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 De sale gosse à vieux con

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MessageSujet: De sale gosse à vieux con   De sale gosse à vieux con EmptySam 14 Jan 2017 - 3:55


De sale gosse à vieux con 1484351672-thelastcain

DE SALE GOSSE À VIEUX CON

- Mort de Caïn -
14.07.2014 – 14.01.2017




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MessageSujet: Re: De sale gosse à vieux con   De sale gosse à vieux con EmptySam 14 Jan 2017 - 3:56






    Il y a exactement quinze ans de cela naissait Caïn.

    Né hors des sentiers de Punk Wolf, il s’y était un jour égaré, perdant parents et fratrie. Seul dans les bois de l’oubli, en des terres qu’il n’avait jamais foulées, il aurait pu y mourir.
    Le destin en avait décidément autrement.
    Des gardes Séides l’avaient ramassé, lui, petit louveteau un peu malingre. A la jeune cordillère, il fut ramené, et à une nourrice se vit confiée. Aujourd’hui, il aurait été incapable de donner le prénom de cette louve, ne se souvenant plus que de son glowstick orange et de sa corpulence un peu forte. Ça n’avait pas d’importance, de toute façon.
    De ce début, il n’en avait cure.
    Ce n’est pas tout ça, qui lui firent devenir ce qu’il était. Pas quelques lignes écrites dans son histoire, pour lui donner un petit background.
    Non, ce fut les rencontres. Les liens, plus ou moins solides, plus ou moins affectueux. De la haine à l’amour. De l’admiration au désir de vengeance.
    Ces silhouettes qui menaient une danse autour de lui, ces fantômes qui venaient le chercher, l’emmener là-haut. Il les voyait tourner, ces lumières fugaces qui apparaissaient dans son champ de vision.
    Sa mort était imminente, il le savait. Et c’est pour ça, qu’il revenait en ce lieu, qu’il avait transgressé la frontière des terres Séides pour tituber dans les bois de l’Oubli, menaçant à chaque pas de s’écrouler.
    Les yeux clos, le souffle rauque, Caïn se surpris à penser à quelques loups. A ces loups qui l’avaient marqué, plus que les autres, et pour qui lui vinrent souvenirs et pensées. Ces loups qui avaient construits sa propre histoire…

    Il y avait eu Abel.
    Et Caïn avait tué Abel. Sous ses crocs, son frère avait perdu la vie. Ou plutôt lui avait-il concédé la fin de sa claudiquante existence, à ce loup qui lui ressemblait tant mais dont il s’était toujours senti si éloigné. En ce jour, le gris prit conscience de ce que cachait le dernier sourire qu’avait pu esquisser son frère. Oh, oui. Le jour où il l’avait tué, c’était bel et bien Abel qui avait gagné, et il ne le comprenait que maintenant.
    Parce qu’il lui avait offert une fin digne, parce qu’il lui avait accordé sa présence au moment de sa mort. Alors que lui allait s’écrouler, battu par le temps, seul.
    Et il se mit à envier cette mort dans le sang, à hésiter à poursuivre son chemin dans les bois. Il aurait pu se jeter au sein de la jeune cordillère, trouver l’un des alphas ou le bêta mâle à la présence plus anecdotique qu’autre chose. Planter ses crocs dans leur cou, dans une ultime attaque, avant de se faire descendre par les soldats si on ne l’attrapait pas avant. Il aurait pu offrir ce soulagement aux Séides, de les débarrasser de ces êtres nuisibles et sans intérêt pour le clan, aux défauts qui ne rattrapaient la moindre qualité.
    Mais il ne le fit pas. Entre ses crocs, il désirait que la dernière âme perdue soit celle de son père.

    Il y avait eu Raw.
    Oui, ce père-là. Ce père qui l’avait élevé, qui l’avait d’une manière ou d’une autre, qui l’avait fait devenir ce qu’il était actuellement. Il l’avait accueilli dans son clan, l’avait nommé chasseur, l’avait gradé Bêta. Il ne l’avait rejeté pour délit d’amour, comme l’avait fait les actuels alphas, raison pour laquelle il avait quitté les Séides. Il l’avait même soigné, lorsque Krilla la Precursor avait broyé sa patte, afin de lui permettre de tenir sur ses quatre pattes. Et surtout, lui ne l’avait jamais jugé, l’avait même encouragé à s’occuper de ses enfants, lorsqu’il lui avait avoué qu’Illa était gestante. De Là-Haut, sans doute s’était-il mordu les pattes, sans doute aurait-il désiré le gifler, pour l’attitude tenue face au plus jeune de ses fils.
    Quoi qu’il en soit, le mâle avait su forcé son respect. Il était à ses yeux un père, un ami, et bien plus encore.
    Et en dernier vœu de celui-ci, qu’il remette à Valka son béret, portant son glowstick éteint. C’est ce qu’il avait fait en ce jour. N’ayant plus rien à perdre, il avait laissé cet accessoire à l’entrée de la grotte de la vieille louve, puis s’était éclipsé dans les bois.

