Piège et conspiration pv Creek [Ne pas archiver]

« Gronde, gronde la tempête~

« Creek & Sayuri


Depuis le rituel et l'apparition de la Gardienne des Abysses, Creek était comme dans un état second. Ses tympans étaient comme occultés derrière des boules de mousse et un feu nouveau brûlait dans sa poitrine : une certaine forme de fanatisme dévorant. Il en avait les trois pattes fourmillantes d'impatience, prêt qu'il était à se jeter dans l'aventure. La quête de Céto leur promettait bien davantage qu'ils n'avaient osé l'espérer en essayant d'invoquer le crabe qui avait maudit leurs prédécesseurs. Le Capitaine Kéran avaient formé des équipes pour s'élancer à coeur vaillant dans les eaux troubles où les envoyait la murène couleur sang et il ne restait plus qu'a attendre que la mer s'apaise un peu pour pouvoir y voguer. En attendant, le loup à la patte de bois tournait en rond, agacé de ne pouvoir agir immédiatement. La vieille louve mutante grise, celle qui avait tué son propre frère, était venu lui annoncer qu’elle l'attendrait plus tard sur l’Épave, pour qu'ils partent ensuite dès que possible vers l'île funèbre. Dans un hochement de tête, il était parti prévenir le jeune pirate que sa soeur avait ramené de longs mois plus tôt. Sayuri, Ajani et lui. C'était un sacré trio et il espérait que ses comparses soient aussi motivés que lui à découvrir les trésors cachés de Céto. L'impatience était telle qu'il n'attendit pas l'heure de rendez-vous pour grimper sur la carcasse immense et déchue du repère de leur Seconde.

Depuis son enfance, ce lieu attisait la crainte et l'admiration du mâle au pelage anthracite. Après tout c'était ici, au détour d'un couloir troué, qu'il était tombé dans un gouffre sombre et cruel. Il y avait perdu sa patte. Comme pour se rappeler à lui, une démangeaison fantôme vint lui tirailler les nerfs de la postérieure gauche. Celle qui n'existait plus. Le Raeder s'étira, faisant craquer sa mâchoire, sa nuque et puis son dos avant de s'engouffrer dans le ventre de la bête de bois rongée par la mer. L'odeur de mousse, de coraux et de fritures lui assaillit les narines comme à chaque fois que les embruns de l'océan venait fourrager dans son épaisse fourrure. Il grimpa avec agilité, connaissant maintenant ce terrain glissant et dangereux. Il longea un couloir empestant la moisissure et s'arrêta brutalement. Il était à l'intersection où Safran l'avait stoppé, lors de sa toute première venue ici. Et à droite, la direction qu'il avait prise pour la fuir et continuer à jouer dans l'épave. Mal lui en avait prit, car dans le coin le plus obscur, un gouffre trouait le plancher humide et il s'était précipité dedans. Au fond, des poutres brisés l'avaient accueilli comme des pieux vous tendant les pattes. Sans plus perdre de temps, le mâle à la patte folle bifurqua et s'éloigna pour rejoindre le pont supérieur où la femelle lui avait donner rendez-vous. Il supposa qu'elle ne serait pas là -il avait un peu d'avance après tout- mais fût surpris de la voir somnolente dans un bain de soleil. Le vent venait caresser une vieille voile miteuse et déchirée avec douceur. Il serait bientôt temps de prendre la route.

Tout en s'approchant à pas lents et mesurés, Creek détailla la grise. Elle avait fait preuve d'un certain courage et d'un honneur à leur cause qu'il n'aurait pas envisagé de sa part. Elle avait tué son frère pour eux. Elle avait séquestré sa nièce pour eux. Elle était donc à ses yeux, désormais, une Raeder à part entière qui méritait son respect. Ou tout du moins, une base de respect. Parce qu'elle restait une femelle et qu'il ne fallait pas trop leur en demander. Elle était peu fiable en général. Sayuri semblait l'être devenue. Le sourire qu'elle lui offrit le déstabilisa un instant, alors qu'il se demanda ce qu'elle pouvait bien avoir en tête ? Il haussa un sourcil tout en avançant vers elle, détaillant son expression avec curiosité. Que préparait-elle donc ? Parce que clairement, elle semblait sur des chardons ardents ! Il lui rendit son sourire, rictus dépravé collé aux babines.

