Discret au-revoir | Boite à Clou

C'était un soir doux chez les Etelkrus, ce jour-là. Une soirée de printemps réchauffée par une brise tiède, qui portait le parfum des premiers bourgeons et les derniers chants d'oiseaux du jour. Des nuages piquetaient le ciel de traînées cotonneuses, dont la blanche était à peine rompue par les vol d'oiseaux de retour pour la belle saison. A Grand-Castel, l'activité était tranquille. C'était sans doute la première fois que Karigan l'observait ainsi d'ailleurs, prêtait attention à chaque petit détail, à chacune des actions de ses camarades, à leurs expressions et à leurs rires. Il était sans doute un peu triste qu'il faille qu'elle soit au dernier jour de sa présence en tant que membre de la meute pour réellement voir toutes ces petites choses qui en formaient l'identité. Mais c'était ainsi, et c'était d'ailleurs peut-être son départ imminent qui lui donnait la chance de poser un tel regard sur le coeur des Etelkrus. Elle n'avait parlé à personne de son départ, parce qu'elle n'était pas certaine que cela ait une vraie utilité. En ce moment, les hautes instances et les guerriers étaient fort occupés à traquer les solitaires qui avaient osé s'attaquer à leurs membres. Ils n'auraient que faire de la disparition d'une louve dont personne ne s'occupait vraiment, bien qu'elle remplisse avec sérieux son office.

Elle revenait d'ailleurs d'une patrouille, sa dernière. Elle n'avait pas dit un mot, comme à son habitude, et avait ramené une proie sur le chemin du retour aux côtés de ses camarades. Le groupe s'était ensuite dissout sans plus attendre, chacun se saluant et allant rejoindre ses amis ou ses supérieurs pour une nouvelle mission. Il n'était restée qu'elle, non loin de l'endroit où se trouvait le tas de gibier. Elle avait fini par se poster près de l'entrée du Grand Castel, comme un autre Garde. Car avant de partir, il lui restait une dernière chose à faire. Si elle n'avait annoncé à personne qu'elle comptait s'en aller, il y avait tout de même un loup à qui elle voulait faire ses adieux. C'était peut-être une manière bien formelle de le présenter, car rien ne laissait présager qu'elle ne le reverrait jamais - d'autant qu'elle prévoyait éventuellement de rejoindre son jumeau, et que les terres Nakhus comprenaient le cimetière où il faisait son office. Mais elle désirait faire les choses correctement.
Et annoncer au moins à Boite à Clous son intention de partir.

Une sorte de petit trac l'envahit alors qu'elle guettait les silhouettes qui passaient l'entrée du camp, attendant de voir surgir le massif loup au museau orné de pics. Elle ignorait s'il rentrerait ce soir-là, car il avait sa propre tanière un peu à l'écart, mais elle pouvait attendre encore un jour où deux si besoin. Son comportement n'était pas suspect, et personne ne remarquerait qu'elle était plus nerveuse que d'ordinaire. Il aurait fallu bien la connaître pour cela, et lui prêter une attention accrue. Choe qui ne s'était jamais faite, et désormais ne se ferait jamais.
Elle passa sa langue sur ses babines et rassembla un peu plus ses pattes sous elle. La fraîcheur du soir apaisa légèrement sa crainte, tandis que le temps s'étirait dans cette silencieuse attente.

Il alignait les pas sur le sol, comme toujours. Il sentait la terre, la roche, l'herbe contre ses coussinets plein de corne. Le vent glissait sur son pelage court, mais il pouvait enfin laisser sa grande cape désormais, le temps était suffisamment bon pour. Il n'avait donc en gueule que sa lanterne, celle qui, animée de sa magie, l'aidait à se repérer dans le cimetière et à tracer la route du retour. Il connaissait certes ce chemin, qu'il parcourait tous les jours depuis plusieurs années maintenant, et pouvait se débrouiller dans le noir... Mais ses yeux sombres avaient une préférence pour le soleil, il n'aurait pu le nier non plus. Peut-être parce qu'il voyait la brume tous les jours, alors de voir l'astre briller le changeait-il ? Qu'importait, il aimait bien sa lanterne, aussi. Elle lui donnait l'impression d'être un guide.

