Come what may ❄ Descada

C’était un de ces temps qui vous geliez sur place, sûrement à cause des légers flocons qui valsaient dans l’air avant de recouvrir le sol d’un épais manteau blanc. La température n’était pas trop basse, une chance pour la louvette qui en avait profité pour se balader un peu non loin du camp ! Un souffle glacé s’échappa de la gueule de Dean tandis qu’elle observait le ciel grisâtre à l’allure cotonneuse. Cela faisait peu qu’elle pouvait observer le monde qui l’entoure et déjà une certaine empathie l’envahissait. Cet univers lui paressait hostile en bien des façons, tout autant que le contact lupin qu’elle fuyait le plus possible. Beurk ! Pourquoi les autres tenaient tellement à s’approcher de vous, à vous parler voir même vous touchez ?! Bien sûr, il lui était impossible de contourner tous les loups qu’elle croisait et qui ne lui inspiraient que de la méfiance, mais elle haïssait cela. Chaque seconde passée auprès d’un être dont-elle ne connaissait rien était une véritable torture. Dean n’était pourtant pas stupide, elle savait qu’elle allait devoir apprendre à vivre avec les autres, mais par les dieux qu’elle travail cela serait ! Rien qu’à cette pensée son cœur se serra, si seulement elle pouvait être comme Eogan ou Ori, ne pas craindre le contact des autres. Dean secoua sa tête pour chasser ces pensées et s’apprêta à retourner au camp afin de ne pas trop inquiéter sa mère.

Un piaillement capta alors l’attention de la demoiselle qui fit volte-face faisant tinter ses grelots. Quelques secondes s’écoulèrent tandis qu’elle essayait de percevoir un bruit. Serais-ce sujet à des hallucinations ? C’est bien ma chance ça… Cependant une nouvelle plainte se fit entendre et cette fois Dean n’eut aucune difficulté à en localiser le propriétaire. Là, perdu au beau milieu du manteau de Chionée, était niché un oiseau, mais pas n’importe lequel, il s’agissait des siens. La fille de Sarcan avala sa salive tout en se penchant au-dessus du volatile qui tenta de secouer ses ailes en vain. Elle n’était pas une spécialiste des soins, mais elle reconnu tout de même avec une certaine pointe de soulagement que les ailes de la corneille n’étaient pas cassées. Alors pourquoi l’oiseau tremblotait-il ? Perplexe, la loupiote n’eut pas le loisir de s’interroger davantage que des bruits sourds lui parvenaient. Quelqu’un approche. Quelqu’un ou quelque chose si elle était malchanceuse, avec le froid certains animaux souffraient du manque de gibier et une gamine comme elle passerait bien en casse-croûte ! D’un geste doux et protecteur, elle s’assit faisant de nouvelle tinter ses grelots et serra la corneille contre son ventre, ainsi peut-être que l’oiseau aurait plus chaud. Ne restait plus qu’à s’occuper de cet «  invité » surprise.

Comme un souffle au cœur, les temps avaient changés. Descada avait changé. Foulant la terre des Nakhus, lassée, lessivée, elle n’était plus cette petit boule d’énergie qui fonçait à travers les prés hors des pattes de ses parents avec un hurlement de triomphe. Elle n’était plus cette petite espiègle, sûre d’elle et joueuse.

Descada, frêle louve au pelage de jais à la crinière de neige, un œil valide et une œil borgne, était désormais adulte. Elle avait plus d’un an, mais elle ne s’était toujours pas résolue à passer son épreuve de glowstick. Elle n’arrivait pas à franchir le pas, elle ne voulait pas sentir la pierre du temple de Yurai sous ses pattes. Elle ne se sentait plus à sa place, elle se sentait comme une étrangère. Elle regardait autour d’elle, les paysage familier et pourtant, si étranger. Elle songeait aux autres clans. Elle songeait aux autres divinités, aux autres glowsticks… Mais même si elle acceptait de s’en aller, passant sur la peine qu’elle ferait sur Aurélion et Morokei, où se dirigerait-elle ? Les Lazulis ? Les Etelkrus ? Ou même les Raeder ? Elle avait entendu parler des pirates. Elle savait qu’ils ne respectaient rien mais… Etrangement, elle se sentait plus familière à leur environnement qu’au sien, chez les Nakhus.

Elle n’oubliait pas non plus son handicap.
Autant cela ne la dérangeait pas le moins du monde enfant, étant née ainsi, elle ne faisait pas de différence avec les autres, et elle ne réalisa pas non plus sa faiblesse par rapport aux éventuelles menaces. Elle tentait tant bien que mal de chasser ses idées noires de son esprit, de repousser l’échéance, de se cacher les yeux face à la réalité qui lui fonçait dessus. Elle était perdue, elle était apeurée, elle était tendue.

Elle ne savait plus où se diriger. 

Absorbée par son esprit négatif, elle n’avait pas fait attention au monde qui l’entourait. C’est alors qu’une très forte odeur vint lui agresser les narines. Ce qu’elle ne savait pas encore, c’est que ses sens comme l’ouïe et l’odorat s’accentuait de plus en plus, à cause ou grâce à sa malvoyance. Trottant jusqu’à la source de l’odeur, qu’elle reconnu comme celle des siens - du moins pour l’instant - et remarqua bien vite une petite silhouette qui tenait quelque chose contre elle. Une jolie femelle, avec des cheveux de jais et violacés par endroits. Descada la trouvait très belle, et fit presque jalouse, et l’aurait sûrement été, si la femelle n’était pas une gamine. Elle fit également touchée par le geste qu’elle affichait : elle serrait contre elle une petite corneille comme si elle était sa meilleure amie. La tête haute, Descada dévisagea la gamine.

