[Clos] Eméritat ✠ Athelstan

Dernière édition par Jolitemps le Mer 04 Sep 2019, 19:39, édité 3 fois

Eméritat

▬ ft. Athelstan

Printemps 2019.
2 ans.

Ses oreilles bougent, mouvement rapides de droite à gauche.
A chacun de vos pas, c'est l'une d'entre elle qui se braque sur vous, lorsque ses yeux restent rivés droit devant elle. Vide, sans émotion, avec ses étoiles d'iris qui ne se modèle que par son espièglerie en ignorant la lumière. Elle vous traque, vous repère.
Et comme vos bruits, les odeurs n'ont de secrets pour elle. C'est ainsi qu'elle se battait, Pepper. Ou plutôt, se protégeait : elle ne serait jamais la première sur le front, c'est quelque chose qui aurait rapidement était compris par vous. Et puis, elle était désormais Alpha, le post de Garde auquel elle avait jusqu'à présent prétendu n'était plus qu'une ambition passée. Voir surpassée.
Une Alpha qui ne savait pas bien se battre, certes, son handicap ne pouvant jouer en sa faveur. Mais une Alpha qui ne se laissait faire pour autant. Elle était celle que l'on ne saurait approcher, celle qui tiendrait bon en attendant l'efficace cavalerie des Etelkrus. Avec ce jeune corps, toujours tendu vers son assaillait. Ses pattes qui se chassent sur le côté, pour la faire tourner sur elle-même et suivre vos déplacements, ceux suivis en permanence par son nez et ses oreilles. La vitesse de la lumière avait beau être nettement supérieure à celle du son, elle était chose peu exploitable en de telles conditions. Si elle captait en retard l'orage, l'incidence était oubliée en une situation comme celle que vous mimiez à présent.

Un dernier mouvement, elle se braque. Envoi ses dents qui claquent dans le vide, face à vous.
A qui oserait l'approcher, elles se planteraient dans la peau.

Un merle chante, elle cessa de se défendre. Ses muscles se détendirent, Pepper redressa son buste. La gueule entrouverte, elle haletait, régulant sa température intérieure. Vous aviez beau vous être entrainé de bon matin, lorsque la fraicheur n'avait encore laissée place à la chaleur de l'été, les efforts avaient rapidement échauffés son corps.
Elle s'ébroua, chassant de son visage quelques gouttes de sueur qui venait coller le poil de sa nuque. Sur ses babines, un sourire satisfait. La jeune louve éprouvait toujours cette même satisfaction à la suite de vos entrainements, un accomplissement personnel. Elle était consciente de ses progrès, de la route faite ensemble. De l'effrontée loupiote qui envoyait les dents en cherchant en permanence l'attaque, elle était devenue louve réfléchie qui jouait sur la défense, compensation d'une faiblesse qu'à jamais elle aurait : celle de ne pouvoir attaquer la première.
Chose qu'elle avait acceptée, on ne pouvait se battre sur tous les terrains.
Pepper s'inclina alors, dans une dernière marque de respect. Air effarouchée sur les babines, paroles pleines d'assurance.

« Sir Athelstan, je vous toucherais la prochaine fois. »

Elle finirait bien par dépasser la défense pour contre-attaquer, un jour. Cette confiance en ce fait ferait sa force lors de votre prochaine séance, celle qu'elle attendait avec autant d'impatience.
Vous souveniez-vous, de l'impétuosité qu'elle avait fait preuve lorsqu'elle avez targué de venir vous trouver chaque jour ? Elle n'avait pas menti, finalement. Elle se n'était jamais démotivé, à l'idée de se lever tôt. De s'entrainer, encore et encore. De son plus jeune âge jusqu'à maintenant, son engouement pour vos activités restaient la même. Qu'il s'agisse d'une activité physique, comme présentement, ou d'un apprentissage plus théorique, tel que la courtoisie ou autres valeurs de la chevalerie.
Si vous saviez, comme celles-ci berceraient bientôt le fonctionnement tout entier du clan.
Si vous saviez, comme vos apprentissages se retrouveraient dans son règne qui débutait à peine, et qui gagnerait bientôt sa superbe lorsqu'elle aurait éclairci avec Anette quelques dernières décisions qui marqueraient le renouveau tout entier du clan.

Elle espérait que vous seriez fier d'elle.

