbe était verte, mais pas chez lui.
Abélard s'était beaucoup éloigné des Brethens aujourd'hui, mais il avait deux raisons valables. La première était que le temps était affreusement déprimant au dessus de sa tête. Il avait donc suivit les nuages plus clairs pour finalement déboucher sur une superbe plaine pourpre. La seconde c'est qu'il n'aimait pas vraiment les regards qu'on lui lançait quand il tirait au flanc au squat. Alors il allait faignanter ailleurs et c'était nettement mieux.

Les deux points noires de ses oreilles égermaient d'haut-dessus les hautes herbes. Il se frayait un passage à travers la végétation sans trop de difficultés, sa longue queue laissant un sillage visible à sa suite. Il aperçut un amas de long rochers plat et obliqua dans leur direction. C'était l'endroit parfait pour profiter des quelques rayons de soleil en cet après-midi. Quelques bisons s'éloignèrent à son approche, peu inquiets.
Abélard s'allongea sur la roche chaude. Peu lui importait les bisons. Peu lui importait l'appartenance de cette lande. Seule la chaleur du soleil comptait.

Curse en avait marre. Vraiment marre. Se barrer n'était pas son genre cependant. Les Séides étaient sa famille, toute sa vie. Il était trop vieux désormais pour se lancer dans une nouvelle vie, dans un nouveau monde; et il n'en avait pas la moindre envie. L'idée de rejoindre les Brethens l’écœurait et celle de devenir Solitaire tout autant. Il était un Séide pur et dur. Et c'est pour cela qu'il méprisait les derniers événements.
Un gamin.
Leur nouvel alpha n'était qu'un gamin sans réelle expérience, plein d'ambition, qui croyait que tout lui était dû car il provenait des couilles de Raw. Du moins c'était ainsi que lui voyait les choses. Et Paprika comme compagne ? Il n'avait rien contre la gamine, oui elle s'était moquée d'Aka, mais cette histoire était entre elle et les dieux. Non, ce qui l'horripilait était que la compagne de leur alpha sans expérience était une femelle sans expérience tout aussi jeune et ambitieuse. La meute avait commencé à changer, et il n'aimait pas cela du tout. Curse se complaisait dans son petit monde tranquille, paisible. Il passait la majorité de son temps à faire son métier de croque-mort en évitant autant que possible l'autre croque-mort du clan, la jeune Pumqueen. Il n'avait pas très bien pris que quelqu'un d'autre vienne pratiquer son métier. Il n'avait pas besoin d'aide. Il n'avait pas besoin qu'on fourre le nez dans ses affaires. Il ne voulait surtout pas qu'on mette à jour sa réserve de sang. Il ne cachait pas vraiment sa nature vampire, mais si on savait qu'il drainait les cadavres avant de les enterrer...

Enfin, au moins son métier lui donnait une excuse pour rester loin du campement les trois quarts du temps. Personne ne s'attendait à ce qu'il fasse son boulot en plein milieu du creux au loup. Au contraire, il était utile, mais personne n'avait trop envie d'entendre parler de son travail. Cela lui allait bien, cette solitude. Mais bon, il ne pouvait pas trop travailler lorsqu'il n'y avait pas de morts. Alors il arpentait les terres à la recherche de cadavre d'animaux qu'il pourrait drainer pour sa réserve. Le sang des proies était bien moins bon, mais il faisait l'affaire lorsqu'il n'avait pas d'autre option. C'était donc ce qu'il faisait à l'instant, avançant d'un pas un peu mou, sans grande conviction, marmonnant des insanités sur combien la meute tombait bien bas. Ses babines se redressèrent soudainement sur ses crocs. Il sentait l'odeur d'un intrus. Cependant, Curse n'était pas un combattant. Et il n'avait pas très envie d'obéir aux ordres des nouveaux alphas. Un sourire sarcastique sur les babines, le loup anthracite s'avança pour découvrir la bête couchée au soleil. Un Brethen.

« Ça va, tu relaxe ? Pas trop stressé d'être sur nos terres ont dirait. »

Abélard se laissait aller tout entier à la sieste. Il poussa un grognement de satisfaction alors que les bras de Morphée allaient le saisir. Soudainement, une voix désagréable le tira de son somme. Il ouvrit paresseusement une paupière, cilla pour finalement détailler le loup gris en face de lui.
Le mâle se redressa, couché sur le ventre et non plus sur le flanc. Il n'était pas aussi à son aise qu'il l'aurait voulu au saut du lit et il répondit après quelques instants :

J'ai toujours trouvé ça idiot les frontières. Tu sais genre, cette lande d'appartient parce que t'as pissé dessus.

Il avait dit cela sans ironie, simplement avec franchise. Il n'espérait pas ranger son interlocuteur de son côté, mais lui faire partager son point de vue. Il devait bien avouer que le mâle gris n'avait pas l'air méchant. D'autres lui auraient probablement sauté à la gorge, profitant encore du pretexte des tensions pour punir tant de désinvolture.
Mais ce n'était pas pour jouer les rebelles que le loup blanc était venu flâner par ici. Simplement, il n'en avait cure des autres. Les tensions, à toi à moi, les ordres, tout cela lui passait au dessus de la tête. Le jeune Abélard prenait la liberté de faire ce qu'il souhaitait.
Il offrit un sourire au nouveau venu, son côté amical reprenant le dessus.

Je m'appelle Abélard. Et toi tu es ?

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