[Event d'Halloween] Une ouverture.

Suite directe de ce RP

Cela faisait longtemps que Joaquín n'avait pas cavalé comme ça.
Depuis qu'il s'était fait attraper par cette maudite patrouille en territoire Etelkru, sans doute.
L'intérêt était qu'ici, il avait un but, et qu'en prime ce dernier n'était pas trop loin.

Venant tout juste de s'extraire d'un mystérieux dôme à la gravitation somme toute bien singulière, le solitaire, passablement remonté et surtout bien décidé à en finir avec ces conneries de mondes parallèles et de visions à caractère hautement migraineux, avala en quelques secondes la distance qui le séparait de la faille pour s'arrêter à quelques mètres d'elle dans une gerbe de sable. Le souffle court, il prit quelques instants pour jauger la situation.

Il doutait clairement d'avoir fait quoi que ce soit susceptible de contribuer à cette subite distorsion de leur réalité. Mieux valait donc agir vite, de peur que la brèche ne disparaisse.
Problème était qu'il fallait savoir quoi faire. Il n'avait honnêtement pas envie d'aller se foutre dedans. Il y avait des limites à l'altruisme. Surtout à son altruisme à lui. Son altruisme qui en l'occurrence n'en était pas vraiment un : sa détermination à démêler cette histoire tenait bien plus du fait que les visions qu'il se coltinait depuis sa rencontre avec la créature lui bouffaient la vie qu'à un véritable désir d'aider son prochain. Ca, et l'agacement prodigieux que lui prodiguait la confrontation avec un phénomène qu'il ne comprenait pas.
Ce que tu ne comprends pas, détruis-le.
Heh. A croire qu'il n'était pas si différent de tous ces parias illettrés qu'il avait laissés derrière lui en quittant sa mère patrie, bien des années plus tôt.
Joaquín se balança d'une patte sur l'autre, indécis. A mesure qu'il s'approchait il lui semblait voir se dessiner derrière la lumière des silhouettes. Un monde couleur carmin.

Arquant légèrement le cou, il laissa tomber la griffe en argent qu'il avait dans la gueule. Elle alla s'échouer dans le sable, au milieu de quelques gouttelettes écarlates. Puis, s'asseyant pour garder son équilibre, il alla chercher l'autre griffe demeurée cachée sous son collier, et la laissa tomber aux côtés de sa jumelle. Toutes deux continuaient de briller d'un éclat singulier.
Se baissant de nouveau, Joaquín attrapa cette fois-ci les deux artefacts dans sa gueule, puis, après s'être avancé de quelques pas encore pour ne plus se retrouver qu'à un mètre de la brèche, il les cracha droit sur celle-ci.

Les deux griffes heurtèrent la faille, dans un cliquetis métallique.

Ils remuaient de l'autre côté.

Lewis pouvait les sentir, voir même les apercevoir en se concentrant bien, ces loups qui semblaient combattre celui-qui-mange-sans-faim. Pouvait-on seulement l'atteindre ? Leurs efforts semblaient vains, les échos plus nombreux que les réussites, car lui se tenait toujours là. La brèche était apparu, de même qu'un nouveau loup qui fait fini par pointer le bout de sa truffe. La pirate renifla le nouveau venu, se redressant autant que sa petite taille le lui permettait, avant de pencher la tête sur le côté pensive.

« — Tu ressembles à la louve qui s’est faite dévorée avec Limule, mais en moins… sauvage ? »

L'autre avait des allures de vraie brute, alors que ce loup là, semblait plus pacifique… du moins en apparence. Voyant que le loup aux teintes foncées tentait une action via des griffes étranges, la louve tenta de faire de même avec les accessoires qu'avaient laissé les loups un peu plus tôt.

(Lancé de dé)

Les accessoires ne semblaient pas avoir d’effet particulier. Quel dommage ! Tout cela semblait tellement mieux fonctionner tout à l’heure. La pirate fit une moue pensive, posant ses yeux mauves sur loup-bleu-qui-danse.

« — Loup-bleu-qui-danse, rien ne fonctionne ! Tu devrais essayer, t‘as l’air de bien t’en sorti avec les trucs bizarres. »

Lui-même était un peu étrange sur les bords… Lui qui hurlaient, faisait des dessins dans le sable ou s'amusait dans l'océan en faisant des gestes étranges... Probablement que ses actions bizarroïdes auraient plus d'effet, maintenant qu'une brèche s'était ouverte de leur côté.

Silence

★ Yersine
★ Mâle, Solitaire.
★ Aucun Glowstick.

