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 The Soul of a Man [Daniel]

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MessageSujet: The Soul of a Man [Daniel]   The Soul of a Man [Daniel] EmptyMer 08 Juin 2016, 14:51


    Il faisait chaud.
    Ce n'était pas vraiment quelque chose d'étonnant, dans l'Erg : il y faisait chaud toute l'année, et c'était à peu près le seul endroit de l'ile où l'on était à peu près certain de ne pas se les peler l'hiver ; mais en ce soir de fin de printemps/début d'été, force était de constater que la journée avait été quasiment caniculaire. Dans le désert, bien que le soleil ait commencé à inverser sa course, le sable demeurait brûlant sous les coussinets de Suète, comme un vestige d'une journée qui avait été certainement insupportable. La vieille louve ne s'en émouvait guère, habituée qu'elle était aux climats arides. A dire vrai, elle appréciait même sa course dans les dunes, constatant avec bonheur que son corps vieillissant était encore tout à fait capable d'assumer un tel effort physique, avec une certaine souplesse. Le désert était, de loin, son terrain de jeu favori et celui qu'elle maîtrisait le mieux, et c'était avec joie qu'elle avalait la distance qui la séparait de l'Oasis, en quelques foulées amples et – presque, elle restait malgré tous ses efforts un monstre de muscles qui s’approchait dangereusement du quintal – gracieuses.

    Pour une fois, il n'y avait pas eu de consensus oral, juste un regard appuyé de Daniel lors de leur dernière rencontre, à l'étang. Elle avait saisi dans l'œil minuscule et écarlate de son ami une invitation à se revoir plus tard, ailleurs. A un endroit où ils seraient un peu plus tranquilles qu'au milieu d'un territoire revendiqué par des mômes excités allergiques à l'avocat au point de faire des crises de démence quand ils se trouvaient en contact avec un tel fruit. Suète poussa un soupir en y repensant. Peut-être était-elle une vieille conne aigrie et rétrograde, mais elle avait le profond sentiment que le clan Séide, conscient d'être sur la pente descendante depuis la rébellion, avait tenté en un ultime sursaut d'éclat d'asseoir une autorité ridicule sur les terres qu'elle arpentait depuis des années. Elle avait même eu vent d'une rumeur selon laquelle elle était elle-même recherchée pour... Rébellion. Contre les Séides. Après dix ans à la tête des Brethens, après des négociations, après avoir récupéré son glowstick, après s'être battue aux côtés du clan adverse contre les Precursors, on venait lui reprocher des faits qui remontaient à une époque que les alphas actuels n'avaient pas connus... Ça n'avait aucun sens.

    Le monde semblait devenir fou, et bien qu'elle ait œuvré des années pour offrir à un peuple en lequel elle croyait un semblant de justice et de liberté, elle ne se sentait pas de mener un combat de plus contre des gamins sourds et aveugles. Plus jeune, aucun doute qu'elle se serait fait l'étendard d'un groupe de rebelles contre une oppression et qu'elle se serait battue avec courage et panache sur du Two Steps From Hell pour une nouvelle aube de justice et de liberté, mais elle avait désormais le sentiment que ces combats ne lui appartenaient plus. Ses guerres à elle, Suète les avait menées, et elle aspirait désormais à ce qu'on lui foute la paix. Ce qui avait fort peu de chance de se produire, maintenant qu'elle était désignée comme une bête à traquer et abattre.

    La tache dans le lointain gagnait en consistance à mesure qu'elle s'approchait, et bientôt la végétation rase et le relief de l'Oasis se révélèrent à sa vue. La louve rouge ralentit la cadence pour arriver en trottinant sur le territoire de son ami. En vue de la petite tanière, elle s'arrêta.