Sous le soleil du matin, le pelage du Garde prenait des teintes caramel, presque sable en lisière, alors qu'il virevoltait autour de la silhouette bleutée de son apprentie. Au fil des lunes et sans qu'il ne s'en rende compte, leurs entraînements avaient doucement évolué, tout comme leurs conversations. une sorte de rituel qui se mettait en place chaque jour, et auquel - il en avait été agréablement surpris - Pepper n'avait pas renoncé malgré sa nomination au plus haut grade imaginable dans la meute. Alpha. Un grade qu'elle paraissait laisser derrière elle lors de leurs rendez-vous matinaux, de plus en plus matinaux avec a chaleur estivale qui tombait sur les terres. Le Chevalier s'était demandé s'il ne serait pas étrange pour lui de jouer le rôle de mentor pour une louve qui n'avait aucun devoir de lui obéir désormais. Mais finalement, tout s'était bien passé, et personne ne paraissait trouver cela plus bizarre que ça. Peut-être était-ce aussi, pour un certain nombre de loups, quelque-chose de rassurant que sa savoir qu'un vétéran chapeautait l'une des jeunes meneuses nouvellement nommées. Toutefois, et peut-être contrairement à ce que beaucoup pensaient, il n'avait pas de place dans les décisions qu'elles prenaient. Leurs discussions restaient strictement privées, ou alors ne parlaient que peu de ce qu'elles prévoyaient à l'avenir lorsqu'il se trouvait là. Chose qu'il comprenait, bien qu'il ait toujours fait en sorte d'inclure Pepper dans toutes ses décisions, au moins pour qu'elle écoute et comprenne sa manière de faire les choix. Pour l'instant, il n'avait pas de raison d'en savoir plus que le restant de la meute... d'autant que c'était lui qui avait poussé son frère à en quitter la tête. Cela avait fonctionné et il en était satisfait, car il ne le jugeait plus digne de l'occuper. Cela pouvait-il avoir créé chez Pepper ou Anette une rancoeur, une crainte invisible qu'il en fasse de même pour elles ? la question demeurerait en suspend. Il ne souhaitait pas encore inviter la politique et les choix des hautes instances dans leurs discussions mentor-apprentie.

Lorsque l'entraînement s'arrêta sur les deux loups au souffle court, il laissa échapper un sourire à la phrase de la jeune louve. Il ne doutait pas qu'un jour, elle parviendrait à passer elle aussi à l'offensive, à sentir l'ennemi proche et se jeter sur cette pelisse vulnérable que déchireraient ses crocs. En vérité, elle accomplissait déjà des exploits compte tenu de son handicap. Ils avaient tous les deux réussi ce pari que personne n'avait énoncé de faire d'elle une guerrière bien que les dieux ne lui aient pas accordé le sens précieux de la vue.

"Je n'en doute pas, jeune Dame Pepper !" Répondit-il sans hésiter. "Tu t'es très bien battue, je te félicite."

Le soleil grimpait dans le ciel, au-dessus de l'herbe rougie de l'été, et elle ne tarderait plus à devoir retourner porter le poids de ses nouvelles responsabilités. Athelstan laissa couler un instant, puis l'invita à marcher à ses côtés, le temps que leur corps retrouve sa température et leur souffle son rythme apaisé. Cela faisait quelques temps déjà qu'il y réfléchissais, qu'il se préparait à une décision qui lui briserait le coeur tout en le rendant plus fier que jamais. Pepper avait deux ans maintenant, et cela faisait bien des lunes qu'il lui apprenait la vie et ses remous. Le petit oiseau savait voler désormais, et même s'il mourrait d'envie de le garder au nid, l'ordre des choses n'était pas ainsi. Il devrait bientôt laisser Pepper voler de ses propres ailes, et quitter le rang d'apprentie qui était le sien.

Il ne lui paraissait pas sain qu'une Alpha reste trop longtemps apprentie, bien que cela puisse rassurer le reste de la meute, car elle gagnerait bien plus difficilement le respect des plus féroces. Et puis, après tout, il serait toujours là pour lui donner des conseils ou pour un entraînement qui serait entre amis - le serait-ce vraiment, avec son Alpha ? - si besoin. Ce n'était pas comme s'il prenait la décision de disparaître complètement de sa vie. Pourtant, cette page lui paraissait bien lourde à tourner. Ces dernières années, Pepper avait été parmi les seules lumières dans une vie qui, il avait tristement fini par le constater, n'avait pas été si heureuse que cela. Il avait pourtant tout fait pour mener une existence la plus honorable possible, mais peut-être cela avait-il été au prix de son propre bonheur. Il évitait de trop songer à cette question, pourtant elle lui revenait de temps en temps dans le museau, de plus en plus souvent. Et il y avait alors une chose qui l'amenait à songer qu'il avait fait les bons choix : Pepper. Elle avait apporté de l'oxygène dans une vie qui l'étouffait peu à peu, de l'énergie, la foi de rester à jamais fidèle aux valeurs qu'on lui avait enseignées et de les transmettre pour qu'elles perdurent. Lucie aussi, apparue sur le chemin, l'avait aidé à cela. Leur amitié était devenue plus forte, et tous les trois avec Pepper semblaient former, parfois, une illusion de famille, lorsqu'ils patrouillaient sur les vastes terres Etelkrus.