Ok alors. Premièrement, tout s'était enchainé super vite. Deuxièmement, il commençait sérieusement à se demander si le sel marin ne lui montait pas à la tête. Je veux dire, vraiment ? Là où c'était trouvée la Chose, il lui semblait voir comme un relent d'espace-temps. Comme une vague légère et abyssale. Un vent printanier de changement. Ou bien une bribe de son imagination un peu morose de l'hiver. En tout cas, la louve, elle, continuait de chercher à gratter cette porte tel un chat à trois heures du matin, affamé et blasé. Et pourtant, rien ne semblait faire réagir cette pseudo-écorchure en scénarium. Il fallait, de toute évidence, réussir quelque chose en lien avec ce bric-à-brac qui ne cessait de tordre le continuum temporel.
Hurler n'avait servi à rien. Ni chanter, ni injurier. De manière générale, les vocalises n'avaient eu que peu d'effets. L'écriture et les échos sur les vagues non plus.

Il avait dû prier, et, de manière plus enthousiaste, penser. River si fort son esprit sur ceux des désespérés de l'outre monde, réfléchir si intensément aux paysages et au bonheur de leur propre monde, qu'ils en avaient fait vibrer le voile entre les deux ères. C'était peut être ça, la réponse.

Des griffes argentées furent jetées. Par un loup inconnu aux allures de boucaniers pas franchement urbain. Suivi des accessoires -putain je sais pas lesquels- des dévorés de la plage. Mais, sur l'instant, rien ne semblait faire réagir cette minuscule aberration qu'ils cherchaient à ouvrir. A vrai dire, Yersine n'était pas certains que la pollution environnementale soit le trigger du monde rouge.

S'ils avaient vaguement trouvé le moyen de communiquer, et même d’appeler un portal-uber pour le monde à l'envers ; la solution quant à son ouverture et son passage restait en suspens. Il coucha une oreille, dépité. Comment, bordel, pouvait-on passer ce portail sans l'aide d'une des monstruosités ? Et puis, surtout, comment savoir si derrière ce linceul, un Chatouille ne s'y trouvait pas ? Ou un quelconque autre bestiau assoiffé de chair, de poils et de plumes.

Mais les encouragements de l'enfant lui firent penser que, finalement, foutus pour foutus, ils pouvaient bien abandonner les autres à leur sort tenter tout et n'importe quoi. Alors, il recouvrit de son écharpe, la même qui avait jetée sable et coups de fouets au monstre, les accessoires jetés négligemment au sol. Saisissant l'un de ces bandages ensanglantés, précédemment appliqué sur les quelques blessures reçues, il en nouant un sac. Et, pour faire bonne mesure, répéta l'opération avec celui qui ornait la patte de la jeune femelle. Peut-être que le lien ainsi fait entre ce monde et le leur ; entre eux, de par le sang et leurs objets, ferait réagir l'entrée ?

Il posa finalement sa patte sur le paquet cadeau, invitant les autres à faire de même.

- Shazam ?

< Geb ;


Alors que la gravité s'affolait subitement sans raison et le poids qu'il exerçait sur le monde s'évapora comme neige au soleil, le guerrier Etelkru avait vu le loup noir, bien plus malin qu'eux visiblement, s'enfuir de manière plutôt audacieuse. Bien spur, Geb grogna furieusement quand le solitaire s'en prit à sa fille une nouvelle fois, alors que son état fébrile était assez inquiétant comme ça ! Il avait vainement essayer de nager dans l'air, de battre de sa longue queue reptilienne d'hybride pour ne gagner que quelques centimètres et voir l'autre se carapater. Quelques mètres plus loin, la nature reprenait ses droits fondamentaux et libérait l'étranger. Il lui fallait donc aller par là-bas au plus vite pour ne pas le laisser s'en sortir ainsi. Le disciple d'Aka activa son pouvoir, se demandant si peut-être, en abaissant la température de ses fluides corporels, il pourrait descendre vers le sol, mais cela fût sans effet et il fût bien forcé de rester là, à attendre que la gravité revienne à ses valeurs habituelles. De là, après avoir lourdement chuté sur le sol sec de la brousse et vérifier que Sokaris allait bien, il avait pu partir au triple galop sur la piste du solitaire. La fatigue rendait ses foulées plus lentes et son pas plus lourd. L'âge faisait son souffle plus saccadé aussi. Il fût bien content de constater que finalement le mâle noir n'était pas loin, et qu'il s'était arrêté vers la plage, en compagnie d'autres parias. Vu les odeurs, probablement des pirates. Ainsi donc l'étranger était allié à la fois à cette folle meurtrière à la coiffe de plumes et aux Raeders. Geb gronda en arrivant, avant de se taire brusquement.

