[CLOS] A la sierra d'Aka ✠ Lymphalème

« Viens, on va aux Dents de Roc. »

C'est ce qu'elle t'avait dit, Pepper, juste avant de se lever, son repas terminé.
Elle était venue te trouver, elle qui malgré son rang veillait toujours à ton intégrité, comme le lui avait jadis ordonné ex-Alpha Alys. A la sortie d'un sommeil trop long (le Grand Sommeil, celui dont il fallait encore découvrir l'origine, elle n'oubliait cette quête), il l'avait chargé de s'occuper de toi, après tout : malgré sa démission, elle ne faillait à sa tâche.
Et puis, avouons-le : elle te considérait aussi comme un ami, avec qui elle appréciait prendre du bon temps. Après s'être chargé toute la nuit durant de son rôle d'Alpha au côté de la toute aussi jeune que vous Anette, elle avait besoin de souffler un peu.
Pour cela, elle comptait entretenir quelques liens sociaux, n'ayant pas envie de se couper des autres. C'était mauvais, ça : mieux valait rester en harmonie, ne pas changer ce qui pouvez vous unir. Elle s'autorisait donc quelques sorties amicales, pour se libérer l'esprit et laisser un instant ses hautes responsabilités. Une brève exploration avec Harlow. Un bon de chemin avec toi, Lymphalème.

Aujourd'hui, tu deviendrais donc son accompagnant personnel.

Celui qui ouvrirait pour elle la voie, son guide dans l'obscurité permanente qui l'entourait. Elle s'était déjà rendue une fois, à ce temple, en compagnie de Sir Athelstan, ta mission serait donc de la prévenir du moindre changement qu'un événement météorologique ou un caprice de mère Nature aurait apporté. Aujourd'hui, elle voulait y retourner sans lui, car il n'avait à savoir ce qu'elle voulait y faire.
A savoir, déposer sur l'autel divine une offrande, tant pour le dieu que pour son disciple le plus fidèle. Remercier Aka pour veiller sur son mentor, pour lui offrir cette force qu'il lui transmettait.
C'était important, pour elle, alors qu'approchait doucement la fin de son apprentissage, bien qu'elle aurait toujours à partager avec Sir Athelstan.
Se saisissant d'une proie qu'elle avait elle-même débusquée puis attrapée, elle la coinça sur son harnais pour ne pas s'encombrer la bouche, et toujours pouvoir te parler. Puis se mit en route, le nez levé, ses pattes martelant avec précision le sol en direction du temple de la divinité rouge, là où se bousculait les odeurs des disciples au glowstick rouge. Dont celle de son frère cadet, Dough, ayant obtenu celui-ci depuis peu et dont la présence sur ce chemin n'était pas si lointaine que ça.
C'est elle qui prit en premier la parole, toi toujours plus silencieux qu'elle.

« Ton entrainement avec Sir Alys avance bien ? J'espère que tu le prends très à cœur, il ne faudrait pas que je sois déçue. »

Les étoiles dans ses yeux marquèrent une rotation, trahissant la malice l'habitant.

Si Pepper avait été en capacité de le faire, sans doute t'aurait-elle regardé avec de grands yeux. Ceux qui auraient trahi un certain étonnement, quant à la conduite que tu arborais avec elle. Mais ses yeux morts ne divulguait rien, lorsque la malice ne s'emparait pas de ses pupilles. A leur place, ce furent ses oreilles qui vinrent en de rapides et brefs mouvements s'agiter d'avant en arrière, comme pour chasser une mouche qui aurait tenté de se poser à leur sommet.
Que lui faisais-tu ?
Ton comportement lui était inhabituel. Pour ne pas dire étrange. Elle en fronça même ses sourcils, étirant ses babines en une moue incertaine qui ne cessait de prendre de l'ampleur au fur et à mesure que tu l'appelais Dame Pepper ou que tu la vouvoyais. Était-ce l'entrainement de Sir Alys, qui t'avais amené à ainsi t'exprimer ? Il était le frère de Sir Athelstan, celui qui l'avait elle-même conduit à emprunter ces politesses. Ce n'était pour autant une chose dont elle usait avec des amitiés débutées bien avant son évolution.
Tu l'avais connue gamine effrontée, tu n'avais à faire de telles cérémonies avec elle.

