Un Bon Jour [Azkaban]

Cela faisait quelques jours déjà que le Grand Sommeil avait délaissé les vivants, et qu'Azkaban avait retrouvé sa solitude. Il avait mis bien longtemps à l'admettre, c'est vrai, mais il était bel et bien devenu un solitaire. Lorsqu'ils avaient quitté les Nakhus avec sa jumelle en quête d'aventure, il n'avait jamais vraiment considéré qu'ils abandonnaient la meute derrière eux. Puis leurs parents, dernières attaches qu'ils y avaient, étaient morts. Et enfin Descada était partie de leur cache pour s'en aller explorer le continent. Il n'était plus alors resté qu'un jeune loup sable aux cheveux blancs, vivant dans une petite grotte près de la plage, qui ne savait plus trop quoi faire de son existence et dans quelle direction emmener ses petites pattes. Il y avait bien cette louve au pelage azur qu'il avait rencontré, à deux reprises, et qu'il avait trouvé si jolie. Mais il n'avait pas réussi à la retrouver, et avait fini par se demander si elle n'était pas un fruit de son imagination, une sirène envoyée par le destin pour le soumettre à quelque tentation. Après tout, son corps avait la couleur de la mer, sa chevelure celle d'un sable flamboyant. En s'éveillant, il s'était retrouvé entouré de loups inconnus, un couple étrange, une jolie petite louve et une solitaire sans oreilles. Chacun était reparti de son côté, et Azkaban s'était de nouveau retrouvé seul. Terriblement seul.

Mais une partie de lui se disait que c'était bien de sa faute s'il se retrouvait dans cette situation. Après tout, c'est lui qui avait décidé de quitter les Nakhus, pressentant que sa place ne serait pas là-bas. Maintenant, il devait bien avouer ne plus trop savoir où il en était. Sa vie était devenue une sorte de train train, il ne cherchait plus vraiment la nouveauté ou le contact avec les autres. Il s'effaçait, lentement. Ce Grand Sommeil l'avait plus ou moins convaincu de faire bouger tout cela, et c'est ainsi que ce matin là il s'était éveillé le sourire aux babines et déterminé à adresser la parole à l'un de ses congénères au moins. Sa pêche sur la plage fut fructueuse, et ce fut d'ailleurs alors qu'il ramenait son second gros poisson que l'effluve d'un autre loup attira son attention. Un parfum féminin, sans aucun doute, la saison étant aux chaleurs elles se reconnaissaient bien aisément. Il posa donc sa prise et parcourut les alentours du regard.

Ses prunelles claires finirent par se poser sur une silhouette grise, et il reconnut avec une agréable surprise la louve sans oreilles qu'il avait croisé à son éveil. Elle non plus ne portait l'odeur d'aucune meute, d'après ses souvenirs. les embruns l'en faisaient douter, masquant une partie de son parfum. Le jeune loup passa une gerbe d'eau sur son museau, histoire d'en retirer les écailles et autres restes peu ragoutants de sa pêche, puis s'approcha d'elle d'un pas léger, les oreilles en avant et un sourire aux babines.

"Bonjour !" Lança-t-il en s'avançant. "Je suis Azkaban, nous nous sommes éveillés au même endroit."

C'était après tout un point commun comme un autre pour commencer une conversation.

Il constata avec joie que la femelle grise, qui lui avait paru un peu étrange et farouche à leur première rencontre, il fallait bien l'avouer, avait l'air tout à fait disposée à un petit échange avec lui. Elle se présenta à son tour et lui permit de mettre un nom sur ce visage presque qualifiable de familier : Hanna. A l'évocation du couple auprès duquel ils avaient repris connaissance, il eut un petit hochement de tête. Deux drôles d'énergumènes, ces deux-là, qui semblaient bien peu se supporter pour des individus supposés former un couple. Cependant, la nature de leur conversation et le ventre rond de la femelle laissait tout de même peu de doutes.

"C'est difficile à dire." Répondit-il. "Ils avaient l'air d'être le jour et la nuit."

