Innuendo » Gluant
» Nombre de messages : 4048 » Age : 27 » PUF : Innuendo » Date d'inscription : 15/06/2010
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| Sujet: Dark was the night, cold was the ground Lun 09 Jan 2017, 21:28 | |
| [Il faut considérer ce RP dans le contexte pré-everbloom ; il aurait dû arriver en septembre mais faute de temps, je n'ai pas pu le poster plus tôt. Il est suite directe à celui-ci. Je me permets de le faire maintenant parce que Suète est un personnage important pour moi et que je tiens à lui faire une fin correcte. C'est le dernier post que je ferai avec elle.]
Sombre était la nuit. Froide était la terre. Et longue serait la route.
Ses muscles jouaient souplement sous son poil carmin à mesure qu'elle avançait dans la nuit. Ses foulées étaient élastiques, légères, efficaces et silencieuses. A la voir se déplacer ainsi, ombre rouge se mouvant parfaitement dans l'obscurité, on avait peine à croire que le fardeau des ans se faisait de plus en plus lourd sur ses épaules. Elle, guerrière emblématique, elle, l'étendard d'une rébellion, elle, figée par l'histoire au sommet de sa gloire. Elle, désormais guerrière vieillissante, de moins en moins endurante, de moins en moins solide. Elle, qui commençait à sentir la rouille gagner ses articulations et l'engourdissement ses muscles incroyables. Elle, rappelée à la lourde réalité organique dont elle était, comme tout un chacun, victime.
Elle ne pouvait pas se jouer éternellement des lois de la nature. Et pourtant, Aka savait que si son corps serait son dernier ennemi, Suète se battrait jusqu'au bout.
Cette réflexion lui tira un sourire presque sardonique. C'était comme ça : son allier de toujours, ce corps entraîné au possible et défiant les lois de la génétique, serait son dernier et plus redoutable adversaire. Car elle savait que contre lui, elle ne pouvait rien, qu'il l'entraînerait tôt ou tard dans sa chute et que l'issue en serait fatale. Qu'au moindre faux-pas, qu'à la moindre faiblesse, qu'au quart de seconde de retard de la parade en combat, elle ne se relèverait pas. Parce qu'il y en aurait encore, des combats.
Elle s'assit, et leva la tête. Que la nuit était sombre. Que la terre était froide. Que la route serait longue.
C'était évident que les choses allaient se terminer ainsi. Depuis le début, elle avait le sentiment que les pièces s'imbriquaient les unes dans les autres sans jamais voir où le puzzle de son existence la mènerait. Elle était arrivée ici très jeune, avait arpenté ces terres de long en large jusqu'à plus soif, et maintenant, elle sentait qu'elle devait partir. Daniel, c'était la pièce manquante. Lui qui était resté ici si longtemps sans jamais s'adapter, à subir chaque individu qui croisait sa route. Lui qui avait toujours été une anomalie, ici. Longtemps, la vieille louve s'était demandée ce qui le poussait à rester ; à chacune de leurs rencontres, elle s'étonnait de ne pas le voir parti. Elle avait mis quelques temps à faire le parallèle entre eux : elle aussi, elle était un être inadapté à ce monde, une créature hors normes aux desseins irréalistes. Elle avait tenté de s'imposer, tenté de créer, de bâtir quelque chose, et cet édifice s'effondrait sans elle. Suète avait tenté de s'adapter à son monde. Face à son échec, elle avait essayé de l'adapter à elle. Sans plus de succès. Elle avait mis du temps avant de comprendre qu'elle n'avait plus rien à faire ici.
Il était assez peu probable que le Mexique qui avait vu grandir son ami lui soit plus adapté, mais elle s'en fichait. Ce dernier lui donnait un prétexte pour s'en aller, une compagnie et un but. Elle mourrait d'envie de connaître ces terres arides qui avaient vu grandir le solitaire, ces terres sans foi ni loi, ces terres de violence sans demi-mesure et sans concession. Ces terres que se disputaient des hordes de coyotes agressifs, où la tequila se mêlait au sang qui abreuvait le sable. Peut-être qu'elle n'y survivrait pas. Peut-être qu'elle n'y parviendrait même jamais. Peut-être. Ça n'était pas le plus important.
Suète ferma ses paupières sur ses orbites uniformes qui luisaient faiblement dans l'obscurité, laissant la brise fraîche de l'Erg caresser son pelage. Silencieusement, elle adressa un au-revoir à ces terres qui avaient été sa maison pendant des années, à ceux qu'elle avait croisé, à ses fils. Silencieusement, le museau levé vers le ciel, seule sur une dune.
Quand elle rouvrit ses paupières, elle n'avait plus rien à perdre. La guerrière redressa son corps gigantesque et tourna les talons, filant vers la lueur lointaine du campement de Daniel et Arabella.
La route serait longue. La terre était froide. La nuit était sombre.
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