[EVENT] Eveil au clair de lune

La lune est haute sur le cimetière. Il n'a pas changé. Il n'a jamais vraiment changé.
C'est sans doute la première chose qui vous traverse l'esprit alors que vos yeux s'ouvrent pour la première fois depuis bien longtemps.

Vous vous éveillez dans la plus profonde des confusions. Votre esprit est embrumé, votre corps complètement ankylosé et vous ne vous souvenez pas comment vous êtes arrivé ici.
Peu à peu, alors que des images vous reviennent lentement, une certitude vous frappe.
Vous êtes supposé être mort.
Vous ne vous souvenez pas forcément des circonstances exactes de votre décès, mais une chose est sûre : vous avez déjà reçu le baiser de la mort. La preuve, pour certains, en sera votre glowstick brisé. Pour d"autres, le terrifiant souvenir de la faucheuse venue vous cueillir.

Vous n'avez aucun souvenir de quoi que ce soit entre votre dernier instant et cette renaissance. A croire que si quelque-chose existe par-delà la vie de mortel, elle n'a pas vocation à être dévoilée... Ou peut-être n'y avait-il rien ? Le doute restera permis encore longtemps.

Lorsque vos yeux blanchis observent les alenrours, vous constatez que vous n'êtes pas seuls. Partout autour de vous, en face des tombes, se relèvent d'autres loups au semblable regard.
Et au milieu de cette macabre assemblée, quatre silhouettes.

Profondément endormies.

Le personnage dont vous avez hérité se réveille avec bien peu de souvenirs de son ancienne vie. Ils vous reviennent au fur et à mesure. Il faut dire que le "sommeil" dans lequel ils ont été plongé a pour certain été plutôt long.
Il ne possède plus de glowstick et de pouvoir, et a l'apparence qu'il avait à ses cinq ans. Votre coeur ne bat plus, mais vous respirez.

Vous pouvez toucher tout ce qui fait partie du paysage comme si vous vous y trouviez ainsi que vos congénères Eveillés, en revanche impossible d'entrer en contact avec les autres animaux. Vous ne semblez en effet qu'à moitié présent.

Vous constatez rapidement la présence de quatre loups bien vivants eux au milieu du cimetière, qui sont plongés dans un profond sommeil. Il semblerait que ce soit à vous de comprendre l'étrange maléfice qui s'est abattu sur le continent...

Joshua -

Alors si je résume bien, je faisais a vie tranquillement en pourrissant celle de Yersine quand soudain, gros blackout, pire que mes soirées habituelles, et me vla affublé de toi, là, ... euh... Joshua c'est ça ? Et on est au cimetière. Coin très charmant au passage.

Sa tête lui faisait mal. Enfin, pas réellement mal, plus une gène transitoire, qui pulsait quelque part dans tout son être. Comme si quelque chose, quelqu'un cherchait à s'exprimer. Il lui semblait entendre une voix, lointaine et inconnue, différente de celle habituelle qui avait été le vent dans ses voiles, l'emmenant sur des sentiers pas toujours lucides et évidents. Pourtant. Pourtant il ne se souvenait pas du timbre de cette voix. Seulement n bruit sourd, blanc. Un murmure.

Les autres semblaient s'agiter, tout aussi confus que lui.
Il était mort. Il avait disparu de ces terres, de ces mémoires.
Alors pourquoi était-il là. Pourquoi étaient-ils tous là, encerclant des corps inanimés, endormis, de loups inconnus ?
Pourquoi avait-il cette sinistre impression d'être déphasé avec ce monde, avec cette réalité, comme si lui -eux-, étaient sur un autre plan. C'était une sensation étrange. Enivrante. Qui semblait pouvoir le plonger a tout instant dans un nouveau sommeil.

Putain faut qu'on trouve la cause de ce bordel sinon je suis pas prête de rejouer mon gamin.

