Echange standard. ○ Anthem, babays / famille / libre ♥

Trois petites plaintes s'élevaient dans l'air chaud, comme étouffées. Trois louveteaux qui devaient sentir la faim les tirailler. Deux mâles et une petite femelle plus chétive. Leur pelage était maculé de gouttelettes de sang : celui de leur dernier assaillant mélangé à celui de leur mère. Cette dernière attira les trois boules de poils duveteuses contre son ventre, afin qu'ils trouvent le premier lait, nécéssaire à leur survie. Dans un dernier geste d'amour et de protection, elle donna une lèche sur leur tête, et hurla de toute ses forces. Pour qu'Il la trouve. Pour qu'Il les trouve. Pour qu'Il les protège et leur permette de vivre. Car elle ne pourrait le faire. Mâat enroula sa queue autour des loupiots et expira une dernière fois. Sous ses yeux clos, quelques images défilèrent, des souvenirs heureux, tendres, d'autres éprouvants et douloureux. Puis elle revit son dernier combat, qui datait au plus de quelques heures...

... Elle avait entendu ses sifflements féroces et impatients. Elle avait sentit son ombre peser sur son dos. Le gros reptile n'avait pas pu se résoudre à attendre qu'elle trépasse pour savoureux les oeufs restants. Il avait tenté sa chance. Contournant la louve-crocodile qu'il savait épuisée, le varan farfouilla le sable retourné, sortit des petites branches du sol jusqu'à atteindre son futur repas. La réaction de Mâat avait été cependant assez rapide pour que les griffes de l'animal n'atteignent pas son trésor enfouit sous terre. La Solitaire au glowstick jaune s'était jeter contre le poitrail de son cousin reptile pour le faire basculer en arrière. Elle accusa les coups de griffes sur son ventre et ses côtés qui traçaient de profonds sillons sanglants dans sa chair mais parvint a éviter les dents. Ce fput finalement, après une lutte acharnée, ses crocs de gavial à elle qui s'enfoncèrent dans le cou de la bête. Lorsque le goût du sang atteignit son palais, elle lâcha prise et abandonna là la charogne du varan pour retourner protéger son nid. L'affliction et le découragement l'atteignirent lorsque sur les six oeufs survivants elle en découvrit la moitié éventrés. Elle avait pourtant cru que le prédateur ne les avait pas touché ! Trop faible encore pour supporter l'extérieur, les trois petits loupiots étaient morts-nés.

L'espoir revint quand des couinements réveillèrent ses oreilles. Anxieuse, elle creusa un peu pour découvrir un oeuf qui se fendillait sous la poussée répétée d'un petit museau ! Soulagé, elle attrappa l'oeuf entre ses crocs et serra tout doucement pour aider le bébé à casser la coquille. Elle cracha le tout entre ses pattes et observa quelques secondes ce miracle de la vie. Son répis fût de courte durée, un second oeuf se mit à craquer sous les chauds rayons du soleil. L'un des petits semblait réveiller par cette lumière soudaine et intense ! Ravie, elle attira le deuxième oeuf à elle et l'aida également à se défaire de sa coquille. Lorsqu'elle eut fini, le premier louveteau s'était débarassé de tout les morceaux de son oeufs et geignait doucement. Elle le posa délicatement contre son ventre pour qu'il trouve son premier lait. Pendant ce temps, elle observa le second bébé qui se dépétraient avec moins de facilités du restant de sa coquille. Il finit avec un bout de coquille sur le front. Mâat laissa échappée un rire comblé avant de le pousser lui aussi vers les mamelles. Concentrée sur les deux loupiots, deux petits mâles, -dont les pelages duveteux donnaient de belles indications sur leur génétique, ce qui rendait Mâat très fière-, elle ne le vit pas arrivé...

