Be with me under the stars — Teddy

Impossible de dormir.

La Licorne était devenue une vraie bombe ces derniers temps, incapable de trouver correctement le sommeil. Alors pour s’occuper, elle sortait, faisant de petites marches nocturnes ou partait à la recherche de plantes en mesure de combler sa faim. C’était durant une de ces balades nocturnes, que l’ancienne solitaire avait trouvé quelque chose qu’il lui fallait partager et il n’y avait qu’un seul loup pour ça. Se faisant silencieuse en entrant dans la tanière, Leikn se pencha au-dessus des silhouette endormies de Méluciole, rentrée il y a peu, qui ne semblait pas avoir gardé de séquelles particulières de son séjour chez les pirates. Sa soeur non loin, si discrète mine de rien. Les deux petites semblaient si paisibles dans leur sommeil. P’tite dernière, Nugget se reposait également. L’antre était si calme, la louve s’en voulait presque de déranger Mister Bélier, lui qui devait être bien fatigué de ses journées..

Posant son arrière-train à proximité du corps du cornu, ses yeux émeraudes fixèrent avec tendresse le mâle endormi. Teddy lui avait tant appris, tant offert. Nettement plus que Leikn n’aurait espéré en atterrissant sur ces terres, loin de la désolation de son propre monde. Les souvenirs revenaient de plus en plus fréquemment ces derniers temps, probablement la cause de ses insomnies. Pourquoi maintenant ? La louve l’ignorait, mais cela lui permettait de se souvenir d’anciens récits de son monde, dont celui raconté il y a peu à Nugget, peut-être qu’au fil du temps d’autres histoires lui reviendraient à l’esprit ? Voir même rumeurs au sujet des Licornes. L’histoire d’Argony lui avait permis de se souvenir d’une chose, elle ne pourrait aimer qu’une seule fois dans sa vie et par chance, Teddy était tout le contraire de l’humain Menviel. Doucement, Leikn donna un coup de museau sous le museau du mâle, cherchant à le sortir du sommeil le moins brutalement possible. Parlant extrêmement bas afin de ne pas réveiller les enfants, la Licorne murmura à l’oreille du brun.

« — Teddy. J’ai trouvé quelque chose qui devrait te plaire. »

À pas feutrés, la louve sortit de leur tanière commune, jetant un coup d’oeil en arrière pour être sûre que Teddy la suivait bien. La roche céda progressivement sa place à l’herbe, puis à la mousse et aux brindilles lorsque que la Licorne pénétra dans les bois. Marquant une pause, l’ancienne solitaire se tourna vers Mister Bélier. Les étoiles brillant au-dessus de leurs têtes, alors qu’ils s’enfonçaient dans les bois de l’oubli. Pour une fois, ce n'était pas Teddy qui lui montrerait un endroit incroyable, mais bien l'ancienne solitaire. Un sourire aux babines, elle prit la parole.

« — Tu te fais attendre Faux Pégase ! »

Simple taquinerie, parce que cela faisait un moment qu’ils n’avaient pas eu leur moment à deux, entre le sauvetage de Méluciole et l’arrivée de Nugget.

Réécrire les étoiles.

Que c’était tentant, de se convaincre que le cours des choses pouvait être changé. Que la nature profonde des êtres même, pouvait se modifier. Pourtant, c’était bien l’espoir qui faisait avancer la vie ?

Les lucioles éclairaient les alentours, donnant une ambiance féérique à la forêt. C’était bien les derniers jours d’été, avant le vent, avant le froid et qui sait quoi d’autre ? Fermant doucement les paupières, la Licorne profita de ce contact entre eux, posant à son tour son museau dans le cou du brun, inspirant cette odeur qui lui était désormais si familière. Toutefois, cette joie de le retrouver, cet empressement se change rapidement en tristesse lorsqu’il pose cette question tant redoutée. Faisant volte-face, la voix de Leikn ne fut qu’un murmure de la nuit. Un de plus.

