Océan miroir | Descada

La nuit s'était écoulée doucement, claire et dégagée. Le froid de l'hiver, emplissait l'air de brumes argentées à la lumière de la lune, était d'un silence presque apaisant. Personne ne les avait suivis. Personne ne les suivrait avant un moment. Ils avaient pris garde, en suivant la rivière, à masquer au mieux les traces de leur passage. Ils avaient traversé vers le Sud ce lieu que l'on nommait la Plaie du Monde pour éviter l'agressive et froide Grève Gelée. Et enfin, devant eux se dessinaient ce à quoi le jeune loup avait rêvé pendant bien longtemps.
L'océan.
Le coeur d'Azkaban était empli d'une excitation innocente de l'aventure, alors que devant son regard s'étendait cette onde infinie, qui faisait onduler à sa surface les lumières de la nuit. Cette nuit était celle d'une folie. Le mâle et sa jumelle s'étaient entendus pour se dire qu'il était temps pour eux de s'envoler, de quitter le nid familial pour aller construire ailleurs l'existence qui devait être la leur. Il avait confié à Descada combien il ne se voyait plus disciple e la Corneille, combien il ne l'avait jamais été. Il désirait quitter les terres Nakhus, parcourir le monde, et trouver sa place auprès d'un dieu en lequel il se reconnaîtrait. Alors ils avaient tous les deux pris la route de l'Ouest, cette route qu'ils avaient depuis longtemps rêvée de faire ensemble. Le mâle sable avait été ô combien raisonnable, et ne s'était que très peu éloigné des tanières où il avait vu le jour au coeur de sa vie. Ses expéditions, à demi aventurières, à demi méditatives, s'étaient surtout faites dans les hautes montagnes qui déchiraient le ciel autour d'eux. Il savait que sa soeur, elle, avait déjà dépassé d'autres frontières. C'était donc elle qui les avait guidés jusqu'ici. maintenant qu'ils y étaient, une bouffée de chaleur envahissait le coeur d'Azkaban.

Presque à en oublier le dur choix qu'ils avaient du faire de ne pas prévenir leurs parents, de partir seuls au plus noir de la nuit afin qu'on ne les retienne pas. Une pointe de culpabilité l'avait tenaillé durant le trajet, mais il était persuadé qu'un jour ils comprendraient. Ils avaient déjà vécu leur vie, son ère et sa mère. Maintenant, c'était à la jeunesse qu'il convenait de passer le flambeau. Et elle se sentait prête à le porter avec vaillance.

Des étincelles dans le regard, le jeune loup s'élança sur la plage avec entrain. Ses pattes faisaient crisser les milliers de petits coquillages qui se mêlaient au sable fin, projetaient comme des étoiles dans son sillage lorsqu'ils reflétaient les éclats de la lune. Les odeurs, les sons, tout était si nouveau pour lui. Il lui semblait que cet air salé, presque âcre par instants, envahissait tout son être, en chassait tout 'ennui et le doute qui s'y étaient accumulés ces dernières lunes. Le ressac était un rythme doux à ses oreilles, bien trop doux pour la froideur terrible de l'eau lorsqu'elle rencontra ses coussinets. Un frisson le secoua, et un grand sourire étira ses babines. Il s'immobilisa, l'eau à mi-pattes, et inspira profondément.
L'air avait, pour la première fois, un véritable goût de liberté.

L’air sentait une ère nouvelle.

Laissant derrière le père et la mère, Descada et son frère s’étaient enfin décidés à franchir le cap de leurs jeunes pattes, au delà des frontières, des rivières et de leurs confrères. C’était elle et lui au coeur du monde, prêts à leurs tour, à prendre leurs pattes ensemble pour battre des ailes hors du doux nid que concoctait leur belle famille, remplie d’amour et, pour la plupart du temps, de bonheur. Cela faisait bien longtemps que les jumeaux Nakhus y pensait, et les voilà maintenant en chemin vers l’avenir, prêts à construire quelque chose avec leur propres petites vies. Descada guidait son frère assagit en dehors des terres familières, tandis qu’elle s’enfilait dans les sentiers cachés qu’elle seule connaissait avec assurance. Elle guettait son compagnon de route avec une étincelle dans le regard, plongeant doucement dans le tendre et innocent souvenir de leurs rebellions minimes, et leur rêve commun de tremper leurs pattes dans la mer.

L’air salin commençait à picoter la truffe de la femelle anthracite, et elle se prit à fermer les yeux quelques instants, oubliant tout autour d’elle, cet air estival en plein hiver, un vent frais mais doux qui faisait danser les crinières des canidés tandis qu’ils s’approchaient des côtes. Elle trottinait plus rapidement à l’approche des petits galets qui les menèrent vers une étendue de sable qui flottait presque atour d’eux, dansant au rythme des vagues et à leur chant paisible qu’elles apportaient pourtant assurément. Elle sourit au bonheur communicatif de son frère face à ce joli paysage nocturne, et observait son pelage presque nacré au clair de lune. Descada le rejoignit et trempa à son tour les pattes dans l’eau claire et fraîche, et gémit doucement de surprise face au frisson qui lui parcouru le corps à ce contact soudain. Elle se tourna alors vers son frère, et son meilleur ami, et plongea son regard dans le violacé clair de celui d’Azkaban.

« On a enfin trouvé la mer, Az. »

Et maintenant, que leur réserverait l’avenir ?…