Que nos prières retournent à terre [Lazulis + Mido]

Shrine

★ Yersine
★ Mâle, Solitaire.
★ Aucun Glowstick.

Il avait traversé la frontière des terres neutres et du royaume lazulis. Il avait franchi le dôme, brisant dans un éclat de pleurs, sa perle. Il avait fait ses pas, comme d'antan, dans ce monde si désert de vie. Sans un bruit. Sans un dernier regard en arrière. Car ce n'étaient pas des adieux. Ce n'étaient que des au revoir. Pour elle. Pour lui. Pour eux. Il se devait de franchir de nouveau ses terres. Mais aucune barrière ne serait alors là pour le ralentir.

Ses pas le menèrent sans mal au travers du Vasque, qu'il contourna, non sans un œil sur l'eau basse, signe d'un début des montées en température et de la soif qui régnait en ce monde. Les herbes, les arbres, commençaient à griller. Non pas comme l'hiver le voudrait. Mais comme le signe annonciateur de la puanteur de la mort. De la fin de toutes choses. Alors il hâta le pas, s'enfonça dans les boyaux de tanières. Il ne se stoppa qu'aux abords des colonnes, intactes. Il avait eu vent des destructions occasionnés aux monuments divins. Fontaines souillées. Temples escamotés. Statues brisées.
Mais si les dégats matériels étaient forts, les sentiments des dieux, eux, semblaient plus qu'anéantis.

Alors, d'un geste lent, il s'approcha de la fontaine verte, sans éclat. Voila longtemps que les feux célestes n'avaient pas été abreuvés de paroles, de prières, ni même de pensées. L'ignorance et le silence avaient eu raison de l'intelligence du raptor. Et Yersine comptaient bien les briser, un a un.

- Oh, Mido.

Il toucha d'une patte la fontaine, la retirant avec un long soupir, emplie de chagrin et de calme salvateur. Il retira de sa besace la statue du dinosaure, faite d'un cristal céladon, si pur, que la lumière elle même semblait s'y reflétait comme dans les dédales d'une cathédrale.

- Je ne suis qu'un solitaire, et ma voix n'est que murmure à vos oreilles sourdes de colère, et pourtant si avides d'attention. Je n'ai que cet idole à vous donner, comme preuve de ma foi envers vous. Envers vous tous. Car il ne s'agit pas seulement des dieux. Il s'agit aussi des loups. Il ne s'agit pas de vous. Ni d'eux. Mais de nous. Il soupira, s'asseyant finalement au pied de l'édifice. Nous avons commis des erreurs. Nous avons fautés. Et la punition à été l'isolement. Comme un père punissant ses enfants, le dôme s'est abattu sur ses terres pour les condamner à l'exil. Pourtant... Pourtant je sais que vous n'avez pas fait ça par colère. Vous avez fait ça par chagrin. Chagrin de vous voir ainsi utilisé, leurs glowstick brillant à leur cou sans même une prière ou une pensée en votre encontre. De vous voir ainsi abandonné. Par peur. D'être seul

Il posa lentement son front contre le bord de la fontaine, fermant les yeux. Il s'y lova, dans un murmure intangible, comme il avait fait avec sa mère. Avec son père. Avec Sobieski. Avec Nocera. Avec les Nahkus. Avec tout ceux qui comptaient pour lui et comptaient sur lui. Tous ceux l'ayant soutenu dans l’adversité. L'ayant relevé des montagnes et des obscurités de ce monde. Ceux brûlant les braises de sa conviction. Eux. Tous. Unis.

- Vous n'êtes pas seul Mido. Je suis là... Nous sommes tous là.

