{Eglise aux Corneilles} Une prière [Yurai - Épreuve glowstick]

Ca y était. Elle était "grande". Ahu'ura avait désormais un an. Un an ... Un âge qui était décisif de son avenir, un an qui marquerait le premier choix de son existence. Elle avait appris peu de temps après son premier anniversaire le lourd secret de sa naissance. Sa mère lui avait tout conté même son amour pour un Ethelkru nommé Grimm. Elle avait appris tant de choses que la jeune louve ne savait trop comment se positionner, comment voir les choses. Son passé, non sa naissance, était le fruit de la violence. Elle était née dans le sang autre que celui naturel d'une mise à bas. Elle avait un frère dont elle avait ignoré l'existence jusqu'à ce qu'on le lui dise. Oh elle avait senti un vide, un manque plus précisément lorsqu'elle avait vu les autres enfants joués entre frère et soeur. C'était comme si elle avait toujours su qu'elle avait un frère, juste qu'elle ignorait tout de lui, de son avenir qui lui avait été dérobé. Par leur père. Un frisson parcourut le corps de la petite. Elle s'était toujours questionnée sur son géniteur, imaginant un guerrier fort mort au combat, ou alors un loup malade ! Ou encore un érudit qui avait préféré les livres à la vie familiale. Oh elle aurait pardonné à bien des pères leurs absences mais là, elle ne pouvait le tolérer. Elle ne pouvait accepter l'acte immonde que son paternel avait engendré. Il avait tué Yurai, son frère. Sans aucun doute aurait-elle reçu le même sort si Vinara ne s'était pas laissée aller à la fuite pour sauver son unique enfant restant ?

Un nouveau frisson la prit tandis qu'elle fixait la tombe écrite d'une griffe de son frère. Ce prénom avait été gravé maladroitement mais on y sentait l'amour de l'être qui avait eu le courage de le faire. L'ex-solitaire avait tenu à nommer son enfant comme la déesse violette. Le pourquoi demeurait un secret que sa fille était décidée à éclairer à l'avenir. Pour le moment, elle devait se concentrer sur son avenir. Elle lâcha un petit soupir, fixant la mousse qui commençait à recouvrir la pierre tombale.

« Ce choix est difficile Yurai.  

Elle pencha la tête sur le côté. Ahu'ura désirait ardemment rester parmi les Sages Violets. Ils étaient sa famille, ceux qui l'avait élevé, protégés d'un père assassin. Aujourd'hui, elle devait choisir entre rester à leur côté, où suivre la voie de solitaire de sa mère. Elle savait où aller mais elle ne parvenait pas à le formuler. Qu'allait choisir sa mère ? Vinara avait le même dilemme que sa fille. Volstein lui avait posée le même ultimatum : au un an de l'enfant, les deux louves devraient choisir de rester parmi les Nakhus ou de devenir solitaires. Et la décision de sa mère lui demeurait inconnue. La jeune ne désirait pas se séparer de sa mère. Elle était prête à devenir solitaire si l'ex-voleuse voulait le redevenir. Hors, Ahu'ura ferait taire son propre bonheur pour ne pas laisser sa mère seule. C'était un choix très compliqué où deux avenirs différents se croisaient. Vinara avait préféré taire son avis sur la question, ne désirant pas interférer dans la voie de son enfant. C'était louable de sa part et sa fille l'en remerciait comme elle en pestiférait. Que diable allait choisir sa mère ?!

Soupirant une nouvelle fois, elle posa sa truffe contre la pierre froide. Son frère aurait peut être pu l'éclairer s'il avait été de ce monde. Malheureusement, ce n'était le cas. Lui, il n'avait pas ce genre de question comme il n'avait pas connu la Vie assez longtemps pour en être heureux. Sa soeur devait s'estimer heureuse de pouvoir se lancer dans de tel choix, de vivre tout simplement avec son lot de questionnement. Fermant un instant les yeux, Ahu'ura laissa son esprit vagabonder sur des jeux d'enfant, à ses peines et à ses joies de petite. Oui, elle était si bien parmi les Nakhus alors pourquoi hésiter plus longtemps ? Une pensée pour sa mère germa mais elle la chassa. Jamais Vinara n'accepterait que son enfant la suive dans une voie qui ne lui conviendrait pas. De plus, si elle avait laissé le choix à son enfant, ce n'était pas pour qu'elle la gâche en suivant celle de la figure maternelle. En réfléchissant ainsi, ce dilemme s'éclairait et elle savait quel pas suivre.

« Merci Yurai.