    Nul besoin de s'annoncer, il était probable que Daniel et Aarabella l'aient repérée depuis longtemps.
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MessageSujet: Re: The Soul of a Man [Daniel]   The Soul of a Man [Daniel] EmptyVen 10 Juin 2016, 18:27

    Pour parler sincèrement, dans la tête de Daniel, c'était plutôt comme ça :



    (Et ça tombait bien puisque c'est ma salsa préférée)

    C'était une belle journée d'été, chaude et ensoleillée comme il les aimait. L'air sec vous brûlait la gorge, pas un oiseau dans le ciel, pas âme qui vive dans son petit bout de désert : il avait l'oasis pour lui tout seul, en tout cas jusqu'à ce qu'Arabella rentre — la petite était plus nostalgique que lui à l'idée de quitter ce coin de blaireaux et avait décidé d'aller en explorer une dernière fois les territoires –, et en profitait pour l'inspecter une dernière fois. Vérifier que chaque caillou était bien à sa place, ce genre de chose. Ces trucs qu'il avait pris la manie de faire lorsqu'il s'était établi ici dix ans plus tôt pour pallier l'ennui et qui lui étaient restées. Qu'il faisait cependant pour la dernière fois.
    Car demain c'était le grand jour, demain sonnait l'heure du départ, et il vivait au final ses dernières heures ici.
    Les montagnes de vivres qu'ils avaient accumulés ces dernières semaines s'étaient drastiquement réduites et ils avaient littéralement mangé comme des porcs — enfin, en ce qui le concernait, Arabella étant mieux éduquée que lui en ce qui concernait la manière de manger et surtout de manger en grande quantité –, histoire d'avoir de bonnes réserves d'énergie pour le début du voyage. Ne subsistait plus qu'un petit tas de lièvres grassouillets qu'ils se réservaient pour ce soir et un autre tas bien trop gros à son goût de fruits qui étaient censés également servir pour ce soir ainsi que pour le voyage en lui-même, "pour le goûter", comme disait la louve. Ce qui tendait à l'exaspérer un peu mais passons.
    Il se demandait parfois s'il arriverait réellement à bouger d'ici avec le bide plein à craquer. Mais Daniel était après tout un homme qui aimait les challenges : au pire, ça ne serait qu'un défi de plus à relever.

    Etait-il triste de partir ?
    Pas le moins du monde. Sa réponse, catégorique et lancée de manière désinvolte semblait froisser Arabella, bien plus émotive que lui — les femmes... –, et la conduisait généralement à faire la gueule, parce que de toute manière elle faisait la gueule depuis des jours et de plus en plus à mesure que l'heure du départ se rapprochait. Ce qui était fatiguant mais n'entravait en rien le petit papillon qui gesticulait dans son ventre depuis quelques temps et s'enhardissait de plus en plus à chaque fois qu'il réalisait qu'il rentrerait bientôt chez lui.
    Oh, certes, en dix ans passés ici, il avait pu faire des rencontres : la plupart l'avaient fortement contrit, mais quelques unes s'étaient avérées intéressantes. Il aurait été hypocrite de dire que l'absence totale et définitive de ces quelques visages ne lui pèserait pas un peu à l'avenir. Mais ce n'était absolument rien face au désir de vengeance qui l'animait, au profond manque de tequila qui lui rongeait les entrailles et au besoin irrépressible qu'il avait d'entendre les gens parler un putain de dialecte qu'il comprenait, et quand il disait gens, autres que Bella. Il avait envie de sentir la poussière du désert lui niquer les yeux et les poumons, le soleil du Mexique lui cuire la peau, il voulait sentir les épices, l'odeur de la roche rouge des canyons que la pluie réveille après six mois d'aridité, les femmes, la misère, la sauvagerie, l'alcool et le sang. Cet endroit était bien trop propre. Il voulait de la crasse.
    La route serait longue et difficile mais peu importait. Demain, il repartait et bientôt, il rentrerait chez lui.