Une fente rougeoyante, comme des braises chaudes, semblait tordre l'air. Il s'en dégageait une impression de malaise. Il n'aimait pas ça. A coup sûr, c'était encore une sale manigances de ces pilleurs des mers ! Après leurs sacrifices et les vols des pierres précieuses qu'ils avaient appelés cœurs des îles, plus rien ne l'étonnait venant de cette bande de loups fourbes et mauvais. Voir que les plus dangereux des solitaires leur étaient alliés était plutôt inquiétant ! Il lui faudrait faire un rapport au plus vite à ses Meneuses.

« C'est quoi ça ? »

Aboya l'Etelkru, tout crocs dehors, poil gonflé et queue dressée fièrement.

C'est avec satisfaction que Joaquín vit la brèche s'agrandir, une première fois lorsque les griffes la heurtèrent, puis une seconde quand de nouveaux loups — dont il n'avait même pas remarqué la présence, trop concentré qu'il était sur son objectif – y jetèrent d'autres objets, dont il supposait qu'ils appartenaient aux autres loups présents de l'autre côté.
Son coeur s'accélérait, à présent. L'air était comme électrique, et il sentait que le dénouement était proche.

Alors qu'il était immobile, comme hypnotisé par cette faille qu'il ne comprenait pas, une voix à ses côtés lui fit baisser les yeux. Une petite louve le regardait avec intérêt, et il plissa les yeux, perplexe. S'il n'avait saisi qu'une partie de ses propos, n'ayant attrapé sa phrase qu'en cours de route, elle semblait l'assimiler à quelqu'un d'autre. Quelqu'un qui aurait pu être de l'autre côté de cette brèche. Arquant un sourcil interrogateur, il plissa le nez. Il doutât sincèrement que quiconque venant de chez lui soit également présent sur ce continent, dans la mesure où ce dernier n'était connu que de très peu de personnes, appartenant par ailleurs toutes à son cercle familial. Néanmoins, les connexions se faisaient peu à peu dans son esprit. Voilà plusieurs fois déjà qu'on lui tenait des propos incohérents — il n'y avait qu'à voir les âneries que le vieux loup reptile, qui venait d'arriver à sa suite, lui avait débité quelques minutes plus tôt lors de leur altercation à la Savane – et qu'on l'assimilait à un autre. Etait-il possible que quelqu'un sur ces terres lui ressemble assez pour qu'on les croie liés et qu'on l'accuse à tort d'actes que l'autre aurait pu commettre ? L'air dubitatif, il leva de nouveau les yeux vers la faille, mais celle-ci était trop distordue pour qu'il y voie quoi que ce soit pouvant corroborer cette idée.
Elle était distendue mais elle était ouverte, et pourtant personne n'en sortait.
Les babines de Joaquín tremblèrent. Qu'attendaient-donc ces crétins pour sortir de là ?

Un autre loup, également présent à son arrivée, commença à rassembler les divers accessoires censés maintenir la faille ouverte au moyen d'une écharpe et de bandages. Il baragouina quelque chose que Joaquín ne comprit pas, les enjoignant visiblement à poser leur patte sur son paquetage comme il venait de le faire. Perplexe, le mâle noir le regarda sans mot dire, ne sachant trop quoi faire.
Si tout laisser penser que suivre l'idée de l'autre était pour le moment la meilleure chose à faire, le solitaire était de nature méfiante et peu conciliante. Peu porté sur le mystique et encore moins sur l'ésotérisme, il ne voyait pas en quoi poser sa patte sur des objets pourrait en quoi que ce soit aider à maintenir la faille ouverte. Son esprit refusait de plier à la volonté de ce monde absurde où des créatures hideuses vous boulottaient pour vous envoyer chez elle pour vous y reboulotter ensuite et où des Dieux stabilos prenaient leur pied à être vénérés par des clampins hystériques et potentiellement racistes — c'était quoi cette idée de dire que tous les étrangers avaient la même tête, hein ? D'OU il était forcément avec l'autre personne qui lui ressemblait vaguement, HEIN ? TOUS LES LATINOS AVAIENT LA MEME GUEULE C'EST CA ?

