Low on self-esteem | Ft. Athelstan

Callisto n'aimait pas sa nouvelle meute. Callisto n'aimait aucune des meutes. Callisto voulait retrouver ses Brethens, sa famille.
La nouvelle herboriste ne parlait à personne pour l'instant, se contentent de ramasser des herbes et de soigner les blessure silencieusement. Sa meilleure amie était devenue alpha de la meute opposée et n'aurait probablement plus jamais aucune considération envers elle. Elle ne connaissait qu'une faible poignée de gens chez les Lazulis et elle n'était proche de personne. La seule louve à laquelle elle se rattachait était sa sœur, Joëlle, le reste elle l'ignorait.
Ces meutes étaient horribles, elle les haïssait ! La petite astronome qui était avant tout ça une louve aimable et souriante devra attendre un moment avant de se remettre des événements et redevenir la louve amicale qu'elle était. En plus, tous le monde allait effacer le passé, laver à tout jamais la mémoire de son père pour le plonger dans l'oubli comme si les paroles de Dieux qui avaient au passage détruit leur monde valait plus qu'un loup qui avait consacré sa vie à sa meute.

Elle donna un violent coup sur une pierre écroulée, faisant voler en éclat ses griffes fragiles. Elle était faible en plus de ça ! Elle se détestait...
Callisto était venu ici pour trouver des plantes et s'éloigner un peu de tous. Elle ne voulait voir personne, elle n'acceptait que la présence de sa sœur. Fouinant à travers les rocher nerveusement pour trouver des remèdes, elle se calma peu à peu jusqu'à ce qu'un bruit de griffe sur les rocher lui fit remuer une oreille. Un grognement commençait à grandir dans sa gorge.

"Qui que vous soyez, laissez moi tranquille !"

Elle n'avait même pas prit le temps de se retourner mais elle resta sur place, s'asseyant sur le rocher, fouillant dans l'herbe qui dépassait pour voir si elle trouvait quelque chose d’intéressant. A force de marcher sur ces rochers, ses pattes arrières commençaient à lui faire mal.

Alors que le temps était au doute pour un grand nombre de ses congénères, Athelstan avait eu la chance de faire partie de ces loups qui n'avaient pas eu une seule hésitation quant au choix de leur nouvelle meute. Il ne possédait pas encore de glowstick, pas d'attache divine qui le contraignait donc d'un bord ou de l'autre. Et même si la constatation pouvait sembler cruelle, il avait toujours été plus proche de sa soeur Elaine que d'Anastasia. Il voyait en la première un être plus sensible que la seconde. Il ne faisait aucun doute qu'Anastasia serait une meneuse de caractère. Son instinct chevaleresque l'avait donc poussé vers Elaine, dans une sorte d'instinct de protection. Certes, la complicité qu'il y avait entre eux avait largement fait pencher la balance en sa faveur, mais il avait tout de même réfléchi un peu. Il s'était exhorté à un peu de patience avant de courir vers les Etelkrus. Et il en avait conclu que si l'une de ses deux soeurs de portée avaient besoin de protection, ce n'était pas Anastasia. Il avait donc rejoint sans culpabilité ni regrets les rangs des Etelkrus.

Il faisait partie de cette génération qui avait toujours vécu sous le joug des Precursors. Depuis sa naissance, on l'inondait de conseils de prudence, on le protégeait presque à outrance. Il avait toujours vécu avec cette espèce de tension dans l'air et cette inquiétude dans les regards. Maintenant qu'ils en étaient libérés, il avait l'impression de pouvoir respirer d'avantage, d'être libéré d'un poids dont il n'avait jamais été conscient, mais dont il ressentait l'absence avec joie. Le renouveau du monde n'était pas pour lui un fléau autant qu'elle l'était pour d'autres, non. Il se sentait faire véritablement partie de l'avenir qui se dessinait, lui et tous ceux de sa génération. Ils représentaient l'avenir de Punk-Wolf, après tout. Ceux qui construiraient le monde futur.