    C'était quelque chose d'étrange, que de voir Daniel longer la mare qui jouxtait son terrier d'un petit trot souple, presque enjoué, un fin sourire prêt à fleurir sur ses larges babines d'ordinaire si crispées. Dernière fois qu'il faisait le tour de ce tas de boue. Enfin peut-être le referait-il demain pour la forme, histoire de s'échauffer.
    Dernière fois qu'il contournait ce gros rocher où il avait égorgé une antilope, trois ans plus tôt. Dernière fois qu'il sentait les petits graviers de cette parcelle-là s'enfoncer désagréablement entre ses coussinets. Dernière fois qu'il se disait que ce tronc desséché était sacrément moche. Dernière fois qu'Arabella râlerait parce qu'il ramènerait plein de terre à l'intérieur après sa petite balade.
    Fine brise.
    Dernière fois qu'il sentait l'odeur de Suète poindre à l'horizon et, en regardant par dessus son épaule, voyait sa silhouette trapue émerger d'entre les dunes.
    Pour une fois Dani ne fit pas la gueule. Rien ne pouvait l'arracher à son petit nuage de contentement. Sauf la mort subite de sa protégée ou l'explosion inopinée d'une bombe nucléaire en plein sur le Mexique. Ou un alligator géant surprise qui aurait eu la bonne idée de venir le bouffer juste maintenant. Bref.
    Laissant là son trou d'eau qui de toute manière ne bougerait pas, le vieux desperado dévia de sa trajectoire initiale, décrivit une courbe dont l'une des extrémités n'était autre que la louve rouge.
    Il parcourut rapidement la distance qui le séparait d'elle. Fait notable, le fait qu'elle soit revenue chez lui, alors même qu'il tenait à ce que cet endroit reste secret, ne l'irrita même pas.
    Il aurait fumé une forêt entière de cannabis que l'effet aurait été le même.

    — Holá, tía, lança-t-il en se campant face à elle.
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MessageSujet: Re: The Soul of a Man [Daniel]   The Soul of a Man [Daniel] EmptyDim 19 Juin 2016, 20:51

    Daniel avait l'air de péter la forme.
    Rien que ça, ça ne présageait pas franchement quelque chose de positif.

    D'habitude, il faisait la gueule, et la guerrière s'était attendue à être accueillie par de joyeux grognements et cette mine renfrognée qui lui faisait à chaque fois revoir à la hausse la capacité de Daniel à cacher ses yeux minuscules sous ses sourcils. Mais là, le desperado se montrait avenant, presque vaguement explicitement beaucoup-trop-de-mots-en-ment content de la voir, ce qui n'était, en une dizaine d'années, passablement jamais arrivé. Elle en avait vu, des Dani-faces, pourtant : Dani colère, Dani blasé, Dani grognon, Dani se fout de ta gueule et même (exclu mondiale) Dani bourré, assez pour constituer un recueil d'histoire façon Martine. Mais Dani heureux spontanément la voyant, c'était douteux. Y'avait baleine sous caillou, et même si elle n'était pas encore en capacité de lire dans les pensées de son pote, elle le connaissait suffisamment pour avoir une petite idée sur l'origine de cette bonne humeur inopinée.

    Et, si elle avait plus ou moins anticipé ça pendant des année, ça ne la mettait pas vraiment en joie.

    S'il lui avait fallu plusieurs années pour l'admettre, Suète se trouvait face à cette à cette évidence : elle n'avait pas envie de le voir partir. Il faisait partie de ces désormais trop rares repères sur cette terre, un monument immuable sur lequel elle pouvait compter. Un crétin lunatique, immature, macho et un vieux con rétrograde, mais aussi un mec intègre et loyal sous ses airs de bandit de grand chemin. Elle se réjouissait, bien sûr, de le voir enfin faire le chemin retour vers une terre inhospitalière qu'il avait quitté pour des raisons obscures, mais ne pouvait s'empêcher de se laisser un peu submerger par une vague de mélancolie à l'idée de retrouver demain, dans une semaine, dans deux heures, dans un an ce terrier vide et froid, et les statues des Dieux vierges de toute tâche sombre, vestige de la volonté farouche de ce kéké des plages à prouver qu'il était définitivement un gros thug.

    — Holà, Daniel.

    Oubliées, les ridicules tensions Séides/solitaires de la veille. Au fond, ces histoires de mioches et d'ego n'avaient que bien peu d'importance dans sa vie : elle était vieille et sentait que, à l'instar de Daniel, ses jours sur cette terre-ci étaient comptés : plus le temps passait, moins la louve rouge se sentait à sa place, comme une relique du passé que l'on s'évertuait à maintenir en vie alors qu'elle-même avait renoncé au devant de la scène. Si elle était percluse de défauts et possédait une fierté qui lui avait bien souvent joué des tours, Suète avait accepté le fait que son temps était révolu. C'était un comble, tout de même, que les gamins ne s'en aperçoivent pas et s'échinent encore à la montrer comme un dangereux criminel alors qu'elle n'était qu'une vieille branche lasse qui n'aspirait qu'au repos.