« — Viens. On va devoir grimper. »

Alors silencieuse, l’ancienne solitaire s’approcha d’un grand arbre, au tronc si large que presque tous les Lazulis auraient été nécessaires pour en faire le tour. Ses larges branches qui descendaient presque jusqu’au sol étaient exactement ce que la louve cherchait. D’un bond, Leikn grimpa le premier niveau, jetant un coup d’oeil hésitant à Teddy. Ne méritait-il pas de connaître toute la vérité ? Lui, plus que n’importe qui ? Escaladant une autre branche, la louve ferma un instant les yeux avant de reprendre la parole.

« — Dans un autre monde, nommé Descna, existait un peuple persécuté de tous, vivant reclus au coeur même des montagnes, les Licornes. Cette espèce aurait bien pu disparaître, si Lecter n’avait pas envoyé la déesse Loki les protéger, elle qui n’avait crainte de tuer, qui aimait semer la discorde et le chaos. » La louve marqua une pause, avant de reprendre pensive. « Mais, toute guerre à un commencement et une fin. Alors que les humains ne devenaient plus un problème, Loki s’enticha d’une Licorne, Ymir, touchée par son amour de la vie. Naquit ainsi, la première fille d’une longue lignée, dotée majoritairement du sang des Licornes. »

Pour son plus grand malheur… Continuant de grimper toujours plus haut, Leikn repensa à l’histoire racontée à Nuggets. Un autre jour peut-être… Raconter son passé ainsi, fit remonter des souvenirs plus profonds, pas forcément des pus agréables. Cela lui rappela sa rancoeur d’un temps à l’égard de son père, lui qui l’avait doté de cette nature si détesté, puis de sa mère, elle qui… Elle qui n’avait fait que la prévenir dans sa vie, sans jamais lui apprendre.

« — L’enfant reçut une éducation assez particulière, sa mère fort déçue de ne pouvoir l’instruire aux arts du combats se détourna rapidement pour se consacrer à ses autres enfants qui, eux, partageaient davantage le sang des dieux. Malgré l’amour de son père, la jeune Licorne ne put tolérer cet abandon, qu’est-ce qui la rendait si différente de ses frères ? Qu’est-ce qui avait que sa mère ne la jugeait pas suffisamment intéressante ? Qu’avait-elle fait de si mal ? Alors, à son tour elle se détourna de tout ce qu’on lui avait fait croire, des dieux, son peuple… elle-même.   »

Les dieux de Descna… Ne représentaient plus rien. Lecter… Loki… Tous ne faisaient qu’utiliser ceux qui les entouraient. Marquant une pause sur une branche, la louve regarda Mister Bélier. Tous deux n’avaient-ils pas connu de déception dans leur clan respectif ? Lui, aux côtés des pirates, ceux qui encore récemment lui avaient enlevé cet enfant qu’il chérissait tant. Pour quels desseins ? Les Lazulis n’avaient fait que récupérer Méluciole, mais que trouveraient-ils plus tard ? Lorsque le moment viendrait ? Levant le museau en direction du sommet de l’arbre, la louve reprit la parole.

« — C’était sous-estimé le sang des dieux qui coulait dans ses veines, lui qui ne faisait qu’amplifier sa contrainte, sang maudit. Alors, l’enfant ne supporta plus toute cette culpabilité qui la rongeait lorsqu’elle souhaitait manger, la peine qu’engendrait le regard gêné de sa mère qui ne parvenait à aider sa fille, sa mise à l’écart de ses frères. Respirer devenait même un calvaire. La Licorne fit donc un choix, choisissant de sacrifier une part d’elle-même aspirant à une vie plus heureuse… »

Aujourd’hui, sa vie n’a plus rien de malheureux, hein ? Désormais, Teddy était avec elle, pour cela, il avait fallu abandonner les siens, prendre cette décision irréversible. Reprenant son ascension, Leikn continua de parler, se demandant si le brun faisait le rapprochement…

