Accompagnement | Mildred, Athelstan

Après avoir montré les quartiers où elle dormirait, Anette s'attela après avoir laissé Godric, à montrer un peu des coins les plus proches à Mildred. Ainsi, si elle décidait de filer elle pourrait retrouver son chemin. L'Alpha l'anticipait relativement, elle avait déjà quelques mois et, elle avait l'impression, un caractère relativement affirmé. Sans trop rien montré de ces pensées, elle désigna l'endroit qui n'était encore qu'une pâle version de lui-même. L'herbe ne serait rouge que quand viendrait l'été.

"La Rougelande, à l'est du Grand Castel donc. Facile de repérer le chemin pour rentrer, tant c'est dégagé."

Elle n'avait pas envie de trop faire le guide touristique non plus, alors ce ne serait que quelques informations glissées innocemment au vu de ses conclusions. Elle dressa les oreilles en observant les alentours. Elle se surpris à trouver là un vénérable membre de la meute. La tête de l'Alpha se tourna, la curiosité l'emportant sur sa tenue impassible. Elle réfléchit un instant et fit un lien.

"Si je ne me trompe pas, voici ton oncle, Athelstan. Le frère de Gloriel. Tu as aussi une tante, Korra ? Elaine était parmi-nous également." Elle eu une pause. "Tu devrais lui parler, je pense qu'il peut t'apprendre beaucoup de choses."

Le ton de la suggestion fut un peu pressant, et l'Alpha s'approcha d'Athelstan avec rapidité. Elle présenta rapidement les deux.

"Sir Athelstan, j'aimerais vous faire rencontrer la jeune dame Mildred. Une enfant de Gloriel qui a été trouvée sur nos terres. Je suis certaine que vous pourrez lui montrer l'endroit et parler de votre famille."

Et l'Alpha pourtant si large se fit petite souris, ne laissant pas trop de temps de réflexion au grand chevalier pour s'éclipser. Un véritable courant d'air.

Elle était déjà partie, les laissant ensemble.

Mildred suivait de son mieux les grands pas de l’Alpha beige qui la menait un peu partout.
Elle était grande, forte et vigoureuse, et ne s’arrêtait que parfois pour lâcher un bref commentaire que l’adolescente avait à peine temps d’enregistrer avant qu’ils ne repartent. Heureusement pour la petite Lazulis, elle était tout de même bientôt adulte et sa croissance était bientôt terminée. Elle parvenait donc à suivre le rythme soutenu du tour des terres offert par la meneuse, regrettant simplement de ne pas avoir un peu plus d’endurance. Elle s’était longuement entraînée à suivre en catimini les autres loups de son clan pour entraîner sa légèreté après tout, mais ce n’était jamais au pas de course.
Elle regrettait un peu que Godric ait lâché la promenade en cours de route. Elle aurait bien aimé pouvoir se raccrocher à un regard rassurant et très vaguement familier, ne serait-ce que pour se donner un peu de consistance face à cette adulte au regard sombre qui l’impressionnait plutôt pas mal, même si elle ne l’aurait pas admis à voix haute.
Mildred faillit lui emboutir le postérieur quand elle se stoppa net, surplombant une vaste plaine. Elle se rattrapa au dernier moment et suivit le regard de l’Alpha qui se portait vers l’horizon, dressant les oreilles par mimétisme inconscient.

Là dans les herbes hautes se détachait une silhouette assez grande dont elle pouvait distinguer une épaisse chevelure noire.

— Si je ne me trompe pas, voici ton oncle, Athelstan. Le frère de Gloriel. Tu as aussi une tante, Korra ? Elaine était parmi-nous également. Tu devrais lui parler, je pense qu'il peut t'apprendre beaucoup de choses.