Il cligna des yeux. Secoua sa tête. Chercha à inspirer. Et si l'air le frappa, les sensations furent silencieux. Ce n'était qu'un simulacre de vie qu'il possédait désormais. Comme si son corps n'était plus, mais que son esprit demeurait, cherchant à mimer le physique pour ne pas sombrer dans la folie.

Ouais, genre le membre fantôme, le gars a la jambe coupée mais a encore mal .

Nouveau va et viens insupportable dans son crâne, lancinant. Il s'avança, ou plutôt, chercha à s'avancer, ses pattes encore fébriles se déplaçant plus en glissant qu'en foulant ce monde.

- Il se passe quoi ? fit il d'une voix énervée, qui semblait bien lointaine dans ses souvenirs.

C’était un soir bien étrange.
Un soir ?
Qu’étais-ce réellement ?

Un lumière bleue jaillissait de nul part.
Où était-il ?
Qui était-il, d’ailleurs ?

Ses paupières papillonnaient. Il ne vit que du flou. La première chose qu’il vit, ce fut la lune, bien trop brillante, accompagnée d’un ciel obscur.

Et puis, un souffle. Un souffle de silence. Un souffle de vie ?
Il s’interrogea. La vie ? Ne lui avait-elle pas été prise, déjà ?

Dans un élan hésitant, il parvint à se relever sur ses pattes. Enfin, la sensation y était. Il se demandait comment elles parvenaient à le tenir debout, tant il se sentait engourdi.

Il jeta un œil circulaire autour de lui, très bref. Des loups, qui semblaient être là sans vraiment l’être, l’entourait. Tous semblaient aussi confus les uns des autres. Et puis, tout près, des corps endormis, qui déterminaient la vraie forme de vie, de par leur corps qui se soulevaient au rythme de leur respiration profonde. Il n’eut pas le temps d’essayer de réaliser l’étendue des faits, qu’un mâle prit la parole.

Pour toute réponse, Uriah - c’était bien ainsi qu’il se nommait, non ? - secoua la tête.
Personne ne savait.
Lui, il fixa les loups endormis. Il faisait une fixette sur eux. Comme si à tout moment, l’un d’eux allait se réveiller et leur expliquer la raison de leur présence ici. Il ne pouvait détacher son regard de ces vivants, et il en ignorait complètement la raison.

La nuit est sombre, mis à part pour les points blancs nommés étoiles saupoudrant sa profonde couleur bleue. La lune, régalienne de son état de plus grand astre visible à notre échelle, sourit presque d'un rictus tordu, comme riant de ce qui se passe. Elle observe du haut du ciel. Ici et maintenant, elle est pédante, menaçante, à milles lieux de la douce mère qui veille habituellement sur nous tous.

Rien n'est normal.

J'ai ouvert les yeux sur cette vision, un peu plus tôt. Avant que le monde ne tourne et ne se dérobe, alors que je cherchais à utiliser ce corps que je possédais, avant. Que je ne plus si bien sûr de posséder entièrement. Il tire encore, mais j'imagine que cela passera avec le temps. Presque dans les premiers à avoir ouvert les yeux, après m'être échoué sans grâce et enfin mis debout pour de bon, j'ai pu constater plusieurs choses.

Nous étions déjà plusieurs, et notre nombre augmente encore petit à petit. Au-delà de toutes ces inconfortables courbatures, une sensation manquait en moi, elle n'est toujours pas là ; mon cœur ne bat plus.Le sol était palpable, mal un rat hôte des lieux a pu me traverser peu après ; les animaux sont donc hors de notre portée. Et il y avait ces silhouettes, là, ces loups endormis qui respiraient eux aussi. J'ai tenté de les effleurer, pour finir par presque marcher dedans. C'était impoli. Mais tester ces choses me permet d'en venir à une conclusion.

Nous étions morts, nous voilà réveillés avec des yeux vides, incapable de toucher ceux dont le pouls est encore perceptible.