Les rochers de leur quartiers se profilèrent, et il s'y engouffra sans hésiter. La journée avait été longue, le chemin l'était également. Il aurait presque hâte d'aller s'étaler dans la pelucheuse doublure de sa cape, qui lui faisait office de lit la nuit, la seconde qui servait de rechange le recouvrant parfois comme une couette pour l'hiver.

Mais il y avait une silhouette, là, pas si loin de la limite qui marquait leur maison commune. Il dressa les oreilles, reconnaissant la silhouette grise de la Garde. Il avait jadis, annoncé par la dame dressée là, la disparition de sa mère. Il l'avait croisée aussi quelques fois, s'était autorisé à dire bonjour à la silencieuse louve. Un des visages qu'il avait pris un peu plus le temps de retenir. Il en croisait beaucoup, certains qui le marquaient par son travail d'annoncer la mort de leur famille mais... Le sien lui était resté comme ça, parce que. Leur balade, leur légère discussion. Son attitude absente, mélancolique presque. Elle était gentille, aussi, même si assez effacée. Mais il se considérait relativement effacé aussi et absent car sillonnant plutôt les montagnes pour aller officier au loin de la meute. Il participait aux rassemblements mais sinon... Enfin bon, ce n'était pas la question.

Il s'avança vers la louve pour une salutation un peu banale, mais bienvenue. Une fois pas trop loin d'elle, il hocha donc la tête en signe de reconnaissance et de bonsoir. Parce qu'il n'était pas très fort avec les mots. Il posa sa lanterne, aussi, les éclairant de sa lumière rouge-orangée.

A mesure des instants qui passaient, Karigan laissa ses pensées s'effiler en de multiples directions et songes. Elle remarqua à peine que la nuit tombait complètement, que la chape sombre et bleutée du soir oeuvrait patiemment à recouvrir Grand Castel. Elle ne cessait de se projeter dans les instants qui allaient suivre son départ. Elle savait qu'elle ne devrait pas directement aller vers les terres Nakhus. Elle qui voulait faire les choses correctement ne se voyait pas s'échapper comme une voleuse en emportant avec elle le présent de la Renarde. C'état elle qui décidait de quitter la meute sur laquelle veillait Dairo, il fallait donc qu'elle aille faire ses adieux à la déesse et qu'elle lui rende le présent qui lui avait été offert. Le petit tube lumineux, qui était sa lanterne à elle.

Ce fut d'ailleurs la lumière vive d'une autre lanterne qui la tira de ses pensées, et son coeur fit un bond lorsqu'elle vit la silhouette haute qui se trouvait derrière. Une lumière s'alluma dans son regard, par-delà le voile de timidité et de crainte qu'on y lisait d'ordinaire, alors qu'elle se redressait soudainement. Elle s'en voulut d'avoir laissé son attention être distraite et de ne pas avoir été convenablement préparée à son arrivée. Elle s'efforça toutefois de garder les oreilles redressées et la mine avenante, tout en repoussant la tentation de simplement le saluer avant de fuir dans l'obscurité. Elle l'avait suffisamment observé de loin/ ce soir serait peut-être leur dernière conversation, en tout cas l'était-elle en tant que confrères Etelkrus. Une part d'elle-même dont elle ignorait bien des choses lui murmurait qu'il devait garder un bon souvenir de cette rencontre. Elle n'en était pas à espérer qu'il ne lui en veuille pas - après tout, elle n'avait pas la prétention de compter suffisamment pour que son départ lui fasse même éprouver quelque-chose - mais désirait tant que cette conversation lui reste comme agréable écho du passé.

Il s'avança vers elle pour la saluer d'un hochement de tête, la mâchoire occupée par sa lumière flamboyante qui les colorait tout deux de chaudes teintes et paraissait plonger les alentours dans de profondes ténèbres. Durant un instant, elle aurait pu croire qu'ils se trouvaient uniquement tous les deux, à la lueur de la lanterne. Cette pensée lui plut, mais elle la laissa passer sans plus s'en occuper. Puisqu'il allait falloir parler, parler correctement, et surtout ne pas céder à la crainte de décevoir. Ose.

