L'hôpital CHR [ouvert aux malades et aux savants (et à ceux qui aident)]

Si Tatsu n'avait pas été occupée, et si soucieuse de guérir son Alpha au plus vite, elle se serait jetée sur Skaër.

Elle l'aurait étripé, là, devant tout le monde, peu lui importait. Elle lui aurait arraché les yeux, coupé les oreilles, perforé l'abdomen, et l'aurait laissé saigner pendant des heures avant de jeter du sel sur ses plaies béantes. Mais Paprika monopolisait toute son attention. Elle dut faire appel à l'intégralité de sa force mentale afin de puiser assez de sang-froid pour se contenter de poser sur l'irrespectueux petit tas de merde un regard assassin. Elle planta les griffes dans le sol pour se forcer à rester sur place, et tourna lentement la tête vers son Alpha afin de bien l'écouter, plongeant son regard dans le sien pour s'immobiliser définitivement. Une sueur froide lui picotait toujours l'échine, mais petit à petit, elle parvînt à se calmer, tant bien que mal. Visiblement, les symptômes se répétaient. Gorge sèche, toux, gueule pâteuse, fièvre. Elle lui parla aussi d'un début d'émoussement des griffes, insista sur la perte de poil dont elle souffrait et de son épiderme qui la démangeait, ainsi que d'un trouble de la vue. La louve hocha une fois la tête. Dans un élan de compassion, elle voulut se serrer contre elle, mais dû se retenir afin de se préserver. La meute avait besoin d'elle en parfaite santé.

- Bien. Que tous les savants et leurs assistants se rassemblent, dit-elle en haussant la voix. Il est temps de mettre en commun ce que nous avons appris. Nous devons avancer au plus vite.

Elle attendit que chacun se soit rassemblé autour d'elle. Elle avait la fourrure en bataille et ses flancs se soulevaient rapidement. Des traces de haine pétillaient encore dans ses prunelles, mais par-dessus ces bribes de rage mourante, on lisait surtout une intense concentration ainsi qu'un sérieux à toute épreuve. La Conseillère se redressa de toute sa hauteur et balaya l'assemblée du regard tout en reprenant la parole.


- J'ai pu relever plusieurs symptômes de mon côté. L'épidémie touche la gorge des malades. Gorge sèche, gueule pâteuse, symptômes auxquels on peut aisément ajouter la toux, je suppose. J'ai noté une perte de poil ainsi que des démangeaisons furieuses de l'épiderme, une altération de la vue, et un émoussement des griffes. Évidemment, il y a aussi de la fièvre. Dites-moi si vous avez aussi observé cela, et si vous pouvez ajouter autre chose à ce premier constat.

Valka, qui se tenait à distance, l'air encore plus fatigué que lorsqu'elle était arrivée, toussa deux fois avant de prendre la parole. Les oreilles de Tatsu remuèrent de mécontentement alors que la voix éraillée de la vielle louve s'élevait.

- Fièvre, perte de poils, gueule pâteuse, voile devant les yeux. Je pense que pour ceux qui n'ont pas tous les symptômes, il ne nous faudrait qu'attendre quelques jours pour les voir apparaître. J'ai beau ne pas avoir observé tous les patients, je suis certaine que la plupart des maux leur sont communs, si nous avons affaire à une épidémie il y a peu de place au doute vis à vis de cela.

Elle se racla la gorge et détourna le regard, ne pouvant plus supporter celui plein de reproches de sa propre fille. Elle le savait, le peu d'aide qu'elle avait apporté aujourd'hui sur le terrain serait son dernier moment de contribution. Tatsu ne la laisserait plus rester près des malades, bien que sa propre toux n'ait rien à voir avec la maladie. Elle s'inquiétait trop pour elle, et au lieu de se sentir touchée, Valka était extrêmement vexée. Elle s'apaisa en songeant qu'elle pourrait toujours l'aider à préparer les remèdes, du moment qu'elle lui expliquait ce qu'elle ignorait.

Mais lui demander de se mettre totalement à l'écart, non, ce n'était pas envisageable.