Une voix s'élève alors, un loup couleur de terre, qui semble courroucé par la situation. Je crois que je le prends un peu mieux que lui, le pauvre. Même si je sais que je ne sais pas plus pourquoi que lui, je peux au moins lui apporter cette information déduite. Peut-être que cela l'apaisera ? Cela vaut le coup d'essayer.

" Nous sommes des fantômes, mon ami. "

Je sais que je ne le connais pas, mais nous sommes tous dans la même situation. Et nous sommes tous un peu seuls, je pense, face à ce qui nous arrive. Un peu d'unité, donc ! Les Toxics auraient prôné cette état d'esprit.

Nous sommes des esprits, un peu plus solides que les apparitions que l'imaginaire collectif envisage, mais des esprits malgré tout. J'ai un peu peur pour la suite, car je n'ai pas réussit à deviner pourquoi. Que Mido nous protège, même si sa couleur ne brille plus entre mes mèches. Peut-être que d'autres sauront, ou peut-être que nous pourront réfléchir à plusieurs ?

Son esprit n'était plus qu'un épais brouillard et ses membres tout endormis.Il fallut un moment à Galilath pour comprendre qu'il était là, debout parmi des loups qui ne lui disaient rien, au cœur de terres qui ne lui étaient pas plus connues. Du moins, il le pensait, ne sachant trop rien, se retrouvant encore un peu trop dans le gaz pour réfléchir de façon productive.
Son regard s'attarda sur les loups présents et ses oreilles captèrent les paroles prononcées. Certains semblaient s'être remis plus rapidement que lui et prononçaient déjà des paroles censées. Plus ou moins censées. C'était quand même surprenant, quoi, quelque chose d'invraisemblable, d'incroyable... Si seulement les corps ne se traversaient pas sous ses propres yeux.

Le loup cilla, au cas où il ne se serait agit que d'un rêve. Ou d'un cauchemar ? Son expression trahissait toute son incompréhension.
Des fantômes ? Il ne se souvenait même pas de sa propre mort... Ni de rien, d'ailleurs, les souvenirs d'antan s'étaient presque effacés, n'en restait que des traces confuses. C'était à peine si il avait en mémoire son propre prénom, Galilath. Pour le reste, il ne savait plus. Il ne savait plus qui il était, ce qu'il avait pu faire, la raison de sa présence ici et avait même du mal à croire à son statut de fantôme.Enfin, il releva la tête et interrogea ses comparses du regard, à défaut de pouvoir parler.

Quelque chose avait changé.
Elle se sentait faible, elle se sentait un peu vaseuse et surtout, elle se sentait quelque chose !
Comme au réveil, très tôt le matin où l'on ne sait plus quel jour on est, si on a vraiment dormi ou juste fermé les paupières quelques secondes et que son corps est lourd et ankylosé. C'était une sensation bien étrange d'ouvrir les yeux et d'être aussi fatiguée. Un peu hagard, le regard pâle de la louve fouilla les alentours et s'étonner de rencontrer des pierres tombales aux noms inconnus. Où était-elle ? Que... ?

Puis la lumière survint dans son esprit, dissipant lentement la brume de l'inconscience. Elle était morte. Elle était morte et pourtant au dessus d'une tombe, allongée sur le flanc. Ses cheveux rose, extrêmement longs, étaient épars autour de son corps, comme un voile rehaussant de couleur son pelage terne et... Terreux ? Petit à petit elle comprit que la mort l'avait chassée hors de ses pattes, et qu’elle était de retour dans le monde d'en haut. Celui régit par tout un tas d'autre chose que le noir et le vide. Et pourtant... A bien observer, elle réalisa que pas tout à fait. D'autres âmes perdues s'éveillaient sur le dos d'autres stèles plus ou moins anciennes. Dans le même état d'incompréhension qu'elle d'ailleurs. Les sourcils de la Bêta Acid se froncèrent alors qu’elle cherchait, par hasard, si un visage connu n'aurait pas eu la chance aussi, d'être jeté hors du repos éternel par un bon coup de patte dans le fessier. Retrouvant lentement de la mobilité -c'est que ça faisait un moment qu'elle avait été dans le sombre trou de l'oubli semblait-il-, elle déplia ses pattes rouillées et sa queue raidie pour se redresser. Les premiers pas furent chancelants mais la disciple de la Tigresse finit par gagner en stabilité et confiance. Elle n'allait pas se laisser dans un tel état d'apathie non plus !