Parlait-elle vers le ciel à son frère ou à la déesse ? Il était difficile de le savoir, même elle ne pouvait savoir à qui elle accordait ces mots. Se relevant, elle se détourna de la tombe de son aîné et elle fila presque en courant vers le temple de la Corneille. Il était temps pour elle d'aller La voir. De passer son épreuve et de devenir une des Sages Violettes. Ralliant rapidement l'église, elle hésita sur le pas de la porte. Avait-elle fait le bon choix ? Elle n'avait pas cherché à réfléchir sur le trajet mais maintenant qu'elle y était, elle ne savait de nouveau plus trop. Sa mère ou la Déesse ?

Elle resta quelques instants sur le pas de la porte puis lâchant un long soupir, elle se décida à entrer. Les corneilles du toit chantèrent, brisant le silence de ce lieu divin. Ahu'ura riva son regard sur l'immense statue de la Déité. Elle s'approcha de la fontaine, ne quittant pas des yeux la pierre taillée. Elle était désormais sûre de son choix : elle devait suivre sa voie et non celle de sa mère. Vinara avait tenu à ce qu'elle soit libre de tout choix, qu'elle soit libre d'aller où elle désirait aller. Libre de penser ce qui lui semblait juste. Libre d'affirmer son amour de la paix et de la douceur, loin de la violence qui avait marqué les âges de PW, de la violence qui avait marqué jusqu'à sa naissance.

« Bon... Bonjour Dame Yurai.

Elle se cherchait une certaine contenance, essayant de chasser la timidité de s'adresser à une déesse. C'était si nouveau, si différent de s'adresser à des mortels.

« Je viens pour devenir une Nakhus. J'aimerai rejoindre vos rangs.

La déesse était là. Devant ses yeux émerveillés de voir la Corneille s’incarner en ce bas monde. Ahu’ura en oublia presque la raison de sa venue tant ce spectacle était de toute beauté et à couper le souffle. Elle secoua légèrement la tête pour se ressaisir et elle écouta les paroles de la Déité. Elle fut comblée d’être bien accueillie, elle qui n’avait nullement le sang des Nakhus mais était-ce un Clan basé sur ce nectar de vie ? Non. C’était une erreur de penser cela. Ils étaient la Justice et la Sagesse. Ils étaient les plus à même de venir de tous les horizons. La jeune louve pencha la tête sur le côté. Pourquoi méritait-elle de rejoindre les disciples de l’Oiseau violet ? C’était une bonne question. Une question dont elle ne s’était pas attendue, elle qui avait préféré ne demander aucune information sur l’épreuve, préférant être confronter à elle-même sur le tas plutôt que d’y réfléchir et donner une réponse toute faite.

« Je … Ma vie a commencé dans le sang. J’y ai perdu un frère dont je connais que depuis peu l’existence. Je connais depuis peu la vérité sur mon passé. C’est effrayant et j’ai peur. Peur que mon père vienne finir le travail. Peur qu’il m’achève ou pis, achève ma mère.

Elle ravala un petit sanglot à cette pensée puis elle se reconcentra sur l’épreuve. Ses yeux vairons se posèrent sur la Déesse et une drôle de résolution brûlait dans son regard.

« Les malheurs vont de pair avec le bonheur. Je sais qu’on ne peut pas gagner l’un sans avoir l’autre. C’est le même cas avec la guerre et la paix. Actuellement nous sommes en période de paix mais peut être que demain ce ne sera plus le cas. Je ne suis pas dans le coeur de tous les loups qui peuplent notre monde mais je sais qu’il y en a désirant le pouvoir. Ou tout simplement répandre le sang. Je veux empêcher cela. Je ne désire pas que d’autres enfants connaissent mon passé. Que ce soit des leurs tué, un père ou une mère, ou d’autres loups. Les guerres ne sont pas inévitables mais elles peuvent être calmées. Des tensions valent mieux que des combats. J’y vois là le point fort des Nakhus : tempérer les autres Clans.

Elle espérait ne pas se montrer sur les disciples de la Corneille. Elle doutait de ce qu’elle pensait, elle la timide Ahu’ura qui se retrouvait face à une Déité. Il y avait de quoi flancher mais son coeur pensait chaque mot, même si elle pouvait se tromper sur la nature des Nakhus, elle disait ce qu’elle désirait à l’avenir : éviter des morts quand les guerres faisaient rages.

« J’aimerai être de ceux qui répandent votre Sagesse pour minimiser les effusions de sang.

Elle ne désirait pas plus que ça un glowstick. Du moins, avoir un don ne l’intéressait pas. Porter la couleur de la Corneille était à ses yeux le plus grand trésor qu’elle pourrait avoir. Elle y voyait là un moyen d’aider les autres loups, de tout clan, à suivre une voie différente de celle du Sang.