"Bonsoir, Boite à Clou. Je... Je voulais te parler, justement."

Était-ce une bonne entrée en la matière ? Peut-être un peu trop direct ? Il ne désirait peut-être pas sa compagnie, après tout - quoi qu'il semblât venu lui-même la chercher - ou du moins pas d'une manière aussi invasive. Ses oreilles tressaillirent alors qu'elle le scrutait, craintive de l'erreur, et finissait par ajouter :

"J'espère que... la journée a été bonne."

C'était banal, mais sincère. Mieux que rien.

Intrigué par la salutation en retour de Karigan, 'Clou pencha légèrement la tête, une de ses deux oreilles se pliant légèrement sous son propre poids au passage. Le ton nerveux qu'elle eu et son attitude l'étant tout autant ajouta une couche à la curiosité, qui s'instigua dans les veines du Croquemort. Il hocha la tête à nouveau, accompagnant ses paroles d'un ton neutre, mais reflétant ses sentiments internes. Parfois un peu trop rêche, aux yeux de certains un peu trop benêt, mais surtout sans filtre, il n'était un pour le mensonge, après-tout. Juste un pour grommeler parfois quand il n'osait s'avouer des choses.

"Ça va, j'dégagé le cimetière, c'plus joli quand même maintenant, y'a même des fleurs qui poussent."

Il ne s'étendit cependant pas trop, comprenant bien que ça n'avait pas l'air d'être le point focal de ce qui se discuterait. Incertain de quoi faire ou dire par la suite, mais ne souhaitant laisser son interlocutrice se jeter à l'eau sans aide comme un malotru, 'Clou essaya de se défaire un peu au moins de ses habits de rustre maladroit, et toussota.

"J'suis... l'ouïe... c'quoi l'expression... Erh." Il bougonna dans sa barbe tout bas, raté pour l'éloquence, comme d'hab. Il reprit. "'fin... vas-y, j'écoute."

Ce grand maître des conversation, parfait.

Fort heureusement, Boite à Clou sembla plus intrigué qu'offusqué par la question de la louve grise - ou peut-être était-ce simplement par son attitude ? Elle avait conscience d'être plus nerveuse encore que d'ordinaire, où elle parvenait à masquer de mieux en mieux son angoisse perpétuelle de toute chose. L'image du loup blanc à demi-crocodile qui lui avait permis de prendre ce pas dans son existence, bien des années auparavant lors de la bataille dans le temple de Yurai, lui traversa l'esprit. C'était en quelque-sorte à cause de lui qu'elle se retrouvait ici ce soir-là, à oser adresser au loup envers qui ses sentiments étaient on ne pouvait plus flou, un discret adieu. Elle redressa donc les oreilles pour l'écouter parler de ce qu'il avait fait, et fut surprise d'entendre que le cimetière lui aussi avait eu le droit à sa floraison. De ses visites sur l'île Fantôme, pour aller tristement contempler les noms usés des membres de sa famille, elle n'avait retenu qu'une affligeante vision de fleurs mortes et desséchées, qui attendaient sur la pierre que le temps les éparpille ou qu'une bonne âme chargée de les ramasser vienne remplir son office. Peut-être était-ce un signe des dieux, un bon présage pour l'avenir de leur meute, ou même de toutes celles du continent.

Le croque-mort ne perdit pas de vue le fait qu'elle aussi avait quelque-chose à raconter, et eut la politesse de lui indiquer qu'il lui donnait toute son attention. La légère maladresse de ses paroles faisait partie intégrante de ce personnage que Karigan admirait tant, de loin, sans envahir son quotidien, aussi l'idée de s'en moquer ne l'avait jamais effleurée. Les loups qui parlaient peu, lui avaient appris sa famille, étaient souvent ceux aux pensées les plus complexes et insaisissables. Ou peut-être était-ce juste qu'elle voyait en lui un autre loup peut à l'aise avec les mots, qui ne lui en tiendrait jamais rigueur et qui pouvait peut-être la comprendre. Mais c'était peut-être trop s'avancer que d'espérer cela, bien-sûr.

Elle inspira profondément, chercha ses mots, et finit par répondre en inclinant légèrement les oreilles vers l'arrière :

"Je... Je vais partir."