Estimant qu'elle ne trouverait rien d'utile ici au contact des pauvres hères qui partageaient sa situation en geignant ou énonçant des évidences. La grise inspira profondément pour réfléchir, un réflexe car elle ne ressentait nullement le besoin brûlant d'emplir ses poumons d'oxygène, et réalisa que son glowstick était décoloré. Vide et fade. Il appartenait au passé. La louve étira ses pattes tranquillement. Moiro ne l'aurait pas abandonné, elle en était certaine. Malgré les décennies, l'Acid aux cheveux roses  pensait pouvoir encore prier sa déesse du charme et de la grâce. Un dernier regard un peu hautain sur cette bande d'inconnus désemparés avant de se diriger vers le temple de la Tigresse. Bien sûr elle ne savait pas encore à quel point le monde avait été bouleversé et à quel point elle ne pourrait plus rien reconnaître, cependant elle avait confiance en sa foi, et estimait cette dernière assez puissante encore pour la guider jusqu'au temple de sa divinité. Même si elle n'en portait plus la couleur. La mort lui avait-elle encore ravie d'autres choses ? Elle haussa les épaules et quitta ce lugubre cimetière au petit trot. Elle voulait comprendre pourquoi ce retour, pourquoi elle, pourquoi ici et maintenant ? Et puis, au fond d'elle, une petite lueur d'espoir de découvrir ses enfants, ses petits enfants ou peut-être même des générations plus lointaines encore, commençait à palpiter. Qui savait combien de temps elle avait passé six pattes sous terre ?

Bien décidée à en comprendre davantage et surtout expliquer pourquoi tous les vivants qu'elle croisait sur sa route étaient étendus et endormis, sereins, en travers des chemins, elle accéléra l'allure.
Elle allait botter les fesses à celui ou celle qui jouait au Créateur et inversait la vie et la mort...
Attention, Artémis était revenue, et pas dans la meilleure humeur possible.

La sensation du sol sur sa joue. La fraîcheur de la brise nocturne. La lumière de la lune qui filtrait à travers ses paupières puisqu'elle faisait face à l'astre lumineux. Toutes ces sensations mirent un temps à se frayer un chemin à travers ses pensées, à travers le brouillard épais qui s'était emparé de son esprit. Sa conscience s'éveilla sans comprendre exactement ce qu'il se passait, comme après un sommeil bien trop profond pour être ordinaire. Elle se souvenait de cela, le sommeil. Les longues nuits passées tantôt entre les hautes herbes, tantôt dans une petites grotte à l'abris de grandes falaises rocheuses. Elle se souvenait aussi d'une nuit, car c'était la nuit qu'elle sommeillait. Puis une autre. Et puis...