Les terres avaient beaucoup changé, lui avait-on dit. Pris de curiosité, il avait profité de l'effervescence des premiers jours pour s'éclipser et faire un tour parmi les terres de sa meute, puis avait poussé jusqu'aux terres libres. Il voulait connaître chaque parcelle de ce monde.
Ce fut donc légèrement essoufflé mais le regard brillant qu'il parvint aux Monts Célestes. L'ascension ne l'effrayait pas. Il était jeune, il était entraîné. Il s'engagea donc sur un étroit sentier avec entrain. En quelques instants, le sentier se réduit et il se retrouva à progresser presque à même les pierres éboulées. Crapahutant face au vent, il parvint au bout d'un long moment dans une sorte de cirque de pierre abrité des plus fortes bourrasques. Quelle ne fut pas sa surprise d'y sentir une odeur familière. Il s'arrêta, les oreilles pointées vers l'avant, et balaya les alentours de ses prunelles vairons. Il ne lui fallut qu'un instant pour distinguer non loin la silhouette familière de Callisto, la fille d'Esterno. La joie de cette vision fut de courte durée et rapidement estompée par les paroles acides qu'elle lui lança. Surpris, le mâle tiqua.

Il s'approcha d'un pas mesuré alors que la louve s'asseyait dos à lui. Ce comportement ne ressemblait en rien au souvenir de la louve délicate et souriante qu'il avait. Une lueur inquiète s'éveilla dans son regard, et il s'arrêta à quelques pas, respectant l'espace privé de la jeune louve.

"Callisto ?" Lança-t-il doucement. "C'est moi, Athelstan. Ca ne va pas ?"

Une odeur familière arriva près d'elle alors que l'inconnu semblait s'approcher. Non, pas familière comme un loup Lazuli, familière comme un loup Brethen. Les odeurs des anciennes meutes étaient encore gravées dans sa mémoire olfactive et Callisto avait toujours un peu de mal avec les odeurs de sa meute. En tout cas, celle-ci avait capté son attention. Elle se retourna lentement en entendant une voix plus familière encore, découvrant bien Athelstan, le frère de fratrie de Elaine. Bien sûr, elle savait que ce dernier avait rejoint la meute opposée pour suivre sa sœur, c'était une évidence, bien qu'il devait avoir de la famille de l'autre côté également, les deux sœurs étant alphas.

"Oh, Athelstan... Désolée je ne t'avais pas reconnu."

Elle n'avait jamais vraiment été très proche de lui et elle ne lui avait jamais vraiment adressé la parole en réalité. Elle était amie avec sa sœur bien sûr, c'est surtout comme ça qu'elle l'a connu. Malgré tout, le fait qu'ils étaient autrefois Brethen lui suffisait à se montrer moins froide. Elle retrouvait en n'importe quel ex-Brethen un part de chaleur qui lui rappelait tous les bons moments passés au sein de la meute avant tout ça.
Avant que tout bascule.

"Ça va ça va c'est juste... Tout ce qu'il se passe en ce moment c'est... C'est compliqué..."

Elle se leva, regardant ses pattes. Elle ne pouvait pas décrire mieux ce qui n'allait pas puisqu'il y avait beaucoup de facteurs,
mais il était évident que les changements de meutes en était le principal facteur. Peu importe, qu'elle profite de cet instant pour oublier un peu tout ça, tant qu'elle était sur les terres libres et qu'elle pouvait discuter tranquillement avec les loups de la meute opposée qui était Brethen comme elle avant.

"Tu veux m'aider à trouver des herbes ? Je ne suis pas vraiment venue dans le meilleur endroit au monde pour ça mais parfois on est surprit en regardant entre les rochers !"

Elle eut un petit rire nerveux et recommença se fouille comme si de rien n'était, ignorant l'origine Etelkru de Athelstan.