Il hésita à demander à Pepper si quelqu'un lui aurait causé des ennuis... Mais il songea que c'était sans doute cet autre loup qui aurait fini par venir couiner qu'il avait des ennuis. Le tempérament de feu de Pepper couvait toujours sous la couverture de sagesse qu'elle arborait, et elle ne se laissait pas faire. Dans quelques années, elle aurait sans doute marqué le monde en faisant un meneur ferme et juste. Il n'en doutait pas.

"Y a-t-il quelque-chose dont tu aimerais discuter aujourd'hui ?" Finit-il par demander en inclinant légèrement la tête vers elle.

Bien qu'adulte, elle demeurait légèrement plus petite que le fils de Méléagant. Comme si le destin voulait leur faire oublier qu'ils seraient bientôt égaux. Ou plutôt qu'elle serait à jamais plus grande que lui.

Eméritat

▬ ft. Athelstan

Printemps 2019.
2 ans.

Ses pattes avants s'avancèrent, se tendant à leur maximum alors que se creusait son dos, dans une étrange courbette. Elle laissa tomber sa tête en avant, sa nuque souple, menaçant un instant de déchoir son bonnet de son épaisse chevelure taillée courte. On aurait dit un chat au réveil, étirant une moitié de son corps. Mais ce n'était nullement un étirement, puisque cette position survenait juste après vos félicitations pour cette joute ainsi achevée. Cela s'appelait une révérence : on lui avait lu la description, elle avait tâché d'ici la reproduire.
Sans élégance, elle qui avait construis d'avantage d'éloquence.
Comme ses expressions calquées sur ses émotions brutes, sans filtre pour venir troubler leur authenticité. Elle était un joyau sans forme exacte, qui ne se taillait comme le ferait tout autre joyau. Une particularité octroyée par son handicap, qui lui conférait une charmante touche d'originalité, comme si son physique seul n'aurait été suffisant.
Touché par ce compliment, elle n'exprima sa satisfaction qu'au travers de ce geste, avant de se relever. Vous lui aviez appris à ne pas nourrir son orgueil, en bonne chevalière elle ne se vantait que par taquinerie en compagnie d'amis, satisfaisant sa malice davantage que son égo.

Alors que la température se faisait davantage ressentir, croissant comme le devait faire ce soleil dont on lui narrait la lumière, elle se cala sur vos pas et vous suivit dans votre pèlerinage au travers de la Rougelande. Sous ses pattes, l'herbe sèche craquait. Brins qui se tordaient et cédaient, affaiblis par la sècheresse et emporté par son poids, comme le serait un jour les adversaires qu'elle se dessinait. Malgré votre enseignement, Pepper n'aurait sans doute de cesse d'être belliciste. Elle n'avait jamais été enfant tolérante, tirant des mœurs Etelkrus une méprise du différent. Aujourd'hui adulte, la méprise était devenue réelle hostilité qu'on ne lui rattraperait plus.
Le silence s'installa, elle le laissa à sa place.
Elle hésita à vous parler, de tous les projets envisagés pour la meute. Mais elle s'en abstint. Ce n'était une histoire de confiance, non. Du moins, pas en vous. Mais elle craignait qu'on ne vous vois alors comme le favoris de la reine, celui qui soumettrait ses idées dans l'ombre de celle-ci et s'imposerait ainsi au peuple. Elle ne voulait vous causer d'ennui, encore moins entendre à nouveau la foule se déchirer dans un débat qui n'en finirait plus.
Il fallait du mouvement, de la nouveauté : il fallait qu'on accepte les changements que les deux Alphas proposeraient, sans chercher la petite bête, sans émettre l'hypothèse qu'une troisième personne aurait commanditer le tout.
C'est donc pour tout ça qu'elle se tut. Pour autant, elle ne vous oubliait pas : il est normal qu'elle vous voudrait à ses côtés, et votre place au sein du Conseil qu'elle fonderait avec sa compagne ne serait pas à en douter. Vous étiez l'un des deux noms auxquels elle avait penser en premier, au même titre que de celui de Dame Lucie.
En pensant à tout cela, brillèrent ses yeux...