    Suète darda l'oasis d'un regard circulaire. Ils étaient seuls.

    — Vous partez bientôt ?

    La louve désigna la ligne d'horizon, la même qui avait certainement vu débarquer le solitaire des années plus tôt.
    Ce simple geste lui tira un pincement au coeur.


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MessageSujet: Re: The Soul of a Man [Daniel]   The Soul of a Man [Daniel] EmptyDim 03 Juil 2016, 12:41

    Suète, elle, ne laissait pas transparaître grand chose de ses émotions. Fait usuel et louable qu'il ne comprenait que trop bien puisqu'il était l'apanage des grands guerrier : rester impassible c'était offrir à l'adversaire un mur stoïque. Lui refuser la possibilité d'évaluer ses chances, hormis sur les simples critères physiques, interdire tout avantage moral. Pas de peur, pas de faiblesse transparente. Le corps devenait une machine.
    Une machine de guerre.
    Daniel était plus laxiste qu'elle, de ce côté-là. Mais ça ne lui portait pas vraiment préjudice, puisque les émotions qu'il laissait transparaître n'auguraient jamais rien de bon pour l'éventuel rival. Il avait une formidable capacité à être en rogne et prêt à tataner des gueules H24, et les rares fois où il était triste, cette colère et cette tendance à la bagarre n'en étaient que décuplées. Pas d'avantage moral pour l'autre, en somme.
    Sauf aujourd'hui peut-être. Il n'avait pas envie de se battre. En venir aux crocs avec qui que ce soit l'aurait même royalement fait chier : ils avaient encore pas mal de nourriture stockée dans le Terrier, ajouter un cadavre de plus n'aurait servi à rien, tout au plus conduit à un probable gaspillage de viande.
    Oui, Daniel était toujours très sûr de lui, tout du moins en ce qui concernait son habileté lorsqu'il s'agissait d'occire l'adversaire. Chose qui avait le don d'agacer, d'ailleurs.

    Dans tous les cas, Suète, elle, se cantonnait comme à son habitude au protocole. Elle avait dû jouir d'une éducation stricte.
    L'absence de pupilles n'aidait pas à la rendre expressive, il fallait le reconnaître. Il avait fini par s'y faire, non sans mal, mais ça restait toujours légèrement perturbant.
    Le plus comique dans tout ça était que son glowstick deuxième du nom, de ce qu'il avait compris entre deux volutes du brouillard saturé d'alcool qui encombraient son esprit cette nuit-là, semblait plus ou moins se révolter contre ça, vu qu'il s'évertuait à la transformer en bombasse couleur hémoglobine — un fantasme comme un autre, après tout – dès qu'elle avait un petit coup de mou. A partir de là, le masque qui se voulait imperméable aux sentiments était désuet. Ce foutu glowstick la décoinçait un peu, songeait-il. Sans ça, de toute manière, il ne voyait pas comment elle aurait pu être engrossée, d'une manière ou d'une autre, puisqu'il aurait sinon fallu au loup lambda un véritable escabeau pour parvenir à passer sur un mastodonte pareil.
    Daniel s'était déjà demandé à quoi pouvait bien ressembler le loustique qui avait un jour eu la bonne idée de la mettre enceinte, sans jamais vraiment se douter qu'il l'avait déjà vaguement croisé une fois, il y avait bien des années. Ca aurait sans doute dû tilter dans sa tête lorsqu'il avait — bien plus tard, mais il y avait quelques années quand même – ensuite croisé l'un des deux rejetons que l'union improbable avait engendrée, mais Dani ne s'intéressait pas suffisamment aux autres pour que la connexion se fasse. Ca ne l'intéressait pas vraiment, dans le fond. Il avait beau être curieux et particulièrement disposé à se foutre de la gueule des autres — donc à taquiner Suète –, son cerveau plus qu'un peu reptililen n'avait pas dû juger utile de se fatiguer à faire le lien.
    Les potins, ça n'était pas trop son truc.