Il se retira, lentement, ouvrant son unique œil embué de larmes. Et comme seule preuve de ces mots, il projeta sa tête en arrière, se cabrant sur ses pattes arrière, hurlant au vasque de la lune. D'une puissance écho à ces grottes. Il les appelaient. Tous. Les innocents et les coupables. Les familles et les esseulés. Les forts et les faibles. Les jeunes et les vieux. Les pères et les mères. Les fils et les filles. Les soudés et les brisés. Ceux qui, dans la disharmonie, était unis.
Et quand les premiers Lazulis vinrent, il se retourna face à eux, tremblant d'une peur amère. Pas d'eux. Pas de ses mots. Pas des réactions. Mais d'échouer. Que leurs cœurs se ferment à ses paroles. Que leurs esprits se nient aux sentiments. Que leur être se muent en cocon de pierre. La peur. La peur de les perdre. La même peur qui avaient guidés les lazulis et les dieux dans leurs actions ; cette même peur qui les avaient scindés. Cette même peur qui allait les réunir.

- Lazulis ! Je sais ce que vous pensez. Je sais ce que vous ressentez. Voila bien des jours que le dôme noirci votre ciel. Que le soleil n'apporte plus que l'ombre de la chaleur enivrante. Que les vivres manquent. D'un geste fugace, il détacha ses besaces, les lança à l'assemblée, délivrant viande séchée et bandages, plantes et poissons évidés. Voila des jours que vous êtes ainsi scindés du monde. Et pourtant. Pourtant ni les temples, ni les statues, ni les prières, ne sont revenus. Vous êtes restés loin. Certains par déni. Certains par peur. Cette peur qui vous commande de laisser les dieux se calmer. De ne rien faire de plus qui pourrait les courroucer. Peur de cette barrière. Peur de vos glow ternes. Peur de vous voir ainsi séparés des vôtres. Il fit un temps de pause. Je n'ai ni clan, ni dieu, ni glow. Car je ne peux choisir entre tous, vous qui êtes ma famille. Vous qui m'avez accueillis. Eux, de rouge d'orange et de jaune, qui m'ont nourris et éduqués. Eux, de violet, qui ont fait briller de cette même flamme qui brule mes mots. Vous tous, enfants des dieux, qui avaient sauvé ma vie de bien des manières. Et qui, désormais, lui donne un sens. Qui lui donne ce courage de vous faire face, de faire face aux dieux, et de me tenir debout, entre vous. Non pas pour vous séparés. Mais pour vous unir. Pour être le lien qui semble, en ces cruels instants, vous échapper. Faire le lien, entre votre monde, et celui de l'extérieur. Car j'en viens. J'en viens pour vous apporter un message. Nous vous aimons.

Lui qui avait des amis en Etelkrus. Lui avait des amis en Lazulis. Lui qui avait des amis en Nahkus. Lui qui avait sa famille éclatée dans cet arc-en-ciel de rouge, d'orange, de jaune, de vert, de bleu, de rose et de violet. Lui, le sans couleur. Lui. Le lien entre tout les membres de son clan de cœur. Lui, le Mange-Lumière. Car pour lui, ils étaient tous unis. Ils étaient tous Blancs.

Vous. Les dieux. Cette unité que vous représentez. Vous êtes aimé bien plus que vous ne le pensez. Vous êtes aimés comme les parents hurlant aux portes de ce dôme pour revoir leurs enfants. Aimés comme les jeunes perdus dans les terres inconnus, sans famille ni ami. Aimés, par ce même amour qui a détruit vos vies. Cet amour qui a mené à la peur. A la colère. A la destruction. Cet amour que vous portez aux vôtres. Que les dieux vous portent. Et qui dictent chacune de vos actions. Qui dicte chacune de nos actions. Je vous en prie. Je ne vous demande pas de comprendre ces émotions. Je ne vous demande pas de pardonner aux uns et aux autres. Je vous demande d'accepter. D'accepter qu'un même sentiment, portés par différentes personnes, peut mener à bien des conséquences. Accepter que l'ont peut détruire parce que l'on a aimé, et que l'on a perdu. Accepter que l'on peut isoler, car on a aimé, et que l'on a peur de perdre. Accepter que l'on peut être perdu. Et qu'on a peur de le rester, car on aime comme jamais je ne puis aimer ce monde et ses peuples. Nouvelle pause. Tremblante. S'il vous plait... Vous n'êtes pas seuls. Nous sommes. Et nous devons rester. Pour chacun.