« Tu sais, tu peux te passer de toutes ces politesses. Mon nouveau rang ne change rien entre nous : on s'est connu bien avant ça, as-tu déjà oublié ? N'oublie jamais que tu es le seul loup à avoir passé une patte aux travers d'une de mes oreilles, Sir Lymphalème... »

Ça lui valut un petit sourire, en espérant te voir te détendre un peu.
Elle avait beau s'être grandement calmée, en gagnant en âge et en maturité, elle n'en restait pas moins une adolescente. Et si toi, qu'elle considérait comme étant un ami, te mettais aussi à la traiter différemment des autres, elle perdrait pour de bon cette bulle où elle s'accordait, l'espace d'un instant, une trêve avec ses responsabilités nouvelles.
D'un petit mouvement de la tête, elle te remercia de l'avoir prévenu. Son corps frôla le rocher, le tiens avec, passant sans ralentir son pas. Elle te faisait confiance, elle n'avait besoin de tempérer son allure en te sachant si vaillant : peu de loups pouvaient se targuer de la voir ainsi avancer à bonne allure, elle qui prenait milles précautions sur ces tracés.

« Je suis cependant contente d'apprendre que tout se passe bien, entre Sir Alys et toi. Et ne me surestime pas : je sais me défendre, moins attaquer, aussi je ne doute pas de tes capacités au combat... On devrait s'entrainer ensemble, un jour, dans...disons, une joute amicale. »

Son museau se plisse à l'évocation de cette idée. Cela constituerait un bon entrainement, pour elle qui avait prit l'habitude de défier Sir Athelstan, parfois d'autres loups venus la former. Et puis, elle verrait ainsi de quoi tu étais capable, Lymphalème. Elle te voyais comme quelqu'un de malin, au sang-froid perceptible : étaient-ce des capacités que l'on pouvait retrouver dans ta manière de se battre ? Ou te destinais-tu à un rang plus intellectuel, comme celui de panseur ou de membre du corps ?
Quant à son propre apprentissage, celui qu'elle combinait à sa nouvelle fonction d'Alpha et ne lui permettait que trop peu de temps libre et de repos, il est vrai qu'il touchait à sa fin. Se mêlait face à cette vérité un mélange d’appréhension et de réjouissance. Elle avait trop prit l'habitude de cotoyer son mentor, ne se voyait pas ne plus le faire. C'est une routine qui cesserait, lorsque Sir Athelstan déciderait qu'il en aurait finit avec elle, et serait libre de prendre sous son aile un apprenti tout aussi chanceux que ce qu'elle fut. Et dieu sait que cet apprenti aurait de la chance, que de se retrouver avec lui comme modèle.
Mais terminer son apprentissage, se serait aussi marqué un nouveau pas dans sa vie. Elle obtiendrait son glowstick, serait moins Alpha contestable. Il s'agirait de l'aboutissement de sa jeunesse, ce qui ferait d'elle une adulte et non plus une adolescente en formation...

« C'est vrai, il ne durera plus longtemps, mon apprentissage. Le plus fier de tous reste finalement mon mentor, Sir Athelstan... J'ai davantage d'affinités avec ma meute qu'avec ma propre famille, nous nous entendons mieux lorsque nous nous voyons peu. Mais sinon, oui, je reste la réussite insoupçonnée de ma mère, et mes frères me respectent un peu plus. »

Un bref rire, un peu moqueur, se fit entendre face à cette vérité. Elle tâchait d'apprécier sa mère, de loin. Elle fréquentait de temps en temps ses frères, ceux qu'elle trouvait jumeau à leur plus grand bonheur, puisqu'elle était la seule à ainsi les qualifier au vu du pelage complètement différents qu'ils possédaient en réalité. Mais lorsqu'on ne voyait pas...

« Et toi, il en est quoi, de ta famille ? Tu ne m'avais pas dis, lorsqu'on s'est rencontré la première fois, que tu étais fils d'un chef. »

Tu te confiais peu, elle l'avait bien remarqué. Elle était pourtant curieuse, d'en apprendre un peu plus sur toi.