    Dans tous les cas Suète était là, fidèle à elle-même, grande, grosse et rouge, presque identique à cette jeune Suète pétrie d'idéaux qu'il avait croisé par un jour de pluie dans une forêt enneigée à la con, mais en plus vieille. Les épaules ne s'affaissaient certes pas sous le poids des âges, mais il devinait l'usure. La flamme s'était tarie, sans pour autant s'éteindre.
    Ca viendrait, comme ça viendrait pour lui, comme ça venait toujours. Rien n'était éternel.
    Si ce n'est la téquila peut-être.

    Sans doute le geste qu'elle fit pour lui désigner l'horizon était-il superflu. Le sens de ses mots était sans équivoque.

    — Mañana, répondit-il. Et d'ajouter, après un froncement de nez et de sourcils marqué qui témoignait autant d'un effort intellectuel désagréable que d'une profonde réticence à faire ce qu'il s'apprêtait à faire : Mh. Demain.

    Ecrit comme ça pour la forme ça avait l'air clair mais dans la pratique ça ressemblait plus à déééoumain, et encore, on était gentils. Il trouvait par ailleurs cette radicale différence entre les manières qu'avaient leurs deux langues de dire le même mot profondément absurde. Et blâmait la langue de Suète, bien entendu, et non la sienne.

    — ¿Qué harás, tú?

    Il ne s'embêta évidemment pas à tenter de rendre ses paroles plus compréhensibles d'un geste de la patte ou autre, d'autant plus qu'il n'avait de toute manière aucune idée de la manière dont il aurait pu s'y prendre pour se montrer plus explicite.


Dernière édition par Hax le Ven 12 Aoû 2016, 17:04, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: The Soul of a Man [Daniel]   The Soul of a Man [Daniel] EmptyLun 18 Juil 2016, 22:38

    — Mañana.

    Sans réellement comprendre comment, Suète avait compris. Au fil du temps, la maniaque du contrôle, en particulier de soi, qu'elle était, avait admis que sa part de subconscient contribuait autant sinon plus à l'aider à comprendre ce que disait Daniel, et elle avait peu à peu abandonné les diverses techniques mises au point au fil des ans, s'apercevant qu'elles étaient toutes moins fructueuses que son intuition. Ce n'était guère étonnant, après tout, puisque Daniel n'avait de son côté jamais fait aucun réel effort pour se faire comprendre, ne serait-ce que d'articulation (et je sais que ma transition est aussi peu subtile que prévisible haha JE M'EN FOUS) et qu'elle-même avait dû déployer des trésors d'ouverture d'esprit qu'elle ne pensait pas avoir pour se faire comprendre. En cela et sans le savoir, Daniel avait assez largement contribué à ces changements radicaux qui s'étaient opérés en elle, bien qu'il la voie fidèle à elle-même et à ses vieilles habitudes. S'il savait qu'entre la gamine flippée qu'un grand vilain solitaire la viole dans une clairière glaciale et la vieille guerrière lasse qui lui faisait face, il y avait des kilomètres...

    — Mh. Déééoumain.

    Suète haussa un sourcil, qu'elle ne put malgré elle pas sauver de sa carapace d'impassibilité. Comme quoi, même dix ans plus tard, même des kilomètres à lui courir après pour obtenir un pauvre sourire faisant foi d'une vague affection qu'il lui portait, Daniel pouvait encore la surprendre. Il venait de faire l'effort de formuler un putain de mot dans sa langue, alors même qu'elle était persuadée depuis des années que son encéphale avait développé une phobie de son propre langage telle qu'il était naturellement incapable d'en saisir quoi que ce soit. Et savoir qu'il retenait ça depuis des lustres et qu'il se décidait à déposer son égo sur la bande d'arrêt d'urgence de l'autoroute de son existence - pardon, je suis fatiguée, mes métaphores sont assez moisies - rien que pour veiller à ce qu'elle comprenne bien ce qu'il lui disait... C'était bien la première fois de sa vie qu'il faisait quelque chose pour elle, genre, un vrai sacrifice. Microscopique, certes, mais venant de Daniel et pour quelqu'un comme Suète qui comme sa joueuse s'émouvait d'un rien, c'était clairement à noter dans son panthéon personnel.
    Et ça valait au moins un haussement de sourcils.