Votre question la tira de ses pensées, elle redressa ses longues oreilles évidées. De quoi aimerait-elle parler ? Elle ne savait trop, à vrai dire. Ou plutôt, ne le savait que trop bien : une multitude de questions, tant d'ordre personnel que touchant à son apprentissage. Par curiosité, elle aurait aimé savoir si vous la trouviez à sa juste place, elle si jeune Alpha de l'histoire. Ou quand comptiez vous la mener à Dairo, pour obtenir son glowstick.
Elle aurait aussi aimé savoir pourquoi vous sembliez en vouloir à son ami Lymphalème : elle s'en souvenait encore, de ce jour où vous l'aviez planté pour partir elle ne savait où, parce qu'il était là.
Elle aurait aussi levé ses doutes sur votre relation avec Sir Alys, cet Alpha et votre frère que vous aviez mit en doute avec des preuves qu'elle n'aurait trouvé suffisante.
Elle finit par souffler par le nez.

« A dresser la liste des questions me venant, tout serait d'ordre personnel plutôt que tenant à ma formation. »

Elle ne voulait vous embarrasser, se mêler de ce qui ne la regardait pas. Vous étiez libre d'emporter tout cela avec vous. Autre chose lui vint alors, et elle vous demanda alors, d'un ton bien plus sérieux. Elle ne prenait ça à la rigolade, quand bien même cette demande aurait pu s'avérer surprenante.

« Aussi, je vous propose de parler de moi. De ma présentation, plus précisément. Si vous m'avez appris à m'exprimer, j'aimerais désormais que vous corrigiez mon apparence. Je vais apparaitre devant toute notre meute, désormais, tout comme je me devrais de la représenter à l'extérieur. Je ne veux qu'on me reproche la moindre chose. Y-a-t-il aussi une marque que porte les chevaliers, un symbole de leur ordre ? »

C'était important, pour elle. Elle était prête à vous fier à vous pour opérer ces changements dont elle aurait à peine consciente. Vous acheveriez ainsi de la changer : après avoir forgé son mental et son attitude, c'était désormais à son apparence même qu'elle venait à se référer à vous, son mentor.

Il nota avec fierté la politesse avec laquelle elle lui signala qu'elle en s'aventurerait pas sur le terrain pentu des questions personnelles. Le Chevalier n'en aurait pas pris offense, naturellement, mais c'était quelque-chose de fort courtois et appréciable. Pepper s'état assagie bien plus qu'il ne l'aurait espéré, ou au moins avait appris à afficher une figure maîtrisée et digne. Sa propulsion au rang d'Alpha l'avait eut-être guidée dans cette voie, ainsi que la présence calme et imposante d'Anette à ses côtés au quotidien. Cependant, il était petit à petit venu l'envie à Athelstan de partager avec la petite louve bleue ce qu'il avait sur le coeur depuis de longues lunes déjà, de longues années même. Sous peu, ils franchiraient un cap crucial de leur existence - au moins de la sienne, lui qui avait déjà vécu, tant vécu - au terme duquel ils seraient, il l'espérait, amis. Il se disait qu'une confidence offerte serait peut-être un premier cadeau, un premier pas vers une suite qu'il redoutait. Il jugeait aussi qu'elle avait le droit de connaître cette part de lui-même qu'il n'avait jamais révélée à personne. L'origine de cette lueur mélancolique qui passait parfois sans raison dans son regard vairon.

"Je crains qu'il n'y ait rien d'ordre personnel dans ma vie que je ne puisse te révéler, jeune Dame."

Ce qu'elle proposa cependant était à la fois inattendu et intéressant. Il était vrai que le grand mâle s'était fait à l'attitude et au comportement de la petite louve sans chercher à la comparer à ses congénères. Elle était unique, impossible de trouver quelqu'un qui lui ressemblât aux yeux d'Athelstan. C'était donc là un exercice qu'il n'avait jamais songé à faire, mais qui attisait sa curiosité.

"Cet exercice me sied. Voyons..."

Il parcourut les alentours du regard, et finit par tomber sur ce qu'il cherchait. Une légère dépression dans la monotonie de la plaine, suivie d'une motte légèrement plus élevée. Un parfait simulacre de promontoire pour Pepper, qui de toute manière ne percevait la hauteur de son trône sans doute qu'au bruit plus ou moins lointain des loups qui lui faisaient face, à même le sol. Il s'en approcha et lança :

"Faisons ici un discours à la meute Etelkru. Et voyons quelle posture tu parviens à tenir."