C'était simple à dire, alors pourquoi cela lui avait-il paru si compliqué à prononcer ? Peut-être simplement car elle se trouvait devant la seule raison qui aurait pu la pousser à rester. Parce que la présence lointaine de ce loup dans son existence, depuis qu'elle avait intégré les Etelkru, était bien le seul pilier restant d'une vie qui ne valait pas vraiment la peine d'être racontée. Chacun de ses saluts la faisait se sentir soudain comme plus jeune, un peu confuse mais bien moins négativement que lorsqu'elle était en proie à ces terreurs la hantaient. Maintenant qu'elle lui faisait face, elle en venait presque à regretter de s'en aller. Mais elle avait promis à Volstein de le rejoindre, de venir essayer pour la dernière fois de sa vie de trouver sa place. Elle se répéta qu'ici, personne ne la regretterait. Personne sans doute, ne remarquerait son départ.
C'était mieux ainsi.

"Je vais... je vais rejoindre mon frère, Volstein." Ajouta-t-elle. "Il m'a dit... que je pourrais vivre chez les Nakhus. Ici... je ne sais pas où est ma place."

Personnage secondaire d'histoires qui n'étaient pas la sienne, éternelle terrorisée face aux petites frayeurs de l'existence, être qui avait eu bien de la chance de vivre aussi longtemps.

"Je voulais te dire au-revoir."

Même si je ne suis rien qu'une figure parmi tant d'autre à te saluer chaque matin. Pour moi tu es bien plus.
Sa dernière phrase s'était faite sans hésitation, dans un murmure. Son regard doré, qui avait dérivé presque par habitude vers le sol, se relevant vers les prunelles de Boite à Clou. L'instant ne durerait pas, elle le savait. Pourtant, c'était cet instant là dont il faudrait se souvenir. Ce petit morceau d'une longue mémoire qu'il faudrait chérir, garder dans un petit coffre secret à jamais. Les quelques lumières d'un existence, les souvenirs les plus précieux.

"Oh."

La courte réponse sortie tout bas, tout doucement, de la bouche du croque-mort. Un souffle, guère plus, qui s'accompagna de son air un peu perdu. Une certaine confusion remplit son esprit, qui se changea en mer agitée dont il lui était impossible de comprendre le sens ou l'humeur. Seul un petit bateau invisible s'essaya à y naviguer, une embarcation aux voiles cousues aux fils de déception. Il fronça des sourcils une fraction de secondes, qui aurait-il été pour exprimer ce sentiment ? Aucun droit ne lui permettait de la contredire.

Il hocha la tête pour reléguer cette pensée au fin fond de son esprit, qui continua pourtant de faire chemin au travers des vagues de son inconscient. Aussi, pour s'exprimer encore une fois, plus dans le corporel que dans l'oral. Ses oreilles, discrètement tombées un peu sur les côtés, tressaillirent quand il bougea sa mâchoire pour esquisser un léger sourire. Sourire un peu effacé, un peu distrait, un peu perdu.

"C'pas mal en vrai, d'rejoindre sa famille."

Ses traits se métamorphosèrent pour quelque chose de plus sincère.

"J'suis bien content qu'Anette m'ai r'joint, j'pense qu'Volstein le s'ra aussi." Il l'observa un coup. "C'gentil aussi d'dire au'r'voir, j'pense qu'tu nous manquera 'peu quand même."  

Elle était un visage sympathique pour lui après-tout, et elle était toujours gentille avec lui. Un peu plus bavarde aussi  peut-être. Un peu plus attentive.

Un peu plus attentive.

Un petit bateau, doucement, faisant son chemin dans son inconscient.