Mildred resta interdite un moment mais n’eût pas le temps de s’attarder sur ses pensées que la grande louve filait déjà vers la silhouette esseulée. Elle n’eut pas d’autre choix que de suivre, bondissant cette fois en plus large foulées pour soutenir le rythme de l’adulte qui s’était pratiquement mise à galoper. A croire que la rencontre était pressante !
Arrivées devant celui qu’elle disait être son oncle, l’Alpha fit rapidement les présentations et en moins de temps qu’il ne fallait pour le dire elle disparut de leur petit cercle de conversation intime, filant avec une souplesse étonnante pour sa masse imposante. Mildred l’observa s’éloigner, un léger froncement au museau et une moue dubitative collée sur le visage. Est-ce qu’elle avait cherché à se débarrasser d’elle au plus vite ?
La jeune louve n’eut d’autre choix que de reporter son attention sur son unique interlocuteur toujours silencieux, levant des yeux timides sur sa stature imposante. Et quand elle le regarda attentivement pour la première fois, elle ne put que se rendre à l’évidence que l’Alpha ne faisait pas erreur et que ce loup devait être son oncle. Athelstan. Ce nom résonnait en des consonances familières à ses tympans. Gloriel avait déjà du lui parler de lui.
Ce pelage brun et blanc et ces yeux de glace perçants lui rappelaient sans équivoque la figure de son père, et ce bleu était identique à l’un des deux yeux de la jeune louve dont le regard vairon éclatait de deux couleurs fortes et opposées, fières représentantes de chacun de ses deux parents. Deux contraires qui semblaient refuser de s’assembler.
Mildred dansa légèrement sur ses appuis, mal à l’aise et ne sachant pas tout à fait quoi dire, quoi faire, quoi penser.

Face à n’importe quel autre Etelkru, sa réaction aurait probablement été de l’acabit de ses courtes interactions avec celle qui avait été nommée Joy. Qui s’était également révélée être de sa famille, mais c’était moins important. Effrontée et porteuse d’idées plutôt arrêtées distillées par sa mère, Mildred affrontait les membres de la meute rivale le museau relevé par la fougue et prompte à les juger. Ou du moins, c’est ainsi qu’elle interprétait le déroulé des évènements.
Mais face à cet oncle, tout était différent. Bien que les mots amers d’Anianka flottaient sans relâche dans son esprit malléable, la voix de Gloriel ne s’effaçait pas tout à fait. Il avait toujours parlé avec déférence de son sang et de ses frères. Ils avaient eu aussi du sang noble et de la prestance d’Alphas. Gloriel les respectait, et Mildred ne pouvait se résoudre à piétiner sans remords ce que son père tenait en estime.

Ses griffes fouillèrent pensivement la terre meuble, son regard fila de droite à gauche comme pour chercher quelque chose sur lequel se concentrer, mais elle ne put que revenir sur la croix qui brillait du rouge d’Aka suspendue au poitrail du grand loup.

— Heu... Bonjour.

Elle eut beau essayer, sa langue rose et sèche passa sur ses lèvres noires pour tenter de trouver l’inspiration, mais elle revint à sa place sans savoir sur quoi d’autre lancer une conversation.
Elle se dévissa discrètement le cou pour essayer de voir si peut-être Godric ne serait pas réapparu non loin d’ici pour lui sauver la mise. A deux il était bien plus simple de faire reposer le poids d’une conversation qui s’annonçait si solennelle.

Mais il n’y avait nul part trace de son jeune cousin.

Le tricolore venait de congédier son camarade de patrouille lorsque l'odeur de l'une des Alphas parvint jusqu'à lui. Comme bon nombre de matins, il avait pris la tête de la première expédition de la journée, qui avait été plutôt de bon augure. Pas de traces de solitaires, pas de trouvaille étrange, uniquement les odeurs des Etelkrus partout sur le territoire. De bonnes nouvelles à rapporter au clan, en somme, et il espérait que l'expédition de chasse serait toute aussi fructueuse. Cependant, il ne souhaitait pas retourner au Castel immédiatement, et le loup qui l'accompagnait avait sans rechigner respecté sa volonté. beaucoup le faisaient, compatissaient, essayaient de comprendre. Des émotions puissantes et contradictoires agitaient sans cesse l'esprit du tricolore, bien qu'il fit tout son possible pour les dompter, les apaiser. Il oscillait entre la tristesse profonde qui continuait à l'habiter par instant, lorsque le visage de sa douce Lucie refaisait soudain surface dans son esprit, la culpabilité quant à l'aventure qu'il avait eue avec Nachos, la pensée presque revêche qu'il ne devait pas se sentir coupable, la haie qu'il éprouvait à l'égard de Jaxx et la gratitude qu'il pouvait s'empêcher de s'en mêler car il avait tout de même ramené son enfant à la meute. Un cocktail instable, difficile à maîtriser, qu'il n'aimait pas du tout.

