Pousser le vice ❀ Annette/Libre Etelkrus

Nouvelle journée, nouvelle ronde.
Une tâche répétée sans qu'une impression de rinçage ne lui vienne pourtant. Anette appréciait cet ordre, cette routine, qui rythmait désormais sa vie. Durant ses jeunes mois elle n'avait connu que la liberté de la plage et ses embruns. De vaste journées occupées à faire ce que bon lui semblait, comme bon lui semblait, quand bon lui semblait. Chaotique quotidien. C'était cette impression que lui avait laissé ces journées. Sans impératifs elle n'avait jamais eu de motivation. Et aussi risible que cela aurait pu l'être pour d'autre appréciant la flexibilité de la vie de solitaire, Anne elle, aimait cette appartenance à une meute. Elle avait un but. Un objectif à accomplir. Elle pouvait concevoir que d'autres trouvent cela autre-part et pas dans un emploi du temps défini, cependant. Mais fait était, voilà pourquoi la Garde ne se sentait aucunement lassée de parcourir le même chemin et ainsi voir à nouveau le frontières. Elle appréciait la redondance légère et le calme relatif.

Relatif, oui. Car une voix s'éleva, qui ne lui sembla pas si lointaine. Bien trop proche, même.
Une réclamation lancée aux roches qui se chargeraient de répercuter le son et ainsi transporter le message comme tant d'oiseaux colporteurs. Et quelle demande ! Une funèbre promesse de venir dérober un membre de la famille à quelqu'un de la meute. Anette sentit son poil se dresser immédiatement ; elle ne perdit pas de temps pour humer l'air, trouvant tout de suite la trace de l'intruse.

Ses pattes foulèrent le sol bien plus rapidement alors qu'elle galopa avec fougue vers la personne. Dès qu'elle vit une silhouette perchée sur un roc, elle put associer l'odeur au visuel et au son : une louve, portant de teintes vert d'eau et des plantes ainsi qu'une capeline. Anette ne se fit pas prier pour se dresser de toute sa hauteur, queue levée et inspirer une grande rasade d'air. Sa voix tonna en réponse, faisant usage de la même astuce utilisée par cette inconnue de se servir des roches pour en augmenter le volume et la portée.

"Qui qu'elle soit, si vous ne partez pas, c'est à moi que vous aurez à faire !" scanda donc la grande beige et verte, pleine d'assurance face à celle qui n'aurait dû se trouver sur les terres de sa meute.

La voix était suave, faite de miel.
Mais elle tournoyait, repérait, comme les vautours haut dans le ciel.

La louve, l'observait et posait sur elle un regard étrange, d'un de ces regards que l'on aurait posé sur une carcasse alléchante, possédant encore assez de viande dessus pour ne pas finir le ventre trop vide ou racler désespérément les os de ses canines. Classée sans réel préambule dans une catégorie satisfaisante, Anette sentit un frisson lécher son échine et s'échapper droit vers son dos. Le compliment dégoulinant des babines de l'autre ne lui arriva que comme une gelée empoisonnée. Les maigres informations révélées en disant trop, ou pas assez. Elle connaissait son père, aurait voulu apparemment en faire une possession. Et maintenant... Maintenant ses yeux étaient sur elle.

Un regard avide.
Un oiseau de mauvaise augure.

Anette eu l'impulsion de vouloir l'attraper et la violenter, répugnée par sa façon de décrire des cercles autour d'elle en la scrutant avec trop s'insistance. La manière qu'elle avait eu d'ignorer l'avertissement pourtant clair qu'elle avait lancé. Le toupet qu'elle possédait de trépasser les frontières et de venir menacer d'un kidnapping, et maintenant d'insinuer qu'elle aurait fait sienne un membre de la meute -et de sa famille, qui plus était- ! Une légère peur, irrationnelle, s'empara d'elle en s'imaginant être picorée par cet être qui la reluquait. Elle était effrayante par sa nonchalance et ses paroles sans queue ni tête.

Il n'y eu que ça qui la retint d'aboyer, réclamer plus d'informations et la pousser sur les rocs. Elle finit malgré tout le poil ébouriffé, elle poussa sur ses pattes et les écarta légèrement pour pousser un peu plus sa carrure, prendre plus de place. Être plus effrayante. Pour tenir tête. Elle aurait voulu tonner comme l'orage, mais prit inconsciemment une autre méthode.

"Je te promet un adieu avec ta tête entre les crocs si tu ne retire pas tes menaces et ne t'en vas pas, intruse."  Souffla t-elle, au lieu d'hurler, venin dispensé au compte-goutte.

Un ultime avertissement.