Ce gros félin couleur sablé, silencieux comme le chuchottement du vent, venait à elle avec une assurance certaine. Il la savait mourante, ereintée par la vie et blessée de surcroît. Sans doute interpellé par les grondements sourds de l'hybride louve-crocodile et les sifflements aigus du varan, par l'odeur du sang et le rafus de leur bastonnade, le puma affamé avait dû se dire qu'il y aurait ici de quoi apaiser son ventre vide sans trop d'effort. Et il avait raison. A quelques mètres dè nid était étalé un corps de reptile que des oiseaux de proie s'evertuaient déjà à picorer. Mais pourquoi aller voir la charogne quand de la viande fraîche et facile attendait d'être mangée ? Le félin de la forêt entendit ensuite les gémissements des nouveaux-nés. Encore mieux. Lentement, il tourna autour de Mâat. Il avisa ses plaies sanglantes, le tremblement de ses muscles, son souffle saccadé. Mais il ne bondit pas tout de suite. Il savait que même dans cette situation, son plat principal défendrait avec hargne ses amuses-gueules. Il jaugea la femelle. L'hybride Solitaire gronda avec véhémence mais le puma ne cilla même pas. Puis il passa à l'attaque et se jeta sur la femelle. Elle n'eut pas vraiment le temps de réagir, ne pouvant que se retourner pour offrir ses pattes arrières, et donc ses griffes, à l'aterissage du félin.

Tout deux roulèrent dans le sable doré, au bas de la dune. Vif et en pleine forme, l'énorme chat remonta pour aller attraper les bébés en premiers. Il y avait des années que Mâat n'avait pas senti un reguain d'énergie aussi violent : elle percuta l'animal de plein fouet pour l'empêcher d'atteindre le nid au dernier moment. Il roulèrent encore, le puma la jeta à terre et revint à la charge, il voulait d'abord s'emparer des bébés. Cette fois-ci, il eut le temps de frapper dans un oeuf lorsque Mâat se jeta sur son dos et le mordit à tout va. Elle mit toutes ses dernières forces dans ses pattes pour se hisser sur son dos et lui arracher une oreille, pour mordre son épaule et le griffer de part et d'autre. Le puma se débarassa d'elle en hurlant. L'hybride glissa sous le poitrail du félin. C'était le moment ou jamais, elle mordit le cou, fort, désespérée. Elle savait que ce serait sa dernière action. Sa dernière chance. La providence était sans doute de son côté, car elle parvint à faire fuire l'animal qui retourna vers sa forêt en titubant, avant de s'effrondrer en lisière de bosquets. Mâat avait vaincue. Mais à quel prix ? Son corps meurtrit sainait abondamment. Elle se roula dans le sable, pour essayer de réduire le flot de sang avant de ramper jusqu'à ses petits, le souffle presque coupé.

C'est là qu'elle le vit. Le dernier oeuf. Celui que le fauve avait frapper. La coquille était fendue. Mâat attira l'oeuf entre ses pattes alors qu'elle-même s'enroulait autour de ses deux fils. En le retournant, elle remarqua un trou dans l'oeuf, par lequel un petit museau sortait, puis rentrait à nouveau se cacher au fond de son armure de coquille. Une pointe de soulagement emplit son coeur deséché alors qu'elle aida l'oeuf à éclore complètement. Une femelle toute chétive en sortit, au museau griffé. Quelques gouttelettes de sang perlait sur sa truffe. Maudit puma. Son duvet de bébé était un hommage à son père, qu'une petite touffe de cheveux de neige venait réhausser. Mâat frictionna la loupiote qui enfin, se mit à geindre. Soulagée, elle put ramener la dernière-née avec ses deux frères. Tout trois têtaient goulûment. Elle se sentit en paix, fière, et presque en confiance. Ils semblaient fort, alors même qu'il avait déjà passer la première épreuve de leur survie. Elle ne se lassait pas de les regarder. Une infinie tendresse l'avait envahit. Tant d'amour pour trois si petites choses. La tristesse la gagna à son tour, à mesure que ses forces la quittaient. Elle avait perdu trop de sang, elle était trop faible, trop vieille et fatiguée. Elle se sentait décliner.

Tout ce qu'elle pouvait encore faire, était de serrer un poil plus fort ses trois enfants. Jusqu'à ce que toute vie l'abandonne définitivement. Laissant là trois bébés en manque de tout, baignant dans un nid de sable grenat, imbibé du liquide vital de leur génitrice. Elle avait donné sa vie pour eux, pour qu'ils vivent, pour leur offrir une mince chance de grandir et découvrir le monde. Ce monde injuste et dur qui pourtant parfois se montrait merveilleux et plein de joie.