Il contemplait sans mot dire la silhouette de son camarade quand Annette fit irruption dans le flot de pensées moroses qui l'habitait, et qu'il s'efforçait de concentrer sur sa tâche actuelle. Patrouiller le territoire. Organiser les expéditions. Veiller sur les siens. Il se retourna aussitôt, redressa les oreilles, et fit de son mieux pour afficher une mine neutre. Joyeuse était encore un peu trop demander. Il salua d'un mouvement ample de la tête la meneuse, et ponctua sa salutation par un simple :

"Apha Annette."

Il l'écouta ensuite avec attention, alors que son regard quittait la louve massive pour se poser sur la petite silhouette à ses côtés. Son museau frémit de surprise lorsqu'Annette la présenta. La fille de Gloriel ? Ici ? Son frère avait choisi de rallier les Lazulis lors de la scission de leur famille, et il n'avait que très peu de nouvelles de ce qu'il était advenu. Il savait qu'il avait été nommé Alpha - un autre alpha dans leur famille, leur parents devaient être particulièrement fiers - aux côtés d'un dénommé Astaroth - il retint un frisson à la pensée de ce nom, qui ne lui inspirait aucune sympathie - mais ignorait tout de ce qu'il était devenu de manière plus personnelle. Visiblement, il avait trouvé une compagne, d'un soir ou d'une vie, puisqu'il en était ressorti cette petite. Ses oreilles tressaillirent lorsqu'en la détaillant ils 'arrêta sur sa chevelure rouge. Certes, ce n'était pas un critère très précis pour reconnaître l'ascendance de quelqu'un, mais il devait bien avouer que cela lui rappelait fâcheusement ces enfants illégitimes que la prêtresse de Kiro avait eus, bien des années auparavant. Il avait recroisé Anianka sur les terres Etelkrus, mais ignorait complètement ce que les deux avaient bien pu choisir comme chemin. L'une d'elle pouvait-elle être la mère de cette enfant ?

Il jugea impoli de demander de front et garda la question pour lui, tandis qu'Annette s'esquivait en lui confiant la mission de présenter un peu le territoire à la jeune louve, ainsi que de... parler de sa famille. Un sujet un peu délicat s'il en était ces derniers temps. Quoi que cela dépendait de quelle branche de la famille elle voulait parler, naturellement. La dénommée Mildred lui lança un petit bonjour bref, sans trop savoir que faire de sa langue et de ses quatre pattes, fixant nerveusement le médaillon suspendu à son poitrail. Ce serait donc lui qui lancerait leur conversation.

"Enchanté, jeune Dame Mildred." Répondit-il en lui adressant également un signe de tête poli. "Je suis heureux de te rencontre. J'ignorais que Gloriel connaissait les joies de la paternité."

Il se demanda - une des rares pensées amusées qui parvenaient à passer la barrière d'épines d'émotions négatives de son esprit - si cette enfant s'était montrée si insupportable pour qu'Annette ait voulu s'en débarrasser ainsi, ou si leur alpha avait simplement... du mal avec les enfants.

"Veux-tu marcher un peu à mes côtés ? Je peux achever ma patrouille en ta compagine."

Il l'invita à prendre un pas tranquille en direction du Nord.

"Je suppose qu'on t'a déjà posé la question plusieurs fois, mais... puis-je te demander comment tu es arrivée ici ?"

Il n'était bien-sûr pas sans savoir qu'un dôme verdâtre avait recouvert l'entièreté des terres Lazulis depuis quelques temps, et qu'il était apparemment infranchissable. Or, l'odeur que portait le pelage de cette enfant ne pouvait tromper personne.

Ses oreilles se redressèrent et elle posa son regard vairon sur le grand mâle quand celui-ci répondit à sa salutation d'une voix profonde et posée.

— Enchanté, jeune Dame Mildred. Je suis heureux de te rencontrer. J'ignorais que Gloriel connaissait les joies de la paternité.