Tu te fis honnête avec elle, répondant à sa question. Elle apprécie, tout comme elle apprécie les précautions que tu prends pour dégager la route des obstacles qui auraient pu se mettre en travers de ses pattes.
Elle avait un instant douté de ce fait, se demandant si la famille était pour toi un sujet tabou, comme il pouvait l'être pour certain. Pour elle, par exemple : elle parlait peu, de sa famille. Comme elle lui parlait peu. Les trois membres qui la constituaient n'étaient pour elle qu'une chose imposée par la vie.
Si elle aurait dû choisir une citation, une seule, pour décrire sa vie, elle n'aurait douté sur le fait qu'il s'agissait d'On ne choisit pas sa famille, mais on choisit ses amis. Quelque chose du genre : elle ne l'avait plus bien en tête.
Tu étais donc bel et bien fils d'un chef. Tu n'avais pas menti. Un ancien solitaire, dont elle parviendrait peut-être un jour à étiqueter une voix et une odeur à son nom. De sa nouvelle position d'Alpha, elle serait sans doute amené à le rencontrer.
Même si d'un côté, elle n'en avait pas bien envie, ne cherchant à entretenir de bons rapports avec les autres meutes. Même avec les Lazulis, oui, envers qui elle s'affichait froide. Toutefois bien loin de son agressivité et de sa pleine hostilité envers Raeders et Solitaires...
Ta maman, Brienna, était herboriste. Une penseuse, si elle avait été Etelkru. Elle ne comprenait encore comment la sœur de Sir Athelstan avait ainsi pu déserter les Etelkrus. C'était décevant : il avait dû en être affligé. Et à chaque fois qu'une chose pouvait navré son mentor, elle navrait aussi Pepper.
Enfin. Elle devait avoir quelque chose à cacher, si elle n'avait même pas parler de son ancienne meute à son propre fils. Elle ne porta cependant de jugement, ne voulant te froisser en jugeant sans doute trop hâtivement ta mère.

« Si ta sœur ressemble à ta mère, je t'imagine tirer beaucoup de ton père. Quand tu me décris son caractère, j'ai l'impression de t'y reconnaitre... »

Un petit sourire se dessine sur ses babines. Lui aussi, avait de si grandes oreilles, pourvus de plumets ? Il faudrait qu'elle le touche, pour le savoir. Chose que jamais elle ne se permettrait. Davantage par mépris pour l'autre meute plutôt que par respect.
Pourtant, elle était satisfaite, de t'avoir à tes côtés. Elle t'appréciait, à ta juste valeur. Pensait à de grandes choses, pour toi. Si, à ce jour, aucun autre Lazulis n'aurait pu venir prétendre à l'intégration de votre meute, sauf si elle aurait trouvé quelque chose à y gagner en dehors d'un membre un peu, tant sa confiance envers eux étaient ridicule... Tu étais un peu son exception. Le seul dont elle oubliait les origines.
Peut-être parce dès ta naissance, tu avais l'air prédestiné à être Etelkru : c'est toi, qui était venu la trouver aux abords de ses terres, t'intéressant si jeune à ce qui aurait dû être son ennemi. Cette pensée la fit sourire, comme on souriait lorsque nous revenait un bon souvenir.

« Tu sais, il n'est pas impossible que tu revois ta famille pour leur donner de tes nouvelles. Un jour, sans doute, Annette et moi seront contrainte de rencontrer les Chefs Lazulis. J'aimerais que tu m'y accompagnes, lorsque ce moment arrivera. Tu serais un peu comme notre Ambassadeur. »

Celui qui connaîtra les terres de cette meute, la plupart de ses membres anciens, les mœurs. Celui à qui on pourrait plus facilement accorder sa confiance, puisque porteur de mêmes origines. Fils d'un chef, qui plus est, bien qu'elle ne pouvait savoir que bientôt il ne le serait plus.
Qu'importe. Tu resterais spécial, pour elle, avec ce rang qui ne serait qu'à toi.
Ne ralentissant le pas, la jeune louve poursuivait sans jamais ralentir, son rythme de marche aussi imperturbable que semblait l'être aujourd'hui l'intonation de sa voix.
Rude, comme elle pouvait l'être naturellement pour celle qui n'avait développé beaucoup de douceur, mais posé, comme celle passant un bon moment en compagnie d'un ami.

Plus qu'être un des rares immigrés du clan, tu étais surtout le seul en qui Pepper avait accordé sa confiance, et sans doute le resterais-tu.
Son haut-rang ne l'avait rendu que plus méfiante et plus intolérante envers autrui : les admissions risquaient d'être compliquées, tant qu'elle occuperait place sur le trône. Il n'y avait plus qu'à espérer qu'Anette sache la tempérer, qu'elle accepte de donner chance à des loups méritants une place au sein des vôtres.
Mais cela resterait sujet sensible, chez elle.
Elle ne pourrait accorder la moindre chance à des étrangers, pas après tout ce que leur clan avait subi. Fliqué, encadré, avec une incapacité d'atteindre les rangs les plus hauts de ce clan : les chances de se faire discriminer par Pepper était d'une existence toute faite.
Si elle ne corsait pas l'admission par une tâche délicate, voir forçait une trahison envers son appartenance d'origine en guise de preuve de l'adhérence aux valeurs de leur meute : c'est une idée qui venait de lui traverser la tête, et qu'elle soumettrait à Anette lorsque vous rentreriez au camp.
Il fallait être utile et loyal, pour prétendre à une place chez eux.