« — C’est ainsi qu’un soir de pleine lune, elle lança un puissant sortilège supposé la libérer, mais sa magie n’était pas encore suffisante pour cet acte, causant bien plus de malheurs que de joie. Dégoûtée de tous, agacée par son échec cuisant, l’enfant atterrit sur de nouvelles terres, bien différente de la sienne. Vivant seule pendant un temps, la Licorne se renferma, évitant à tout prix le contact d’autrui pour ne pas engendrer de souffrance… »

Les branches étaient assez larges et solides pour permettre aux loups de se tenir dessus sans crainte qu’elles ne se brisent. Les yeux verts de Leikn brillaient, alors qu’une part d’elle-même s’efforçait de retenir ces larmes qui ne demandaient qu’à couler. Serrant les crocs, l’ancienne solitaire regarda le bout de ses pattes

« — Ce jour-là j’ai abandonné ma famille, mon peuple. Pendant des années, je ne pouvais que regretter mon geste, puis tu es arrivé. »

Une lueur d’espoir dans un nuage de ténèbres. Celui qui parvint à trouver les fissures dans les barrières mentales érigées. Celui qui réussi à me faire croire en ce monde, au bien qu’il pouvait exister. Celui sans qui désormais je ne plus vivre, plus respirer sans être à ses côtés… Les babines de la louve s’étirèrent en un sourire  timide, alors qu’une de ses pattes effleura la joue du brun. Teddy qui lui avait tant donné, tellement…

« — Alors la douleur s’est envolée, le regret a laissé place à d’autres sentiments et la culpabilité a commencé à s’installer. » Leikn marqua une pause, plongeant son regard les prunelles mauves de Teddy. « C’était comme si ma nature m’interdisait d’être heureuse, alors je lutte, mais c’est si dur. Les rêves me hantent, me rappelant tout ce que j’ai abandonné, tout ce que je m’efforce d’oublier. »

C’est ainsi que lui revenait en mémoire d’anciennes histoires, des dires sur les Licornes, ou d’autres choses… Un soupir s’échappa de sa gueule.

« — Mais je me dois de lutter, pas seulement pour moi, mais pour toi, je dois empêcher la Licorne en moi de me ronger, parce que je ne te sacrifierais pas. Cela je me l’interdis, car tu es… »

En même temps que Leikn parlait, son corps était toujours en mouvement, allant toujours plus haut, atteignant le sommet de l’arbre aux branches si épaisses. La tête de la louve traversa l’épais manteau de feuillage qui les séparait de ce qu’elle voulait absolument montrer. Ce spectacle était bien digne des nuits d’étés, bien digne des derniers jours, car au-dessus des arbres brillaient comme des millions de diamants les étoiles dans des teintes du ciel qui divergeaient. La hauteur des arbres donnait l’impression que l’on pouvait s’en saisir au creux des pattes.

« — … ma bonne étoile. »

Et parce que les analyses des astres de la Licorne s’étaient avérés justes, en détaillant bien le ciel l’on pouvait voir certaines en mouvement. Disparaissant aussi brièvement qu’elles étaient apparues, les étoiles filantes ne détruisaient en rien le spectacle offert par la nature même.

Tellement plus précieuses que des diamants.

Les paupières closes, un instant, Leikn se contenta d’inspirer, écoutant les paroles du brun à ses côtés. Sa présence, était d’un tel réconfort, agissant comme un baume sur son âme tourmentée, réchauffant son coeur, lui donnant envie de sourire constamment. Le comble, alors que d’autres n’avaient droits qu’à la méfiance, Teddy, lui et seulement lui, avait tous les privilèges, car la Licorne ne pouvait rien lui interdire, quand bien même elle l’aurait voulu. Fausse Licorne, Faux Pégase… Juste Mister Bélier, juste lui, mais quelle importance ? Alors que la louve repose ses yeux verts sur lui, après qu’il ait finit de parler, elle ne peut que l’admirer, pour la bonté dont-il fait preuve, la sagesse de ses paroles. Leikn frémit, répondant au contact du Lazulis, cette fois sans hésitation, sans crainte, enfouissant son museau les poils bruns de l’encolure du mâle. Le corps de l’ancienne solitaire, bien frêle silhouette contre celle de Mister Bélier.