Mildred faillit laisser un grognement mi-amusé mi-agacé s'échapper à sa remarque mais le garda bien pour elle en serrant les crocs. Elle aimait son père, mais elle ne pensait pas que la joie fut ce que Gloriel retirait en priorité de la paternité, lui qui avait été grandement absent dans leur enfance et leur éducation. Elle ne lui en voulait pas. La présence de sa mère avait on ne peut plus comblé ses besoins, et elle avait bien vite compris qu'ils ne formaient pas une réelle famille sous l'étendard du modèle standard de la mère et du père s'aimant à en mourir, mais qu'ils étaient davantage les fruits de deux loups de pouvoir ayant vu le potentiel de l'un et de l'autre. Ou peut-être Gloriel avait-il espéré un peu plus de la part d'Anianka en tombant pour ses charmes.
Pour autant, ce n'était pas sa haute figure sombre qu'ils avaient eu pour modèle, et rares furent ses visites à l'Île aux Roses.
Elle n'avait pas à s'en plaindre pour autant - elle se savait aimée et avait maintenu des bons termes avec son père qu'elle aimait en retour.
Et bien qu'elle n'en sache pour le moment rien en son statut de jeune arrivée, Mildred aurait été d'autant plus amusée de savoir, comme elle allait l'apprendre des lèvres de Godric dans le futur, qu'Athelstan lui-même était loin d'être un modèle de paternité et qu'il ne paraissait pas non plus y puiser de la joie malgré les belles phrases qu'il tournait savamment.

— Veux-tu marcher un peu à mes côtés ? Je peux achever ma patrouille en ta compagnie.

L'adolescente haussa mollement les épaules, emboîtant finalement le pas à son oncle pour marcher non loin de ses flancs, légèrement en retrait pour pouvoir l'observer sans avoir à se dévisser la tête. Elle prenait déjà peu à peu en confiance face à lui qui malgré son allure imposante parlait d'une voix chaude et ne semblait pas cacher de mauvais sentiments à son égard. Pour le moment.
Il lui posa la question qui déjà avait animé Joy et qui se formerait sans aucun doute en bien d'autres esprits lorsque la nouvelle de sa présence en ces terres se répandrait dans leur clan. La question à laquelle elle-même n'était pas sûre de pouvoir répondre clairement et dont elle avait refusé de fournir le moindre élément face à celle qui s'était révélée être sa tante. Mais face à Athelstan, le frère respecté de son père... La farouche envie de brouiller les pistes se faisait bien moins pressante et le climat intimiste de discussion qui venait tout juste de s'établir chassa temporairement son caractère revêche. Le poids de ce qu'elle était en train de vivre tombait peu à peu sur ses épaules avec une certaine lourdeur, elle réalisait encore avec peine qu'elle ne savait pas quand elle pourrait revoir sa famille, et cette figure si proche de celle de Gloriel était pour le moment ce qu'elle avait de plus familier pour se raccrocher et ne pas avoir l'impression de sombrer dans un vaste océan de solitude et d'inconnues.

— Je suis pas tout à fait sûre. J'ai trouvé une pierre dans les bois... Et l'instant d'après j'étais sur la plage, à l'extérieur du dôme.

Sa voix ne porta pas très loin, légèrement tremblante sur les dernières syllabes, sa tête rentrant légèrement dans ses épaules. S'entendre le dire, raconter ce qu'il s'était passé lui rappelait à quel point les évènements semblaient absurdes... Et à quel point repasser la frontière dans l'autre sens serait chose impossible.

Elle avait haussé les épaules et l'avait suivi sans rechigner. D'un autre côté, il ne savait pas exactement comment il aurait réagi si elle s'était directement opposée à lui en refusant, aussi était-il ravi qu'elle n'en aie rien fait. Ils marchèrent un instant avant qu'elle ne réponse à sa question. Un regard en coin - elle progressait un peu en retrait - lui indiqua que sa question avait peut-être était trop précoce, trop invasive. La voix qui lui répondit était faible, et il la vit se ramasser légèrement sur elle-même alors qu'elle parlait. Le coeur du Chevalier se serra à cette image, et il fut saisi d'une pointe de culpabilité. Les événements devaient avoir été réellement éprouvant, d'autant qu'elle ne paraissait pas bien âgée. Ainsi donc, elle s'était simplement retrouvée transportée sur la plage, sans autre forme de procès. La seule explication qu'il pouvait y voir impliquait l'intervention d'une divinité... Mais pourquoi faire cela ? Pourquoi arracher une petite louve à sa famille, à ses terres, sans lui laisser la possibilité de prendre le chemin du retour, sans autre choix que de demande l'asile à d'illustres inconnus - c'était une chance qu'elle aie du sang en commun avec certains d'entre eux.

"Je suis réellement désolé pour toi. Être séparé de sa famille, c'est chose que personne ne devrait avoir à subir contre son gré." Répondit-il doucement. "As-tu été bien accueillie ici ?"