Mâat avait échangé sa vie contre la leur. C'était un échange tout ce qu'il y avait de plus standard et équitable pour la Faucheuse, non ?

Le soleil brillait comme jamais ce jour-là, ou au moins comme il ne l'avait pas fait depuis bien longtemps. Même si la journée n'était pas des plus avancées elle promettait d'être belle. Aucun nuage ne venait ternir le bleu éclatant du ciel. Lorsque les premiers rayons du jour se montrèrent, Anthem se réveilla et se glissa jusqu'à la tanière où dormaient les Maternelles ainsi que les nouvelles mères. Il n'y entra pas, se contentant de poser une patte à l'ouverture et d'y scruter en silence les tréfonds. Son regard se fit graduellement à l'obscurité qui régnait, et il distingua la silhouette de Plume Blanche, leurs deux enfants roulés en boule contre son flancs. Il es contempla un instant, sans mot dire. Ils n'avaient encore qu'à peine une semaine, mais ils étaient déjà si vivants. Si précieux. Il finit par faire marche arrière sans bruit et se dirigea vers la sortie du Creux aux Loups. Malgré le bonheur que la naissance des petits avait apporté à son existence - chose qu'il ne croyait plus possible - il n'ignorait pas ses responsabilités. Aussi décida-t-il de partir pour une ronde sur le territoire, histoire de vérifier qu'aucun Solitaire ou Brethen n'aurait enfreint les lois nouvellement mises en place, et qui d'ailleurs n'étaient pas sans lui rappeler sa propre jeunesse. Il huma la piste d'un loup qui s'était dirigé vers le Sud, aussi obliqua-t-il pour prendre le chemin des frontières de l'Est et du Nord. A foulées régulières, son pelage absorbant la chaleur du soleil, il traversa les territoires que l'aube teintait d'un doré cru, avec pour seul compagnie le bruit de ses pas et celui de la nature autour de lui. Tout était paisible. Il se dirigea vers le Nord lorsqu'il atteignit les bordures de l'Eclat Saule. Personne en vue, et il ne comptait pas attirer spécialement d'ennuis à d'autres loups en dépassant sur les terres libres. Loin de là.

Mais soudain, un hurlement déchira le silence du matin. L'anthracite se figea, les oreilles en avant et les sens aux aguets. Le cri avait été ténu, mais reconnaissable. Il s'agissait d'un loup. Il s'agissait d'un appel au secours. Mettant de côté temporairement sa patrouille, il s'élança. Il s'était rapproché peu à peu des Criques du Soleil, et cela lui semblait venir d'ici. Or, il y avait bien quelqu'un qu'il connaissait aux Criques du Soleil. Naturellement, si un Séide pointilleux le voyait cavaler en terres libres au secours d'un solitaire, il se doutait que son retour au camp ne serait pas des plus appréciables. Mais ce solitaire-là, il ne pouvait le laisser. Car il savait que sa soeur Maât avait élu domicile là-bas et y avait pondu les oeufs de sa dernière portée. La dernière fois qu'il l'avait vu, elle semblait avoir bine plus accusé les coups de l'âge que lui. Maigre et fatiguée, il doutait qu'elle puisse faire face à de grands dangers seule. Pourtant, elle savait se battre, et elle était hargneuse au combat. Et lui avait dû s'absenter pour protéger lui aussi sa famille. Il força l'allure, espérant que ce cri ne viendrait pas d'elle - et quand bine même ce serait le cas, il pourrait toujours s'assurer qu'elle allait bien et lui annoncer la naissance toute récente de son neveu et de sa nièce. D'ailleurs,peu importe ce qui se passait, il la secourrait et pourrait même venir les lui présenter, peut-être. Si Plume n'y voyait pas d'inconvénient et qu'il se faisait discret.