< Spleen


Quelqu'un, dans le temple. Allongée prêt de la source cachée de Mido, là où elle avait dû, chaque lune, entrer en contact avec son Dieu, la désormais ex-Prêtresse releva le museau. Respectant la foi des autres, elle ne se manifesta pas et resta en retrait, dissimulée dans la petite pièce derrière la fontaine. La voix qui s'éleva ne lui disait rien, mais n'étant pas là pour juger le discours de l'un ou de l'autre, elle se concentra sur ses propres prières. Depuis le nettoyage et la rénovation de la maison du Raptor, aucune âme n'était venue y prier. Ou du moins pas en sa présence, hors elle vivait presque ici. La mention solitaire la surprit, car elle n'avait connaissance d'un loup sans meute coincé sur le territoire des Lazulis depuis la création du Dôme de Mido. Sans doute s'était-il bien caché jusque là... Peu probable mais pas impossible après tout. Les Lazulis n'étaient plus très consciencieux dans leur vie de groupe, il était possible que l'information n'ai pas vraiment circulé. Finalement la curiosité l'emporta et elle écouta les mots plein de piété du loup inconnu. Une moue surprise passa sur le museau de la blanche, tandis qu'elle se demandait d'où ce loup tenait ses connaissances de la situation. Connaissances qui lui semblait erronées au passage. Les Dieux n'avaient jamais cessé d'être priés. Simplement des âmes perdues et innocentes avaient profanés les temples par jeux, et les adultes n'avaient pas su montrer le droit chemin à ces jeunes. Et quelques loups étaient en colère contre le panthéon, mais ne n'était pas la majorité. Le problème énoncé par les dieux étaient le manque de cohésion de leur meute, qui ne parlait plus d'une même voix quant à leur vision de la foi.

Lorsque le loup sortit pour hurler un appel qui résonna dans tout le temple et donc probablement dans les terres alentours, Spleen se redressa et passa son corps fin hors de sa cachette pour s'asseoir, sans un mot, dos au mur d'abord, pour écouter la mélancolie contenue dans le cri. Puis elle rejoignit le solitaire sur le parvis de la grotte du Raptor et écouta avec une pointe d'agacement. Qui était-il pour juger ? Il leur apportait certes nourritures et plantes médicinales comme s'il faisait la charité. Grand bien lui fasse, mais il n'avait pas été très observateur car ses paroles ne reflétait pas la totale réalité. Les trois temples avaient été soignés, de nouvelles idoles érigées, et les croyants n'avaient cessé de prier. Que croyait-il ce loup sorti de nulle part ? Avait-il une solution ? Vraiment ? De l'extérieur ? Qui dont était cet énergumène prônait l'amour et la paix entre tous ? Les oreilles de Spleen se redressèrent de curiosité, mais elle garda le silence. Ce loup venait d'au delà du Dôme. Y avait-il une brèche ? Une porte ? Un passage qui permettait de quitter cette prison verte ? Sur la fin, quelques remarques sarcastiques lui vinrent mais elle les retint. Nous devons rester ? Ou irions nous de toute façon ?  Ce n'est pas comme s'ils étaient emmurés... L'ex-Prêtresse observa les autres Lazulis présents, attendant de voir ce que d'autres avait à répondre à ce monologue utopique avant de laisser échapper son propre avis.

Shrine

★ Yersine
★ Mâle, Solitaire.
★ Aucun Glowstick.

Il était venu.
Contrairement à eux. Un choc peut être, de voir le silence des âmes s'installer à son appel. Etait-ce parce qu'il était solitaire ? Ou bien, sa présence en ce lieu présageait de ce qu'il voulait faire, à l'encontre de leurs volonté ? Personne n'avait cherché à le stopper. Personne n'avait daigné lui demander son identité, son origine, les raisons de sa présence. Non. Personne.
Car tout le monde s'en fichait.

Et il était venu. Apportant toute son amertume avec lui.
Emportant tout ses espoirs.
Et jusqu’à ses larmes.

- NON MIDO !

Il avait bondit vers le dieu, implorant. Il ne pouvait pas partir. Il ne pouvait pas disparaitre des mortels.