Quoi ?!
Ses yeux turquoises s'ouvrirent brusquement, en un sursaut. Aussitôt, la lumière de cette lune immense agressa ses pupilles trop longtemps restées dans les ténèbres. Elle voyait devant elle la dame de la nuit, immense et ronde dans un océan de noirceur. Une sorte de flou régnait sur les bords de son champ de vision. Sa bouche était légèrement pâteuse, et elle ne sentait plus ses pattes. Avait-elle même encore des pattes ? Où était-elle ? Un mot lui revint sound, et elle comprit qu'il la désigna. Roxx. Oui, Roxx c'était son nom. Elle s'accrocha à cette pensée, alors que la force mystérieuse qui l'avait éveillée lui accordait peu à peu le droit de maîtriser de nouveau son corps. Elle tourna légèrement la tête. La terre crissa contre sa joue, et ses oreilles tressaillirent. Des formes bougeaient dans les alentours, se levaient de la terre pour dessiner des silhouettes qu'elle ne connaissait pas. Se retrouver allongée - et potentiellement vulnérable, cette pensée lui jeta un frisson dans l'échine au souvenir d'un certain jour qu'elle n'avait jamais oublié - ainsi au milieu de loups plus vivaces ne lui plut pas tellement, et elle mit le peu d'énergie qu'elle avait dans l'idée de se relever.

Comme un louveteau faisant ses premiers pas, elle se releva en vacillant, peu assurée. A la lumière de la lune, ses couleurs étaient comme décolorées, et elle paraissait véritablement être ce que d'autres murmuraient déjà. Un fantôme. Elle secoua doucement la tête pour essayer de chasser cette impression d'être à moitié vaseuse et encore ensommeillée. Quelque'un lança plus loin : Les morts ont été ramenés à la vie et les mortels ont été endormis ...
Alors deux choses frappèrent la petite louve colorée, et la première fit monter en elle une petite angoisse qui enserra sa cage thoracique. Bon sang, elle était morte. Son souffle s'accéléra alors que des images lui revenaient, images qu'elle repoussa bien vite. Elle qui était un être de joie, de chaleur et d'optimisme, se souvenait de sa mort. Il en fallait beaucoup pour lui arracher son sourire, et mourir en faisait visiblement partie.

Mais alors que faisait-elle ici. Etait-ce l'au-delà ? Non, non, ça ressemblait bien trop aux terres sur lesquelles elle avait grandi, et qu'elle avait quittées ensuite pour ne jamais y revenir. Ca y ressemblait... et en même temps pas vraiment. Elle se rappelait, un peu vaguement encore, le cimetière. Un cimetière qui se trouvait sur une île d'ailleurs dans sa mémoire. A pas mesurés et lents pour épargner au possible ses muscles ankylosés, elle s'approcha du petit groupe qui se formait non loin.

"Eh bien, ça alors..." Souffla-t-elle en apercevant les corps des quatre lupins endormis au centre de cette assemblée.

Certains d'entre eux portaient un glowstick, et il ne lui fallut qu'un instant pour parcourir ceux qui s'étaient levés comme elle de la terre et constater que nombre d'entre eux portaient un petit tube brisé, ou pas du tout. Curieuse, la peur refluant petit à petit, elle s'avança pour essayer de frôler les endormis... et sa patte traversa littéralement la silhouette du plus massif d'entre eux. Elle recula d'un pas aussitôt, comme une enfant qui aurait fait une bêtise. Mince alors, c'était donc vrai. Elle était morte, mais elle était revenue.

Elle aperçut du coin de l'oeil une volée de cheveux colorées ignorer complètement les présents et filer en direction de la sortie du cimetière. Ses yeux colorés se plissèrent. Elle ne connaissait ni d'Eve ni d'Adam ni de leur équivalent lupin l'inconnue, en revanche son comportement était différent des autres. Et cela piqua la curiosité de la solitaire - pouvait-on encore dire qu'elle l'était ?. Après tout, si tout cela était une sorte de grand rêve ou de grande mascarade, elle était peut-être un signe de... de quelque-chose. La crainte de Roxx était désormais complètement derrière elle, pour laisser place à l'espoir de trouver une explication. Un petit sourire se dessina sur ses babines blanches, et elle se lança sans plus attendre à la poursuite de la louve grise.