Aussi, lorsque le seul loup pouvant se voir nommer ambassadeur accepta sa proposition, elle ne put empêcher ce sourire de satisfaction de naître sur ses babines.
Elle n'en attendait pas moins, d'un fils de Chef.

Cela sembla d'ailleurs te faire plaisir, d'être ainsi rapproché de ton père. Si elle avait bien capté ta reconnaissance, lorsqu'elle t'avait évoqué ce rang possible, elle savait que tu aimais être rattaché à ton géniteur, d'une façon ou d'une autre.
Tu n'avais pas quitté ta famille en mauvais terme. Elle ne le savait que trop bien.

« Qui sais : ton père a peut-être fait preuve d'idées tout aussi fougueuses, avant ta naissance. »

Ses étoiles se retournent, malicieuses, semble se faire un instant filante. Il y avait des secrets que se gardait de raconter les parents : elle-même ne connaissait pas tout de sa mère.
N'avait, ceci dit, jamais souhaité le faire, n'ayant jamais lié de lien fort avec sa génitrice.
Elle se stoppa lorsque tu t'arrêtas, proche de toi.

« Je veux me rendre au sein même du temple d'Aka, jusqu'à son autel, là où je déposerais cette proie, afin de l'honorer lui ainsi que mon mentor sur lequel il aura tant veillé. »

C'était important. Elle y ajouterait sans doute une prière, en dévotion pour ce dieu qui protégeait leur peuple.
Pepper était pieuse, envers ses dieux. Il lui semblait important de se présenter à eux sans être leur disciple, pour montrer que l'Alpha portait en son cœur les trois valeurs maîtresses des Etelkrus, sans discernement.
Bien que Dairo serait toujours celle qui posséderait sa dévotion.

« Et ensuite... Tu n'auras qu'à m'emmener à l'endroit que tu trouves le plus beau, ici, et te prêter au jeu de la description pour me faire rêver un peu. »

Casser le quotidien, apprendre à connaître ses terres au travers des yeux d'un autre : cela faisait longtemps, que Pepper ne s'était amusé à ça.
Bien trop longtemps.

Ton épaule s’appuie contre la sienne, elle poursuit l'ascension vers le temple Aka. A quoi ressemblait-il, ce temple ? Sir Athelstan le lui avait décrit, il y a bien longtemps. Lorsqu'il l'avait emmené voir les territoires de leur meute, lorsqu'il lui avait fait découvrir la formidable diversité de leurs terres.
Pepper n'avait jamais dépassé les frontières Etelkrus. Elle ne connaissait que ça, se plaisait à l'intérieur des frontières de leur meute. Et la découverte du monde extérieur n'était chose qui l'intriguait. Ici, elle était chez elle. Ici, elle se sentait bien.
Ses pattes foulent le sol rocailleux, vous progressiez de bon pas.

Et puis, vous y arrivèrent.

Dans son poil, elle sentait presque le souffle du grizzli souffler sur vous. Sa puissance. Son courage. Tu lui indiquas l'entrée du temple, le nombre de pas qu'il lui faudrait pour joindre la statue du Grizzli.
Cinq pas, et elle déposerait sa proie.
Cinq pas, et elle offrirait à Aka une courte prière, un remerciement des plus sincères.
Pepper hocha la tête, un sourire sur les lèvres.

« Tant que tu restes discret -et je sais que tu le seras-, ta présence ne me dérange pas. »

Elle n'avait rien à cacher, Pepper. Aussi, quand bien même ce qu'elle s'apprêtait à faire était une chose intime et personnelle, qu'elle mettrait son cœur à nu, tu avais autorisation de pénétrer dans ce temple.
Tu étais son ami : à toi, elle n'avait rien à cacher, tant elle se voulait honnête avec ceux qu'elle portait en son estime. Alors elle s'avance, sans ton aide. Elle pénètre dans le temple d'Aka, là où règne l'odeur du prêtre sans qu'elle ne détecte sa présence.
Elle va, jusqu'à la statue.
Sa tête se courbe, une révérence discrète. Et puis, elle parle. De la voix claire de celle qui s'entrainait à devenir bonne oratrice, avec la force dont on aurait pu s'attendre d'un disciple du glowstick rouge. Comme Sir Athelstan.