Au vu de son jeune âge et de cette persistante lumière verte dans le ciel, il y avait fort à parier qu'elle passerait les prochaines lunes à leurs côtés. Ils ne pourraient jamais remplacer la famille avec laquelle elle avait été élevée, mais ils pouvaient veiller sur elle, la nourrir, la loger, lui apprendre les choses que l'on apprenait aux jeunes loups - à chasser, à se battre, à réfléchir en adulte - jusqu'à ce qu'elle puisse retrouver son père et sa mère pour reprendre le cours de sa vie. A cet instant, ils étaient tous les deux loin de se douter que cette hébergement durerait bien plus longtemps qu'ils ne croiraient, que les Lazulis resteraient en fermés sous le dôme très longtemps avant qu'il ne cède, et que bien des choses se produiraient avant. Elle devait sans doute espérer qu'une solution soit trouvée dans les jours ou les semaines à venir. Quant à lui, il voyait se dessiner une occasion de revoir son fraternel, lorsqu'il faudrait ramener Mildred chez elle.

La voix douce du grand mâle lui répondit, chargée de compassion. Ses oreilles se redressèrent un peu et elle leva de nouveau les yeux vers son visage encadré d'une épaisse chevelure noire. Tout le contraire de Gloriel, pourtant il lui ressemblait tellement, en un sens. Ses mots étaient similaires, portaient la même énergie - elle pouvait imaginer son père les prononcer eût la situation été similaire dans l'autre sens, de celle d'un jeune arrivant de leur côté du dôme.
Elle avait ici chez les Etelkrus la chance de partager de nombreux liens familiaux avec des membres apparemment haut placés, mais quelque chose lui disait que comme l'aurait probablement fait Gloriel, Athelstan n'aurait pas eu besoin de tant pour accepter l'asile d'un jeune adolescent.

— Je suis tombée sur Godric et Joy à la plage. C'est eux qui m'ont ramenée.

Elle gardait bien évidemment un souvenir tout à fait différent des deux loups. Si Godric, à peine plus jeune qu'elle, avait immédiatement montré de la sympathie et de la curiosité à son égard, ça n'avait pas été le cas de Joy qui n'aurait probablement pris la décision de la ramener au Castel si elle n'avait pas annoncé une famille qui s'était avérée être en partie la sienne - et encore, c'était visiblement surtout pour s'assurer qu'elle disait vrai et par curiosité pour sa mère que par charité.
Autant dire qu'il avait été cocasse de tomber sur deux membres relativement proches de sa famille dès sa sortie du dôme, l'une étant sa tante du côté maternel, l'autre un cousin depuis son paternel. Et elle avait cru comprendre que l'étendue de ses liens au sein des Etelkrus était encore plus vaste qu'elle ne l'aurait soupçonné de prime abord lors de ce jour passé auprès de Gloriel au temple d'Ao - un moment pas si lointain qui paraissait pourtant appartenir à un passé désormais inaccessible, barré par cette frontière divine.

— Est-ce que... J'ai beaucoup de famille ici, en plus d'eux et de vous ?

Elle se demandait combien de loups partageant son sang elle serait amenée à croiser lors de sa présence ici.
Et combien d'entre eux rentreraient dans l'idée qu'elle s'était faite des Etelkrus tels que décrits par sa mère, ou s'ils seraient plus proches de la lumière plus noble dans laquelle les baignait Gloriel.

L'oreille du mâle qui était du côté de la jeune louve tressaillit lorsqu'elle évoqua deux noms bien familiers, et il eut un hochement de tête. C'était sans doute une chance qu'elle fût tombée sur eux. Joy était certes d'un fort tempérament, mais une guerrière émérite du clan, et il avait entendu dire que Godric était un enfant prometteur - et cela avait sans doute été une bonne chose pour elle de tomber sur quelqu'un d'à peu près son âge. Elle ne nia pas ses propos, et ne les confirma pas non plus. Mais il n'insista pas. Peu-être n'avait-elle pas envie de prolonger la conversation à propos de cet événement potentiellement traumatique. Ce fut elle qui relança d'ailleurs la conversation dans l'autre sens en lui posant des question de leur famille commune. Visiblement, elle était déjà parfaitement au courant que Godric et Joy partageaient son sang. Mais ils étaient loin d'être les seuls en effet.

"Très certainement." Répondit-il doucement. "Le jeune sire Godric, comme tu le sais, est mon fils. Il a trois frères et soeurs, la jeune dame Helga, le jeune sire Salazar et la jeune dame Rowena."