Il fit volte-face, frôla l'épaule de la louve dans un signe tacite de la direction qu'il prenait et alla de son côté se placer plus bas, dans la petite dépression. Il s'assit dans un cliquetis de chaîne et riva ses prunelles sur son apprentie. Alors qu'il attenait l'instant durant lequel elle prenait place, ses pensées revinrent successivement au triste souvenir de Brienna. Avait-il été lâche, de ne pas aller défier le Chef Lazuli pour sa belle ? S'il n'avait plané la certitude qu'elle l'aimait, peut-être y aurait-ils songé. Mais l'image de leur dernière rencontre, alors qu'elle lui avait annoncé, le regard empli d'étoile, qu'elle avait trouvé compagnon et attendait des petits, ne laissait que peu de doutes sur la question. Il serait sans doute reparti bredouille, brisant à jamais ce qui les avait uni, et qui n'était plus que poussière. Alors qu'une ombre passait dans son regard, l'image de Brienna se fondit dans les limbes de son esprit, et un autre surgit. Le portrait réconfortant de Dame Lucie. L'ombre d'un sourire légèrement attristé étira les babines du tricolore à cette pensée. Sa présence, tout comme celle de Pepper, avait été déterminante durant les dernières lunes. Cette fausse cousine, guerrière émérite et désormais reconnue au sein de la meute.
Peut-être n'avait-il pas été si malchanceux, au final.

Eméritat

▬ ft. Athelstan

Printemps 2019.
2 ans.

Elle n'avait voulu s'initier dans votre vie personnelle, acceptant que chacun possède une part de secrets qu'il ne devait se sentir obligé de partager. Et, malgré cette autorisation dissimulée qu'était celle de connaître ces parties de votre existence qui faisait lever en elle quelques questions, elle ne chercha à en savoir davantage.
Au lieu de ça, de préférer se faire oreille présente, si vous veniez à avoir besoin d'en parler. De soulager un cœur trop lourd, une âme en peine, des épaules trop chargées des valises de votre longue existence.

« Aussi, si tel est le cas, je ne saurais que vous prêter oreille attentive pour tout sujet tenant de cet ordre. »

Elle vous écouterait, comme elle l'avait toujours fait. Et peut-être même pourrait-elle tirer quelques enseignements de vos propres problèmes : il y a des choses qu'on ne tentait pas, lorsqu'on en connaissait les conséquences.
Ainsi ne laisserait-elle trop traîner les désirs de son cœur, au risque de les voir inaccomplis, si du moins un jour son cœur serait capable d'amour véritable. Pepper semblait prise dans bien d'autres choses, imperméable aux sentiments qu'on aurait pu avoir pour elle. Sans doute était-ce pour ça, qu'elle n'avait compris les ressentis de son ami Lymphalème, malgré des signaux que toute autre personne aurait pu trouver évident.
Il restait un ami, sans possibilité autre, sans même que ne lui vienne à l'esprit le fait qu'on aurait pu avoir des sentiments pour elle. Elle ne comprenait l'amour que chez les autres, ne l'envisageait chez elle.

Pas le temps. Pas le cœur à ça.

Elle l'avait bien plus pour votre apprentissage. C'est une chose qu'elle aimait sincèrement, ça, ainsi que le lien qui vous unissait. Aussi, que vous vous prêtiez au jeu la fis se redresser un peu plus. Prête. Fière de recevoir un peu plus de vos enseignements.
Elle vous suivit jusqu'à ce que vous aviez trouvé, s'installant sur ce promontoire improvisé que vous lui proposiez d'un frôlement de votre épaule contre la sienne. Il n'y a que de vos contacts, qu'elle ne se sentait brusqué, ayant au fur et à mesure des mois appris à déprécier qu'on la touche, se surprenant à chaque fois.
Sur la montée, elle se mit en position. Ainsi débutait l'exercice de ses fonctions, celui qui ne la rendrait que meilleur face à votre meute.

Assise, le dos droit, elle leva d'abord haut la tête, comme pour dominer son assemblée. Tenir ainsi sa position lui semblait cependant tâche difficile : elle finirait par sentir la tension s'accumuler dans sa nuque. Elle replaça donc sa tête en bon positionnement, peut-être encore un peu trop haute, dans une posture plus dominante que celle égalitaire et juste qu'elle aurait voulu prendre. Ses yeux morts fixaient droit devant elle, aucun point précis : eux, elle ne serait en mesure de les mouvoir. Ils étaient d'une inutilité cuisante, là sans être là.
C'était ses oreilles, qui jouaient leur rôle à leur place. Braquées en avant, pointant en direction d'Athelstan, seul loup présent devant elle. Lorsqu'il y en avait plusieurs, elles allaient de gauche à droite, indépendante l'une de l'autre, captant toutes les interventions...
Elle ouvrit la gueule, fit résonner de manière claire et forte sa voix.