« Je vous salue, Aka, dieu courageux et tout puissant. Veuillez accepter ce modeste présent. »

Elle pose la proie, qu'elle aura elle-même attrapée, sur l'autel divin.

« Je viens à vous sans attente, sans intention autre que celle de vous remercier. Vous, qui veilliez tant sur vos disciples que sur notre clan. Vous, qui veillez plus encore sur Sir Athelstan, qui m'aura tant appris. Pour l'avoir rendu fort, pour l'avoir fait porteur de votre couleur, je ne peux que vous louer.
Puissiez-vous le garder encore à nos côtés en lui offrant votre lumière, lui qui est la mienne.
Gloire à vous, dieu Aka. »

Quelque chose de bref, mais qui portait la puissance des sentiments qu'elle possédait pour son mentor. Il était celui qui avait fait d'elle ce qu'elle était aujourd'hui, il était celui à qui elle devait tout son salut.
Alors elle s'incline, Pepper. Elle dit au revoir à Aka, et repart tête haute et cœur léger.
Elle ne demandait pas d'apparition, elle honorait en toute humilité un dieu de sa meute. C'était son devoir d'Alpha, que de montrer aux trois dieux qu'elle suivait leur chemin.
Passant à tes côtés, elle ressort dehors. L'air lui parait bien plus frais qu'à l'intérieur, elle frisonne un peu. Elle semble soulager.
Elle sourit, Pepper.

« Merci, de m'avoir permit de me rendre ici. Je tenais à prier un peu. »

Car elle était pieuse. Très pieuse. Même sale enfant, jamais elle n'aurait eu idée de manquer de respect à l'un d'entre eux.
Elle prend une grande bouffée d'air. Souffle.
Ça fait du bien, oui.

« Viens. Promenons-nous un peu. Décris-moi les paysages. »

Comme elle l'avait auparavant souhaité : elle était prête à se prêter à ce jeu.

« Je n'en attendais pas moins de vous, Sir Grandes Oreilles. »

Vous aviez tout deux d'étranges apparats en guise d'oreilles, après tout. Elle, avec les longes et fines oreilles où il manquait un fond, caractéristique qu'elle portait en commun avec ses frères et sa mère. Toi, et tes plus grandes oreilles encore, où s'étoffait à la fin un plumet de lynx.
Il y a un sourire amusé, sur ces babines.
Tu la fis monter en hauteur, ton épaule venant soutenir son corps. Vous preniez de l'altitude. Sous ses pattes, les roches.
Pepper se laisse guidé, curieuse de voir ce que tu lui présenterais aujourd'hui.
Heureuse aussi, que tu te prêtes ainsi à cette activité. Là où elle pouvait apprendre à mieux connaître les terres de votre peuple. A se les imaginer, comme elle s'imaginait tout le reste de la carte. Elle, qui n'avait jamais posé patte en dehors des terres Etelkru, n'avaient encore fini de les découvrir.
Et cesserait-elle un jour, de s'émerveiller de ce que l'on pourrait lui raconter à leur sujet ?
Elle en doutait.

La pente est rude, mais ses pattes ne flanchèrent pas. Elle n'était pas agile, mais recelait d'une endurance certaine, capable de rivaliser avec tes épaisses pattes. En grandissant, tu avais fini par bien la dépasser : Pepper était une petite louve, où seul les muscles lui donnaient apparence moins frêle.
Il fallait remercier tant Anette que Sir Athelstan, pour cela.
Sans te couper dans ta parole, elle t'écoute lui parler des sapins qui ornent les collines, aux épines qui piques. Elle les voit comme le dard des abeilles : ça agresse la peau. Et les épines des pins se hérissent sur de gros troncs. Elle n'avait jamais pu toucher un arbre en entier. Voir ô combien les branches s'échappaient de toute part, formant un grand amas harmonisé. Elle ne s'en imaginait que quelques unes. Un peu éparses. Ici, là...
Il y aurait des choses dont la beauté, toujours, lui échapperait.
Les arbres en faisaient parti.
Le ciel, lui, revêtait une forme plus agréable, une fois soumis à la créativité de l'esprit aveugle. Avec des cotons, doux, qui se transporte dans le ciel comme on pouvait marcher le long d'un sentier. Une odeur agréable, en guise de couleur.

