Free-Will | Libre

Il était perdu.
Il ne savait pas ce qu'il faisait ici.
Le grand loup blanc aux petites ailes marchait, la tête basse, perdu, ses cheveux bleus voletant autour de son museau blanc, ses yeux dans le vague. Il était malade. Il le savait. Son fils lui avait dit. Sa fille l’avait priée de rester calmement au camp, et même son inattendue petite fille était venue lui dire de la part de sa mère qu’il n’avait pas intérêt à bouger ses fesses. Bon, après elle s’était taillée.
Mais trop de choses n’allaient pas.
Lui, qui avait puisé tant de force dans les Idées, dans l’amour, la bonne entente de la meute … Se perdait. Se perdre était tout naturel. Mais cela faisait quelques mois déjà….
Tout avait commencé avec cette fichue plante.
Cette horrible chose, qui s’était propagée partout. Et qui se sentait-elle obliger de contaminer ?
Romance.
Il avait fallu que ce soit elle. La louve la plus importante au monde, la plus belle et douce, n’était retrouvée sur un lit de malade, devant les yeux de ses deux enfants savants, qui n’arrivaient pas à lui faire retrouver la forme. Nature cruelle.

Il toussa violement, et goûta au sang, qui remonta dans sa gorge, qu’il avala de suite.

Mais la nature avait schématisé de bien pires choses. Non contentée de rendre la louve de sa vie malade, elle avait empoisonné son sang, elle l’avait transformée. Il avait entendu dire qu’elle n’était plus la louve qu’il avait connu. Et il refusait d’y croire. Rien ne pouvait creuser un fossé entre lui et sa belle. Une plante ne pourrait jamais lui faire l’oublier, comme il était sur que rien ne pouvait enlever la belle grise de sa mémoire.
Et pourtant peur lui tiraillait les entrailles.

Même avant la métamorphose, quand son propre fils était venu lui dire qu’il ne trouvait aucune solution à l’état de sa mère, il avait paniqué. Complètement. Il s’était dit qu’il devait trouver une solution, et pour un archiviste, quoi de plus naturel que chercher dans la bibliothèque ? Alors il avait cherché. Des heures, des heures et des HEURES entières. Il n’avait presque pas quitté les ouvrages, il n’arrivait pas à vivre avec l’idée que si il lâchait les bouquins, peut être qu’il ne pourrait pas trouver la cause. Qu’il ne trouverait pas la solution.
Il avait du lire des milliers de livres, sans exagération. A s’en faire saigner ses yeux, à en voir flou, a ne pas dormir, à oublier de manger…
Il avait donc perdu du poids, il était immunitairement sensible, à bout.
Il avait été si idiot.
Et n’avait rien trouvé.
La déception, la peur l’avait forcée à tout de même continuer. Et maintenant, il était sur qu’il avait la tuberculose. Il se couvrait donc la gueule avec un tissu imbibé du jus d’un puissant champignon, qui produisait une substance étrange, qui semblait empêcher la prolifération du micro-organisme qui l’infectait.
En tout cas il DEVAIT porter ça, sinon il risquait de mettre en danger les autres loups. La fatigue lui avait creusé des cernes noirs sous les yeux. La peur et le travail avaient fait apparaître des vaisseaux sanguins dans ses yeux. Le manque de nourriture lui avait creusé les côtes.
Il n’était que le fantôme de qui il avait été.

Et c’était ainsi, qu’il s’aventurait sur la glace. Il espérait que le froid tuerait cette maladie, mais maintenant qu’il était ici, il lui semblait que celui qui allait y laisser la peau n’était pas la bactérie.
Il toussa de nouveau, et la glace fut teintée de minuscules gouttelettes rouges.
M*rde.
Il leva la tête, il avait senti quelque chose à travers le tissu imbibé de son propre sang. Une odeur de quelqu’un. D’un Séide.
Il était perdu. Il avait besoin d’aide.
Il s’approcha, la tête plutôt basse, de peur de faire peur à l’individu. Un loup au museau masqué de sang ….
« Madame ? » demanda t’il de sa voix torturée par une terrible tristesse, et une peur immense.

