T'entends le vent ?... Moi non plus [LIBRE]

Aujourd'hui fut un jour où les deux frères s'ennuyaient. Il n'y avait pas d'entraînements particuliers, laissant ainsi les guerriers vaquer à leurs occupations. Sauf qu'Ombre et Gothic n'avaient pas d'occupations, d'où l’ennui mortel les ayant assailli. Le ciel étant clair, le temps se faisant clément, pas de pluie à l'horizon, ils avaient décidé de quitter le campement, Grand Castle, dans l'espoir de trouver quelque chose à faire au sein de Rougelande. Autant profiter d'une journée pareille pour être au grand jour, plutôt que de rester couché dans la tanière familiale. Néanmoins, il n'y avait rien à l'horizon mis à part des Etelkrus sortant et rentrant du campement. Ils avaient poussé plus loin, marchant de longues minutes, voir bientôt une heure. Durant leur marche, ils n'avaient croisé que de la végétation encore et encore, offrant un paysage identique et sans vie. Il y avait eut aussi quelques lapins par-ci par-là, partant vite se cacher à la vue des deux loups quasiment identiques. Où était passé les troupeaux ? Ils avaient, visiblement, choisit la mauvaise direction pour leur balade. Au bout d'un moment, ils soupirèrent de concert et s'arrêtèrent une énième fois. Ils lancèrent un regard blasé sur l'horizon. Il n'y avait même pas le cri d'un corbeau pour accentuer cette scène au désespoir sans nom. Ce fut Ombre qui brisa le silence le premier.

- T'entends le vent ?
- Non...
- Moi non plus
- Une intervention fort utile. Je crois que tu deviens fou...

Après un commun accord, les deux frères se séparèrent dans le but de chasser chacun de leur côté. Autant faire quelque chose de constructif et essayer de s'occuper en chassant quelque chose, en se lançant une petite compétition. Ils s'étaient laissé une heure et demie avant de revenir en ce point. Le premier arrivé hurlera sa présence à l'autre s'il ne le voit pas. Avec l'absence de vie en ce lieu aujourd'hui, la tâche s'avèrera sans doute difficile. Guidés à présent par le devoir de gagner, les deux frères se tournèrent le dos et coururent chacun en une direction.

Voilà maintenant un quart d'heure qu'il arpentait Rougelande en solitaire, la truffe en direction du sol en quête d'une odeur de gibier. Semblant avoir senti quelque chose, il redressa la tête et huma l'air avant de se mettre à trottiner. Il entendit le brame d'un cerf. Bingo, ils n'étaient pas loin, juste après cette petite colline. Arrivant au sommet de celle-ci, il y vit en contrebas le fameux troupeau. Des cerfs entrechoquèrent leurs bois, dans le but d'évincer leur assaillant et conquérir une femelle. Il avait trouvé un troupeau, mais les cerfs et biches n'étaient pas un gibier pouvant être chassé tout seul. Les faons avaient maintenant 5 mois. Peut-être arrivera-il a en attraper un avec l'aide de son clone ? Il faut dire que les mâles sont occupés à se battre entre eux et les femelles sont occupées à regarder les joutes données pour leurs beaux yeux. L'attention portée envers les jeunes étaient donc quasiment nulle. C'était à tenter. Ombre recula et contourna le troupeau en se cachant au maximum parmi la végétation.
C'était à présent le moment de donner l'assaut. Ayant fait apparaître son clone au préalable, ils s'étaient avancés avec prudence vers la garderie du troupeau. L'absence de vent les aidait grandement dans leur approche. S'avançant toujours plus, ils se prirent chacun un côté afin d'encercler le petit groupe. Une biche tourna la tête en leur direction, les voyant trottiner vers eux, elle donna un signal d'alerte, suivie par d'autres biches et le troupeau se mit en mouvement. Tss, ça allait se compliquer. Les deux Ombre se mirent à courir pour ne pas perdre leur avancée. S'il avait le même pouvoir que Gothic, il aurait bien plus qu'un seul acolyte pour l'aider. Il fallait couper le troupeau en deux avant que les mâles bourrés de testostérones ne viennent les défier dans le but de garder leurs femelles en vie. Établissant chacun un demi-cercle, ils réussir à scinder le troupeau en deux, écartant quelques biches et leurs faons. Tout en continuant de galoper pour les emmener plus loin, ils choisirent le faon destiné à servir de repas et le poursuivirent. Dans l'affolement, le petit se retrouva finalement seul, éloigné de la harde entière qui galopa dans une direction opposé sans se soucier de lui. Dans ce genre de situation, c'est la survie de soit-même avant tout. A présent seul et démunit, les deux Ombre lui tombèrent dessus et l'achevèrent.

