No pain no gain [ Prio Thyara ]

De la mousse, de la mousse partout.
Ardwyck se tuait les yeux à essayer d'apercevoir une plante, utile à la supplier du regard de jaillir à la place de cette verdure malsaine.
Même dans la Clarière Sauvage, les réserves de plantes s'amenuisaient.
Il jeta un oeil à sa cueillette. Quelques racines, des feuilles et des baies. Ca ne soulagerait les malades qu'un instant et ensuite la douleur déferlerait à nouveau.
Il prit ramassa son ballot de plantes médécinales dans sa gueule et fit volte face direction le Creux au Loup.

Chaque pas lui faisait atrocement mal, chacun de ses muscles le tiraillait dés qu'il bougeait. Il avait l'impression d'être un viellard perclu de rhumatismes et en même temps un junkie en manque.
Une fois qu'il serait rentré et aurait déposé son butin, il était prêt à se rouler en boule dans une grotte et à dormir une lune entière.
Le bleu avait souvent tendance à ne voir que le verre à moitié vide. Mais là il était difficile de faire autrement.
L'odeur de la maladie le prenait à la gorge. Ce n'était que des visages las qu'il voyait et des corps en piteux état.
Devaient-ils tous mourir tués par des plantes ?
Ardwyck s'était imaginé une mort plus flamboyante.

Il en était là dans ces constations lorsque sa patte heurta une chose molle. Déséquilibré, il tutuba sur trois pattes un instant, avant de s'effondrer de tout son long sur le sol dans un grognement de douleur.
Il ne bougea pas pendant un instant, le visage figé dans un rictus. Ses yeux contemplèrent sa cueillette éparpillée puis foudroyèrent du regard l'objet de sa chute.

BORDEL. FAIS ATTENTION, MERDE.

Il se releva, sentant sa peau le tirailler sur son poitrail sous l'effet de la colère.
Colère injustifiée en réalité. Il n'était pas vraiment énervé pour ces quatre plantes au sol, il n'avait pas plus mal qu'avant. Mais la petite était juste la pour lui passer les nerfs.
Il la poussa séchement sur le poitrail, pour lui montrer ce que ça faisait d'être déséquilibré et te tituber pitoyablement.

Oui c'était injuste. C'est injuste quand la gamine perdit l'équilibre et tomba dans la boue.
Il n'avait nullement l'intention de s'excuser pour cela. Il n'était même pas certain de lui accorder son pardon pour ce qui s'était passé.
C'était injuste mais terriblement drôle. Les babines d'Ardwyck s'agitèrent compulsivement, essayant de retenir un fou rire et puis finalement il lui offrit un sourire plein de crocs.
Avant d'exploser de rire.

Ce n'était pas un rire moqueur, ou sadique. Son regard avait l'air vrai, sa joie réelle. Il riait comme un gosse rit devant une chute tout simplement.
Ca faisait longtemps qu'il n'avait pas rit ainsi. Probablement que ses nerfs commençaient à lâcher. Ce n'était que comme ça qu'il expliquait son soudain passage entre la haine et l'hilarité stupide.

T'excuser .. T'excuser n'aurait pas réparé mes plantes. Garde tes excuses.

Il trouvait la brune risible avec son air faché. Probablement que si elle se décida à lui sauter à la gorge, il aurait le dessous. Mais ça ne l'inquiétait pas, il était beaucoup trop habitué à se prendre une raclée. A être pathétique.
La douleur recommença à monter en cascade dans son corps. Son rire mourit petit à petit.
Il inclina la tête, reprenant son air habituel.

Mais tu m'a fait bien rire, alors je te pardonne ..
Il laissa sa phrase en suspens, attendant qu'elle la complète avec son nom.

C'est tout ? "C'est bien fait pour toi" ?

Ardwyck arqua un sourcil après avoir imité la voix hystérique de la petite. Honnetement à son âge, il n'aurait certainement pas trouvé une meilleure répartie. Il n'aurait pas cherché de répartie : il était tellement brimé et insulté qu'il n'essayait même plus d'établir une connexion entre ses deux neurones, il fonçait dans le tas, quitte à bien morfler.

Si tu veux vraiment blesser quelqu'un chaton, il faut en apprendre plus sur lui pour attaquer là où ça fait mal.

Il s'assit dans une grimace de douleur, d'humeur à donner un cours magistral.

Par exemple toi, t'es orgueilleuse. Tu joues toute seule avec des insectes et tu sembles espèrer de la reconnaissance des autres. Donc si je veux te blesser, j'ai qu'à dire que t'es une femelle stupide et inutile. Que même ta mère t'as abandonnée dans le camp au milieu du passage en espérant que tu te fasses écraser et qu'elle soit délivrée de ce fardeau. Et que c'est bien bien triste que personne ne veuille de toi pour que tu sois obligée de jouer avec une chenille, qui elle même s'est barrée.