Il s'efforça de ne marquer aucune hésitation, aucun changement de ton sur le dernier patronyme, bien qu'une ombre passât dans son regard, presque imperceptible pour qui ne l'observerait pas très attentivement. La petite louve qui leur était revenue, portrait craché de sa jumelle, avait bien des liens de sang avec eux. En revanche, pour ce qui était du reste... Il n'avait pas eu d'échos très positifs d'Annette, et espérait en avoir d'avantage dans le futur de Lymphalème, puisqu'elle lui avait été confié. Lui-même n'était pas encore prêt à avoir une relation normale avec ses enfants, l'image de sa douce ne cessant de resurgir lorsqu'il les regardait, alors s'occuper d'une jeune qui nécessiterait bien plus d'attention lui paraissait une tâche véritablement insurmontable. Il se sentait lâche, mais expierait seul cette faute.

"Tu rencontreras également ma jeune soeur, Dame Korra, son compagnon Sire Geb, un guerrier fameux de notre clan, ainsi leurs enfants, sire Thalion, dame Nott, sire Horus et dame Sokaris." Il hésita un instant, puis précisa presque au hasard : "Dame Nott notamment est Panseuse."

Leur famille était peut-être plus nombreuse que ce à quoi elle s'était attendue en posant la question, et il se rendait compte que cette avalanche de prénoms ne lui serait pas d'une grande utilité - à moins qu'elle ne possède une mémoire éléphantesque - sans quelques repères de plus. Il secoua la tête et continua :

"Ma soeur Dame Elaine fut Alpha Etelkrus lors de leur création. Elle est aujourd'hui en retraite, pleurant feu Sire Ezekhiel et qui fut son compagnon, et veillant sur leurs deux enfants, la jeune Dame Ezel et le jeune sire Jagger."

Il eut l'ombre d'un sourire en concluant :

"Le sang que nous avons en commun est partagé par moult membres de ce clan. Tu y trouveras une famille si tu le souhaites. Egalement auprès de ceux qui ne le partagent pas."

Il avait été bien bavard, mais espérait avoir rassasié la curiosité de la jeune louve. Il se fit la réflexion qu'elle aurait sans doute besoin au moins d'un guide pour les premiers temps. Peut-être Godric serait-il plus adapté dans ce rôle que lui - après tout, les comportements paternels ne paraissaient pas être son fort... Ou peut-être était-ce, triste ironie, seulement avec ses propres enfants.

"As-tu des frères et soeurs, jeune Dame ?" Demanda-t-il finalement en reposant le regard sur elle.

L’adolescente dressa les oreilles quand commença l’énumération, accueillant chacun des noms qui y tombaient. D’abord la fratrie de Godric, puis une partie de celle d’Athelstan lui-même et de leurs descendants, et puis… Et puis beaucoup trop de noms.
L’expression de Mildred se mua en un incongru mélange entre la fascination, l’ennui et l’exaspération. Elle savait déjà par son père que leur famille avait un certain palmarès de son côté en plus de celui de sa mère, et se l’entendre confirmer par ce grand loup aux cheveux d’ébène faisait battre son cœur un peu plus fort de se savoir intégrée à une si large et noble famille – mais la liste dressée était longue, si longue qu’elle avait aussi quelque chose d’effrayant.
D’abord parce qu’elle espérait que son oncle ne s’attendait pas à ce qu’elle s’intéresse à chacun d’entre eux, ensuite parce que l’idée qu’un si grand nombre d’Etelkrus partage en fait son sang et ses liens de noblesse apportait une tâche déplaisante au tableau.
La phrase prononcée par son oncle pour conclure sa longue tirade résonna en échos à ses pensées et manqua de lui hérisser le poil, mais elle chassa l’agglomérat ayant commencé à se former dans son esprit d’un geste vigoureux de la tête – juste à temps pour attraper le regard de l’adulte revenu à la rencontre du sien.

— Hum… Oui, j’en ai six.

Elle ne mentionna pas Akira la disparue qui n’aurait pourtant pas dû être comptée, ni ne précisa que l’un parmi ce nombre n’était en réalité qu’un demi-frère et qu’il ne partageait lui aucune parenté avec cette vaste famille Etelkru. Dans son cœur il était tout autant son frère – tout comme Gloriel l’avait adopté en esprit.
Mais surtout, il était un chiffre supplémentaire, tout comme le fantôme pourtant inoffensif de sa soeur. Une information lâchée parmi tant d’autres pour signifier qu’elle n’était pas isolée, loin de là.
Mildred avait déjà une meute au sein de sa famille.