    — ¿Qué harás, tú?

    Bien vite, le solitaire retombait sans ses vieux travers, lui proposant une tirade monocorde sans effort d'expression réel. Elle n'en attendait pas tant, et n'en compris rien d'autre qu'un vague 'et toi, grosse ?' Ce qui était une vraie question, en soi. S'il lui paraissait évident qu'elle allait se tirer bientôt, Suète ne savait ni vers où, ni quand, ni comment elle comptait s'y prendre. C'était un saut dans l'inconnu qui n'était prémédité que parce qu'il avait toujours été évident, et elle attendait plus ou moins qu'un déclic se fasse en elle pour laisser ce monde derrière elle, sans regret aucun, sur un coup de tête. Elle ne s'était jamais vraiment vue partir par la grande porte, ni faire des adieux éplorés à ses proches qui se réduisaient drastiquement en nombre au fil des ans, parce qu'elle était assez incapable de maintenir une relation durable. Non vraiment, elle se voyait bien partir par une nuit sans lune ou une aube brumeuse, sans que personne ne sache jamais ce qu'il aurait pu advenir d'elle.
    "No speeches, no prayers."
    Et, à l'instar de Ripley dos à la mort dans Alien 3 (et bordel, c'est quand même un comble de pas trouver de gif potable de cette scène qui est selonn moi la plus badass de la quadralogie, oui pardon je fous la paix à ce pauvre quatrième mur) Suète compris brusquement. Ce déclic qu'elle attendait, Daniel venait de le lui servir sur un plateau d'argent, sans presque le vouloir, quoi que. Il la lui donnait, sa porte de sortie : elle n'avait jamais parlé à personne de sa relation avec le desperado, personne ne ferait probablement jamais le lien entre son départ et celui du vieux solitaire. Et même si c'était le cas, elle devait s'avouer qu'elle s'en foutait. Elle aimait les pays chaud, le sable, la chaleur et les combats. Si elle était bien curieuse d'une chose, c'était de ce pays qui avait forgé et construit ce mastodonte fier et égoïste tout en étant d'une droiture sans pareille. Quelque part, elle avait besoin de ces vraies mises à l'épreuve, de ces combats dans la poussière, de ces causes réellement perdues et de cet alcool qui sentait mauvais et qui brûlait l'oesophage, rien qu'à l'odeur.
    Quelque part, elle n'avait plus grand chose à perdre, et avait très envie de brûler ce qu'il en restait au soleil du Mexique.

    — Je ne sais pas. Je peux venir avec vous ?
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MessageSujet: Re: The Soul of a Man [Daniel]   The Soul of a Man [Daniel] EmptyMer 10 Aoû 2016, 15:29


    Up, je veux la suite de mon feuilleton de l'été jpp WAT
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MessageSujet: Re: The Soul of a Man [Daniel]   The Soul of a Man [Daniel] EmptyVen 12 Aoû 2016, 18:08

    — Je ne sais pas. Je peux venir avec vous ?
    WAT


    Mais peut-être avait-il mal compris.
    Ca ne serait pas la première fois. Ni la dernière d'ailleurs.

    En vérité, Suète et Daniel étaient très certainement égaux dans leur connaissance de l'autre. Il ne savait pas grand chose de sa vie personnelle, si ce n'est qu'elle avait deux marmots, et elle ne savait pas grand chose de la sienne, si ce n'est qu'il avait une marmotte (pourquoi pas) — et dont il espérait qu'elle ait compris qu'il était adoptive, quand bien même tout dans son comportement parfois hyper protecteur laissait suggérer le contraire (combo parenthèse tirets à 500pts). Il avait plus ou moins supposé qu'elle ne faisait désormais plus partie de son clan de hippies puisqu'elle lui avait annoncé de manière plutôt agaçante qu'elle comptait le quitter quand il avait tenté de lui refourguer Bella et que la marque olfactive de ce dernier avait désormais disparu de son pelage. Ce qui le conduisait à n'avoir pas la moindre idée de la manière dont elle pouvait occuper ses journées mais cela ne posait pas de réel problème vu qu'il ne s'était jamais posé la question. Jusqu'à maintenant.
    Peut-être n'avait-elle au final pas grand chose à faire de son temps. A part attendre la mort peut-être, activité passionnante et exclusive à laquelle s'adonnaient les retraités et qu'il tentait par tous les moyens d'exclure de son agenda depuis un petit moment déjà. Visiblement, l'emploi du temps de la louve n'était pas aussi chargé qu'il ne l'aurait cru. Pas de jeunes et jolies donzelles à sauver des griffes d'une méchante sorcière, pas de dragons à éventrer ni de loups-garous à cribler d'argenterie. Bien triste était la vie des chevaliers servants dans un monde où il ne se passait jamais rien.