    Il y avait eu Hylda.
    D’amie, il avait surtout eu Hylda. Hylda, qui tenait bon. Hylda, qui vivrait un peu plus longtemps que lui, s’accrochant à la vie avec ardeur.
    Hylda qui avait été une sœur pour lui, complétant cette famille adoptive qu’il s’était faite au sein des Séides. Du début à la fin de son existence, elle aura été présente à ses côtés, et l’une des uniques louves aptes à lui donner des soins.
    Leur première rencontre c’était faite dans une bibliothèque, jeunes louveteaux fous qu’ils étaient. Leur dernière rencontre s’était faite au même endroit, dans de bien moins jolies conditions. Et ainsi s’étaient-ils quittés, sur les derniers soins que lui avait prodigué Hydla après qu’il eut mené l’ultime bataille contre son frère.
    Il aurait aimé la revoir, une dernière fois. Lui dire au-revoir. Il se contenterait de lui dire bonjour, le jour où elle viendrait le rejoindre.

    Il y avait eu Aslan.
    Un soldat qui avait su forcer son respect, lorsqu’il était louveteau. Un soldat qu’il avait acclamé lors d’un combat contre un ours venu ravagé le camp des Séides, et où il s’était pour la peine fait massacré par l’animal. Il lui avait offert un bracelet portant les griffes de cet ours, en souvenir. Il l’avait toujours gardé, n’osant cependant pas le mettre, de peur de l’abimer ou de le perdre, et d’effacer le dernier souvenir qu’il pouvait bien avoir de lui. Pourtant, il aurait aimé offrir ce présent symbolique à l’un de ses enfants, n’en avait finalement jamais trouvé l’occasion.

    Il y avait eu Illa.
    Son amour. Son aimée. La louve qui avait à tout jamais changé sa vie.
    Elle avait fait basculer son quotidien. Elle, la désinvolte. Elle, l’impératrice, alors qu’il était à ses yeux un empereur. Leurs petits jeux d’adolescents, leur violente dispute, puis leurs sentiments avoués.
    Oh, oui.
    Caïn avait aimé Illa. Jusqu’à son dernier jour. Il avait aimé ses courbes élégantes, ses yeux -puis son œil, lorsqu’elle s’était vu privé de la moitié de sa vue sous la griffe de la même Précursor qui lui avait déchiré la patte-, son odeur, son sourire, sa philosophie de vie, sa voix.
    Tout. Il avait tout aimé chez elle.
    Au point que lui, mâle qui ne pensait jamais avoir de descendance, en avait assuré une avec elle, pour unique raison d’amour.
    Et désormais, il était sans elle. Mais plus pour longtemps...

    Il y avait eu Pensée, Isiah et Twitchell.
    Et un à un, de ses trois enfants, il n’en resta aucun. Ni la plus intelligente, ni le plus hardi, ni le plus innocent. La vie les lui avait repris, tour à tour, dans des circonstances différentes à chaque fois. Une disparition sans plus d’explication, un glowstick rendant fou et conduisant à la déchéance, une plante qui venait mordre et découper.
    Lui qui n’avait jamais pensé assurer une descendance avait finalement vu sa lignée s’éteindre sous ses yeux, ne laissant en ces terres plus aucun porteur de son sang. Ce n’est pas comme s’il tenait absolument à laisser une trace de sa lignée derrière lui. De cette chose futile, il n’en avait cure, il n’avait fait des enfants dans l’unique but de poursuivre une lignée sans moindre importance. Si ça n’avait tenu qu’à ça, il serait parti trouver une louve, pour refaire son affaire. Mais il n’était pas comme ça.
    Il aurait pu éprouver aussi un certain regret pour le dernier né de ses enfants. Cet enfant qu’il avait rejeté, qu’il avait refusé de prendre avec lui par soucis de postérité, ne concevant pas de le voir devenir solitaire alors qu’il n’aurait su seul se débrouiller. Finalement, il aurait sans doute vécu plus longtemps, s’il avait accepté sa proposition et prit à ses côtés. Aussi avait-il creusé sa tombe, à côté de celle qu’il se réservait. Au moins se retrouveraient-ils ensemble à leur toute fin, si on acceptait ce fait en les plaçant ensuite dans ce trou creusé de ses pattes, qui avait cassé ses griffes.
    Une seule chose, qu’il pouvait retenir de ses enfants à ce jour.
    L’amour avait été la raison de la naissance de ces trois individus.
    L’amour avait en parti était la raison de leur fin, aussi.