« Dis moi tout, Amirale. »

Creek s'allongea face à la femelle, bien droit et la tête haute. Ses oreilles braquées vers elle. Elle avait gagné sa place parmi les Raeders, il était donc tout disposé à l'écouter.

« Gronde, gronde la tempête~

« Creek & Sayuri


Creek écouta tranquillement les paroles de la louve-poisson, amusé. Si l'idée de relâcher l'enfant prisonnière ne lui avait guère plû il devait avouer que le plan de Sayuri défiait sa propre cruauté. Relâcher une petite traumatisée et engrossée par l'un des leurs, sans qu'lele ne sache rien de leur malédiction... C'était du génie. Il était un peu moins fan de l'idée de violenter une femelle de cette façon -il avait beau apprécier grandement les plaisirs de la chair, sa mère ne lui aurait jamais permis de ne pas respecter l'intégrité physique d'une louve, même continentale-, il devait avouer que la Raeder le surprenait. Elle se montrait à la fois vicieuse et féroce, rude et impitoyable. Il aimait beaucoup cette nouvelle version de sa consoeur pirate. Le sourire plein de crocs jaunis par l'alcool frelaté du mâle à la patte de bois s'élargit. Il imaginait sans peine le plan machiavélique de l'ex Lazuli se dérouler : la gamine donnerait naissance à un ou plusieurs petits maudits. Elle serait trop choquée pour dire d'où venait le père et ainsi personne ne saurait pour la malédiction des mioches. Bon bien sûr à leur quatrième année, ils commenceraient à se sentir vaguement mal sur terre, sans comprendre pourquoi. On les penserait alors atteint d'une quelconque maladie. Et juste avant leurs sixième années, les forbans iraient les faire chercher pour les ramener à leur vraie place sur l'île, là où ils retrouveraient une vie sans souffrances et pourraient commencer leur mutation entouré de leurs semblables damnés ! Ce qui laissait donc presque six longues années où ces gamins pourraient, avec un peu de chance procréer à leur tour et transmettre leur sang impur... Et ainsi de suite si leurs propres lardons venaient à enfanter avant d'être récupérés, dans un merveilleux cycle de six années.

« Tu m'épates, sirène. »

Le Raeder anthracite commença une toilette sommaire, en écoutant la fin de son palabre.

« Il faudra en informer Kéran, mais je suis sûr qu'il sera tout aussi impressionné que moi par la perversion dont tu as fait preuve... »

Creek plongea ses prunelles de nuit dans celles de la femelle face à lui.

« Oui, il nous faut agrandir le clan des pirates. Il nous faut des jeunes muscles, une génération de Raeder aussi volontaire que nous, aussi déterminer à conquérir... Il nous faudrait aussi un peu de sang neuf. Nous pourrions allez séduire des âmes innocentes, essayer de les ramener ou du moins rapporter nos descendants ici, avec ou sans leurs consentements. »

Le mâle sombre releva la tête vers la mer, observa les vagues et le ballet des mouettes. Il faisait presque beau. Et assez clair pour discerner la ligne des côtes du continent. Il y avait là bas au moins une femelle qui pourrait leur donner des bons et beaux bébés Raeders. Il se demanda s'il devait la présenter à l'un de ses frangins puisqu’elle avait refusé d'entrer dans son jeu de pirate mal famé. Il décida que non. S'il ne pouvait l'avoir, personne ne la toucherait. Elle serait un de ses trophées un jour. Il reporta son attention sur Sayuri, chez qui il trouvait un attrait nouveau. Elle avait gagné son respect et n'avait plus rien d'une continentale.

« Ou simplement nous pourrions aller voler quelques bambins mal surveillés... Ou distiller un peu de notre bon Rhum dans leurs fontaines dites divines~ »

Le pirate lâcha un rire mauvais. Il y en avait des choses à faire !