C'était à titre d'exemple évidemment. Ardwyck ne pensait évidemment pas ce qu'il disait bien sûr. Il était tout à fait certain que les gosses comprenaient le second degré.

Spoiler:

Il regarda ces yeux bicolores se remplir de larmes sans qu'aucune once de pitié ne déforme ses traits. Les yeux jaunes d'Ardwyck fixèrent la petite Thyara pendant qu'elle se noyait dans son mucus et s'embourbait dans des menaces. Les dents sur son poitrail commencèrent à poindre, les doigts dans son dos commencèrent à s'agiter, quelques goutes de sang vert vint lui piquer la peau. Il se leva.
Le bleu leva une patte bicolore au dessus du crâne de la petite et l'abaissa rapidement .. avant de la poser doucement entre ses deux oreilles. Il ébouriffa légément son sommet du crâne comme on fait aux petits garçons quand ils se sont bien comportés.

C'était déjà mieux.

Il se rassit, dans sa drôle de position - les postérieurs tendus devant lui - comme si il avait oublié qu'il se trouvait au milieu du camp, qu'il avait des choses à faire, qu'il avait faim, mal, mal, comme si discuter avec ce louveteau prépondérait sur tout.
Elle avait déjà fait des progrès en insultes et en ciblage de point faible. Avec lui comme mentor, elle aurait bientôt des armes bien aiguisé pour se défendre, verbalement. Que voulait-elle devenir plus tard ?
Et puis sa dernière phrase le rendit triste. Il secoua la tête.

Dommage. Tu commençais à bien me plaire et voilà que veux te cacher derrière un .. supérieur hierarchique destiné à nous faire trembler, pauvres mortels ?

Sois dis en passant, les lois de la génétique étaient assez étranges .. Il savait qui était sa mère, les savants avaient à s'occuper de ces choses là - une des rares en gestation pendant ces temps troublés - et elle était blanche comme la neige. Il ne lui connaissait aucun lien de parenté avec Papriplante .. mais il n'avait pas assez de preuves pour accuser la petite de mentir.
Il abaissa son encolure pour avoir sa tête au niveau de la brune et lui offrit un sourire tordu.

Ne t'inquiète pas, si quelqu'un t'emmerde appelle moi. J'irais me prendre une raclée pour toi.

Il se redressa, et déclara avec orgueil :

Sache que je préférais qu'on m'arrache les griffes une à une et qu'on les utilise pour me lacérer la peau puis qu'on me jette dans une rivière remplie de crocodiles plutôt que de m'excuser.

Sa maman lui disait bien qu'il avait une mauvaise influence sur les gens. Ardwyck continuait de regarder d'en haut - le meilleur point de vue, omniscient, objectif, celui des Dieux - la petite louve brune qui se lançait dans des moues prétentieuses.

Il fut un peu triste lorsqu'elle lui dit qu'elle n'avait pas besoin de son aide, puis curieux lorsqu'elle voulut lui arracher les griffes et enfin amusé lorsqu'elle l'imita.
Bien. Elle apprenait vite. Il serait son mentor et elle sa disciple. Que voulait - elle devenir plus tard ? Voulait - elle suivre les pas de sa mère en devenant une savante ou préfererait - elle défendre le Clan en devenant une soldate ? .. Mais voilà qu'avant qu'il puisse lui demander, elle tournait les talons sur une ultime punchline.

Puis elle lui demanda son nom.
Les longues oreilles du bleus se redressèrent de surprise. On ne s'interessait pas autant à lui d'habitude.

Ardwyck. Mais comme c'est un peu compliqué tu peux juste m'appeller Ardwyck.

Il avait horreur qu'on écorche son nom par un diminutif ridicule. Se souvenant des règles sociales, le bleu s'apprêtait à lui retrourner la question. Il se leva pour lui faire face.

Et toi ? Je n'ai toujours pas le plaisir de conn.. son visage fut soudainement défiguré par la douleur. Les muscles de son épaule le lançaient affreusement. Il inspira profondément, se rassit membres postérieurs tendus. Il savait comment gérer. Il imagina tous les nerfs qui partaient des muscles de son épaule jusqu'à son cerveau, brillants comme des guirlandes pendant qu'ils transmettaient le signal. Il imagina qu'il coupait chacun de ces fils, qu'ils ne pouvaient plus rien transmettre et qu'ils devenaient gris...aitre ton nom.

Il reporta son attention sur la petite et enchaina :

Et qu'est-ce que tu veux devenir plus tard ?