Il n'eut pas la possibilité d'hésiter bien longtemps, puisqu'il fut de nouveau cloué sur place par une vision venue de l'autre côté. De nouveau dans la peau de l'autre solitaire, il faisait face à une copie conforme — à deux yeux près – de la créature qui les avait attaqués quelques jours plus tôt. Loin de faire route vers la faille pour s'arracher au Monde Rouge, il semblait bien décider à régler son compte au monstre, non loin duquel se trouvait la femelle au pelage sombre, visiblement dans un sale état. Consterné par le sens des priorités visiblement peu efficace de ces gueux sans le moindre PC d'ingéniosité, et leur manque visible de gratitude quant aux efforts que lui et ses collaborateurs d'un soir fournissaient dans l'espoir de les faire revenir dans leur réalité, Joaquín lâcha un grondement agacé. Son poil se gonflait et il se sentait pris d'une colère sourde.
Il s'arracha à la vision et se tourna vers la faille. Il n'avait clairement pas envie de s'approcher de cette merde.
Et pourtant.
Et pourtant son coeur continuait de battre la chamade, toujours plus affolé, et l'adrénaline courrait dans ses veines, floutant rapidement la cohérence à laquelle il tentait de se rattacher, et il sentait l'excitation qui crépitait dans son corps, fusait dans ses pattes comme une salve de petits éclairs, et, putain ! Joaquín n'avait jamais été altruiste.
Mais Joaquín avait toujours fait preuve d'un comportement particulièrement auto-destructeur.

Se dirigeant d'un pas rapide vers le loup maigrichon, il attrapa l'un des pans de son écharpe dans sa gueule, se saisissant des griffes métalliques emmaillotées dedans par la même occasion, et sans un regard en arrière fonça droit dans la faille.


La lumière était éclatante, et il dut fermer les yeux tandis qu'un intense flash blanc semblait l'absorber. Un instant plus tard, il se trouvait de l'autre côté, dans ce monde infernal dont il avait bien trop rêvé et qu'il avait passé ces derniers jours à fuir comme la peste. Il avait l'impression de baigner dans une immense mare de sang. Le poil hérissé, il vit qu'une fois de plus l'autre Solitaire s'en prenait à la Bête, visiblement affaiblie. Une part de lui lui hurlait de se jeter à corps perdu dans la bataille, en dépit de l'effroi indicible que cette Chose suscitait chez lui.
Mais la toute petite portion qu'il lui restait d'esprit rationnel lui intimait de rester là, planté comme un connard sacrément remonté devant cette maudite faille, créant grâce à son paquetage un hypothétique lien renforcé vers l'extérieur. Ralentissant la dégénérescence du pont vers le monde réel.
Sans pour autant lâcher ce qu'il tenait dans sa gueule, il lança un aboiement rauque en direction des autres, sans savoir s'ils l'entendraient.

Bougez-vous le cul, putain.

Silence

★ Yersine
★ Mâle, Solitaire.
★ Aucun Glowstick.

Il n'eut pas le temps d'apprécier l'ouverture de la brèche, de comprendre enfin qu'ils étaient libres. Eux, les dévorés. Les tourmentés. Non. Il n'eut qu'un bref instant de paix, quand une ombre massive bondit entre lui et le trou béant du Mordor. Un être de muscle et poil, vrombissant de colère, pour mieux disparaitre dans les méandres de l'outre monde

- Attends !

Son cri se mua en alerte, en inquiétude. D'un coup de croc, il chercha à retenir la queue, en vain. Il ne mordit que la poussière élancée par le bond du solitaire d'ébène. Alors, comme d'un bloc, d'un sursaut de stupidité, il bondit avec lui, cherchant à le rattraper, le protéger. Comme un escargot cherchant à faire rentrer l'aigle dans sa coquille. Une idée vaine. Saugrenue. Une idée de Yersine.

L'odeur âpre du sang et du sel le frappa de plein fouet. Il recula d'un pas, manquant de retomber dans la brèche, devant la décadente splendeur morbide des environs. L'étranger était là, non loin. Ainsi que d'autres loups. Ceux de la plage, entre autre. Et des monstres. Nombreux. Cavalant vers eux de leurs mains simiesques. De leurs yeux invisibles, et de leurs soudaines bouches voraces.

- Venez, vite !

Son hurlement avait déchiré sa cage thoracique, expirant le moindre centimètre cube d'air. Un cri comme rarement il avait poussé. Car le danger était si présent, si palpable, qu'il se sentait la paralysie gagner. Un danger inévitable. Inarrêtable. Immortel. Quelque chose qui s'encrant dans sa chair sous les cicatrices et le poil, sous la tétanie et la panique.
Ils allaient mourir s'ils restaient là.
Mourir. Partir à jamais.