Roy avait fait aussi vite qu'il avait pu et surtout avec ce qu'il avait. Car malgré les courses incessantes que certains loups, dont sa soeur, faisaient à travers le territoire, les stocks commençaient doucement à baisser. L'épidémie durait trop longtemps, ils ne savaient de toute évidence pas comment y faire face. Mais en bons infirmiers qu'ils étaient, ils pouvaient au moins tenter de soulager les malades en traitant leurs symptômes. Il y avait un reste de sauge, qu'il emporta pour la fièvre, ainsi que du thym. Il était tout à fait d'accord avec ses patients lorsque ceux-ci faisaient la grimace à cette prescription, le goût était immonde, mais il fallait avouer que c'était tout de même diablement efficace. Alors savait-on jamais. Il resta quelques instants à méditer sur les autres symptômes. La salivation excessive et le voile devant les yeux étaient inexplicables pour lui, il n'avait jamais encore été témoin de telles manifestations de maladies.. Peut-être une sorte de forme extrêmement virulente de teigne ? Il n'y croyait qu'à moitié, mais ça pourrait expliquer la perte de poils, peut-être a fièvre aussi. Il rajouta du sureau et ce qu'il restait de camomille dans les stocks de sa mère. Son coeur se serra lorsqu'il eut la vision soudaine de la louve grise faisant ces mêmes gestes, la mine préoccupée, et lui louveteau qui l'observait avec fascination. Il secoua la tête, chassant cette pensée, et passa sur son épaule la lanière de la sacoche de Romance. Elle l'avait laissée ici lorsqu'elle avait du partir en convalescence, et c'était une chance à cet instant précis.

Il ne lui fallut que quelques instants pour filer de nouveau vers la grotte. Et de nouveau, le brouhaha, l'atmosphère lourde t tendue vinrent lui emplirent les oreilles, l'air vicié s'infiltrer dans tout son être en lui donnant l'impression de baigner dans quelque-chose de malsain et léthal. Il passa sa langue sur ses babines soudainement asséchées et nota la présence de Maisie, qui parlait à Hylda, avant de se rendre de nouveau vers son malade. Le petit jeune à qui il l'avait confié semblait avoir pris sa tâche au sérieux, et il fut surprise de constater l'aura de fraîcheur qui émanait de... de la chose qui se trouvait posée sur Vulkain. Enfin, même si c'était étrange, cela demeurait efficace et c'était là l'essentiel.

"Merci beaucoup." Lança-t-il avec reconnaissance au jeune loup. Il désigna ce qui couvrait Vulkain de la patte. "Je ne sais pas ce que c'est, mais c'est une excellente idée !"

Sa voix était encore hachée de la course folle qu'il venait de faire depuis le Creux aux Loups. Le souffle court, il se délesta de la sacoche, et l'appel de Tatsu retentit alors à ses oreilles. Il se mordit la babine, puis dit à Twitchell :

"Est-ce que tu veux bien rester encore juste une seconde ? Je reviens, je dois leur parler."

Il fit volte-face et s'approcha du petit groupe qui se formait autour de la louve beige. Il hocha la tête en l'écoutant énumérer les symptômes un à un, notant ses remarques et ce qu'il avait rapidement constaté de son propre patient.

"Je confirme les symptômes sur Vulkain. En revanche la maladie en est à un stade bien plus avancé chez lui, elle s'est développée extrêmement rapidement et violemment. Il souffre d'une fièvre très élevée et sa peau... sa peau a l'air de changer de couleur, comme s'il avait des hématomes sur tout le corps."

Il jeta un regard en coin à Hylda, tâchant de garder un discours le plus professionnel possible et de mettre en filigrane que la mère dudit patient se trouvait juste à côté de lui.

"Tant qu'il est inconscient, je ne peux pas traiter sa fièvre à moins d'aller le baigner à la Grève Gelée." Continua-t-il en posant son regard clair sur Tatsu.

Ils étaient impuissants. Ils avaient observé la maladie mais jamais encore ils n'avaient fait face à quelque-chose de cette amplitude. Et cette fièvre terrible lui faisait craindre le pire pour tous les malades qui n'en étaient pas encore à ce stade.