Il hésita, se demandant s’il n’aurait pas du chercher la route seule. Si elle était ici, elle ne voulait peut être pas qu’on la dérange. Et de toute façon, maintenant que Romance était séparée de lui, il ne parvenait plus à arriver à ses propres termes avec sa tristesse. Il en devenait très imprévisible. Il ne devenait pas violent, loin de là, mais il s’effondrait, et était proie à des hallucinations. Il voyait Romance.
Il voyait toujours Romance. Et elle lui échappait, et il n’arrivait jamais à la toucher, avant qu’elle ne fuie hors de sa portée. Et il n’arrivait jamais à être près d’elle, à la serrer contre lui pour lui dire qu’il l’aimait, pour la prier de ne pas partir de nouveau. Mais jamais … Jamais …

Il ouvrit la gueule pour lui répondre, mais toussa de nouveau, et bougea le museau pour qu’il ne tousse pas en la direction de la louve. Il lui avait déjà fait suffisamment peur. Il soupira avec tristesse, quel abruti il pouvait être.

« Je ... suis juste malade …. » dit il d’une voix râpeuse, comme si sa gorge était usée, ses poumons écorchés.

La louve eu la gentillesse de lui demander si il avait besoin d’aide, et il sourit faiblement, malgré son museau bandé de bouts de tissu où le sang gelait déjà. C’était tellement doux, que quelqu’un s’inquiète tout simplement de son état. Son apprentie, sa belle-demi-sœur, Morokei, s’inquiétait, tout comme ses autres relations ... Mais il avait pris l’habitude de les éviter ces derniers temps. Ses souvenirs étaient si douloureux. Quand il voyait sa fille, il voyait sa mère, dans son sourire, ses cheveux… Il voyait en les yeux de la petite-belle-demi-sœur, Aora, le même or que dans les yeux de sa belle louve. Il la voyait dans chaque membre de sa famille. Il ne pouvait pas.
Mais maintenant, l’important était de rentrer, malgré la douleur, la tristesse, il devait essayer de vivre.

« Je me suis –ahem- perdu … Vous … vous êtes Séide autant que moi … je … pourriez-vous m’aider à trouver la route ? » demanda t’il, avec un faible sourire, qui ne s’étendait pourtant pas jusqu’à ses prunelles, qui étaient vides et malheureuses.
Il sentait ses souvenirs le tirer tout doucement vers les moments où il avait compris ce qu’être heureux voulait dire. Il y résistait. Il ne tiendrait pas debout, il perdrait sa composition, il ne voulait pas faire subir ça à la gentille louve, alors il se mordit l’intérieur des babines.

Le blanc la regarda avec gratitude, il n'avait pas eu envie de la déranger, mais pourtant elle voulait bien lui montrer le chemin, et non contente de lui l'indiquer, se retourna pour l'y guider. Il ne pouvait exprimer ce qu'il trouvait ça gentil de sa part, et ses yeux brillèrent un court instant, avant qu'il plonge à la suite de la louve, la rattrapant en quelques longs pas, et, lorsqu'elle vérifia si il la suivait il sourit tristement.
Il lui était devenu dur de sourire plus joyeusement que cela.
"Je suis désolé de vous déranger comme ça ... " s'excusa t'il sincèrement, en agitant les oreilles.
Et en vérité, il le pensait bien. Il était un loup maigre, malade, qui venait d'apparaître dans le paysage qui avait été si calme et joli un moment plus tôt, et il l'obligeait à se déranger pour l'aider.

"Je ne me suis même pas présenté ..." réalisa t'il soudain à haute voix, avant de partir dans une quinte de toux, en détournant le museau, puis de se retourner vers elle avec son faible sourire, qui s’entrevoyait sous les bandages rougeoyants.
"Je m'appelle Aristote. Je suis Archiviste, père de deux enfants, et ... " il venait de repenser à Romance, et sa voix se coupa, la douleur l’ensevelissant de nouveau. Mais il se décidait de plus en plus, il fallait qu'il aille la voir. Il devait la retrouver, il devait la voir pour savoir ce qui lui arrivait. Il s'était trop caché.

"... et j'ai une compagne mais ... elle est infectée" souffla t'il, comme si c'était la première fois qu'il se l'avouait à lui même, alors qu'il le savait très, très bien.
C'était toujours une vive douleur au cœur de se le rappeler. Elle est loin. Elle est si loin de moi.