Le regard posé sur les étoiles, la Lazulis aurait voulu dire tant. Que son acte ne relevait pas du courage, mais bien de la lâcheté. Lâche qu’elle avait été en voulant fuir sa nature même, lâche d’abandonner les siens. Ce passé c’était une part d’elle et mine de rien, cette lâcheté l’avait rendu plus forte. Différente, mais plus forte. Sans ses antécédents, Leikn aurait pu tourner bien différemment, probablement encore enfant dans son monde, mais alors que serait-il advenu de tout ce qui avait été bâti ici, aux côtés des autres ? Des Lazulis ? De Nugget ? De Teddy ? Surtout et toujours Teddy. Absolument tout, semblait possible à ses côtés. Ses choix l’avaient conduit exactement là où elle devait être. Auprès de cette nouvelle famille.

« — Je t’aime. »

Même si ça me fait si peur pour toi. Même si je crains d’être la cause de ta perte, bon sang, que je t’aime Mister Bélier, Teddy. Plus que toute chose, plus même que la vie. Pourtant, qu’arrivera-t-il si le côté Licorne mettait en danger Teddy ? Que sa nature l’empêche de veiller sur lui ? C’était… tellement dur. Si dur, de se sentir impuissant à l’égard de celui que l’on aimait, de savoir pertinemment qu’en cas de danger, l’on serait impuissant. Mais sans tout ça, tout est si froid, tout est si vide. Impossible de tourner la page, plus maintenant, alors que maintenant il y avait enfin quelqu’un qui comptait.

« — Le futur est chose bien obscur, Teddy. Qui sait de quoi sera fait demain ? »

Astaroth avait complètement craqué en plein rassemblement, Gloriel n’était plus de première jeunesse et Anianka s’était proposée comme alpha. Cette simple pensée provoqua un léger frisson chez Leikn. Penser à la prêtresse en tant que meneuse… cela avait quelque chose de dérangeant, presque effrayant…

Qu’espérer de plus ?

Inspirant profondément, lorsque le brun vint poser sa tête sur le crâne de la Licorne, cette dernière tenta de faire le vide dans sa tête. Teddy parle cherchant à la rassurer sur ce futur qui les attendait. Immobile, Leikn écoute, sans l’interrompre, sans bouger de crainte qu’il ne perçoive le doute sur ses traits. Les enfants permettraient-ils réellement d’assurer l’avenir ? Ne seraient-ils pas les premières victimes ? En grandissant, certaines valeurs n’avaient-elles pas tendance à se perdre ? L’ancienne solitaire avait étudié l’attitude de ses compagnons de clans lors de leur mission de sauvetage. Mozarthamès, froid et empli d’amertume. Rhaegar, visiblement plus que soumis à sa mère, cette louve aux pensées étranges. Étais-ce là l’avenir de la meute ? Dans ceux qui se laissaient sombrer dans les ténèbres ?

Malgré ces interrogation, un léger sourire vint étirer les babines de la louve, en réponse aux premiers mots de son aimé.

« — Mister Bélier, serais-tu en train de sous-entendre que nous sommes vieux ? »

Tous deux n’étaient pas encore si âgés que ça. Certes, Leikn n’avait jamais demandé l’âge exact du mâle, de crainte de le vexer — oui parce qu’il semblait quelque peu susceptible quant-à la vieillesse —, puis bon quelle importance ? L’oreille de la Licorne frémit à l’évocation de Nugget, cette boule de poils si jeune, qui semblait en attendre tant de ses parents. Quelque peu gênée, la Lazulis regrettait son attitude à l’égard de l’enfant, de craindre autant le toucher, mais les enfants étaient si fragiles n’est-ce pas ?