"Je pense que tous nos patients vont en arriver là si on ne traite pas leur fièvre immédiatement." Lança-t-il finalement avec une voix un peu plus basse. "Quant aux autres symptômes... La perte de poils fait penser à une sorte de teigne mais n'explique en rien les autres manifestations. Peut-être un empoisonnement plus lent que d'ordinaire ?" proposa-t-il.

Certains symptômes étaient cohérents, comme la salivation et la fièvre le voile devant les yeux. Pour ce qui était du reste, s'il s'agissait d'un poison inconnu contenu dans les crocs de certains plantes uniquement, peut-être avaient-ils espoir de trouver un remède, d'une manière scientifique ou avec un coup de pouce divin.

Tatsu écouta attentivement les réponse qu'on daigna lui donner.

Elle fit le point sur ce qu'elle avait vu et entendu, jeta un ultime coup d'oeil à Paprika ainsi qu'aux autres malades, et se redressa. Elle était épuisée, agacée, très tendue, mais on attendait d'elle une directive. L'Alpha femelle n'était pas en mesure de diriger la meute, et quant à Leemoncello ... La louve ferma les yeux et prit une longue inspiration. Lorsqu'elle les rouvrit, ils brillaient de détermination. La plupart des soigneurs trainaient encore au chevet de leurs patients, sans tenir compte de son appel. Tant pis pour eux. Elle avancerait seule s'il le fallait. Elle se tourna vers Roy, et une chaleureuse reconnaissance réchauffa un peu le regard froid de la louve. Elle détourna ensuite le regard et lança à nouveau un appel, rauque, agressif et bref, clairement sans appel, pour inciter les retardataires à se rassembler.

- Nous n'avons plus de temps à perdre, il faut agir avec les éléments que nous avons sous la patte. Apparemment, les symptômes se retrouvent chez la globalité de nos malades. Nous avons donc un point de départ. Maintenant que nous avons connaissance de ce qui fait souffrir nos malades, nous allons pouvoir commencer à les traiter en cherchant à soigner les symptômes. Mais gardez en tête que ce n'est pas ça qui soignera la maladie.

Elle marqua une pause et hurla une dernière fois pour rappeler ceux qui trainaient encore, les massacrant du regard. Puis, sans perdre plus de temps, elle creusa dans sa mémoire pour se remémorer quelles plantes agiraient contre tel ou tel problème.

- Pour les chutes de poil, une pommade à base de sève de cèdre et de feuilles d'orties pillées fera très bien l'affaire. Pour les démangeaisons qui les accompagne, il y a le choix. Millepertuis, aloès, camomille, là aussi en pommade ou en pâte, mais pas trop épaisse. Pour traiter la salivation, il faudra concocter des remèdes à base de racines de réglisse et de guimauve. Pour la fièvre, vous savez déjà comment faire : fleur de sureau, sauge séchée, saule ... Enfin, pour l'émoussement des griffes, nous aurons à nouveau recours à une pâte à base de feuilles d'orties, à laquelle il faudra ajouter de la gelée royale et de l'huile d'olive.


Elle marqua une pause pour s'assurer qu'elle ne s'était pas trompée et n'avait rien oublié, puis reprit.

- Certains éléments seront plus difficiles à trouver que d'autres. Il y en a déjà en réserve, mais ça ne suffira pas. Je vous propose donc d'agir ainsi : que tous ceux capables d'identifier les plantes que je viens de citer aillent immédiatement en récolter. Ensuite, chaque Savant sera invité à réaliser un maximum de chacun des remèdes donnés. Ne vous contentez pas d'un seul type, et si vous ne savez pas comment faire, entraidez-vous, venez me voir, il y a toujours des solutions. Pour les autres, partez en reconnaissance. Trouvez les Brethens et demandez-leur s'ils savent où la propagation a commencé. Si nous trouvons le territoire où la croissance est née, il faudra aller l'inspecter de très près. En parallèle de la préparation des remèdes, je pense que c'est notre mission la plus importante. L'hypothèse de la plante mère est très intéressante. Personnellement, je pense que nous avons tout intérêt à l'étudier de très près.

Elle se tourna vers la louve qui avait soulevé cette idée et soutint son regard un long moment, puis hocha la tête.