Il hésita à répondre au hurlement pour prévenir de son arrivée, alors qu'il pénétrait dans l'espèce de bande de forêt qui séparait le coeur des terres des Criques du Soleil. Mais il ne savait si c'était une très bonne idées, et si jamais ce n'était pas Maât qui avait hurlé, il donnerai sa position à bien trop de choses potentiellement dangereuses pour elle. Alors qu'il se frayait un passage parmi les buissons humides, une odeur entêtante vint chatouiller sa truffe. L'odeur métallique du sang. Un frisson parcourut son échine et il accéléra, déchirant à grands coups de griffes la végétation qui lui bloquait le chemin. Par les Sept, il n'était pas en core arrivé que déjà celle-ci semblait saturer l'air.Il était trop loin, il était trop loin pour que cela ne soit si fort si... Peut-être avec le vent venant de la mer ? Peut-être... Il accéléra et ses pupilles se dilatèrent, alors que des images revenaient danser devant ses yeux. Et une atroce impression de déjà-vu.

Il entendait les gémissement de la petite louve à travers les buissons épineux, des cris de détresse qui résonnaient effroyablement dans tout ce silence. Il ne comprenait pas, quelque-chose clochait mais il ne voyait pas quoi. Il se fraya un chemin parmi la végétation, ignorant les épinces qui s'accrochaient à son pelage, griffaient sa chair et ensanglantaient ses coussinets. Il fronça le museau, plissa les yeux, les oreilles rabattues dans sa tignasse emmêlée. L'odeur se rapprochait. Il y était presque. Une autre odeur, ténue, venait se mêler à elle. Une oeur de sang. Une odeur de mort.
"Etheria ?!"

Des gémissement se faisaient entendre, lointains et presque inaudibles. Il fonça en avant, arrachant les lianes, les branches, faisant voleter les feuilles autour de lui. Finalement, il déboucha sur la grève. Aussitôt, ses pattes s'empoissèrent dans le sang qui imbibait le sable mêlé de terre sous ses coussinets. Le corps encore tiède d'un grand puma était étendu au sol, le museau figé dans un rictus haineux, la gorge arrachée. Anthem bondit vers la plage. Il y avait du sang là-aussi, et l'odeur de la mort qui alourdissait l'air.

Il se précipita vers la silhouette étendue au sol, blanche comme neige sur les herbes grisées par le froid. Ses yeux étaient clos. Une flaque pourpre s'étendait sous son crâne et venait tâcher sa si douce fourrure. Une sorte de sourire crispait son museau. Tout était immobile autour. Rien ne bougeait. La vie semblait avoir tout quitté, tout. Un tremblement agita les pattes du grand loup, alors qu'il se penchait vers elle et frôlait sa joue de son museau. En lui, une voix criait, hurlait que c'était fini. Mais autre chose l'empêchait de réaliser. Et les cris de la petite résonnaient atrocement à ses oreilles, stridents. Il ne pouvait plus bouger. Il ne pouvait plus penser. Son regard était accroché à cette forme sans vie, englué dans le sang qui tâchait son pelage, incapable de s'en décrocher.Il ne comprenait pas. Il n'avait pas compris. Il ne comprenait jamais.
Tout ce monde mort autour de lui s'effondra lentement, comme du papier brûlé. Et il y avait ce sourire presque triste. Et il tremblait. Et ses yeux restaient secs de toute larme, les larmes gelées au fond de son coeur lacéré.

"Maât !"

Il se précipita vers la silhouette allongée de sa soeur, la gorge serrée, la peur au ventre comme il n'en avait pas éprouvée depuis des années, presque douloureuse. Il vit les petits qui s'agitaient, plaintifs, tâché du sang qui suintait des flancs de leur mère. Le grand loup se jeta au chevet de sa soeur.

"Maât ?"