« Gronde, gronde la tempête~

« Creek & Sayuri


Creek l'observa longuement tandis qu'elle répondait, et, au passage, corrigeait certains points qu'il avait soulevé. Il était vrai que sa connaissance des rites, us et coutumes s'arrêtait là où Heever les avaient mené, c'est à dire quelques années en arrière. La géopolitique devait avoir bien changé depuis, et probablement quelques lois claniques dans le même temps. Concernant les fontaines et leurs Dieux qui les régissait il n'en savait que le strict minimum : un Panthéon réel aux valeurs défendues par les meutes continentales. Sept couleurs, sept dieux. Quand à savoir que l'on devenait taré en buvant le liquide magique, comment aurait-il pu le deviner ? Enfin... D'un autre côté, les Raeders s'abreuvaient d'un alcool damné par un Crabe bleu géant qui finissait par les transformer en bêtes des profondeurs marines. Donc... Plus rien ne devait venir l'étonner ! Sayuri ajusta donc cet ébauche de plan en posant l'idée d’empoissonner les réserves d'eau du continent. Le lac des Lazulis lui paraissait être bien trop imposant pour qu'ils parviennent à embarquer assez de Rhum maudit jusque là bas sans se faire prendre... A moins de tirer un aqueduc de leur source jusqu'à la Vasque de la Lune... Beau projet. Irréalisable actuellement. Cependant les petits points d'eau étaient à réfléchir ! Il était encore en été, ils pourraient se faufiler au milieu des terres avec quelques gourdes, créer des petits flaques ou mares dans des endroits de passage où les claniques viendraient se désaltérer innocemment...

ET BAM. Une gorgée d'alcool frelaté et leur âme serait maudite comme la leur. Le sourire carnassier de Creek ne disparaissait plus de ses babines. Ses oreilles frémir lorsque la louve-poussin parla des orphelins. Oui, enlever des louveteaux qui ne manqueraient à personne pouvait faire retarder les recherches et donc leur laisser plus de champ de manœuvre... De fait, il serait plus facile de caché ses traces et de prendre le temps nécessaire à un embrigadement complet et fervent. Lentement, le pirate à la patte de bois hocha la tête, jusqu'à reprendre la louve sur un menu détail :

« Quatre ans... C'est à partir de quatre années révolues que nos corps s'embrasent au contact de leurs terres saintes de continentaux. Ça laisse moins de marge, peu de loups risquent de transmettre notre belle malédiction... Mais ça se tente. »

Un éclair de déception passa dans ses prunelles cobalt. Ses frères et lui allaient sur leur quatre ans, d'ici quelques mois il ne leur serait plus possible de poser pattes sur terre... Bien sûr la contrepartie était conséquente et se voir enfin obtenir les changements physiques de leur damnation le ravissait au plus haut point. Toutefois le Canonnier n'était pas prêt à abandonner sa liberté de mouvement, il n'avait pas envie d'être restreint à Morne-Oeil et l'océan. Il voulait plus. Il voulait conquérir. Il voulait étendre l'univers des Pirates par delà les monts et les sept mers... Plus résolu que jamais à répondre aux attentes de la Gardienne des Abysses, le mâle anthracite se redressa et s'ébroua. Les vents marins vinrent jouer dans son épais pelage et il rejoignit le bastingage, pour observer l'horizon. Il espérait bien que leur marché avec Céto mène à quelque chose de diablement plus positif pour leur petit groupe de forbans. Les orbes sombres de Creek quittèrent les vagues pour fixer une énième fois la femelle. Un informateur? Tiens donc. Sayuri se révélait être bien surprenante et pleine de ressources.

« Nous ne sommes pas encore assez nombreux pour nous permettre d'infiltrer les meutes. Mais l'idée est excellente. Nous formerons nos prochains jeunes à cela...  »

La plupart de ces idées restaient longue à la mise en place, et plus longue encore à voir se réaliser leur souhaits. C'était une très bonne chose que de se projeter en avant, loin dans le temps... Mais ils étaient tout d'abord ici et maintenant. Et leur objectif premier était de remplir la quête de l'entité à la peau rouge sang qu'ils avaient invoqués. Puis, suite à ça, ils allaient devoir faire grimper le nombre de petits pirates. Celà dit, même si tremper le biscuit était un passe temps fort agréable, le loup à la patte folle ne se voyait pas en faire une activité quotidienne. Et puis, il fallait trouver les mères porteuses aussi, il avait du charme mais quand même ! Sans aller sur le continent, ça risquait d'être plus compliqué... Il faudrait les attirer sournoisement et les séduire ici, sur Morne-Oeil... Et ça, ça allait être un sacré challenge.

« Nous devons déjà grossir nos rangs. Rapidement. »

Le Raeder jeta un regard en biais à sa compagne de mission, sans un mot supplémentaire, puis il laissa ses prunelles dériver vers ce bel océan plein de promesses et de merveilles.