- Vous avez été le guide de ma famille. De mes ancêtres. Vous avez été le guide de bien des miens, de bien des leurs. Ne prenez pas les actions emplies de peur et de confusion comme une révélation ! Il y a à l'extérieur des loups qui aiment leurs dieux comme des enfants aiment leurs parents. Il y a des loups qui les idolâtres comme leurs héros et sauveurs. Ne partez pas ! RESTEZ !

Ses pas le firent trébucher sur sa statuette de raptor, que le dieu n'avait pas même daigné regarder ou apprécier. Elle ne se brisa pas. Pas comme lui était brisé. Il resta là, à terre, un instant, pour renifler toute son désespoir.

- Je vous en prie... restez...

Il se releva, essuyant d'un revers de patte les quelques larmes encore présentes.

- Je... Je refuse que les lazulis meurent par leur stupidité. Je refuse que vous les laissiez mourir sous ce dôme, comme des porcs dans l'enclos de l'abattoir. Je refuse qu'ils fassent de vous un meurtrier.

Et il plaqua ses pattes sur la statue, tous crocs dehors.

- REVENEZ !

Il avait échoué. Au fond de lui, il le sentait. Il le savait.
Il avait échoué.

Shrine

★ Yersine
★ Mâle, Solitaire.
★ Aucun Glowstick.

Souffle court. Non pas de son hurlement. Mais de cette étincelle qui était resté, accrochée à ses mots. Peut être que lui aussi, au fond, avait espoir que tout change. Sinon, pourquoi restait-il là, à écouter les déboires d'un solitaire plus qu'esseulé, perdu dans ses pensées moroses et amères ?

- Mido... je. Merci.

Il inclina la tête. Merci d'être revenu. Mais surtout, merci, du plus simple merci du monde, de veillez encore sur les pauvres mortels qu'ils étaient. De vouloir, d'une manière bien cruelle, les guider vers une décision, quand bien même cela signifiait son propre sacrifice. Merci. Juste. Merci.

- Je ne peux appuyer leurs décisions, ni même y prendre part. Je. J'ai eu tort, je le reconnais. J'ai été idéaliste autant qu'idiot de penser que les mots et les cœurs ouverts pouvaient faire cesser les querelles. Mais je refuse que vous en subissiez les conséquences.

Ils avaient toujours été là pour eux. Mido. Ao. Oui. Les deux gardiens de bien des membres de sa lignée. Et lui qui n'était Nécromancien que de rêve. Lui qui n'avait rien accompli de sa vie. Lui qui n'avait fait ni batailles, ni guerres, ni traités de paix, ni conseils. Lui qui était juste une âme perdue, un tâcheron dans la grande histoire des loups, de tous les loups, il se refusait à ce destin. Un destin où les dieux n'étaient plus qu'un mot, un écho, dans sa vie. Dans leur vie.

- Je ferais ce que je peux pour vous rendre votre gloire aux yeux des loups. Si ce n'est les Lazulis, alors ce seront les autres. Qu'ils contemplent l'intelligence que vous inspirez, les débats et les réflexions, les échecs et les réussites comme des avancées dans un sens ou un autre ; une évolution constante du savoir, de la pensée même. Qu'ils vous adore, vous aime, vous idolâtre, vous craigne ; mais la connaissance ne tombera pas dans l'oubli.

Il se retourna vers les quelques rares spectateurs de cette apparition divine, haineux, plus de leurs actions, de leur inaction, que de l'individu en soi.

- Et je vous prouverez que vous avez eu tort de penser vos glowsticks, vos pouvoirs, vos dieux, comme acquis et dû.

Il fit un saut, de son agilité naturelle, détente d'un chat face à l'oiseau chantant, pour mieux saisir de ses crocs la statuette lévitant. Pompon d'une foire, appât divin, ou simple preuve qu'il appréciait le don, Yersine retomba avec ce qu'il considérait désormais comme un mini autel à la gloire de l'Ancien. Un troisième œil pour mieux contempler ses efforts et la stupidité d'un monde.

Et il s'enfuit en courant, bousculant les pauvres hères qui s'étaient rassemblés là.