"Etheria ?"
Elle ne bougeiat plus. Elle ne bougerait plus. Jamais plus il n'entendrait sa voix, jamais plus ilne sentirait la chaleur habiter sa fourrure, n'entendriait son pas derrière elle. Mais surtout, jamais il ne comprendrait. Il ne saurait jamais pourquoi elle avait préféré la mort à la vie qu'ele menait à ses côtés. Il n'avait rien vu venir. Rien du tout. La lueur de son glowstick enfla alors que, dans une sorte de réflexe, son esprit tentait d'analyser la situation. Mais bon sang, non, non !
"Laisse moi ! LAISSE MOI !" Hurla-t-il.
La lueur faiblit à son oreille, et ses pensées retrouvèrent leurs silence. Ses yeux retombèrent sur ce sourire. Qu'es-ce que je n'ai pas compris ? Pourquoi as-tu fait ça, pourquoi... pourquoi... Et les cris résonnaient dans le silence du jour grisâtre. Il s'effondra au sol.

Même si son coeur tentait de lui insuffler encore quelques miettes d'espoir, il savait qu'il n'y en avait plus. Il savait qu'il contemplait cette mort dont les effluves saturaient l'atmosphère. Il savait qu'il était, une fois encore, arrivé trop tard. Il ne savait pas quoi faire. Le chagrin le submergeait, sans qu'il ne soit capable d'en laisser s'exprimer quoi que ce soit. Il ne savait pas faire ça. Il n'avait jamais su. La peine crispait son visage, presque contenue, crispait ses paupières closes sans qu'aucune goutte salée ne vienne tâcher son pelage. Il colla sa tête contre celle de sa soeur, avec un sanglot silencieux. Pardonne-moi. Pardonne-moi je t'en prie. Les image qui le hantaient laissèrent place à celles qu'il avait de la louve crocodile. Sa Jumelle dans ce monde. Ils s'étaient une ultime fois rejoints à la fin du chemin. Comment ferait-il sans elle désormais ? Eux que la vie avait décidé de rendre si semblables, si symétriques. Il avait perdu son reflet dans le grand miroir du destin.

Les vagissements des petits loups lui firent peu à peu reprendre conscience de la réalité. Il releva la tête t son regard se posa sur les trois petites silhouettes. Il hésita un instant, puis passa quelques coups de langue sur leur pelage pour les calmer, les réchauffer.

"Ca va aller..." Murmura-t-il, la voix rendue rauque par le chagrin. "Ca va aller, je suis là maintenant. Je vais vous ramener à la maison."

Il ne savait pas quoi faire, il ne savait pas comment faire. Impossible de les laisser ici seuls, trop risqués. Il ne pouvait pourtant les porter tous les trois sans risquer de les blesser. Il ui fallait tenter le tout pour le tout, quitte à tomber sur quelque-chose d'indésirable. Il rejeta la tête en arrière et lança un long hurlement, qui s'évapora dans l'air vers d'autres contrées. Il attendit un instant, puis recommença. Les Criques lui renvoyaient sa voix en écho. Il le fit une fois encore.
Et encore.
Et encore.

Il y avait beaucoup d'agitation et de nouvelles odeurs. Les tympans et la truffe de la nouvelle-née étaient saturés. Elle se mit à pleurer. Des voix s'elevèrent, beaucoup lpus nettes que ce qu'elle avait pu entendre jusquà là. Il y avait quelque chose de mauvais dans ces voix. Des sentiments négatifs. Le bébé se srntit très mal. Le chaos semblait se déchaîner sur sa petite existence. Et puis elle se sentit soulevée, et posée au creux de quelque chose de doux et de tiède. Cela l'apaisa un peu. Cela ressemblait beaucoup à ce qu'elle avait vécu un peu plus tôt. Quand elle était sortit à la lumière la première fois, quelque chose qu'elle sentait de bien plus gros qu'elle l'avait ramené dans un espèce de cocon similaire, où elle avait trouvé à manger pour calmer son ventre. Et puis les odeurs avaient commencés à être trop forte et écoeurante. Et puis la douceur et la chaleur avait quitté le petit nid que formait le truc plus gros qu'eux. Parce qu'elle avait compris qu'il y en avait d'autres comme elle, et elle les aimait bien déjà, même s'ils remuaient beaucoup. Enfin, elle aussi remuait beaucoup. Moins maintenant qu'elle se sentait de nouveau mieux, dans ce nouveau nid chaud et tiède. Pour que l'agression sensorielle cesse, la toute petite loupiote préféra se rouler en boule contre le ventre de la chose rassurante, qu'elle aimât beaucoup aussi tout de suite. Et ele parvint à s'endormir. C'était très fatiguant toutes ces émotions ! Le sommeil fût délicieux et apaisant. Elle sentit que ça irait maintenant. En tout cas, ça irait mieux. Dans son sommeil, elle jappa un peu, remua, et se calma. Oui, tout ne pouvait qu'aller mieux.