Le blanc sourit de nouveau, bien que faiblement, à la blanche aux cheveux de jais. C'était une jolié louve avec ses serre-têtes rouges cloutés et sa longue qu'un e traîne noir. Il ne doutait pas du tour qu'elle aurait aucune mal à se trouver divers admirateurs. Petit être même un amour.
Il ne se rappelait que trop bien du premier jour, celui ou il avait rencontré Romance. C'était dans la forêt de l'oubli, avant Everbloemen, et sa belle avait été si magnifique, grise pâle entre les feuilles vertes du printemps. Il avait cru à un ange tombé du ciel, bien qu'il ne soit pas un loup très croyant.
"Alors merci ...*keufkeuf* ...Ema" dit -il avec un regard de reconnaissance. Elle était bien gentille à l'aider de la sorte, et son affection pour la louve s'accentua encore quand elle promit de prier pour Romance. Quelle personne adorable.

Puis élle lui posa la question. Cette question qu'ils se posaient tous. Le remède.
Il soupira lourdement.
" non, il ne semble pas. Certains pensent même que leur seule chance, c'est la mort"
Son coeur se serra. Perdre Romance. La pensée lui était insupportable. La lumière de sa vie, s'éteindre? Que de cailloux le feraient alors trébucher dans ce noir ? Il n'aurait plus de chemin à suivre, s'il n'avait plus sa chérie. Il perdrait la bataille contre sa maladie. Après tout, quel sens la vie pouvait elle avoir sans elle ? Il aurait bien aimé être courageux, affronter la vie avec force, avec sûreté, en se disant qu'il viserait acheter son souvenir, quelle ne le laisserait jamais, et viverat dans son coeur... mais il ne l'était pas. Sans Romance, il ne serait rien, personne. Et elle ait le pilier central de son monde... sans elle, tout s'effondrerait.

" J'ai entendu dire qu'ils se transforma et en mutants.... et en plantes-loups sanguinaires.... donc je vois aller la voirecherche. Je ne peux croire que ma Romance pourrait devenir comme ça. ..." souffla t'il.
Oui. Il devait aller la voir.

Il soupira de nouveau puis son regard fut attirégalement par quelque-chose sur la louve qui lui rappella soudain sa belle-demi-soeur. Alias son élève. Alias morokei.
"Oh...Tu es disciple de Yurai....félicitations. .. depuis quand ?"

La vieux blanc agita ses oreilles. Il se rappelait de quand il était arrivé ici, et qu'on lui avait parlé des dieux pour la première fois ...
Il les avait pris pour des malades, ces loups, les dieux c'était quelque chose de fondamentalement impossible. Mais c'était lui qui avait eu l'air bien con-con, quand Mido, le raptor, était apparu devant lui, pour lui donner un épreuve alors qu'il y était allé pour se confirmer que c'était impossible.
Mais finalement ils étaient bien vrais.

Et lui ?
Natif ?
Les souvenirs lui revinrent, avec toute la douleur de son passé.
"Non, je ne suis pas de Punk Wolf, originalement."

Non. Il était né ailleurs, très loin, avec deux parents, qui s'aimaient véritablement ... Mais il les avait perdus, ces deux parents. L'un après l'autre.
D'abord son père, lors d'un migration à travers les montagnes, qui avait disparu avec deux de ses frangins... Puis sa mère, qui avait perdu tout ce qui avait fait d'elle qui elle était, en apprenant la disparition de son bien aimé compagnon et de ses enfants. Qui n'avait plus jamais assumé son rôle de mère ...
Il aurait du lui pardonner. Elle l'avait laissée sans jamais lui dire qu'il l'aimait. Elle et sa soeur...
Arca devaient croire qu'il était mort...
Arcadiem avait été sa seule soeur survivante, la seule qui l'avait vraiment compris et aimée avant qu'il ne rencontre Romance.

"Je suis ici depuis ... plusieurs années ... 2 ou 3, il me semble ..."
Il n'était plus si sur... Il avait un peu .. il était un peu perdu.

"Et vous, demanda t'il, ça fait combien de temps ?"