« Peuple Etelkru ! Je vous appelle en ce jour pour vous faire part d'une chose importante. »

Une seconde de battement. Durant lequel son visage ne bouge pas, mais qu'elle se redresse davantage. C'est plus fort qu'elle : elle semble pousser en avant son buste, tant elle se porte de fierté dès qu'elle pense à sa meute.
Et puis, la malice, qui se trahit par un tour complet de ses pupilles en étoile. Elle poursuit son discours, avec sérieux. C'est un entraînement : il faut qu'elle parle, pour qu'il juge de ses manières, de son élocution, des micro-mouvements de son corps lorsqu'elle s'exprime.
Parfois, ses sourcils qui bouge, un rictus qui tressaute. Ses oreilles, qui bougent, cherchant le son.

« Il me faut communiquer toute la gratitude que j'éprouve pour mon mentor, Sir Athelstan. Celui qui fit de moi celle que je suis aujourd'hui. Votre Alpha.
Il y a des choses qu'on ne sait jamais quand dire : cet instant sera celui où elles seront permises.
Ainsi, c'est avec un amour profond que je me dois de remercier celui qui accepta près de lui une louvette impolie, fille d'une mère trop jeune pour en être une.
Le seul qui aura eu le courage de s'en approcher, le jour où elle décida de se faire apprentie, en quittant bien précocement son rang de louveteau.
Celui qui aura investi tant de temps à faire de l'enfant terrible une chevalière, j'espère, émérite, en lui transmettant tous ces savoirs et ces valeurs.
Celui qui, vous l'aurez compris, m'aura guidé dans ma voie, dans mes choix, et à qui il suffit que je pense pour m'empêcher d'en faire de mauvais.

Pour ça et pour des raisons où seul mon cœur saurait parler... Que m'en excuse nos dieux : je lui décerne ma place la plus estimée.

Peuple Etelkru, que force, vitesse et ruse guide vos pas, ici s'achève a parole. »

Elle se tait. Son discours est fini.
Sur ses babines, un sourire né alors :

« Que me manquait-il, Sir Athelstan ? »

La phrase de Pepper était emprunte d'une sagesse qu'il aurait été difficile de lui soupçonner quelques lunes auparavant. L'exercice qui débuta ensuite ne laissa pas beaucoup de temps au tricolore pour y songer, mais il rangea silencieusement cette proposition muette dans un coin de son esprit. Il était bien plus simple d'aborder un sujet tel que ceux qui lui pesaient sur le coeur lorsqu'une question était posée. Athelstan n'avait que peu eu l'habitude de prendre spontanément l'initiative de se confier, et encore moins à son apprentie à laquelle il devait montrer l'exemple d'une vie la plus idéale possible. Une utopie, bien-sûr, car tout le monde avait ses démons, au fond de son esprit. Maintenant qu'elle était adulte et qu'elle était confrontée à des responsabilités bien plus grandes que tout ce que lui-même aurait pu imaginer, la barrière s'était effondrée, et il se sentait... prêt. D'une certaine manière. Pepper lu confierait-elle également ses malheurs s'il lui en arrivaient ? Ses peines, ses doutes, même alors qu'ils ne seraient plus liés par le contrat sans signature qu'était le mentorat ?

Les interrogations planèrent dans son esprit, s'y installèrent dans un coin tranquille pour ne pas manque de revenir le tarauder un soir prochain. Le grand loup regarda son apprentie bondir sur leur promontoire factice et s'y poster la tête haute. Son port était indéniablement fier, dominant, ce qui n'était sans doute pas une mauvaise chose. Peut-être pas aussi nécessaire cependant lorsqu'elle ne se trouvait pas face à ses comparses mais déjà au-dessus d'eux. Son regard fixait le vide, loin devant, trahissant immédiatement son handicap au regard de tous. Chez les Etelkrus, cela ne surprendrait personne, mais lorsque la rencontre viendrait avec d'autres meutes, ils ne devaient pas voir cela comme une faiblesse. Il nota qu'elle remuait les oreilles de droite à gauche, simulant l'écoute de ses camarades alentours. Un bon point, c'était certain, peut-être une piste de perfectionnement. L'art de l'illusion n'était pas quelque-chose qu'Athelstan - ironiquement - maîtrisait aussi bien que d'autres, mais il tâcha d'imaginer au mieux l'impression que la petite louve bleue donnerait à quelqu'un qui la découvrirait, à quelqu'un qui douterait de son autorité.