Il eut de a chance. Beaucoup de chance.
Car quelques-uns de ses congénères entendirent son appel avant les fauves et les dangers que son imagination l'avait préparé à affronter. Le temps qui s'écoula avant que quelqu'un n'arrive lui sembla durer une éternité. Une éternité de solitude et de peine, qui creusait encore et encore sur d'anciennes cicatrices, qui tailladait des plaies profondes et invisibles. Il ne savait pas quoi faire. Il fallait s'occuper des petits, il lui avait promis. Il devait l'enterrer. Son regard errait dans les alentours alors que s'étirait un lourd silence, rompu de temps à autres par les glapissements des nouveaux-nés. Il posa de nouveau le front sur la joue de la silhouette étendue. Au même instant - ou du moins ce fut ce qu'il crut, il avait perdu toute notion du temps malgré le soleil qui grimpait dans le ciel - il entendit un crissement sur le sable. l'odeur du sang couvrait toute les autres, aussi se redressa-t-il pour jeter un regard, méfiant, les sens exacerbés par la douleur qui l'avait envahi. Et le flot d'arrivées se succéda alors très rapidement. Une petite silhouette caramel à la tête coiffée d'une épaisse tignasse châtain fit son apparition en premier. Une séide dont le nom lui échappait. Et pour le moment, il n'en avait cure en vérité. Elle était une aide potentielle, il pouvait encore le distinguer dans les brumes qui avaient envahi ses pensées.

Et soudain les brumes se dissipèrent. Une sorte de clarté limpide l'envahit. La lueur de son glowstick s'accrue à son oreille sans qu'il ne s'en aperçoive, alors qu'un autre loup arrivait sur les lieux. L'expression accrochée a dessus de son museau et dans ses yeux laissait peu de doutes quant à ce que cette découverte était pour lui. Il était blanc, avec une chevelure noire et des sortes d'appendices ressemblant à des ailes sur le dos. Le regard d'Anthem se plissa légèrement alors que ses pupilles se rétractaient pour n'être plus qu'une fente.
Tresse aux cheveux.
Queue allongée.
Il mit quelques secondes avant de se rendre compte de ce qui se passait, de l'activité soudaine de son pouvoir. Il y eut comme un rugissement dans ses pensées, une crispation de ses babines, alors que la bataille s'engageait sur la lande froide de esprit. Son coeur battit plus fort. Ce n'était pas le moment, encore une fois, ce n'était pas l'instant, non, non, pas cette fois-ci. Il ne voulait pas rester de glace maintenant. Mais contrairement à la dernière fois, son pouvoir ne l'écouta pas et balaya ses sentiments.
Regard doré à la pupille fendue.
Flammèches sur les pattes avant.
Le grand loup fit un pas en arrière alors que l'autre se jetait au chevet de Maât, lui murmurait des paroles qu'il n'écouta pas assez pour comprendre, accaparé par ce qui se déroulait dans son crâne. Les froides analyses venaient se mêler à des flashs douloureux et émotifs, alors que les deux facettes de sa personnalité s'entremêlaient. Le masque et le visage s'associaient, se succédaient, dans une résistance que personne ne pouvait voir. Il sut alors qu'il ne pourrait lutter. Durant des années il avait utilisé ce don avec une maîtrise toute relative, il avait toujours eu la possibilité de l'éteindre lorsqu'il ne le souhaitait pas. Et en cet instant il ne le souhaitait damnement pas ! Mais son pouvoir ne voulait rien savoir, et les rouages de la Compréhension s'étaient mis en branle avec des grincements sinistres, gelant ce qui lui restait d'émotions et le sang qui coulaient de son coeur blessé.
Odeur aux piques familières.
Son regard à la pupille étrécie retomba sur l'inconnu.