Le jeune loup adressa un sourire chaleureux à Callisto, lui indiquant d’un signe de la tête qu’il ne lui en voulait absolument pas. Après tout, le temps étaient troublés et étranges. Tous avaient perdu leurs repères et le vivaient plus ou moins bien. De toute évidence, la fille de feu Esterno n’était pas de ceux pour qui le changement avait été facile. Il en venait presque à s’en vouloir que les choses aient été pour lui si chargées de positivisme et de perspectives d’avenir.

"Oui, je comprends." Répondit-il en s’approchant de quelques pas, certain désormais qu’elle ne se jetterait pas sur lui. "J’ai appris pour ton père, je suis vraiment désolé. C’était un grand chef, et grâce à lui l’histoire n’oubliera jamais les Brethens."

C’était Méléagant qui leur avait rapporté la triste nouvelle du départ d’Esterno, très peu de temps après l’installation des nouvelles meutes. Malgré l’apparente solidité de son père, Athelstan avait bien vu à quel point la disparition de leur ancien chef l’avait ébranlé. Après tout, il avait été le loup qui leur avait accordé une confiance totale pour redresser la meute des Brethens et les tirer de l’oubli. Athelstan ne l’avait connu que de loin, comme un jeune loup connaît le dominant de sa meute, mais tous le décrivaient comme un meneur sage et respectable. Le Chevalier noir n’avait sans doute pas été le seul à pleurer son camarade défunt ce jour-là.

Athelstan s’apprêtait à répondre par le positif à son ancienne camarade lorsqu’elle eut cet éclat de rire qui n’avait rien de bien naturel. Les mots restèrent suspendus à ses babines entrouvertes, et il se contenta de jeter un regard plus appuyé à Callisto. Elle avait été relativement honnête avec lui en lui avouant d’une manière biaisée que ça n’allait pas tant que cela, mais la situation lui apparut soudain bien plus préoccupante qu’un simple « ça n’a pas l’air d’aller ». Et son penchant naturel pour l’empathie l’incita à creuser un peu plus le sujet, dans les limites du respectable.

Il s’approcha d’elle d’un pas mesuré.

"Oui, bien-sûr, aucun problème." Répondit-il avec un nouveau sourire amical.

Il hésita un instant, son regard vairon divaguant entre les rochers comme pour en chercher des remèdes, puis ramena ses prunelles bicolores sur la jeune louve et dit avec délicatesse :

"Je n’ai pas l’impression que tu ailles fort, et je m’en inquiète. Je comprends tout à fait que tu préfères garder certaines choses pour toi mais… si jamais tu veux en parler, je t’écouterai."

Il frôla son épaule de son museau dans un geste amical, et se mit cette fois-ci véritablement à l’ouvrage. Il avait une formation extrêmement sommaire dans les domaines de la guérison – seulement quelques vagues notions qu’il avait chipées à sa mère – aussi sa recherche était-elle un peu au petit bonheur de la chance.

Elle gratta entre les rocher effondrés, tirant les quelques herbes qui dépassaient d'en dessous.
Ses gestes étaient monotones et son regard semblait perdu entre la pierre, pourtant elle n'avait pas oublié l'Etelkru derrière elle même si la voix du mâle sonnait comme un simple écho derrière elle. Elle l'entendait sans vraiment l'écouter, ne vougeant pas une oreille, continuant ses recherches. Puis il s'interrogea sur son état, pas étonnant mais tout de même aimable de sa part de s'inquiéter. Callisto s'arrêta alors un instant, un nouveau léger rire nerveux traversant sa gorge, puis elle se tourna vers le mâle au long cheveux noir.

"C'est gentil de ta part Athelstan, vraiment, mais à force je ne sais pas si en parler m'aide vraiment ou non..."

Elle jeta un coup d’œil à ses pattes, grattant doucement la roche. Elle devait accepter que seul le temps pourrait réellement penser ses blessures, rien d'autre. Au fond, c'était une épreuve difficile à traverser, mais elle espérait voir rapidement arriver ce moment où elle sera guérie. Ce moment où elle sera de nouveau comme avant, le passé derrière elle, et où elle pourra s'occuper de sa meute comme une guérisseuse et herboriste digne de ce nom. Elle ne souhaitait pas oublier, non, elle souhaitait juste guérir en apprenant à vivre avec le passé.
Elle leva alors de nouveau les yeux vers Athelstan.