Ses prunelles rivées sur lui saisirent chacun des signes qu'il envoya, par le corps ou par les mots. Il était peu téméraire d'affirmer qu'il ne s'attendait visiblement pas à cette déclaration, qu'il n'avait pas prévu que la conversation prenne une telle tournure. Cependant, il ne s'était peut-être tout simplement pas attendu à la base à avoir une véritable conversation avec elle, aussi n'était-ce qu'une sorte de petite chose surprenante de plus. Elle vit ses oreilles s'abaisser un peu, et il hocha la tête, comme pour acquiescer à ses propos, comme pour lui donner une sorte d'aval muet. Il finit par lui adresser un sourire en lui répondant, une expression qu'elle avait bien rarement vu sur son museau. Le charme certain qu'il exerçait sur elle ne pouvait qu'être accentué par ce regard sincère, cet étirement des babines et les mots qu'il prononçait. Elle ne savait pas exactement ce qu'elle avait attendu de cette discussion, mais le chemin qu'elle prenait lui convenait. Il était rassurant, il laissait peu de place au doute et à l'hésitation.

Il évoqua sa fille Anette, qui avait effectivement rejoint la meute. Elle était, de ce qu'en avait vu Karigan, son extrême inverse. C'était une grande louve à la carrure impressionnante, au regard dur et au tempérament dominant. Un véritable guerrière, qui grandissait sans doute d'une valeur sûre les rangs des combattants Etelkrus. Il parut... satisfait qu'elle soit venu lui dire au-revoir. Il aurait été trop présomptueux de supposer quelque-chose de plus positif, et pourtant. Il ajouta qu'elle manquerait à la meute. Une phrase qui lui arracha l'ombre d'un triste sourire, tant elle ne songeait pas que cela put être vrai. Malgré la bienveillante présence de Dairo et de sa lumière, elle n'avait jamais trouvé de sens à son existence. Il n'y avait que ce loup crème à l'allure bourrue, qui faisait de ses journées quelque-chose d'un peu plus palpitant lorsqu'elle le croisait.

"Je crains fort que... ce soit bien peu le cas." Lâcha-t-elle avec un soupir, et un discret haussement d'épaules.

Sous son pelage, son coeur battait un peu plus fort. Ca y est, elle y était. Le grand moment approchait à foulées de géant, bientôt elle délierait son destin de celui de cette meute qui n'était plus pour elle, de cet univers qui ne lui ressemblait pas. Elle était loin de se douter des changements qui auraient lieu dans bien peu de temps, et qui renverseraient le cours des choses.

"Toi, tu me manqueras." Souffla-t-elle timidement. "Merci... Merci de m'avoir écoutée."

Bientôt, les derniers mots.
Bientôt.

Il lui manquerait.
Un concept encore étranger pour celui qui s'occupait des morts. Des visages défilaient comme un film mal monté par chez lui, au cimetière ; des loups qui manquaient aux vivants, des identités pleurées. Des visages de vivants s'ajoutaient dans les diapositives, souvent, dans ces récits familiaux ou d'eau de rose qu'on lui comptait, les cœurs poussés au bord des lèvres par les deuils. Il ne manquait point à Anette, qui était à ses côtés.

Extraterrestre, alors, l'idée d'être un profil, brûlé sur une bande sombre.
Sombre comme ses yeux, sombre comme les tombes qu'il creusait.

Regard qui scruta Karigan, le temps de quelques battement de paupières, qui essayaient de chasser la confusion avec leur mouvement. Balayer l'opacité étrange qui teintait le monde, une lueur un peu rosée. Inhabituel sentiment. Un petit bateau, doucement, doucement.

"T'tu, je- euh... Pas d'souc- ok ? Hrmn." Il s'éclairchit la gorge pour s'empêcher de s'emmêler encore plus qu'il ne le faisait. "Pas d'quoi, d'accord. Merci aussi ?"

Il dansa sur ses pattes, décida de blâmer la lumière étrange, le soir et la fatigue pour son attitude gauche. Il n'avait jamais été très droit, tout biscornu que son corps était, mais pataud aurait été un euphémisme pour lui ce soir là. Il toussa, puis hocha la tête dans un salut respectueux maladroit.

"Bonne euh, route. L'chemin, et que Yurai t'acceuille bien. Prends... soin d'toi."

Il releva la tête, observa devant lui, son cerveau une bouillie immangeable et incompréhensible pour lui. D'un mouvement hâtif, il se saisit de sa lanterne, se risqua à observer une dernière fois la grise... Pour s'y brûler les yeux, une vague de il-ne-savait-quoi lui mixant un peu plus les neurones, et il hocha encore la tête.

Avant se reprendre sa marche.