Marquages bleus et luminescents.
Il était de sa famille.
Il était son fils.
Tout était si logique. Tout allait avec cette peine dans son regard. Anthem força une oblique à ses réflexions en se demandant pourquoi soudain la Compréhension lui échappait. Il vit du coin de l'oeil un autre loup arriver, une ombre familière et fort utile à la situation. Plume Blanche. Elle s'approcha à gestes hésitants et finit par prendre à part les petits loups, comme si elle aussi avait été mûe par cette implacable logique qui régnait dans son esprit. Mais justement ce n'était pas logique, son pouvoir ne pouvait pas la toucher elle. Aucune expression ne se lisait plus sur le visage du grand loup. Les hypothèses se succédaient dans son esprit, se confrontaient, prenaient à la réalité des milliers de tout petits indices que personne n'aurait su lier sans le pouvoir qu'il possédait, mais qui étaient bien là. Il fit quelques pas en arrière. Le tumulte se calma quelques peu. Son regard s'accrocha de nouveau au loup blanc. C'était donc lui. Hypothèse la plus probable, puisque la perte de contrôle qu'il avait eue sur son don avait coïncidé avec l'arrivé ce mystérieux loup, sans nul doute fils de Maât. Son neveu donc. Il l'avait déjà aperçu au clan, mais jamais observé d'assez près pour constater tous ces signes qui lui apparaissaient maintenant comme une évidence.

Une pensée s'imposa soudain à lui alors que son regard revenait à Plume Blanche. Si lui avait perdu le contrôle sur sa Compréhension... Tous couraient un danger potentiel, et tout particulièrement les petits qui se trouvaient sous les pattes de sa compagne. Son pouvoir à elle n'était incontrôlable qu'ne les soirs de pleine lune en temps normal et tous savaient ce qu'il en résultait. Mais il semblait qu'ils y auraient droit ce matin aussi. Derrière son masque de glace, les émotions combattaient et griffaient, sans qu'il ne puisse les laisser filtrer véritablement, les pensées envahies de milliers de réflexions sur tout ce qui l'entouraient, cherchant une solution. Il s'arracha aux côtés de Maât et se dirigea vers sa compagne. Il savait qu'elle devinerait que son pouvoir était hyperactif en voyant ses pupilles, qui n'étaient plus qu'un trait barrant son regard.

"Plume." Murmura-t-il. "Plume, il faut que tu rentres au camp maintenant. Ce loup peut te mettre en danger et activer ton pouvoir. Il faut que tu partes. Tout de suite."

Lorsqu'il croisa son regard, il retrouva un instant sa lucidité et un flot d'émotions passèrent dans ses prunelles vairons. Un flot de chagrin et de ravages qu'il ne parvenait pas à extérioriser. Il s'accrocha aux yeux violacés de la louve, espérant qu'elle l'écouterait.

"Je t'en prie, va-t-en. Ne te mets pas en danger." Murmura-t-il en frôlant sa truffe de son museau.

Puis les tourmentes de la Compréhension revinrent soudain comme une vague et son visage retrouva sa froideur, alors qu'il se redressait et se retournait vers l'autre louve. Elle ne semblait pour l'instant pas affectée par le pouvoir étrange, simplement choquée par ce qu'elle voyait. Il s'approcha d'elle, suffisamment pour attirer son attention, et lança :

"Nous avons besoin de ton aide pour ramener les petits au camp."

Non, il n'était pas cet être froid et distant que son pouvoir et son héritage faisaient de lui. Pas au fond. Mais c'était tout ce qu'il laissait paraître. Il fallait sauver les enfants. Il fallait surtout éloigner Plume Blanche d'ici avant que quelque-chose de grave ne se passe. Et le plus logique était que cette louve, qui ne semblait pas de la famille ou des connaissances proches de Maât - elle avait été choquée mais pas d'un tel choc - s'occupe de rapatrier les petits en un endroit sûr. Il jeta un regard au loup blanc.
Les secondes s'écoulaient, précieuses .
Et la vision du corps de Maât faisait aller et venir les émotions dans son esprit, qui étaient refoulées, resurgissaient, repartaient derrière le mur de verre, en un infernal ballet.