"Je pense que seul le temps pourra réellement me faire du bien..."

Faisant volte-face, elle s'est remise à fouiller entre les rochers. Elle trouvait en lui des ressemblances avec sa soeur Elaine,
les deux étant des loups bienveillant envers leurs semblables. On voyait qu'ils étaient de la même portée et surtout qu'ils ont été élevés sous les mêmes valeurs. C'était une qualité non négligeable et très important au sein d'une meute, Callisto ne pouvait le nier. Athelstan aussi bien qu'Elaine contribuera sûrement beaucoup aux Etelrkus à l'avenir.

"Et toi ? Comment te portes-tu depuis les grands changements ?" demanda-t-elle, toujours le dos à moitié tourné.

Parce qu'elle aussi, elle possédait cette qualité de bienveillance, bien qu'elle ne soit pas mise en avant avec les évènements récents...

Athelstan accueillit sans broncher le refus poli de la jeune louve, bien qu'une partie de son coeur se serrât à la vue du malheur dans lequel elle semblait plongée. Il avait été élevé à protéger les loups de sa meute et à veiller sur eux, bien qu'il n'ait jamais été destiné à succéder à son père - il n'en était pas ainsi dans les coutumes Brethens - mais sa jeunesse n'avait jamais encore goûté l'amertume de l'impuissance. C'était pourtant une part des plus importantes, hélas, lorsque l'on tentait de sauver d'autres âmes que la sienne. En cet instant, il se sentit impuissant à soulager la douleur intérieure que portait Callisto. Peut-être était-ce simplement car, même si elle ne lui avait pas dit clairement et avait eu de très gentils mots à son égard, il n'était pas en mesure de comprendre. Il avait su, d'une certaine manière, prendre le courant dans le bon sens et retomber sur ses pattes dans ce nouveau monde. Il était conscient que ce n'était pas le cas de tous - l'image de ses parents traversa son esprit à cette pensée. Il se demanda brièvement s'ils lui en voulaient d'avoir choisi si vite, sans montrer le désespoir qu'ils semblaient afficher désormais. Il se demanda également ce qui se passerait lorsqu'il reverrait Anastasia - car il était certain de la revoir, désirait la revoir, il éprouvait tout de même pour elle un profond attachement. Derrière le froid visage qu'elle affichait se ruminait-elle déjà la rancoeur d'une trahison ?

Son regard suivit la silhouette de Callisto lorsqu'elle fit volte-face pour reprendre sa tâche. Il fit quelques pas de côté et se mit à chercher dans son coin, ne désirant pas empiéter sur l'espace personnelle de la jeune louve alors qu'elle venait de le repousser, certes avec toutes les formes, mais bel et bien. Cela aurait été, jugeait-il, de la plus grande maladresse. Un cou de chance fabuleux fit qu'il tomba sur un bouquet de feuilles vertes au détour d'un rocher fissuré dont l'apparence lui était familière. Il mit quelques instants à remettre un nom sur cette plante : du plantain. Il n'avait plus en tête le détail de ses propriétés mais quelque-chose comme antiseptique lui revint à l'esprit en une quasi-certitude, aussi arracha-t-il avec délicatesse une partie du pied de plantes pour venir le poser non loin de Callisto. Au même instant, elle s'enquit elle aussi de son état à lui, comme pour changer l'orientation de leur conversation - ou peut-être simplement par pure gentillesse.

Il tourna la tête vers elle et, après un instant, répondit :

"Je ne peux pas en dire autant pour ma famille, mais... je vais bien, je crois."

Il eut un haussement d'épaules machinal, sans réaliser qu'elle ne le voyait de toute façon pas.

"Le prix à payer a été bien élevé, mais désormais nous pouvons dormir sur nos deux oreilles." Continua-t-il en reprenant son observation des rochers.