Une lueur émue, invisible aux yeux de Pepper, passa dans ceux d'Athelstan alors qu'il écoutait ses paroles. Toutes plaisanteries qu'elles puissent être, il avait l'espoir d'y distinguer une sincérité malicieuse, couverte par l'excuse de l'exercice, qui ne pouvait que lui réchauffer le coeur. Il observa avec attention, retint quelques détails. Pepper avait quelques expressions semblables à celles des autres, apprises il ne savait comment puisqu'elle ne pouvait les avoir recopiées. Elle savait sourire, agrandir légèrement les yeux pour appuyer ses dires, relever le museau ou l'abaisser. Une palette suffisante à ses yeux, puisque le reste du message passait par son corps. Lorsqu'elle s'arrêta, il lança un jappement de félicitations, la laissant imaginer que le peuple entier faisait de même, peuple invisible de leur imagination.

Il se redressa et lança :

"Bien peu de choses, jeune Dame. Il ne fait aucun doute que tu es un chef lorsque l'on t'entend." Répondit-il à sa question, en s'approchant d'elle.

Il s'assit au pied du promontoire, ramenant sa queue autour de ses pattes, et continua :

"Ta posture est bonne, mais serait idéale pour un face à face. Lorsque tu te trouves ainsi au-dessus de tous, nul n'ignore ta place, et la possibilité t'es donnée d'abaisser d'avantage le menton pour diriger ton museau vers ton peuple. Tu souhaites lui parler, et non pas asseoir de nouveau la domination que tu possèdes déjà." Ses paroles étaient posées, sans animosité ni leçon aucune. "Le langage de ton corps est clair, et je ne puis qu'être impressionné par cet apprentissage ou cet instinct."

Il réfléchit un instant à la manière d'agencer ses prochaines paroles, et finit plus doucement en disant :

"Les loups que tu rencontreras, jeune Dame, verront en tes yeux silencieux quelque-chose qui te rend plus faible. Même si tu ne peux espérer regarder un jour ces individus, tu peux leur en donner l'illusion simplement en tournant la tête vers l'endroit d'où tu les entends. Les loups et louveteaux de notre meute qui te parleront sentiront d'avantage ton attention, bien que cela ne la change point. Et ceux qui te connaîtront sauront qu'ils ne peuvent se cacher de toi si aisément, car même sans regard tu sais où les mènent leurs pas."

Il restait une dernière chose, bien-entendu. Une chose évidente, une chose à laquelle la petite avait sans doute pensé en posant sa question et qu'il serait cruel de ne pas citer.

"Hormis cela... Il semblerait qu'il ne te manque que la bénédiction de Dairo, dame Pepper. Tu es toute digne de la recevoir."

Eméritat

▬ ft. Athelstan

Printemps 2019.
2 ans.

Elle reprend son souffle, attend en silence votre jugement. A se concentrer sur sa position, sur les mots qu'elle prononçait, elle n'avait été en mesure de chercher à capter votre souffle, le léger bruissement de vos mouvements. Vos expressions lui étant invisibles, elle n'avait donc moindre idée de ce que sa prestation avait suscité chez vous.
Satisfaction, de voir vos enseignements ainsi révélé ?
Fierté, de la voir se tenir si droite à la tête de ce clan ?
Elle serre un peu les crocs, en attendant votre jugement.

Peut-être le dernier que vous lui donneriez ?

Elle chasse cette idée de la tête. Non. Vous auriez toujours une chose à lui enseigner. Des conseils. Un partage. Il y aurait toujours une discussion à avoir, l'un avec l'autre : elle avait confiance, sur ce point.
A jamais, vous seriez son mentor, celui qui lui avait tout enseigné.

Avec avidité d'apprentissage, elle écouta vos propos. Une posture à corriger : elle n'était bonne que pour un face à face. Non pour se tenir face à une meute. Elle appliqua immédiatement ce que vous lui dites, abaissant son museau, légèrement. Ainsi, ça serait mieux. Elle retint cette position dans un coin de son esprit, prête à la prendre avec instinct lorsque la situation l'imposerait. A chaque fois qu'elle se tiendrait face aux Etelkrus. A chaque fois qu'elle aurait à se confronter à un groupe.
Vint ensuite quelque chose de précieux, qui changerait beaucoup chez elle.
Elle le savait, que ses yeux étaient sa faiblesse. En étant née Etelkru, c'était même un handicap qui l'aurait promis à une existence de faible. Mais elle, elle en avait fait sa force. Elle avait développé son ouïe, son odorat et son sens tactile, en compensation de la vue manquante. Elle avait caché ce problème, enfant, avant de cesser d'en avoir honte et même d'en faire sa fierté.
Malgré sa cécité, elle dirigeait aujourd'hui.
Et personne n'avait contesté sa légitimé à cause de ce soucis : davantage par son âge, qui finalement ne s'était avéré être un frein.

Mais de tourner sa tête vers ceux qui la hèlerait lui montrerait qu'elle savait où ils se trouvaient.
Qu'il faudrait plus que l'obscurité, pour échapper à sa vigilance.