[Roxx quitte le cimetière dans le sillage d'Artëmis]

Aspiré en dehors du néant, il sentait son esprit se rematérialiser en son sein et s’imposer sans en expliquer la raison. C’était comme si il venait de se réveiller d’un très long coma, redécouvrant avec peine comment réfléchir, penser, utiliser son esprit. Ce n’était pas la sensation la plus agréable qui existait, mais petit à petit elle devenait moins désagréable. La mâle put alors ouvrir les yeux et faire face à ce qui l’entourait, analyser la situation, tenter de comprendre ce qui venait de lui arriver. Seul son nom lui revenait difficilement pour l’instant, il ne se souvenait de rien d’autre et il ne put faire l’effort d’essayer de se le remémorer pour l’instant. Il se contenta de se lever, balayant la zone autour de lui de ses yeux orangés, étrangement un peu fades.

Autour de lui, plusieurs autres loups aux regards perdus étaient éparpillés dans la zone. De nombreuses tombes jonchaient le sol, cet endroit devait donc être le cimetière. Plus loin, quatre loups gisaient sur le sol, endormis profondément dans un sommeil qui semblait imperturbable. Ignorant les quelques mots que les âmes perdues comme lui lâchaient de-ci de-là, le mâle baissa les yeux sur ses pattes. Elles n’étaient pas normales, plus translucide et plus fades qu’elles étaient censées l’être. Etait-il un fantôme ? Il ne sentait nul cœur battre dans sa poitrine bien que l’air entrait et sortait par ses narines tout naturellement… Des souvenirs fusèrent comme des flash dans son esprit aussi soudainement qu’il avait été ramené sur ces terres.
Le froid, la neige, la faiblesse, la sensation de vide profond dans l’estomac… Et puis plus rien…
C’était les derniers souvenirs qu’il avait de sa vie… Mais comment se faisait-il qu’il ne se souvenait de rien ? Et pourquoi était-il là avec tous ces autres loups ? Qui les avait ramené et pourquoi ?

Alors qu’il jeta un coup d’œil au Glowstick éteint accroché à sa queue, Khal eu une idée qu’il n’était probablement pas le seul à avoir eu. Il fit quelques pas et s’éloigna du groupe en silence comme s’il était seul, partant explorer à tâtons les terres en espérant retrouver la fontaine de Aka, ou même de n’importe quel Dieu susceptible de l’aider, de lui apporter les réponses dont il avait besoin.

C'est le mouvement de foule
Qui te noie comme la houle

Tu secoues de nouveau ta tête. Bordel. Était-ce la fatigue qui venait de te retrouver et te harcelait de la sorte ? Tous les morts, car ils étaient, lui y compris putain, parlaient, se questionnaient, partaient sans plus de préoccupation ; comme s'ils s'étaient levés là un beau matin dans leur meute d'origine. C'était affolant. Etait-il donc le seul a réagir normalement, à paniquer un tant soit peu, de trouver cette situation absolument pas normale ?
Mais après tout, c'était peut-être mieux ainsi. Pas de cris, pas d'agitation. Juste le doux silence d'une brise d'hiver qui vient caresser son poil, le loupant comme s'il n'avait été qu'une illusion. Agréable. Et effrayant. Mais agréable.

Il bredouilla quelques mots de politesse envers ceux qui avaient répondu à sa question, puis, sans un mot de plus, il tourna les talons, s'enfonçant il ne savait où pour réfléchir calmement. Les dieux. Probablement avaient-ils un réponse à cette situation. Peut-être étaient-ils eux aussi silencieux ?

- Bon écoutez... J'aime pas ça ok, fit il enfin, bougon. On est tous fatigués et confus ; mais faut qu'on sache pourquoi les morts sont vivants et les vivants morts. -on est pas morts, enculé- Les dieux sont peut être notre solution. Et jcrois me souvenir d'une bibliothèque. Y'a peut-être quelque chose là bas.

Il passa une patte sur son front, se le frottant avec vigueur, comme pour se rappeler de l'exactitude de ses propos. Il revint enfin à son sujet de discutions, balayant d'un œil morne les troupes.

