L'appel du sang • PV

« Entendez l'appel

« Creek & Tatch & Kéran & Saitan & Koellya


Tels l'ombre inquiétante de monstres marins en approchent, les trois frères barbares naviguaient à vue sous la surface de l'eau. Creek avait prit la tête, devant le Maître des Rituels et le Capitaine nouvellement promu. Rompu à l'exercice de la plongée et de la nage en haut difficile, les trois loups pouvaient se targuer de leur endurance à retenir l'oxygène dans leurs poumons. Toutefois ils n'étaient encore que des loups, que la malédiction n'avait pas encore totalement emporté sur le chemin implacable et impitoyable tracé par Pontos, le Roi des Océans. Le pirate à la patte de bois battit des pattes pour remonter à la surface et aspirer une belle gorgée d'air iodé. Ils n'étaient plus très loin de la côté, et surtout du delta où le fleuve continental venait se jeter dans la mer. C'était pas là qu'ils allaient infiltrer ce pays de loups claniques faibles et misérables. C'était là où personne ne s'attendrait à voir débarquer l'ennemi qu'ils frapperaient avec vivacité et organisation. Et pillage. Quand même. Ils étaient de fiers forbans ! Il fallait bien qu'ils s'accaparent le trésor d'autrui et signe leur méfaits. Un large sourire carnassier fendit la poire de Creek alors qu'enfin, il débarquait le premier sur un banc de sable et de galets. Il sentit le sable s'infiltrer sous ses coussinets et crisser sous sa patte folle. Sans un regard en arrière, parce qu'il savait que ses frères le suivait de prêt, le Raeder avança sur ces terres qui n'étaient pas les leurs. Furtif et silencieux, il commença à longer le fleuve avec dans son dos le déclin du jour.

Contrairement à ce qu'on aurait pu penser, on n'entendit pas le cliquetis caractéristique d'une patte de bois, à peine pouvait-on percevoir les froissements du tissu qu'il portait autour du cou. Il ne fallu pas très longtemps avant qu'une proie n'attire le regard cobalt du louvard anthracite. Un coup d’oeil entendu à ses frères et déjà ils s'organisaient pour encercler un mâle grisonnant en train de se désaltérer auprès d'une de ces mignonnettes non exotique du continent. Ils étaient trois contre un et demi. Trois jeunes loups des mers contre un vieux clanique et une donzelle probablement un peu plus jeune qu'eux mais pas de beaucoup. Enfin, rien qui ne puisse les arrêter ou même les ralentir dans leur objectif. Dans un silence de mort, tapi sur la rive derrière quelques petits buissons, le forban au regard de nuit attendit que ses frangins soient en place, avant de lancer l'assaut. Ce serait rapide et efficace. Ils n'étaient pas une bande de branquignoles ou de clowns. Il était temps que les continentaux les prennent au sérieux. Il étaient temps qu'enfin, ils assoient leur domination sur la mer et ses alentours. Et surtout il était temps de montrer au Roi des Océans, qu'ils étaient meilleurs que leurs pères. Le sourire de Creek s'élargit alors qu'il sentait l'exaltation parcourir ses muscles et électriser tout son être. L'instant était presque parfait. Dans le clair-obscur de la fin du jour, ils seraient comme des ombres. Seuls les crocs du moins barbu des trois frères luisaient dans ce début d'obscurité. Peu importait désormais, il était trop tard pour ce couple de Lazulis... 

L’obscurité s’installait progressivement à l’extérieur, même si cela n’avait pas réellement d’importance dans cette grotte où la seule source de lumière était la fontaine. Assise aux pattes de la Dragonne en pierre, Neït ne pouvait s’empêcher de se poser des questions sur l’avenir qui les attendait. Leur passé avait été bien lourd de péripéties diverses, l’avenir le serait-il tout autant ? Jadis, cela aurait importé peu à l’ancienne Séide, mais désormais, il lui fallait penser à l’avenir de ses deux louveteaux — enfin si ils ne faisaient pas une énième bêtise qui les conduirait à se retrouver accrochés au plafond jusqu’à la fin de leurs jours —. Ces deux monstrueuses boules de poils promettaient de commettre d’incroyables conneries… peut-être aurait-elle dû leur donner plus de tuyaux pour taquiner Gloriel ? Hum… Pas sûr que le bougre apprécie… Un sourire vint étirer les babines de la prêtresse, au moins Ao avait eu raison de l’envoyer chez les Lazulis, cette décision avait été riche en opportunité, mais bon, fallait pas rêver. La fille de Sekmêt ne l’aurait jamais admis publiquement !