Azkaban était une bonne âme, qui n'espérait que le bonheur ou au moins une vie un tant soit peu agréable pour quiconque sur cette terre. Il allait donc dans le sens de sa congénère en espérant que les tensions se soient apaisées entre eux, et se surprit à apprécier bien plus qu'il n'aurait dû cette conversation sommes toutes qualifiable de presque banale. Parler d'autres loups, partager ces semblants de ragots, lui réchauffait le coeur tant il ne l'avait pas fait depuis longtemps. Il faisait un drôle de solitaire, à si peu supporter de vivre dans la plus complète des solitudes.

Il vit la louve grise humer l'air, et aux paroles qui suivirent comprit qu'elle tentait de déterminer son origine. Il était vrai qu'avec le pelage encore trempé d'eau salée et l'odeur du poisson qu'il venait d'attraper, tout parfum plus ténu devait être effacé. De son côté, lui n'avait plus grand doute sur le statut de solitaire de cette compagne de conversation, puisqu'il n'avait reconnu sur son pelage aucune trace de l'une des meutes. Même l'odeur des Raeders, âcre et salée, que portaient certains de leurs amis solitaires.

"Elle l'a été en effet !" Répondit-il. "Il faut croire que le retour de la belle saison rend les poissons moins prudents. Voulez-vous partager ce repas avec moi ?"

Il lui désigna du museau l'endroit où se trouvaient ses prises, non loin de la tanière de fortune qui lui servait de repère depuis maintenant de nombreuses années. Puis il ajouta :

"Je n'appartient à aucune meute. Je suis né Nakhu, mais ma place n'était pas auprès d'eux je crois... Cela fait un moment que je vis ici. Les environs n'ont plus de secrets pour moi désormais."

Il ponctua sa phrase d'un léger sourire, en désignant le paysage autour d'eux d'un signe de la queue. Les étendues de sable, les dunes sèches qui séparaient la mer de la terre. Tel était son modeste royaume.

"Vous êtes solitaires également, n'est-ce pas ?"

C'était une bonne question en effet, de savoir si les poissons avaient eux aussi été touchés par le Grand Sommeil. En retournant vers l'endroit où se trouvait sa tanière, Azkaban avait croisé quelques animaux qui semblaient eux aussi avoir émergé depuis peu, et avait donc supposé que l'intégralité des êtres vivants s'était retrouvée plongée dans un profond sommeil. Peut-être même les plantes car après tout, si les neiges de l'hiver lui en avaient caché une partie, elles ne lui paraissaient pas avoir tant changé que cela. Le vieil arbre un peu rachitique près de sa tanière n'avait déjà plus aucune feuille à la fin de l'automne, aussi était-il difficile d'en juger vraiment. Il eut un petit rire lorsque la louve affirma que les lapins étaient toujours aussi compliqués à attraper, et il se fit la réflexion que ces quelques phrases révélaient plus ou moins quelles étaient les terres de prédilection de chacun. Le solitaire crème sable était plutôt milieu aquatique, tandis que la louve paraissait plus adepte des grandes plaines et étendues de l'intérieur du continent.

"J'avoue n'en avoir aucune idée, si c'est le cas leur comportement n'a pas drastiquement changé." Mais il se dit que celui des loups non plus, d'un point de vue extérieur, donc peut-être n'était-ce qu'un bien maigre indice. "Et cela me convient très bien !"

Il fut ravi que la louve réponde positivement à son invitation, et l'invita d'un geste du museau à l'accompagner jusqu'aux poissons. Ils pourraient s'asseoir ou s'allonger sur le sable et profiter de l'air marin, pas assez fort pour être véritablement désagréable mais suffisant pour apporter une appréciable petite brise. Une fois arrivé, il lui tendit galamment le plus beau, un gros poisson aux écailles argentées et qui était également le dernier pêché, et s'empara du second. Il releva ses yeux clairs vers la louve, et répondit à sa question d'un air amusé :

"Je crains que la majorité ne le soit, si. Lorsque je m'aventure plus loin sur les terres, il m'arrive d'attraper quelques proies d'autres sortes, mais la technique de chasse m'est de moins en moins familière. Vous parliez des lapins, je confirme que ces animaux sont un enfer lorsqu'on en a pas l'habitude !"