Sans un au revoir.
Aucun.
Ni à lui. Ni à elle.

Alors, comme soudainement mué par la conviction de les revoir, il bondit, tel un lapin sur la route, dans un demi tour parfait. Ses pattes avant se posèrent dans la brèche, sur un sable frais et beige, et il roula boula sur la plage, ne relevant la tête que pour espérer apercevoir les silhouettes des disparus.
Et uniquement eux.

La queue recourbée de Lewis remua légèrement, ses yeux observant la brèche.

Finalement, Kéran en ressortit — à quel moment avait-il été mangé lui aussi, telle était la question — suivit de Limule. Un sourire vint étirer les babines de la jeune louve qui fut ravie de revoir son aînée en meilleur état qu’au moment de son départ. Celui-qui-mange-sans-faim semblait écroulé, l’avaient-ils abattu ? Quel dommage, il aurait pu être un ami intéressant.


« — Limule ! »
« — Y’en a qui se pointent comme des fleurs… »

Poe croassa doucement, visiblement indifférent à la scène qui se passait sous ses yeux. L’un des loups s’était engagé dans la brèche, alors que Loup-bleu-qui-danse avait tenté de l’en empêcher. Hum, étais-ce si dramatique après tout ? Probablement que tout était plus intéressant de l’autre côté, avec encore plus de danger.

« — C’est bon de te revoir ! T’as pas l’air en trop mauvais état, Creek ne viendra pas me voler dans les plumes. »

Limule vint récupérer son accessoire avant de finalement s’élancer vers Kéran qui lui n’était clairement pas en bon état. Aïe, le capitaine en prenait un coup ! Quiconque souhaitant le défier à ce moment là aurait probablement eut toutes ses chances au vue de l’état de la loque raeder. La mauve suivit les siens, sans réellement intervenir, préférant laisser cela à Limule.

La lumière fut aveuglante de l’autre côté.

Oxomo ressortir de la brèche, un petit comité d’accueil se tenant là. Avec dégoût, la louve boitilla pour s’éloigner de cette brèche des enfers, avant que finalement ses yeux rouges ne remarquent un objet qui lui appartenait. Son casque ! La solitaire s’en saisit avant de le reposer sur son crâne, serrant les crocs à cause de sa respiration difficile. Sa queue féline remua, parfaitement détendue alors que sa mort ne s’était joué qu’à un poil, c’était tout elle ça. La louve étudia rapidement les loups présents, aucun digne d’intérêt, aucun qui ne l’intéressait.

Avec mépris, l’assassin se détourna du groupe, avant de partir à l’opposer en boitant. Le combat avait été intéressant, mais désormais, chose plus intéressante encore l’attendait. Il était temps pour elle de retrouver la seule adversaire digne d’intérêt, la seule qui méritait son intérêt. La louve bleue devenait l’objectif d’Oxomo qui s’en occuperait après un peu de repos, le temps de laisser les blessures cicatriser.

Pepper serait le dernier combat d’Oxomo, son dernier acte sur Punk Wolf. Les yeux rouges de la louve brillèrent dans l’obscurité, alors qu’elle dévoilait ses crocs.

« — Prépares-toi, petite reine, le combat approche et il n’y aura qu’une seule gagnante. »

Il ressentit la même impression de décalage et d'éblouissement que lorsqu'il avait traversé cette première faille.
La lumière brûla ses rétines, car le ciel était d'une clarté frappante. Sous ses pattes, le sable humide semblait différent, plus réel, plus... accueillant. Il cligna des yeux doucement, s'adaptant à l'exposition ambiante. L'air n'était pas très chaud, pourtant il se sentait baigné d'une douceur indescriptible qui contrastait violemment avec la fraîcheur glaciale de l'équivalent rouge et déformé de cette plage. La brise porteuse d'embruns salés caressa ses mèches collées par le sang, s'engouffra dans ses narines. Pour la première fois depuis plusieurs heures, il avait l'impression de réellement respirer.