Pourtant… Pourtant malgré tout ce bonheur, un terrible pressentiment l’assaillait, comme si quelque chose de grave était sur le point de se produire. La Lazulis serra les crocs, en proie aux doutes. Deux choix s’offraient à elle, suivre son instinct qui pouvait la conduire vers un chemin bien ardu, ou rentrer retrouver ses enfants. Mais alors, quel genre de parent serait-elle ? Quel sorte de loup représenterait-elle à leurs yeux ? Neït n’était pas du genre à fuir la queue entre les pattes lorsqu’une menace se profilait et ce soir encore, cela n’arriverait pas. Les sens à l’affut, la louve sortit de la grotte, laissant derrière elle la Dragonne, sans se rendre compte que c’était la dernière fois que toutes deux seraient réunies en ces lieux. Ses pattes suivirent le chemin du fleuve, pour arriver au niveau d’un drôle rassemblement. Deux Lazulis étaient en difficultés face à un trio pour le moins… anodin. Les crocs dévoilés, la lumière de son glowstick sur sa langue illuminait légèrement ses yeux brillants.


« — Qu’est-ce que ça veut dire ? »

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« Creek & Tatch & Kéran & Saitan & Koellya & Neït


La belle bande organisée que formaient les trois frères vint à bout des deux Lazulis avec précision et rapidité. Tous semblait régler comme une pendule. Alors que le vieux loup beige était à terre, maintenu fermement par les crocs luisants de Tatch, le loup anthracite à la patte de bois le musela à l'aide d'un torchon fait d'un morceau d'ancienne voile imbibé d'eau salée. Il déboucha ensuite une petite bouteille de Rhum maudit qu'il sortit de sa ceinture et en versa une bonne partie sur le tissu. Ainsi, les effluves d'alcool frelaté aiderait à maintenir calme leur nouveau captif en lui brouillant l'esprit. Kéran aurait sûrement vite accompli la même chose avec la louvette. Creek se redressa subitement, surveillant les alentours d'un coup d'oeil rapide avant de tourner autour de leur groupe, vérifiant qu'ils ne laissaient aucune trace odorante qui les auraient trop vite condamnés. Sauf le rhum laissait échapper un doux fumet aux narines du pirate. Il alla remplir sa petite gourde d'eau du fleuve et en versa là où le liquide ambrée avait pu être renversé, le diluant ainsi plusieurs fois jusqu’à ce qu'on ne puisse plus discerner proprement cette douce fragrance. Ils étaient prêt à repartir avec leurs deux paquetages quand un bruissement, suivit d'une voix mécontente firent tressaillir les oreilles du loup à patte de bois. Ses crocs se dévoilèrent également, mais en un rictus carnassier. Une vieille louve s'avançait vers eux. C'était comme si on leur offrait une proie supplémentaire sur un plateau d'argent.

Les prunelles de nuit du Raeder vérifièrent que les deux Lazulis plus ou moins assommés et bien ficelés soient correctement entravés avant de faire une signe du museau à ses frangins. A trois contre un, il était évident que la nouvelle venue n'allait ni pouvoir fuir, ni pouvoir se défendre très longtemps. Il avança vers elle avec confiance, dans un trot fluide.

« C'est sympa de se porter volontaire ma belle. »

Façon de parler, il faisait sombre et son pelage était foncé, il ne pouvait donc dire réellement si elle l'était ou non. Et dans la mesure où c'était une clanique du continent, elle ne l'était forcément pas. Creek ne voyait en ces loups faibles et geignards de la terre ferme que des andouilles à dépouiller ou au mieux des proies facile à embarquer vers leur monde plein de mystère et de cruauté façonné par leur Roi Pontos. Evidemment, il fallait venir à bout de la Lazuli avant de l'emmener, et le boiteux s'en sortit avec une belle ligne sanglante dentelés sur l'épaule où les crocs de la femelle l'avait agrippé. Quelques minutes plus tard,
après quelques cris étouffés, quelques touffes de poils volantes et bien sûr une rasade de rhum, et puis aussi avec l'aide de ses deux compères Pirates, ils finirent par attraper et bâillonner la brune. Ils n'avaient plus qu'à rentrer tous les trois, ayant chacun leur petit -ou gros- poids morts à tirer jusqu'à Morne-Oeil, sans les noyer si possible. Le chemin ne fût pas aisé, mais leur détermination était grande et malgré la fatigue, l'adrénaline et l'envie de terminer ce qu'ils avaient entamé les poussaient forcément à se dépasser. Régulièrement, Creek avait vérifié qu'ils ne laissaient derrière eux aucunes traces trop distinctes au sol et surtout, que leur odeurs restaient couvertes par la boue où les feuillages dans lesquels ils se roulaient pour rester discret et surtout, invisibles. Ce serait comme s'ils n'étaient pas jamais venus. On ne pourrait pas blâmer les Raeders pour ça. Du moins, pas assez vite pour que les Lazulis puissent faire quelque chose pour ces trois-là.