C'était une explication un peu trop positive, il fallait bien l'avouer. A force de se laisser porter par la vie sans tenter d'en faire quelque-chose, Azkaban avait renoncé à chercher l'aventure et la nouveauté. Il avait attendu Descada longtemps et s'était enfermé dans un train de vie un peu morose et répétitif, constituant en grande partie à chasser les produits de la mer et à méditer sur la côte. Il était plusieurs fois remonté jusqu'à l'Île Fantôme et descendu jusqu'aux rives de Morne-Oeil - sans jamais s'y aventurer toutefois, mais maintenant qu'il retrouvait un peu de volonté, il était peut-être temps de faire une tentative - mais sans chercher la compagnie d'autres loups. Il fallait dire que les côtes étaient plutôt dépeuplées sur Punk-Wolf, la majorité de ses congénères préférant l'abris sec des grottes qui se trouvaient bien loin de tout air au parfum salé.

"Je n'ai pas été très attentif au tournant que prenait ma vie..." Finit-il par murmurer en laissant son regard dériver vers les vagues. "J'espère ne pas le regretter trop vite."

Il tourna de nouveau le museau vers Hannah, et poursuivit :

"Vous évoquiez de la concurrence, et le moins que l'on puisse dire c'est qu'ici il y en a peu. Vous êtes ennuyée par beaucoup d'autres solitaires là-bas ?"

La sympathie dont faisait preuve la louve sans oreille lui fit se demander pourquoi il n'avait jamais pris conscience du plaisir que pouvait apporter la présence d'un congénère, s'il faisait un petit effort pour aller chercher de la compagnie. Il eut un sourire amusé lorsqu'elle parla des crabes, et fut étonné qu'elle ait même déjà tenté d'en attraper un. Il y avait décidément des lupins qui ne crachaient pas sur un peu d'aventure, car lui-même avait mis quelques temps avant de se décider à essayer. Non seulement la coquille lui paraissait un obstacle dangereux pour ses crocs et ses gencives, mais en plus ces créatures étaient rapides et un coup de pince dans les moustaches sur une action manquée n'était pas des plus agréables. Avec les années, il avait fini par le plus craindre ni leur vivacité - se déplaçant latéralement, c'était impressionnant - ni leurs appendices tranchants.

"Et mon prochain crabe pour vous dans ce cas !" Répondit-il à sa proposition.

Elle lui parla ensuite de sa vision de la vie de solitaire, et il dut bien admettre qu'il la rejoignait sur certains points. Ayant connu le confort d'une meute où tout le monde chasse pour tout le monde, il avait bien conscience que la vie hors du clan s'accompagnait de l'exclusion de tout moment de faiblesse. Il n'y avait pas de jour où, sous prétexte que l'on était patraque, on pouvait laisser quelqu'un d'autre aller remplir ses tâches. Sans chasser, pas de nourriture au quotidien. Sans nourriture, on dépérissait. Sans chercher d'abris, on se retrouvait dehors, à la portée des prédateurs. Les règles étaient un peu abruptes, mais très simple en soi. Et il y avait aussi la liberté de ne dépendre de personne et de n'avoir aucune véritable responsabilité à assumer que celles que l'on avait envers soi-même.

Lorsqu'elle évoqua le fait qu'être une femelle solitaire compliquait encore d'avantage les choses, il ne put qu'écouter avec attention puisque cela ne relevait plus du tout de sa propre expérience. Mais il était vrai que la gente féminine avait la possibilité de se retrouver avec quelques bouches à nourrir de plus sur les pattes, ce qui diminuait considérablement les chances de survie en milieu hostile. Il repensa aux deux loups qu'ils avaient rencontrés à leur réveil, et au ventre arrondi de la femelle. Si elle portait l'odeur des lazulis, lui en revanche était un solitaire. Il n'aurait sans doute jamais la joie d'élever ses enfants, puisque la vie qu'il avait choisie était bien plus risquée que le confort de la pouponnière d'une meute.

"Il est vrai que peu de monde vit ici dans l'année." Répondit-il finalement. "Les loups sont de passage, beaucoup ne savent pas chasser les produits de la mer et ne voient pas l'intérêt de rester."