    Il la dévisagea d'un air ahuri ( WAT WAT WAT WAT WAT ) pendant quelques instants, totalement pris de court. Derrière ses petits yeux rouges (sur fond jaune, viva España) les engrenages d'une machine à penser souvent délaissée et donc un peu grinçante s'activaient avec frénésie. Voilà qu'elle le mettait dans une position fâcheuse en le contraignant à réfléchir de manière inopinée.

    — Pues WAT

    Et dire qu'il était censé rester zen toute la journée. Bordel de Dieu, à trop cogiter il allait choper mal au crâne. Il sentait déjà que ça venait.

    — Supongo que sí WAT

    Le plus effroyable dans toute cette histoire était qu'il avait très certainement envisagé de lui proposer, mais genre comme ça l'air de rien pour la forme, si jamais elle lui avait dit qu'elle ne savait pas. Mais même si elle avait accepté les choses auraient été différentes : dans ce cas-là la proposition serait venue de lui, donc tout allait bien et il gardait le contrôle, alors que là, c'était un peu comme si l'idée venait d'elle. Ce qui était extrêmement perturbant. Encore, peut-être, l'un de ces vicieux pouvoirs secrets de femme qui leur permettaient notamment de lire dans les pensées ou en tout cas d'en avoir l'air pour mieux pouvoir les manipuler.
    Dans tous les cas et comme c'était bien souvent le cas depuis quelques années, Daniel se sentait con et ça n'avait rien de plaisant. Réalisant qu'il valait mieux étayer un peu ses propos, il s'empressa d'ajouter :

    — Pero no creo que te va a gustar, nuestro país es muy diferente de aquí...

    Qu'elle n'aille pas s'imaginer débarquer en plein Acapulco, parce que clairement, son petit bout de désert était bien loin des plages, des bikinis et des peaux cuivrées luisantes de Monoï.

    — Y cuando llegamos tengo que hacer algo en qué no puedes interferir. Es algo que tengo que arreglar solo.

    Sa petite vendetta-probablement-suicide contre Miguel ne pouvait qu'être menée en solitaire et il était hors de question que qui que ce soit vienne y fourrer ses pattes. L'avantage était que si elle venait réellement, Suète pourrait aider à tenir Arabella loin de tout ça le temps qu'il règle le problème. Ca pouvait être sympa.
    Mais sa réputation déjà bien salie allait encore en prendre un coup si on le voyait débarquer avec un gros molosse aux allures de transsexuelle sous stéroïdes. Carmen elle-même allait certainement tirer une de ces gueules...
    ... si elle était encore en vie.
    La gorge de Daniel se serra légèrement à cette pensée, qui suffit à balayer en un instant toutes ses petites préoccupations puériles de mec jamais sevré quant à son image de marque et la manière dont il aurait à gérer l'éventuelle introduction de Suète à son petit monde crasseux. Le point d'interrogation quant à l'appartenance ou non de la Rouquine au royaume des morts demeurerait présent jusqu'à ce qu'il arrive à bon port. Il avait tâché de ne pas y penser jusqu'à maintenant mais voilà que le problème revenait imperturbablement à la charge. Il aurait bientôt sa réponse, et pourrait enfin tourner la plage sur toute une décennie d'appréhension et d'incertitudes. Le voyage prendrait des mois, mais aujourd'hui plus que jamais, l'échéance était toute proche.
    S'il avait pu rentrer en courant pour en avoir le coeur net plus tôt et s'ôter le poids de cette terrible attente, il serait parti ventre à terre dès maintenant, parce que dans le fond il n'y tenait plus.
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MessageSujet: Re: The Soul of a Man [Daniel]   The Soul of a Man [Daniel] EmptyLun 05 Sep 2016, 14:09

    Daniel sembla interloqué - et redevint ronchon, ce qui était rassurant quant à sa possible consommation de champis le rendant anormalement joyeux - mais pas franchement opposé à l'idée.