Puis tu lui dis que les pierres remplacent les arbres : y avait-il une transition, ou était-ce brut, net ? Elle te le demande, entre deux de tes phrases. Les pierres, c'étaient quelque chose de fort, les pierres, ça ne brûlaient pas comme les pins : une raison qui la rendait sans doute fière, d'en posséder ainsi sur son territoire.
Ce n'était sans raison que vous fouliez les terres d'Aka, pas vrai ? Tout devait émaner la force, ici. Elle s'imagine l'endroit rouge, plus encore que la Rougelande : elle a tort, elle le sait, mais elle ne peut s'empêcher de poser une des rares couleurs qu'elle peut assimiler à cet endroit.

Enfin, le vide.
Pepper se stoppe, sur le plateau. A tes côtés. Elle reste immobile, avec ces yeux qui jamais ne regarde quelque chose. Rivé droit devant elle, sans accrocher quelque chose. Inutile, mais présent. Les paupières toujours trop ouvertes, sans quand soufflait le vent ou le sable.
Rien à toucher.
Elle aime cette idée. Une terre sans rien, comme si on aurait pu tomber indéfiniment du plateau. Une jonction avec le ciel, peut-être ? Oui. Il y a les nuages, qui y forment une mer. Son souffle se coupe un peu, elle s'approche alors du bord.
Elle ne fait pas un pas de plus : elle sent la limite, sous ses griffes qui ne captent plus la pierre. Elle se redresse, te gratifie d'un mouvement de la queue et des oreilles en guise de remerciement.
Elle est droite.

« Et voici donc tout notre royaume. Chez nous. »

Il devait être magnifique. Il devait transpirer de leur force, au travers de ces terres. Et c'était chez elle.
Et c'était chez vous.

Tu n'aimes pas, quand elle est si proche du vide. Quand ces griffes oublient le sol, que ses pattes peuvent faire pareil. Elle sait qu'il y a un creux, ici, elle sent que cela descend. Mais elle n'a pleinement conscience de cette hauteur léthale, de ces rochers en contrebas, de tout ce qui la transpercerait au lieu d'amortir sa chute. Elle le sait, sans pouvoir comprendre le danger en découlant.
Quelle importance, de toute façon : elle ne tomberait pas.

Car il en faudrait beaucoup, pour faire tomber Pepper.

Elle lève son museau, respire. L'air est frais. Un vent lui est rapporté d'ailleurs, chargé d'hauteur qu'elle assimile sans les joindre à ce qu'elles peuvent représenter. Pour elle, le vent est quelque chose qui se voit : elle le ressent dans ses poils, dans ses narines, dans sa gorge. C'est quelque chose de réel. Peut-être, de coloré aussi ? Elle lui pose tantôt le bleu, tantôt le rouge, suivant la température inspirée.
Se détachant de cet air, c'est ta lourde respiration qu'elle capta alors. Pourquoi stressais-tu, Lymphalème ? Ses oreilles s'agitent. Elle se questionne, mais bientôt tu lui donnes la réponse.
Oh.
La première explication ne fut pas la bonne : il ne bronchait pas, d'ordinaire, lorsqu'il trainait tard le soir. La seconde était bien plus plausible. Il avait peur pour elle. Il avait peur du vide.
Mignon.
Cette pensée la fait souffler par le museau, amusé.

« Mais bien sûr, Lymphalème : je vais m'en éloigner. Tout se fait plus vite, lorsqu'on le demande sans détour~ »

Alors, parce qu'elle n'avait à le taquiner, Pepper recula de quelques pas, avant de faire pivoter son corps pour venir retrouver son ami, frôlant son pelage pour s'assurer de sa position alors qu'elle le dépassait. Elle n'irait l'inquiéter d'avantage, bah !
Et puis, il n'avait tort sur un fait : demain serait une journée chargée. Ils feraient mieux de rentrer.

« Nous pouvons donc rentrer, maintenant. Tu n'es pas le seul à travailler, demain. »

En guise de clin d’œil, ses étoiles marquèrent une rotation dans ses yeux. C'est comme ça, qu'on pouvait voir au mieux la malice l'habitant.
Se portant mutuellement bonne compagnie, ils n'eurent alors plus qu'à rentrer chez eux, laissant derrière eux vide et temple d'Aka.

Ce fut une bonne journée...