C'était une logique qu'elle n'avait jusqu'à présent pas effleuré : ses oreilles qui ne cessaient de pivoter sur son crâne lui avait semblait suffisant. Elle n'aurait jamais pu deviner, que les loups se parlaient en face à face, tournant la tête pour que s'aligne leur museau.
Désormais, elle le savait. Et c'est quelque chose qui améliorerait sa relation avec les autres, elle le savait. Un sourire sur les babines, elle hocha la tête.

« Je vous remercie pour ce précieux conseil, Sir Athelstan. Je n'avais pas conscience de cette coutume, que de toujours tourner la tête vers son interlocuteur : désormais, j'en ferais grand usage. »

Enfin, une dernière chose.
Celle qu'elle avait fini par attendre, même si elle tâchait de ne pas le montrer. Pour ne point faire d'impolitesse, pour ne point forcer la décision de son mentor.
Celle qu'aujourd'hui, il lui donnait.

Ainsi, Pepper pourrait désormais prétendre au glowstick de Dairo.
Celui dont Sir Athelstan la jugeait digne.
Son cœur s'emplit d'un sentiment immense, alors qu'elle ne put empêcher sa courte queue de battre contre son dos. Elle contrôle ses émotions débordantes, mais l'excitation et la joie ferait presque naître de petites larmes au coin de ses yeux : elle n'est pas sensible, pourtant.

« Bien, Sir Athelstan, j'irais donc quérir sous peu mon glowstick. J'espère que vous m'accompagneriez jusqu'au temple de Dairo : en vous sachant m'attendant à sa sortie, je ne pourrais que vouloir un peu plus cette réussite. »

Et en ce jour, les derniers réfractaires à cette cheffe sans glowstick n'aurait alors plus rien à dire.

Sujet: Re: [Clos] Eméritat ✠ Athelstan Mer 04 Sep 2019, 08:20

La joie qui envahit le museau de son apprentie lorsqu'il prononça ces derniers mots fit naître en lui une myriade de sentiments mitigés. Un mélange de la fierté qu'il ressentait la regardant, du plaisir à voir la jeune Pepper si heureuse, mais également une pointe de culpabilité car il lui semblait avoir bien tardé à décider de quand elle serait prête, et l'ombre de la tristesse qui le guettait lorsqu'il songeait à leur séparation. Séparation toute symbolique, bien entendu, car ils resteraient membres d'une même meute, et du Heaume tous les deux. Cependant, il tirerait une croix sur leurs entraînements quotidiens, maintenant que Pepper n'en aurait plus besoin, ou plutôt, qu'elle n'aurait plus besoin de s'entraîner avec lui. Les guerriers s'entraînaient tous régulièrement, et elle découvrirait plus en détails d'autres techniques de combat - bien qu'il ait fait tout son possible pour varier les siennes afin de les lui enseigner -, d'autres adversaires, d'autres expériences. Elle ne serait plus Alpha et apprentie, sous le regard désapprobateur, mais seulement Alpha, chef adoubée par Dairo pour guider les Etelkrus. Ce serait mieux pour elle. La vie lui ouvrirait les bras.

Elle lui demanda indirectement s'il acceptait de l'accompagner jusqu'au temple pour cette ultime épreuve de son apprentissage, probablement sans soupçonner combien cela le toucherait. Pepper n'était pas la plus expressive des louves en ce qui concernait ses sentiments et émotions, mais il avait appris à lire entre les lignes les marques d'affection qu'elle lui portait. Il hocha doucement la tête, en un bruissement de pelage léger, et répondit sans hésiter :

"Je serai honoré d'être à tes côté lorsque tu seras adoubée Chevalière, fille de Dairo."

Elle suivrait ainsi le même chemin que Lucie, qui avait brillamment passé l'épreuve de la Renarde aux côtés de son frère avant de devenir membre émérite des Etelkrus. Il faudrait qu'il trouve Dame Lucie, d'ailleurs, à leur retour au camp, pour l'informer de sa décision et de l'imminente nouveau rang de la petite bleue. Il savait que la guerrière rousse l'appréciait tout particulièrement... et il devait bien avouer qu'une occasion de discuter avec elle ne lui déplairait pas. Il n'ignorait pas qu'elle lui demanderait - qu'on lui demanderait - sûrement s'il prendrait ensuite un autre apprenti, après avoir formé l'alpha de la meute, mais il préférait ne pas y penser. Mieux valait se concentrer sur le présent, sur ce grand événement qui allait enfin avoir lieu et qui marquerait un beau point final dans cette partie commune de leur existence.
Oui. Ce serait une bonne journée.

[Terminé pour moi :hearts:]

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