- Ouais bon la moitié d'entre vous est partie, mais jpense pas que ce soit une situation très naturelle et j’avoue que ça commence déjà à m'emmerder. Autant se... s'entre aider voilà. Cherchez si y'en a pas d'autres comme nous. Jveux dire, il fit une brève pause, on n'est pas tous au cimetière aux dernières nouvelles. Y'en a qui ont clamsé au fond de l'eau ou bouffé par une bestiole.

Il chercha du regard des loups qui approuvaient. Ok c'était pas le plan de l'année et de toute façon, tout le monde y avait pensé. Mais au moins, quelqu'un aurait put le dire à voix haute bordel.

- On est morts ; y'a rien à faire, rien à bouffer, rien à se coïter, alors autant s'occuper en... prenant soin de ça là, fit il en désignant du museau les endormis.

Nouveau grattage de front, les yeux si plissés qu'ils en devenaient des fentes. Oh bordel, dans quelle merde il s'était encore fourré. Était-ce une épreuve ? Pouvait-il enfin faire ses preuves ? Montrer à tous le coté lumineux qui pulsait lentement en lui, telle une étoile éclipsait par le soleil de la colère ?
Grognement.

- Ouais bon allez j'me casse, jvais voir à l'une des fontaines de ces terres.

Et d'un coup sec de bassin, il s'évada de la scène, sans vraiment attendre de réponse des autres. Parce qu'au fond, il s'en foutait un peu.

Tu cours sans y penser, le temps t'est compté,
Chaque minute de gagnée, comme un chèque
Bien encaissé ♫

Ses yeux s'ouvrirent brutalement et ses pupilles cherchèrent quelque chose dont il ignorait tout. Il sembla renaître, car il était hanté d'un vide profond, d'une curiosité insatiable semblable au ressenti d'un enfant qui découvre son nouveau monde. Mais ce monde là, il n'avait rien de nouveau, il était au contraire beaucoup trop reconnaissable. Il lui fallut du temps pour reconnaître les astres qui scintillaient dans l'immensité de noir au dessus de lui. Rêvait-il ? Etait-il endormi ? Son corps était faible et lent à réagir, comme si ses muscles avaient dormis trop longtemps. Il bougea ses mâchoires et sentit la sécheresse qui alourdissait sa gorge. Il jeta son regard perdu autour de lui pour analyser l'endroit où il était, et fut attiré par la présence d'autres loups. Puis en se relevant, il vit de nombreuses pierres sortir du sol ci et là. Il lui fallut quelques minutes avant qu'il comprenne qu'il ne s'agissait pas que de simples rochers, mais de tombes. Et il se rappela, et son coeur se serra. Il n'était pas là où il voulait, ce n'était pas le paradis.
Oh le paradis.. nul ne savait à quoi il pouvait ressembler, mais pour le chevalier c'était sans aucun doute un lieu où il serait en compagnie de sa bien aimée. Où était-elle ? Parmi toutes ces têtes vagues, il ne la reconnut pas. A quoi ressemblait-elle déjà ? Sa mémoire était encore troublée par ce retour incompréhensible, mais chaque détail arriva, lentement, doucement. Ses cheveux ébènes, son regard azur, son sourire délicieux..  Il soupira et sentit sa poitrine se pincer.

Après un instant de songes où il se remémora ses enfants, il se leva, s'étira pour refaire vivre ce corps et se dirigea dans une direction incertaine. Il resta un peu distant mais suffisamment proche des autres pour entendre les conversations. Il s'arrêta nettement lorsqu'il constata avec stupeur qu'il lui manquait quelque chose. Cela lui avait pris un bon moment avant de s'en rendre compte, de se rappeler la Renarde, son épreuve et son pouvoir. Il n'avait plus son glowstick. Personne n'en avait en réalité. Il s'avança plus près et bien qu'habituellement très courtois, aucune parole ne parvint à sa langue lorsqu'il se joignit au groupe. Il se contenta alors de contempler les corps endormis là en cherchant à y mettre des noms, et d'écouter les beaux discours.