Alors que sa vision se précisait, de nombreuses silhouettes commençaient à s'imprimer dans ses yeux. Il n'était pas seul sur cette plage.
Évidemment, il y avait ceux qui s'étaient échappés du monde rouge. La petite louve blanche, le mâle brun en piteux état, une louve mauve et inconnue qui s'était rajoutée à leur petit groupe. La louve noire à la chevelure rouge s'était rapidement éloignée, et il y avait aussi une autre silhouette, vaguement familière. Le guerrier reptilien.
Justice émit un grondement faible. Il se sentait presque flotter sur cette plage si banale, mais surtout l'épuisement s'abattait sur ses épaules et il prenait de plus en plus conscience de l’état pitoyable dans lequel il devait être. La fraîcheur naturelle et la sensation des éléments du monde qu'il venait retrouvé filant sur son corps lui firent remarquer à quel point chaque fragment ramené de cet enfer était sale et vicié. Ce sang brun et putride collait à ses crocs et à son poil, une légère douleur émanait de tout son corps éprouvé, plus particulièrement de son épaule blessée.
Sans réellement faire attention à toutes ces âmes rassemblées autour des survivants, Justice fit un demi-tour sur lui-même, tournant le dos au continent et faisant quelques pas vers la mer, le regard flottant.

Ses pattes s'enfoncèrent dans l'eau qui venait lécher la côte, laissant un nuage rouge et vaporeux se diffuser dans l'écume quand une partie du sang se détachait de lui. Il s'avança dans l'eau jusqu'aux épaules, laissant les vagues s'abattre autour de lui.
Hier encore, il aurait hésité avant de s'approcher d'un corps d'eau aussi vaste. Il avait toujours soigneusement évité la mer, ne l'observant que de loin d'un air un peu rêveur.
Mais il en avait désormais côtoyé les profondeurs, dans un monde certes différent, mais il était persuadé que cela n'avait rien d'un rêve ou d'une plaisanterie et qu'il aurait bel et bien pu laisser sa peau là-bas.

Geb ;


Bien sûr, personne ne prit la peine de lui répondre, personne ne prit même la peine de faire attention à lui, l'Etelkru parmi tous ces solitaires. Dans un coin de sa tête, l'idée que c'était une bonne chose qu'on ne le remarque pas trotta un instant. Après tout, il était en minorité à un contre trois... Sokaris n'ayant pas suivi jusqu'à la plage. Il en était soulagé, sans doute était-elle enfin rentrée. C'était mieux ainsi, elle devait se reposer pour se remettre correctement. Lui aussi aurait dû rentrer se reposer, mais Horus avait disparu et trop de coïncidences dans les paroles du noiraud le reliait à ce qui était arrivé à son enfant. Tel un lion en cage, le guerrier au glowstick rouge tourna autour de l'éclectique petit groupe et de cette chose étrange qui vibrait d'une énergie malsaine, crevant l'air d'une lueur inquiétante. Geb observa leurs drôles d’interactions, persuadé soudain qu'il y avait bien une coalition entre tous ces parias. Les Solitaires étaient réputés pour être nombrilistes et peu enclin a s'entre aider. Il était clair qu'ici, celle à l'odeur de sel, l'étranger et le bleu travaillait en équipe pour faire quelque chose de cette faille dans l'atmosphère. Puis quelque se passa, comme si la situation n'était pas déjà assez incompréhensible... Le solitaire qu'il avait suivi jusqu'ici se jeta contre l'espèce de trait de lumière rougeoyant et... Y disparut. Quelques instants plus tard, un Raeder le remplaça soudain sur le plage comme apparu de nul part... Puis une autre... Puis d'autres loups... Qu'ils connaissaient déjà bien trop à son goût.

Oxomo, la tueuse de son frère s'échappa de cet espèce d'autre monde, dans un état assez piteux pour que Geb soit prêt à se jeter sur elle sans sommation. Ainsi il avait eu raison, les parias avaient formés une coalition et s'entraidaient ! Une grondement rauque explosa entre ses crocs lorsqu'il bondit vers la louve qui déjà, fuyait vers d'autres horizons. Celui qui sortit de la faille attira toutefois son attention, parce qu'également, il l'avait déjà rencontré dans des circonstances autrement moins sanglantes et haineuses. Lui aussi ? Tous les solitaires s'étaient donc donnés (rendez-vous ? Bordel ! Et son fils qui n'apparaissait pas... Pourtant l'autre copain de l'emplumée avait dit qu'Horus était là-bas aussi... L'angoisse le reprit, balayant la colère bouillonnante qui l'aurait fait égorger la louve aztèque sans une once de pitié. Il revint en arrière, s'approcha de la faille, sentit les odeurs peu agréables qui s'en dégageaient et fixa chacun des solitaires et des pirates. Il n'avait pas peur d'eux, il ne craignait rien si ce n'est de ne plus pouvoir revoir son fils. L'espoir rendu par le loup noir à la brousse lui brûlait la poitrine douloureusement. S'il y avait une mince chance pour que son petit dernier soit toujours en vie... Il se devait de la saisir. Alors Geb aboya à l'encontre de ces loups qui déjà s'occupait chacun d'eux-même, oubliant pour une fraction de seconde qu'ils n'étaient tous que des ennemis :