Tout sembla s'enchaîner rapidement. La louve séide s'approcha des petits, alors même que Plume blanche se redressait pour s'en éloigner. Mais elle n'eut le temps que de faire quelques pas avant qu'un frisson n'agite son pelage. Anthem sentit sa gorge s'assécher et ses muscles se tendirent. Lorsqu'il croisa le regard blanc de la femelle, celle-ci ne le reconnut sans doute pas. Tout comme lui ne la retrouvait pas dans ce regard brûlant, ce regard qui pourtant avait été le tout premier. Il déglutit, et guetta chacun de ses mouvements alors qu'elle se mettait à arpenter les lieux, fouaillant de la queue et marmonnant. Il se tenait prêt. Il savait qu'à la moindre once d'agressivité, il devrait réagir, quoi que cela lui en coûte. Cela avait été tellement plus simple à imaginer ce fameux premier soir, alors qu'ils ne se connaissaient pas. Les fils de l'attachement étaient autant d'attaches qui oeuvreraient à le maintenir au sol plutôt que de lui bondir dessus. Il fronça le museau. Fort heureusement, son pouvoir n'aidait pas à ressentir cet attachement et, sur cet unique point, pourrait peut être s'avérer salutaire. S'il devait se résoudre à attaquer sa compagne, mieux valait qu'aucun sentiment ne s'en mêle.

Elle tourna autour de Maât, et un frisson parcourut les babines de l'anthracite. A pas lents et mesurés, la tête basse, il vint se placer entre elle et les autres présents, en vie ou non. Elle se mit à tourner en rond et à regarder le ciel, murmurant des choses qu'il ne comprit pas. Son regard s'état accroché à elle et ne la quittait plus.

"Vous devez partir."

Ses prunelles ne se décrochaient pas de la louve au pelage caramel, mais il savait que les deux autres l'entendaient.

"Vous devez partir avec eux. Elle n'est pas elle-même. Elle pourrait les tuer."

Et j'ai juré de les protéger. Il se permit un instant de distraction pour tourner brièvement la tête vers eux. Il nota alors que le loup blanc semblait étrangement... somnolent. Le dernier regard qu'il avait croisé avec lui lui avait déjà donné cette impression étrange, mais apparemment ça n'allait pas en s'améliorant. Son glowstick lua un peu plus fort alors qu'une partie de son esprit échafaudait des semblants d'explications. Maladie, fatigue accumulée, choc, tant de possibilités. Il secoua la tête, tentant de contenir ce flot d'idées qui tournoyait dans son crâne comme une tempête. Quoi que pouvait avoir ce loup, pour le moment la seule chose dont il avait envie était qu'il s'en aille.Qu'il s'éloigne de sa compagne et que cesse le danger qui pesait sur les petites créatures blotties entre les pattes de la seule louve semblant normale - tout est relatif naturellement - dans cet étrange groupe. Ce fut sur elle que se posa son regard lorsqu'il jappa une nouvelle fois.

"Partez !"

Puis son regard revint sur Plume Blanche. Ou Dragonne, comme il avait appris à identifier cette entité mauvaise qui l'habitait quelques-fois. Il s'approcha d'elle, sans se montrer ouvertement agressif mais clairement plus intimidant qu'il ne l'était d'ordinaire. Il était plus grand qu'elle et même s'il était plus vieux, il savait qu'il avait largement ses chances en un combat singulier contre elle. Mais il savait que cet aspect là ne l'atteignait pas. Avait-elle eut un corps plus fort lorsqu'elle avait vécu sur la terre pour ne jamais être impressionnée ainsi ? Etait-ce les graines de folies semées dans son esprit qui lui avaient donné cette absence de sensation d'être menacée ? Il n'en aurait même pas été étonné.

Il se planta devant elle en silence. Il savait qu'elle continuerait à parler. Elle le faisait à chaque fois qu'il la retrouvait dans cet état. Son regard chercha le sien avec un peu d'espoir. Mais au fond de lui, il savait que c'était peine perdue et qu'il n'y trouverait rien que cet immense vide empli de folie et d'histoires étranges, tant que l'autre loup serait ici.