« — Chef de meute… Ce n’est pas l’avenir que je souhaiterais à Nugget, ni à aucun autre. Tu imagines les enfants au pouvoir, nous serions menés à la baguette et nous n’aurions plus aucun contrôle. Laissons donc cela à ceux qui s’en pensent digne… Laissons les enfants loins de tout ça, pour le moment. »

Qu’ils préservent donc encore un peu de leur innocence tant qu’ils le peuvent… Avant de s’heurter à la vie. Un sourire aux babines, Leikn ne pouvait qu’imaginer ce que donnerait un monde dominé par des enfants… Clairement Méluciole ne ferait qu’une bouchée de l’opposition. L’idée fit monter quelques interrogations à l’esprit de la Licorne qui recula sa tête, cherchant à croiser en coin le regard du brun, l’air hésitant.

« — Teddy, tu ne regrettes pas… de ne pouvoir élever tes propres enfants, j’veux dire… comme les autres couples le font ? »

Teddy récupérait les enfants à droite à gauche, mais étais-ce pour compenser le fait de n’avoir sa propre descendance ?

L’entendre rire c’était si agréable.

Certes, tous deux n’étaient pas de première jeunesse non plus, enfin dans tous les cas plus jeunes que Gloriel, c’était un fait. Leikn ne s’était jamais posé la question de la différence d’âge entre eux deux, quelle importance ? La remarque du brun arrache un sourire à la Licorne qui observe ces petites mèches blanches qui loin de le vieillir, lui donnaient du charme, et ça, même si sa longue chevelure était encore emmêlée suite au réveil. L’une des pattes de la louve replaça une mèche rebelle parmi tant d’autres, un sourire taquin aux babines.

« — Ne te plains pas, tes cheveux blanches témoignent de ta sagesse, je les aime comme ils sont. »

Puis bon d’autres loups naissaient avec les cheveux déjà blancs, cela n’avait rien de bien gênant. Dans trois ans il voyait les enfants au pouvoir ? Eh bien, c’est qu’il n’avait peur de rien Mister Bélier. Sa réponse arracha un rire à Leikn qui voyait déjà son compagnon mené à la baguette par les plus jeunes.

« — Je n’en doute pas, les enfants ont une drôle d’emprise sur toi Mister Bélier, tu ne peux rien leur refuser. »

Visiblement, le brun ne semblait rien regretter. Disait-il ça pour la rassurer ? Qu’adviendra-t-il lorsque les enfants deviendraient grandes ? Teddy trouverait-il d’autres louveteaux à recueillir ? Tu en as envie ? La question résonne un moment dans l’esprit de la louve. Jusqu’à aujourd’hui, l’idée même ne lui était jamais venue, mais c’est probablement parce que la louve se questionnait de plus en plus. Au sujet de son compagnon qui avait tendance à recueillir des louveteaux à droite et à gauche. Étais-ce pour combler le fait qu’il n’avait pas eu des enfants de son propre sang ?

« — Je ne sais pas. »

La Licorne regarda les étoiles, conservant le silence pendant un moment. Avoir des enfants. Partageraient-ils son sang ? Seraient-ils des Licornes tout comme elle ou le sang de Teddy leur permettrait d’échapper à bien des tourments ? Quelles conséquences pourraient avoir une grossesse sur son corps ? Leikn avait rien vu Anianka avant son ventre rond… qu’est-ce que cela donnerait chez une ancienne solitaire qui était rongée par la culpabilité à la simple idée de manger une proie morte ? Et si sur ce monde, sa nature avait des effets secondaires ? Techniquement, tous deux étaient compatibles, puisqu’un humain avait été en mesure d’engendré une descendance avec une Humaine… Mais qu’est-ce que cela donnerait avec un loup ? Tant de questions… Si peu de réponses à apporter par manque de connaissances. Son regard toujours porté sur les constellations qu’elle s’évertuait à identifier, Leikn finit par répondre.