« Horus, vous avez vu Horus ? Il était avec vous ? »

Puis il se tourna en tout sens, ne trouvant pas celui qu'il avait suivi jusqu'ici, ni l'autre solitaire au pelage sombre qui l'avait suivi dans... Ce truc... Ne sachant trop ce qu'il y avait de l'autre côté de cette brèche dans la réalité. C'était trop dingue tout ça... Qu'y avait-il là-bas ? De l'autre côté de cette porte ? L'autre monde ? Autre chose ? A défaut, c'est vers l'autre noiraud aux griffes d'argent, le solitaire violeur de frontières et trop curieux que le membre du Heaume Etelkru se dirigea, le poil gonflé et le museau froncé.

« Toi ! L'amateur de lumière, as tu vu un jeune loup beige à la crête blanche ? As-tu vu mon fils, là bas ? »

Réponds solitaire. Je peux encore faire un tapis de ta pelisse, disait son regard d'or.

Un nouvel éclat de lumière, bien trop intense pour qu'il ne ferme pas les yeux, et puis soudain, l'embrun de la mer.

Il faisait frais et humide, mais sentir la brise chargée de sel s'engouffrer dans son épais pelage lui apparut comme la plus belle des délivrances. Lorsque Joaquín ouvrit de nouveau les yeux, il était de nouveau dans son monde à lui. Et la faille derrière lui n'était plus.
Sa gueule lui faisait mal et il se rendit compte que ses mâchoires étaient toujours aussi crispées. Desserrant son étreinte, il laissa tomber le pan d'écharpe qu'il tenait dans sa gueule, et se sentit soudain envahi par une profonde lassitude. Il semblait que le mal de crâne qu'il se coltinait depuis des lunes était enfin parti. Cependant, son esprit semblait toujours embrumé, et, bon sang ! Ce qu'il aurait donné pour un bar, en cet instant précis.

Autour de lui, il y avait des retrouvailles, des départs. Tant de silhouettes confuses sur lesquelles son regard usé se promenait sans jamais s'arrêter, sans jamais les voir.
Il était toujours en colère.
C'était une bonne chose : la seule, à vrai dire, qui le séparait de l'épuisement le plus total. Lorsqu'il envisagea de partir, peu désireux de s'éterniser sur les lieux, ses pattes frôlèrent son paquetage, et il baissa le nez. Ces foutues griffes étaient toujours là.
Joaquín, luttant pour rester conscient de tout ce qui l'entourait, regarda autour de lui, pour finir par apercevoir le solitaire de la Savane, seul face à la mer, tel un Calogero éploré dont il ne serait en aucun cas le Passi. Solitaire vite rejoint par le loup-croco teigneux qui l'avait sérieusement emmerdé un peu plus tôt, et semblait toujours fermement décidé à agresser gratuitement tous ceux qui se présentaient à lui, sans jamais faire preuve de la moindre des politesses.
Un soupir contrit gonfla la poitrine de Joaquín, qui se dit qu'il aurait mieux valu pour lui qu'il profite de la distraction du loup blanc pour se carapater rapidement et rallier son Terrier du moment. La tentation était grande.
Mais Joaquín n'était pas un lâche. Il lui restait une dernière chose à accomplir avant de tirer un trait définitif sur toutes ces conneries.

Il se baissa pour attraper les griffes dans sa gueule, essayant cette fois-ci de ne pas se couper avec ses dernières, puis se dirigea d'un pas rapide vers les deux mâles. Là, il cracha sans la moindre élégance son colis aux pattes de son propriétaire, avant de darder ses yeux jaunes sur ceux de l'autre.

— T'as perdu ça, lâcha-t-il sèchement.

Puis sans un mot de plus, il fit volte-face, et s'éloigna d'un pas raide le long de la plage.

La voix rauque et agressive qu'il reconnut comme celle de l'hybride le tira de la bulle de silence qu'il s'était créée.
Justice se retourna, plantant son regard crépusculaire dans les yeux dorés du guerrier. Ses babines frémirent, prêtes à dévoiler pour la énième fois les crocs luisant de sang noir. Mais voir l'inquiétude farouche briller chez l'adversaire, à des années lumières du regard sans vie de la Bête sans visage, retint suffisamment son irritation pour ne pas laisser escalader l'échelle de la violence.
S'il y avait beaucoup de choses que Justice ne pouvait comprendre, ne les ayant jamais vécues ou appréhendées dans son ancienne vie, son cœur n'avait pas été suffisamment teinté de haine pour que l'idée d'un père désirant ardemment retrouver son fils en danger ne lui paraisse inaccessible.