« Je ne vais pas la manger. Ni toi d’ailleurs, ce serait dommage de manger ses congénères de clan pas vrai ? »

Elle réalisa après coup qu’elle aurait très bien pu effrayer la gosse avec ses paroles lourdes de second degré déplacé.
Elle afficha un sourire et se coucha face à elle.

« Comment t’appelles-tu ? »

La nouvelle venue était en vérité une louve au pelage de jais et à la longue chevelure blanche. Ses cheveux étaient nattés jusqu’à l’extrémité de sa queue et son dos possédait des marquages noir et mauves. D’un côté, Dean la trouva très jolie et elle fut plus ou moins rassurée de constater qu’il s’agissait d’un membre de sa meute. De l’autre, elle aurait préféré ne rencontrer personne, qu’il soit de son clan ou pas mais bon il semblait difficile d’obtenir ce que l’on veut ici et puis, cela aurait pu être nettement pire… Un œil de la louve était masqué par une large cicatrice qui capta l’attention de la loupiote. Cependant, trop polie pour manquer de respect, elle détourna rapidement l’attention et s’abstint de tout commentaire, d’ailleurs parler ne faisait pas vraiment parti de ses intentions. Dean ferait sûrement usage de la parole qu’en dernier recourt. La corneille entre ses pattes remuait faiblement, comme si elle comprenait que se débattre ne servirait à rien et Dean ressentit soudainement une certaine méfiance vis-à-vis de la Nakhus qui parlait de « manger ». Il était absolument hors de question qu’elle s’en prenne à l’oiseau ! La loupiote fronça les sourcils tandis que la nouvelle venue se couchait face à elle. Bon, visiblement elle ne semblait pas décidé à la laisser seule et avait abandonné cette histoire de « manger »… Voyant que la louve attendait une réponse, Dean était obligée de répondre, un mot ne lui écorcherait pas la langue enfin…

« — Dean.»

Elle leva la truffe pour inciter la louve noire à donner son identité faisant ainsi une nouvelle fois tinter ses grelots. Heureusement que pas mal de gestes pouvaient substituer la parole… Dean posa ses prunelles noires et dorées sur la petite corneille, visiblement elle semblait avoir un peu plus chaud, mais étais-ce l’unique raison qui l’empêchait de s’envoler ? Le regard de la demoiselle alla alors de l’oiseau à la Nakhus allongée, peut-être qu’elle avait une solution à proposé.

Son oeil violacé se posa doucement sur la corneille entre les pattes de la petite. Elle s’agitait faiblement, et Descada ne savait pas trop si c’était parce qu’elle voulait s’échapper de l’emprise de la jeune louvette et qu’elle était trop épuisée pour y parvenir, ou si elle émettait simplement quelques protestations. Lorsque sa camarade louvette de clan donna son nom à Descada, cette dernière reporta son regard unilatéral sur elle. Dean. C’était son nom. Une façon bien froide de le lui communiquer, cependant. Perplexe de la réaction méfiante de Dean, Descada afficha un oeil étonné. Elle répondit au signe silencieux malgré cette gêne palpable.

« Moi c’est Descada. Enchantée, très chère Dean. »

Agacée, elle se redressa sur son arrière train.

« Je t’ai dit que j’allais pas lui faire du mal, c’est quoi ton problème ? »

Elle reporta son attention sur l’oiseau de jais, et Descada s’inquiétait elle-même de l’état étrange de ce petit être. Un éclair semblait être passé dans ses yeux.

« Aurait-elle peur de quelque chose ? Peut-être que tu devrais desserrer ton étreinte pour voir si elle s’enfuit. »

La louve noire ne semblait pas très satisfaite du manque de parole de Dean, cependant, cela passait bien au-dessus de cette dernière. Faire la parlote c’était une vraie corvée ! Elle ne comprenait pas que son « interlocutrice » en soit aussi étonnée… Dean ne comprenait pas pourquoi une étrangère faisait tant d’histoire. Tentant de faire preuve de politesse, la loupiote écouta la réponse de la Nakhus. Descada. Elle avait déjà entendu ce nom, restait à déterminer où, cela lui reviendrait sûrement plus tard. Il faut dire qu’elle avait moyennement l’envie de réfléchir, le froid lui gelant le pelage, sans même parler de sa queue. Mère ronchonnerait sûrement en voyant dans quel état Dean rentrerait, surtout que de base elle n’en avait pas réellement eu l’autorisation. La journée allait être longue et riche en émotion, pour le plus grand malheur de l’intéressée… La louve monta soudainement sur ses grands chevaux, tandis qu’elle dominait de nouveau Dean de sa hauteur, au plus agacement de l’enfant qui n’aimait pas du tout être dominée de la sorte. La fille de Sarcan fronça les sourcils en entendant les paroles un peu trop énervées de la noiraude, tandis que ses oreilles partaient en arrière. Dean aussi était capable de s’énerver si elle continuait à trop la chercher. Avec une voix emplie d’agacement, la loupiote lâcha quelques mots, les derniers de la conversation pour elle.

« — Je n’aime pas parler.»

En espérant que la dénommée Descada se contente de cette réponse car de toute façpn, Dean n’avait pas l’intention de développée davantage le sujet. Sceptique, la loupiote posa de nouveau ses prunelles noires et fauves sur le volatile. Doucement, elle desserra l’emprise sur lui et recula d’un demi-pas, histoire de ne pas être trop loin si jamais la corneille chutait. L’oiseau remua ses ailes noires mais resta cependant au sol, il avait cependant cessé de trembler au plus grand soulagement de la loupiote qui lâcha un soupir. C’était déjà bon signe, peut-être qu’il profitait juste d’une présence ? Difficile à savoir, les incarnations de la déesse pouvaient être si difficiles à comprendre…