    — Pero no creo que te va a gustar, nuestro país es muy diferente de aquí...

    Il darda sur elle un regard qu'elle connaissait bien, celui grognon-j'me-sens-con-j'avais-pas-anticipé (ce qui était amusant, c'est qu'elle même aurait bien des fois pu lui renvoyer la balle, si elle avait eu un regard un tant soit peu expressif et une capacité aussi phénoménale que celle de son ami à paraître renfrogné. Mais pour le coup, elle conservait une petite longueur d'avance sur le desperado. Et dans leur éternelle gué-guerre d'égos, c'était un avantage non-négligeable). Il semblait réfléchir à la proposition ainsi qu'aux conditions du contrat ; vu comment il l'avait accueillie, il était probable que son look de chimère démoniaque sous stéroïdes créée par une ado emo ne passe pas inaperçu, et qu'ainsi Daniel se tape la honte en ramenant une gow (lol) de son acabit. D'autant plus que si le bougre n'était pas particulièrement ouvert d'esprit à la base (et qu'il lui avait bien fallu cinq ans et une cuite partagée - pouvoirs magiques de l'alcool - pour l'accepter) il était peu probable que tout un peuple de rustres le soient.

    Ça, ça ne lui faisait pas peur. Si elle vieillissait, Suète n'était pas grabataire pour autant (elle occupait une grande partie de ses journées à s'entraîner, en bon moine shaolin qu'elle était, histoire de ne pas perdre la main) et elle n'aurait aucun mal à rabattre le caquet de quiconque s'aventurerait à lui faire une remarque. Et étrangement, l'idée de mourir dans une bagarre de saloon si une remarque tournait mal lui paraissait un bon compromis entre la mort qu'elle avait toujours espéré avec panache en défendant une grande cause et la sortie discrète par la petite porte en toute dignité si la première option se révélait impossible.

    — Y cuando llegamos tengo que hacer algo en qué no puedes interferir. Es algo que tengo que arreglar solo.

    Suète hocha la tête. C'était complètement stupide - mais ça, elle avait bien du mal à se l'avouer - mais elle comprenait ce code d'honneur. Elle revoyait Zerfall qui mourrait sous ses coups, alors qu'elle n'avait à l'esprit que la douleur qu'il avait infligé à Aendil. Elle avait toujours tenté d'imaginer quelle avait pu être la motivation pour Daniel de rejoindre leurs contrées, et s'était toujours dit qu'il y avait des combats qu'il avait dû laisser non terminés dans son pays d'origine pour avoir autant envie d'y revenir sans jamais réellement s'en donner les moyens. Il y avait aussi certainement cette fille, celle qu'elle avait cru voir un jour dans les fond de ses yeux alors qu'elle était à sa merci et que les choses auraient pu prendre une tournure radicalement différente que la bromance un peu débile dans laquelle ils s'étaient engagés. En un sens, Daniel était un des rares piliers rassurants de sa vie, dans la mesure où il était complètement immuable et était resté toutes ces années bloqué dans un code d'honneur stupide qui incluait que le sang n'était vengé que par le sang et que les femmes avaient besoin de musculeux mâles pour les défendre. Certainement même qu'elle accepterait de garder Arabella en dehors de tout ça en lui expliquant en quoi Daniel avait raison d'être un crétin macho.

    Tout se perdait.

    — Ça me va.

    Et puis, plus grand chose ne la retenait ici : elle avait fait ses adieux au seul de ses fils qui acceptait encore de lui adresser la parole et avait définitivement grillé ses chances avec le dernier. Quand à Aendil, elle était heureuse d'avoir mis un terme définitif à leur histoire chaotique.
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