Il garda donc ses canines sagement gardées sous la peau noire de son museau, se contentant de fixer Geb d'un air intransigeant. Le torrent de sang à demi-séché envahissant son encolure et son poitrail qui refusait de se décoller entièrement de son poil était suffisamment éloquent pour montrer au loup de clan de quoi lui aussi, le solitaire, pouvait être capable.
Sa voix grondante et lasse s'éleva, vibrant dans sa gorge.

— Je n'ai pas vu ton fils. Pas ici.

Sa langue passa sur ses babines, ramenant un goût désagréable dans son palais. Il se remémora les failles qui permettait de changer d'endroits -tous ces groupes séparés, ceux qu'avait mentionné la louve ailée.
Elle qui avait justement parlé d'un loup beige en difficulté. Justice n'aurait pas fait le rapprochement avec Horus, s'il n'avait pas eu sous les yeux son père clamant sa disparition.

— Mais il y avait d'autres loups... A un cimetière.

A peine eut-il fini de parler qu'une ombre noire apparue dans son champ de vision, se rapprochant vivement d'eux. Le son de nouvelles pattes brisant avec précipitation le clapotis de l'écume lui révéla la présence de l'autre solitaire, celui de la savane, sorti de la faille à son tour.
Ses prunelles électriques, froides et sévères, s'accrochèrent aux siennes un instant.
Lâchant ce qu'il tenait dans la gueule en même temps qu'une phrase courte et sèche, le loup noir tourna aussitôt les talons pour rallier la plage.
Il l'observa quelques secondes s'éloigner à grands pas avant de baisser les yeux sur ce qu'il avait rapporté à ses pattes.

Miroitant d'une douce lueur sous la fine épaisseur d'eau, l'argent de ses deux griffes manquantes brillait faiblement. Elles n'avaient donc pas disparu quelque part dans l'univers de ces monstres, donc. Elles étaient tombées avant sa disparition - et l'inconnu de la Savane les avait ramassées. Et gardées jusqu'à les lui ramener.
Ses yeux restèrent fixés un certain temps sur cette vision du métal caressé par les remous qui n'était pas sans lui rappeler cette perle des profondeurs. Plusieurs pensées entremêlées flottaient dans son esprit, indécises, ses pupilles captivées par le métal orné ne parvenant à s'en détacher. Ne parvenant à décider qu'en faire.

Se penchant doucement en avant, Justice effleura la surface de l'eau et sa gueule s'ouvrit légèrement pour se saisir du paquetage empli d'eau salée. Il extirpa les griffes du ressac, ses yeux s'accrochant un court instant sur Geb. Il n'avait rien de plus à lui dire. S'il cherchait tant à retrouver Horus, il savait désormais où aller - et avec un peu de chance, il aurait la présence d'esprit de ne pas s'attarder ici. Se détournant sans un mot supplémentaire, Justice rallia le sable à son tour, suivant à pas lents les empreintes à moitié effacées par les vagues du mâle sombre.

< Geb ;


Un cimetière ? Horus avait disparu au cimetière, sous la supervision de Clou. Hors ces loups là étaient tous sortis de cette brèche dans l'air. De l'autre côté il y avait aperçu une espèce de plage, grise et à l'océan rouge sang. Y avait-il un lieu similaire dans cet autre monde qui ressemblait tant à l'île fantôme ? L'espoir avait tracé un sillon de feu dans sa poitrine. Le vieux guerrier avait beau être épuisé physiquement et mentalement, il ne pouvait perdre une minute de plus, il ne pouvait attendre de savoir. S'il y avait une faille ici, il y en avait peut-être aussi une là où son rejeton avait disparu, mangé par cette chose monstrueuse. Sans un mot de plus, sans même un regard pour ce solitaire qui déjà s'en allait rejoindre ses comparses, l'hybride puisa dans ses dernières ressources pour partir en arrière, courir, retraverser les terres, longer la côté aussi vite qu'il le pouvait et espérer -s'il ne mourait pas d'épuisement ou de folie en route- revoir son fils plusieurs heures plus tard. S'il y avait une infime chance... Il devait la saisir. Alors le vieil Etelkru pria Aka de toute son âme pour avoir la force et l'endurance de tenir jusque là, jusqu'à ce qu'il retrouve Horus. Sans savoir, qu'en contrepartie de ces retrouvailles, c'est sa cadette qu'il perdrait...