Oui, c'est ce qu'il convient de faire.. Approuva-t-il de sa voix grave à la suite d'un mâle peu commode qui venait de partir en râlant.

Agravain avait beaucoup à chérir sur ce monde, ses enfants devaient probablement être quelque part, endormis eux aussi. C'était une chance pour lui après tout, il pouvait les revoir une dernière fois.. Ils devaient être si grands maintenant ! Lui pardonneront-ils pour son abandon ? Pour ça, il faudrait déjà les retrouver et les réveiller.

Il nous faut enquêter sur la cause de tout ceci, chercher des indices.. La bibliothèque est un premier départ, mais il faut sillonner partout. Il faut les réveiller, tout ceci n'a rien de bon..

Notre place n'est pas ici, nous avons fait notre temps...

Drôle de monde.
Les vivants qui s’endorment pour laisser place aux morts, aurait-ce été le véritable sens de l’existence, jusqu’alors méconnu ? Peut-être même cela se produisait-il tous les samedi, sans que personne ne s’en souvienne jamais. Ou bien existait-il un jour des morts, le huitième jour de la semaine dont personne n’en avait connaissance. Il y avait suffisamment de morts pour que jamais deux fois le même ne se relève après tout.

Putain j’ai la tête dans le cul.
Mais loin de cette poésie était l’esprit de la louve dont le narrateur plus vraiment inspiré ici présent avait hérité. Brune aux touches noires et blanches, son apparence subtile et aux marquages élégants aurait été probablement pu être somptueuse si elle n’était pas actuellement à moitié enterrée, le poil sale de poussière et de moisissures, ébouriffée et mal léchée. Encore avait-elle ses chairs et sa fourrure, chose étonnante vu les décades passées dans l’outretombe.

Frottant lentement ses coussinets abîmés sur ses tempes, Noloty émergeait. Et comme toute personne normale sortant de plus de 10 heures de sommeil, elle était d’une humeur très sensible. Pourquoi se réveillait-elle, c’était la pleine nuit, ce n’était pas un moment pour ça. Et puis…où était-elle ? Ça ressemblait à un cimetière. Avec plein de monde. Pourquoi autant de monde ? C’est bon, on l’avait kidnappée pendant son sommeil. Peu encline à l’idée de s’être faite embarquer par une secte nécrophile elle essaya de se lever, ses pattes faibles comme si elle avait passé des années dans le coma. Et tandis qu’elle s’échinait à se souvenir d’où et comment elle s’était endormie, elle se rappela.

Elle s’était évanouie, d’un coup. Puis plus rien.
Et rien n’était clair dans sa tête, mais ne connaissant personne dans l’assistance, elle s’immobilisa, tentant de capter des bribes de conversations.

« On est tous fatigués et confus ; mais faut qu'on sache pourquoi les morts sont vivants et les vivants morts. »

« Il nous faut enquêter sur la cause de tout ceci, chercher des indices.. La bibliothèque est un premier départ, mais il faut sillonner partout. Il faut les réveiller, tout ceci n'a rien de bon. »

Bien. Ils étaient tous fous.
Elle ne pouvait pas être morte, elle ne serait pas debout ici sinon. Ou était-ce le paradis ? Un regard aux alentours n’était pas pour la convaincre. Elle ne pouvait pas être morte. Elle ne voulait pas être morte. Ça tombait bien, actuellement elle ne l’était pas. Ou plus ? Subitement une pensée lui traverse l’esprit, elle vérifie son glowstick. Son museau se tord d’horreur.

Je dois partir d’ici.

Sans plus s’attarder, elle s’enfuit à un trot soutenu en-dehors du cimetière, loin des loups restants.
Tout le monde ne peut pas être serein en revenant à la vie.