« — La maternité, c’est une chose à laquelle je n’ai guère pensé. À Descna j’étais bien trop jeune pour ne songer ne serais-ce qu’à un partenaire… Sur Punk Wolf tout a été différent… » La Licorne pencha légèrement la tête sur le côté, un sourire aux babines. « … Ce n’est pas impossible. »

Rah ! C’était tout lui ça, incapable de ne pas s’emballer sur des compliments, encore un grand enfant dans le fond. N’étais-ce pas pour cela qu’elle l’aimait après tout ? Une raison parmi tant d’autres… Amusée, Leikn donna un coup de truffe léger au Bélier.

« — Hé, tu sais très bien que si je commence à te complimenter, tu auras raison de moi, Mister Bélier. »

Comme toujours, Faux pégase. C’est qu’il fait même de l’humour sur la situation ! Pas changé d’un poil malgré ses cheveux blancs, cela lui rappelait tellement leur rencontre. La question se posait toutefois, Punk Wolf seraient-ils prêt à avoir des louveteaux un peu trop étranges sur leurs terres ? Entre le sang de Licorne du côté de Leikn, les cristaux, les cornes et maintenant les ailes de Teddy, faut dire que niveau génétique les petits seraient servis — et encore on ne parlait pas de la peau ultra rigide que le p’tit père avait en don inné parce que bon — ! Un sourire amusé étira les babines de la louve à l’idée, bon sang qu’est-ce que tout cela pourrait bien donner ? Jadis, l’herboriste l’avait taquiné à ce sujet, sur le fait que ses enfants à lui pourraient être de véritables petits démons…

« — Pour sûr, avec un Faux pégase comme père, le monde ne serait pas prêt à accueillir des terreurs pareil. »

Un sourire aux babines, Leikn conserva le silence, son regard porté vers le ciel. La vie comportait toujours des risques, mais pour la question du brun, elle n’avait pas la réponse. Si des louveteaux venaient à mourir en elle, la Licorne paierait-elle le prix de la vie ? Serait-elle responsable de la mort ? Probablement que oui, sa condition était à double-tranchant. Sacrifier pour vivre, mourir pour compenser la vie. Remuant doucement la queue dans un geste plus de nervosité qu’autre chose, l’ancienne solitaire hésite à un moment avant d’avouer cette idée qui trottait dans son esprit depuis un moment. La décision n’était pas des plus simple, mais il était grand temps n’est-ce pas ? Le museau levé, Leikn avoua enfin son intention qui l’inquiétait aussi pas mal ces derniers temps.

« — Je vais passer mon épreuve de glowstick. »

Ce n’était pas la décision la plus facile, renier définitivement ses dieux pour se consacrer à ceux de Punk Wolf, accepter le fait que la déesse pouvait aussi bien amplifier un peu plus sa condition de Licorne ou au contraire l’en alléger… mais Leikn avait définitivement besoin de tourner la pelage, d’oublier une part de son passé, avant de se laissé totalement rongée.

Oh par les dieux, bien sûr qu’elle le connaissait, pas qu’un peu. Depuis le temps, depuis le début. Leikn avait appris à ses côtés à comprendre les réactions des loups, leurs émotions, toutes ces choses qui lui avaient été totalement étrangères à cause de sa vie de solitaire parsemée de rares rencontres.