Il posa son regard sur Hanna et ajouta :

"Si vous avez la moindre difficulté, sachez que vous êtes la bienvenue ici quoi qu'il arrive. Même si je ne suis pas là, l'entrée de mon refuge est au pied du vieil arbre là-bas. Vous êtes libres de vous y abritez."

Il lança un signe du museau en direction de la silhouette plongée dans la brume de Morne-Oeil et ajouta :

"Les seuls voisins sont peu bavards, et ne vont presque jamais hors de leur île."

Azkaban la regarda froncer le museau, puis finir par lui répondre que leur marché amical lui irait d'avantage si elle pouvait découvrir à ses côtés comment attraper ledit crabe. Il n'y voyait pas spécialement d'inconvénient, surtout car il n'était pas le genre de loup à couver jalousement une technique de chasse soigneusement apprise et perfectionnée au fil des ans. Il était également conscient que ce n'était pas en pratiquant une fois avec lui qu'Hannah parviendrait à maîtriser complètement ce type de chasse. En revanche, connaître les bases lui permettrait de pouvoir se tirer d'une situation épineuse si le besoin s'en fiasait sentir - il se rappela l'épisode de la sécheresse, durant lequel les habitants de la mer avaient certes perdu de leur densité mais pas au point critiques des animaux terrestres. Si les habitants des côtes et des îles avaient autant souffert de la soif, ils avaient sans doute moins eu de problème à se nourrir que leurs compères d'outre-terre.

"Ce serait avec plaisir que je vous montrerai comment attraper ces petites créatures." Répondit-il, un air avenant sur le museau.

Il vit la louve parcourir les alentours du regard à la mention du vieil arbre, qui était clairement visible de l'endroit où ils se trouvaient. Il fallait dire que les arbres étaient peu nombreux dans les environs. Celui-ci avait l'air d'être mort, aucune feuille ne poussait plus sur ses branches grisées et striées de craquelures de sel. Pourtant, il devait être vigoureusement fiché dans la terre car il ne s'en était jamais décroché depuis toutes ces années, et ce malgré la tanière aménagée entre ses nombreuses racines. Hannah affirma qu'il s'agissait d'un paradis, et peut-être que ça en avait quelques saveurs en effet. Azkaban n'était pas malheureux dans ce petit bout de terre que la solitude avait fait sien. C'était son petit coin de paradis à lui, mais sans doute une sorte de paradis hors du temps, empoisonné de nostalgie et d'espoirs vains.

Lorsqu'elle lui demanda pourquoi il lui partageait cela, il fut pris de court. A vrai dire, il lui avait proposé de manière si spontanée que lui-même ne s'était pas demandé pourquoi. Sans doute que cette louve lui inspirait la sympathie, avec ses bonnes manières et ses oreilles si particulières. Jusqu'ici, elle s'était montrée très cordiale, et notre solitaire avait un petit fond de naïveté qui lui faisait voir d'abord le bon en chacun, avant le mauvais.

"... Je crois que je n'ai vu aucune raison de ne pas vous le partager." Répondit-il avec un petit sourire un peu gêné. "Pour être sincère, cela faisait longtemps que je n'avais passé une si agréable conversation avec un semblable. Et puis nous nous sommes déjà rencontré, vous n'êtes pas tout à fait une étrangère."

Il hésita un instant, puis ajouta :

"M'autorisez-vous à vous tutoyer ?"

Derrière eux, le vent soufflait de plus en plus fort, faisant voleter des petits tourbillons de sable autour de leurs pattes. Il la regarda aller déposer ses écailles abîmées dans l'océan, mais surtout garder de côté celles qui étaient les plus grandes et les plus belles. Que comptait-elle en faire ensuite ? Un mystère qui l'intriguait, mais il ne jugea pas utile de poser directement la question. Il se contenta donc de contempler ses trouvailles, qui reflétaient la lumière pâle de la journée.

Il fut à nouveau désemparé en entendant la louve grise lui présenter... des excuses ? Peut-être avait-il été trop expressif dans sa réaction à sa question, transmettant alors le mauvais message. S'il avait été surpris, il n'en était pas le moins blessé du monde. Visiblement, Hanna n'était pas la seule qui était un peu rouillée en ce qui concernait les relations et comportements sociaux. Il s'empressa donc de secouer négativement la tête et de répondre :

"Oh non, je n'ai pas été offensé le moins du monde. Je crois que la vie de solitaire ne nous aide pas à réagir à la perfection à nos semblables." Ajouta-t-il d'un air amusé et qui se voulait complice.