- Bien, nous avons du travail, alors allons-y. Il est temps d'élucider tout cela. Il faut des volontaires pour installer chaque malade dans une cellule à part. Je pense qu'il faudrait rapatrier tous nos remèdes et nos plantes ici, et que tous les loups capables de soigner restent ici, dans la Mine, pour veiller sur les malades et travailler sur les soins. Il nous faudra aussi des sentinelles pour surveiller la Mine et repousser toute menace, canine ou végétale. Et enfin, que des groupes partent en reconnaissance chez les Brethens et ailleurs pour essayer de trouver d'où la croissance est partie. Au boulot !

Tapi à côté de son malade, à savoir Vulkain, Twitchell poursuivait sa surveillance, ne sachant trop comment soulager davantage le mal-être de ce loup qui devait avoir son âge. Argh, lui n'aurait tellement pas aimé être dans cet état ! Pauvre loup... De ses grands yeux clairs, il ne cessait de le détailler tristement, au grand damne de Colette qui semblait des plus agacées par son attitudes, et poursuivait de rafraichir Vulkain du mieux possible.
Enfin, Roy finit par venir le retrouver, le remerciant au passage. Ouah ! Il était rare qu'on le remercie, il avait plus tendance à faire des boulettes que de se rendre véritablement utile. Mais en l’occurrence, il était parvenu à remplir son rôle, et il en était content. Roy indiqua au passage Colette étendue en couverture rafraichissante, pour lui dire que même s'il ne savait pas ce que c'était, il s'agissait là d'une bonne idée. Non, pas bonne, excellente ! Wouah, décidément ! Il allait finir par aimer travailler avec ce loup, à se voir ainsi valorisé.

« C'est mon pouvoir, c'est Colette, elle peut se transformer en tout ce qu'elle veut, c'est pratique pour aider ! »

Ainsi pouvait-il, grâce à l'entité carlin-licorne, rafraichir le malade, voir le déplacer, voir tout ce qui serait nécessaire de faire dans la limite du raisonnable.

« Est-ce que tu veux bien rester encore juste une seconde ? Je reviens, je dois leur parler.
- Oui b-bien sûr je vais rester avec lui tout le temps qu'il faut !! »

Laissant un peu trainer ses oreilles, Twitchell écouta attentivement ce que son amie la louve beige avait à dire, retenant le fait qu'elle avait besoin d'envoyer quelqu'un chez les Brethens afin de récolter chez eux quelques informations, et notamment savoir où la propagation de plante avait commencé.
Le mâle rosé se redressa alors, déportant un instant son attention pour rester fixé sur Tatsu. Après une vague hésitation, il délaissa le loup sur qui il veillait, laissant l'entité issue de son pouvoir gérer ça -de toute façon, il n'y avait pas grand chose à faire de plus-, pour faire un pas vers elle. Il passa d'une patte à l'autre, ne sachant trop s'il pouvait se permettre de lui demander ça, avant de pencher la tête sur le côté et de lui couiner d'une voix rapide.

« Hu, si tu veux, je peux aller moi demander aux Brethens ! Enfin c'est comme tu veux. Sinon, je peux aussi aider à déplacer les malades ! »

Plein de bonne volonté, Twitchell était désireux d'aider ses semblables, qu'il soit ou non de son clan. Et puisqu'il était leur prisonnier, il se devait de se plier à leurs ordres, de toute façon. De plus, son honnêteté apparente ferait qu'il ne se contenterait pas de rejoindre son clan -à savoir, les Brethens- pour y rester et ainsi échapper à sa prison et à cette peine à la durée indéterminée, mais qu'il reviendrait bel et bien ici une fois les informations collectées. Bref, son désir d'aider était important, il ferait tout son possible pour convenir à ce clan qu'il ne connaissait pas très bien finalement, et dont son père avait par ailleurs été membre pendant longtemps.