    Il y avait eu Carmen, Alcharos et Ieno.
    Dans un classement, du plus au moins méritant, il aurait procédé de la sorte, pour classer ses trois apprentis, ces jeunes loups à qui il avait eu l’occasion d’enseigner l’art de traquer et d’attraper une proie.
    D’abord Carmen. Sa première apprentie, celle qui l’avait initiée au rang de mentor en même temps qu’il l’avait formé à devenir chasseuse. Elle fut son apprentie la plus dévouée. Elle fut aussi sa favorite, peut-être du fait qu’il s’agissait de la fille d’Hylda, ce qui forcément jouait en sa faveur. Mais pas que. Elle possédait une force de caractère et des compétences exemplaires. Mais, tout comme lui, elle s’était vu priver d’une patte, et sa brillante carrière de chasseuse s’était bien prématurément achevé.
    Ensuite, Ieno, son troisième et dernier apprenti. Un peu suceur sur les bords, il avait été avec lui, et sûrement plus intéressé par son rang de Bêta que de chasseur. Mais il avait daigné apprendre d’une façon assidue ce qu’il avait bien pu lui enseigner, c’était même avéré être un chasseur plutôt correct. Ça lui avait fait un peu mal au cœur, d’apprendre qu’il aurait emporté avant lui sa crête bouclée dans la tombe, rejoignant son fils cadet avec qui il avait établi une relation qu’il n’aurait pu contester.
    Venait enfin Alcharos, deuxième apprenti, louveteau avec qui il n’avait su faire grand-chose, un peu étrange et dérangé qu’il était. C’était celui avec lequel il avait tissé le moins de liens, si ce n’est pas du tout au final.

    Et en dehors de ces rencontres un peu plus importantes, de nombreuses autres bien plus futiles. Des loups rencontrés une fois, des loups oubliés au fur et à mesure des années, des loups pour qui il n’avait jamais éprouvé grand-chose.
    Il y avait aussi, en dehors d’Abel et de Raw, ces deux autres loups qu’il avait tués. Un solitaire, dans la conquête du nasrin, achevé sous ses crocs. Puis Papol, le Precursor. Il n’eut pour ces morts pas le moindre regret.
    Caïn ne regrettait rien, de toute façon. Ni ses erreurs, ni ses meurtres. Rien. Il partait le cœur vide, sans culpabilité ni fardeau à supporter. Il était blasé, il était amer, d’attendre ce moment fatidique, cette date inscrite d’avance. Il ne pouvait vivre plus longtemps, soulignait le créateur. Tels étaient les lois régissant leur existence à tous.
    On naissait, et on finissait par mourir pour laisser place à la nouvelle génération de sa lignée. Lui mourait avant la dernière de sa lignée, dans une cinglante ironie. Ça aurait presque pu en être amusant. Un sourire quelque peu goguenard, de ceux qu’on lui connaissait si bien, s’étira sur ses babines.
    Au moins n’aurait-il pas eu à supporter des louveteaux issus de son sang. Tout comme il n’aurait plus à supporter la faim, la douleur, le sommeil, le froid ou la soif.

    Ne lui restait que le poids des années, à se faire encore ressentir dans ses articulations fatiguées.
    Ce poids qui venait se faire plus léger, qui lui sentait ne plus sentir, jusqu’à ce qu’il ne puisse même plus sentir ses pattes se poser dans les feuilles gelées de ce bois.
    A la place exacte où un petit louveteau gris marqué d’un Sale Gosse avait été jadis trouvé, un vieux mâle au motif de Vieux Con s’effondra, dans ce qui semblait avoir été il y a bien longtemps une petite clairière.
    En un dernier souffle, Caïn ne fut plus qu’un souvenir.

    Caïn était mort.

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