« — Si tu savais, Faux Pégase ! »

Lui aussi la connaissait que trop bien. Leikn incline doucement la tête, un air doux sur son visage, observant le brun. La déesse bleue était le seul choix qui convenait réellement aux moeurs de l’ancienne solitaire. L’épreuve constituait à combattre sa peur de ce que la bibliothèque avait pu lui apprendre, ce serait probablement gérable. Mais ta peur, Licorne, quelle est-elle ? Y as-tu déjà songé ? Hum… Qu’est-ce que la peur au fond ? Leikn découvrirait bien la sienne au moment de l’épreuve, peut-être à son plus grand désarroi, mais qu’importe. Cela n’aurait pas d’incidence en cas d’échec de toute façon ? Un sourire étira ses babines, c’était Teddy qui lui avait jadis dit que Ao lui irait bien, mine de rien ce conseil était resté dans un coin de son esprit, comme quoi, tout ne tombait pas dans l’oreille d’un sourd.

« — C’est que tu me connais trop bien, Mister Bélier. »

Histoire de le taquiner un peu, comme lui le faisait si bien. Les yeux émeraudes de la louve se posèrent sur le glowstick rose qu’abordait Teddy, sur son poitrail, comme une part de lui-même. Ce « cadeau » qui semblait être lourd de contraintes. La déesse de la Luxure savait comment pimenter ses dons. L’herboriste se souvient des essais du brun pour se préparer à son épreuve de séduction. Beurk, clairement pas pour Leikn un peu trop sauvage sur les bords avec les étrangers, divins ou non. Sans oublier que c’était cette Anianka la prêtresse, celle qui représentait la déesse rose, elle qui prétendait en savoir bien moins qu’en réalité.

« — Je ne corresponds pas aux critères pour prétendre à ta déesse de la Luxure, puis concernant l’autre dieu, je trouve les énigmes particulièrement ennuyantes. »

Les énigmes ça nécessitait bien trop de réflexion, enfin rien d’impossible, mais l’ancienne solitaire en avait bien suffisamment fait enfant pour poursuivre dans cette voie pour le reste de sa vie…

Au loin, les couleurs commencent à changer. Les deux Lazulis avaient passé leur nuit en haut d’un arbre, admirant les étoiles, alors qu’une nouvelle journée débuterait sous peu. Le sommeil manquerait probablement dans la journée, pourtant, Leikn ne regrettait pour rien au monde. Ces moments passés avec le brun, elle les chérissait plus que tout, car ils lui rappelaient pourquoi elle restait. Teddy était le miel et elle, la mouche. Les oreilles de la louve remuent en entendant l’énigme posée par son compagnon. Le soleil. La réponse sonnait comme un évidence dans l’esprit de l’ancienne solitaire. Pourtant, c’était on peut plus tentant d’embêter à son tour Mister Bélier, en lui donnant une réponse qui l’amuserait probablement.

« — Méluciole qui a un p’tit creux ? »

Un sourire malicieux étire ses babines, histoire de bien lui montrer qu’elle plaisantait. Parce que oui, entre eux, ils affectionnaient particulièrement la taquinerie. C’était bien comme ça que tout avait commencé après tout, non ? Depuis le début, cela avait été leur équilibre, ce qui avait permis à Leikn d’abaisser ses barrières, de laisser le Lazulis l’approcher, devenir son ami, son compagnon. La nature même de Teddy, avait aidé la Licorne à changer, devenir une autre personne avec lui. Parce que les autres n’avaient droit à ce privilège que lui seul détenait, les autres étaient encore trop soupçonneux à ses yeux, trop étranges. Parce que chez les autres, elle voyait la possibilité que le monde devienne violence. Glissant sa tête sous le cou du brun, en fermant les yeux, Leikn conserva de longues minutes le silence, avant de prendre la parole.

« — Nous devrions rentrer, avant que la caverne se retrouve sans dessus dessous. »

Pourtant, la Lazulis n’avait aucune envie de bouger, retourner aux responsabilités qui lui incombait, comme celle que Teddy devait s’efforcé de remplir. Parce qu’ils ignoraient encore qu’au loin l’ombre grondait, que la colère éclaterait, que les représailles tomberaient… Alors autant profité de ces moments de libertés tant qu’ils le pouvaient encore.