Roy écouta avec attention les paroles de Tatsu, avec parfois un hochement de tête presque involontaire lorsqu'elle énonçait des symptômes ou des remèdes, des noms de plantes ou de substances guérissantes. La louve crème semblait particulièrement épuisée par la situation, mais également agacée. Sans doute à cause du peu d'attention qu'avait provoqué son premier appel. Le loup blanc resta silencieux le temps qu'elle parle, même s'il grinçait d'avance des dents à l'évocation de certains ingrédient, priant pour qu'il en reste en réserve. Avec l'invasion de la jungle qui se combinait à l'hiver naissant, certaines plantes seraient introuvables. Il leur faudrait trouver des remplacements, d'autres solutions. Il allait sans doute devoir faire un petit tour à l'extérieur lui aussi une fois qu'il aurait stabilisé l'état de Vulkain. Vu l'évolution rapide de sa maladie, il avait peur que le pire n'arrive même s'il s'absentait une demi-journée. Et il tenait si possible à éviter au jeune loup qui l'aidait de porter le fardeau de ne pas avoir réussi à sauver l'un de ses congénères. Lorsque Tatsu eut fini son discours, Roy acquiesça doucement, puis lorsque les loups se dissipèrent pour s'occuper de ces nouvelles, tâches, il s'approcha d'elle avec prudence, les oreilles dressées. Posant son regard clair sur la louve, il lança doucement :

"Une fois les malades déplacés, tu devrais prendre un peu de repos." Suggéra-t-il en prenant bien garde à ce que son ton ne laisse pas filtrer la moindre once d'autorité. Il ne connaissait pas la louve particulièrement belliqueuse, mais il était facile d'avoir une parole ou un acte déplacé, mal interprété, et d'autant plus lorsque l'on faisait face à quelqu'un dans son état de fatigue. "Je peux rester garder la Mine en ton absence et... si certains loups sont encore vaillants et veulent que j'utilise leur énergie, je peux peut-être donner quelques heures de plus aux plus atteints. Si tu as besoin de moi, je serai près de Vulkain."

Il la salua d'un mouvement léger de la tête, puis fit volte-face et se dirigea de nouveau vers son patient. Plein de bonne volonté, le jeune qui s'occupait de Vulkain avec lui avait proposé de transporter les malades. Avec sa créatures réfrigérante et visiblement polymorphe, il fallait avouer qu'ils avaient là un pouvoir fort intéressant dans la situation actuelle. Cependant, il se décida cette fois-ci à attendre que Tatsu ne donne son aval avant de donner le feu vert à son assistant nouvellement nommé. Peut-être pourrait-il négocier sa libération une fois que tout cela serait terminé. Il l'aurait bien mérité, quelle que soit la fin que cela aurait.

Il ralentit en passant devant la paillasse sur laquelle reposait sa mère, et un son étrange attira son attention. Bravant sa volonté son regard se détourna pour aller se poser sur la silhouette grise de Romance, qui semblait agitée de tremblement. La vision était terrifiante, même pour lui qui était Savant, et surtout pour lui qui était son enfant et qui n'avait d'elle que l'image maternelle et douce que son enfance avait cultivée. La louve grise était étendue sur le flanc, mousse aux babines et les pattes crispées. De larges plaques de poils s'étaient décrochées de son pelage, révélant une peau aux teintes aussi étranges que celles qu'il avait observées sur Vulkain. Mais le pire était son regard, vide et voilé, qui était blanchi et ne reflétait plus aucune expression. Il s'approcha d'un pas, et cette approche sembla provoquer une sorte de spasme dans le cou de la louve, qui tourna sa tête vers lui. Il ne reconnut en rien sa mère dans ce regard vide, dans cette absence d'expression, ou dans ce grognement inintelligible qui s'échappait d'entre ses babines.

Il resta figé dans l'allée, jusqu'à ce que quelqu'un ne le sorte de cette transe en lui cognant légèrement l'épaule, sans doute pour lui signifier qu'il gênait le passage. Il secoua la tête et se força à s'arracher à la vision de sa mère. Il hésitait. Finalement, il revint vers Tatsu, la mine complètement fermée, et déclara d'un ton aussi neutre que possible :

"L'état de... Romance semble avoir empiré également. Il semble qu'elle ne peut plus parler."

Et il se retourna pour filer vers Vulkain, sans s'arrêter cette fois-ci, renfermant autour de son coeur une solide coquille.
Il en aurait grand besoin.