Il la remercia d'un mouvement léger des oreilles lorsqu'elle lui accorda qu'ils se tutoient. Même s'ils demeuraient égaux, elle aurait aisément pu dresser entre eux une barrière par le vouvoiement, et qu'ils restent ainsi deux étrangers errants sur le continent. Il était ravi que ce ne soit pas le cas. Autour d'eux, le vent se levait doucement, de plus en plus fort. Les sens habitués du loup clair pressentir là qu'il ne s'agirait bientôt plus de simples embruns. Alors qu'il se faisait cette réflexion, la solitaire grise lui demanda s'il possédait quelque-chose dans quoi elle puisse transporter ses précieuses écailles, afin que les doigts d'Eole ne viennent pas les lui prendre.

"Hm... J'ai peut-être quelque-chose. Accorde-moi une minute et je t'emmène cela." Répondit-il après un instant de réflexion, puis il ajouta : "Tu devrais manger ton poisson avant qu'il ne soit trop salé par l'air de la mer. Ne m'attends pas, je reviens !"

Il se redressa et fit volte-face pour rejoindre à souples foulées le pied de l'arbre un peu plus loin. La brise de plus en plus violente faisait voleter autour de ses épaules sa lourde tresse blanche. Il se rassembla sur lui-même et se glissa dans la tanière qui était depuis bien des années déjà son chez-lui. Aussitôt, le calme se fit. Lorsqu'on se trouvait au bord de l'océan, on pouvait oublier le vacarme perpétuel qu'il apportait avec lui. Ce n'était qu'en rentrant subitement dans un endroit tel que celui-ci, protégé du bruit et du vent, que l'on prenait conscience du silence soudain et inattendu. Une sensation que le solitaire trouvait particulièrement plaisante.

Il était évident, en y entrant, que la tanièr était habitée depuis un moment déjà. Il ignorait exactement quel animal l'avait creusée avant qu'il n'y élise domicile. Peut-être un renard, ou un blaireau. Quelle qu'aie été cette créature, son odeur avait disparu depuis bien longtemps au profit de celle de son actuel propriétaire. Le sol était tassé par les passages quotidiens, et plus encore dans le léger renfoncement dans lequel il se roulait en boule pour dormir. Quelques herbes séchées étaient stockées dans un coin, dont il avait découvert les diverses propriétés un peu au hasard. et un peu partout se trouvaient des vestiges trouvés sur les plages au fil des ans. Etoiles de mer immobiles, éponges figées et sèches, coquillages et galets de toutes sortes. Ce fut parmi eux que le solitaire vint faire danser son museau, jusqu'à tomber avec joie sur ce qu'il cherchait.

Il s'agissait d'un coquillage sans prétention, à la coquille rayée et qui ne brillait plus. Il s'enroulait sur lui-même tel un immense escargot, et c'était son intérieur seulement qui recelait de merveilles, puisque le nacre y était resté. C'était l'une de ses premières trouvailles en ces lieux, alors qu'il y vivait encore avec sa jumelle Descada. Un petit sourire nostalgique étira ses babines à cette pensée, et il resta un instant à simplement contempler le coquillage en se remémorant quelques lointains souvenirs. Peut-être s'il faisait davantage d'efforts pour rencontrer d'autres loups pourrait-il retrouver la trace de sa soeur. Après tout, ils n'étaient pas si vieux. Tout était encore possible.

Il ressortit finalement de sa tanière et s'ébroua pour chasser le sable qui s'était infiltré dans son pelage. Son regard aperçut de coin quelques nuages sombres qui avançaient doucement vers eux depuis les lointains horizons de la mer. Le temps était compté avant qu'ils ne soient assaillis par les éléments, comme c'était bien souvent le cas en bord de mer. Il s'empressa donc de rejoindre Hanna pour déposer devant elle le gros coquillage. Un coup d'oeil lui confirma qu'il contiendrait largement son petit stock d'écailles brillantes.