Le mâle cendré était de nouveau seul, son clone ayant disparu. Il n'avait pas résisté à la gourmandise et était en train de savourer quelques morceaux du gibier fraichement acquis. Après tout, Gothic n'avait pas stipulé que la nourriture devait être intacte. Néanmoins, il fallait en garder un peu, histoire de ne pas revenir avec une carcasse et être déclaré perdant. Mâchant un dernier morceaux, il entendit des feuilles se faire piétiner et il tourna le museau vers l'auteur de ce bruit. Il fronça les sourcils et ramena son repas contre lui. Pas question de partager.

Son odeur lui parvint, celle d'une femelle comme l'indiquait son physique, mais aucune de son clan. Il continue de l’observer en silence. Il la vit s'approcher de lui, un sourire radieux étirant ses babines. Qu'est-ce qu'elle veux celle-là ? Il posa sur elle un regard méfiant. D'ailleurs, que faisait-elle sur leurs terres ? Elle n'était pas chez elle ! Comment les gardes ne l'avaient pas vu ? Surement parce qu'ils doivent se la couler douce. Depuis la fin de Chronos et la refonte du pays et des clans, maintenant qu'il n'y avait plus rien de dangereux, la surveillance des frontières se relâchait. Pathétique. Et maintenant, voilà qu'il allait se coltiner une inconnue, car en la voyant venir vers lui ainsi, sans nul doute qu'elle lui demandera des renseignements ou voudra un brin de causette. Mais le crêteux cendré n'était pas de cet avis : il voulait être tranquille, surtout en présence de nourriture entre ses pattes. Il la laissa tout de même approcher, pour voir ce qu'elle souhaitait, mais il garda son air méfiant et peu entreprenant.

L'herbe n'est plus seulement dans mon pelage, et mon sang est sur le sol. Les morts sont des offrandes aux Grandes Lumières... Alors, il faut nourrir la divinité, Ombre.

Il n'avait rien compris à sa phrase... Elle se mit à rigoler un temps, avant de reprendre ce même air perçant et fou qu'elle posait sur lui. Il la regarda d'un air curieux et désabusé, sa proie toujours bloquée contre lui. L'instinct de protection envers sa nourriture était ancré en lui depuis l'enfance. Son père l'avait également, éloignant parfois avec hargne ses deux petits, quand ceux-ci avaient déjà mangé et souhaitaient malgré tout toucher à la part du paternel. Maintenant grands, Ombre et Gothic perpétuaient ce trait de caractère non partageur. Il remarqua l'air insistant de la louve sur son faon. Oh, c'était donc elle la divinité de sa phrase ? En tout cas, la pseudo divinité n'aura rien ! Il n'avait pas compris un traitre mot de la première partie, mais la seconde partie de sa phrase était maintenant limpide. Sans plus tarder, il se redressa en gonflant le pelage, pointant les oreilles vers l'avant et dévoilant légèrement sa dentition ensanglantée. Il posa une patte ferme sur son gibier. Déjà imposant de nature avec sa carrure de guerrier, il l'était encore plus maintenant, lui donnant un air d'ours. Il n'était pas sous le signe d'Aka le grizzly pour rien. Ses yeux eurent une touche de froideur, parsemés d'une légère folie. Il lâcha également un grognement d'avertissement. Tel quel, il n'y avait pas besoin de mots. Ombre était assez imposant et effrayant pour que l'inconnue sache qu'elle était dans une situation dangereuse. Cela lui fera-t-elle passer l'envie de chaparder la proie ? Quoi qu'il en soit, elle était en terrain miné et la plus grosse des bombes n'hésitera pas à exploser à son joli minois pour la défigurer.

Illustration:

Une question lui traversa l'esprit. Il n'avait guère fait attention à la fin de sa phrase, trop dérangé par l'entièreté de celle-ci. Mais à présent, cette fin lui revenait en tête. Elle avait prononcé un nom, son nom. Il fronça d'autant plus les sourcils et lâcha un autre grognement rauque et bref. D'un ton sec, il demanda :

Comment tu connais mon nom, solitaire ?

Une solitaire, c'est ce qu'elle était et rien de plus. Il n'y a pas de divinité qui tienne. Elle n'en était pas une. Elle n'allait pas le duper avec cette farce ridicule et qui ne tient pas la route. Il l'avait suffisamment étudié pendant ce long moment de blancs, pour voir qu'aucun glowstick n'était intégré à son physique ou ses accessoires. De plus, elle n'avait aucune odeur particulière de clan.